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Les amas coquilliers de la côte brésilienne : paléoenvironnement et paléoethnologie des pêcheurs-cueilleurs-chasseurs

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Academic year: 2021

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Environnement, Sociétés, Espaces

Recherche environnementale en Am érique du sud

Les amas coquilliers de la côte brésilienne :

paléoenvironnement e t paléoethnologie des

pêcheurs-cueilleurs-chasseurs

Rita Scheel-Ybert (UMR 5059 - Laboratoire de Paléoenvironnements, Anthracologie et Action de

l’Homme)

Les vestiges les plus anciens d 'o ccu p a tio n du littoral brésilien sont les sambaquis, des amas coquilliers construits par des populations de pêcheurs-cueilleurs-chasseurs qui ont habité la plus grande partie de la cô te pendant au moins toute la deuxième moitié de l'Holocène. Les sédiments archéologiques sont constitués, en majeure partie, par des coquilles de mollusques, alternant fréquem m ent a ve c des couches sableuses. Leur principal trait distinctif est le fait de réunir au même endroit des témoins d'habitation et des sépultures. Ces sites sont établis en bordure de la mer et des lagunes, sur des secteurs où le littoral est découpé, à l'intersection de plusieurs milieux écologiques.

Un nouveau courant de l'archéologie brésilienne pense que ces amas coquilliers correspondraient non seulement à des lieux d'habitation mais aussi à des « monuments » destinés à marquer le paysage ; l'unité de population était probablem ent le groupem ent de sites. Cela impliquerait des populations sédentaires dotées d'une organisation socioculturelle relativement com plexe.

Jusqu'à présent les connaissances à propos de ces populations portaient essentiellement sur leur relation a ve c le milieu animal. Car la mauvaise conservation des restes végétaux n'a jamais permis une appréhension valable de la paléovégétation. C ependant ces sites renferment presque toujours une grande quantité de fragments de charbons de bois. Leur étude nous a permis une a p p ro ch e inédite du paléoenvironnem ent dans lequel s'inséraient ces populations, ainsi qu'une importante a p p ro c h e paléoethnologique concernant l'utilisation du bois et l'alimentation.

Les résultats concernant deux secteurs du littoral brésilien sont présentés ici : sept sambaquis étudiés sur le littoral sud-est, dans l'État de Rio de Janeiro, et un sambaqui dans l'État de Santa Catarina, au Sud.

La cô te sud-est de l'État de Rio de Janeiro se caractérise par un grand éventail d'associations végétales, dont les plus importantes sont :

- la restinga, typique du littoral brésilien, qui com prend une mosaïque d'associations végétales avec des physionomies diverses, allant d'une formation ouverte (avec des herbacées et des arbustes souvent organisés en buissons) à la forêt de restinga ;

- ia m angrove ;

- la « forêt sèche », typique des massifs côtiers de C abo Frio et Arraial do C abo ; - et enfin, plus vers l'intérieur des terres, la Forêt Atlantique.

Une région dans un milieu stable : la région de C a b o Frio

Les quatre sites étudiés dans la région de C abo Frio se situent à l'em bouchure du Canal de Itajuru, qui relie la Lagune de Araruama à la mer. Le Sambaqui Ponta da C abeça, à Arraial d o Cabo, se situe sur une petite colline d'environ 40 m d'altitude, à proximité de la plage. Les Sambaquis da Beirada et da Pontinha sont situés au bord de la Lagune de Saquarema.

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L'analyse anthracologique a montré que l'assemblage taxonomique est sensiblement le m êm e pendant toute l'occu pation préhistorique, entre environ 5500 et 1400 ans BP. Cette région présentait un milieu stable dere stin g a et de forêt sèche, avec la présence de la mangrove (Scheel-Ybert 1998, 2000).

Les myrtacées, typiques de la végétation de restinga, sont dominantes dans tous les sites. Dans les sambaquis Salinas Peroano et Boca da Barra, actuellem ent situés dans le dom aine phytosociologique de la forêt sèche, les taxons forestiers étaient prédominants pendant toute l'occupation. Les sambaquis d a Beirada et d a Pontinha, qui sont actuellement dans le dom aine de la restinga ouverte, présentaient une p répon d é ra n ce de taxons de cette formation végétale. Les Sambaquis do Forte et Ponta d a C a b e ç a , situés à cô té de la plage mais proches de la forêt, présentaient un milieu intermédiaire. Dans le Sambaqui d o Meio, seulement quelques micro-fragments de charbons anciens ont é té trouvés; ils indiquent la présence d'une végétation de restinga, proche du site, autour de 5200 ans BP. Les spectres anthracologiques reflètent donc très bien la végétation locale. Cela a été confirmé par des analyses factorielles des correspondances, sur lesquelles se sont appuyées toutes les interprétations paiéoenvironnementales.

L'assemblage anthracologique étant pratiquement le même au long de plusieurs siècles d'occupation, cela indique que la végétation n'a souffert d'altération ni d'origine clim atique ni d'origine anthropique.

Variations significatives : la végétation d e m angrove

Les seules variations significatives qui ont été trouvées concernent la végétation de m angrove. Sur le Sambaqui d a Ponta d a C abeça, à Arraial do Cabo, les éléments d e m angrove augm entent significativement dans la partie supérieure du diagramme, à partir d'environ 2000 ans BP. Cette augm entation peut être due à une réelle augmentation de la m angrove dans l'environnement, ou alors, ce qui n'invalide pas la première hypothèse, à un accroissement de la population dans le sambaqui. En effet, les 30 cm supérieurs du sam baqui sont considérés par les archéologues com m e représentant l'a p o g é e d e l'occupation, ce qui a pu entraîner une extension de l'aire de ramassage du bois.

De toutes les façons, la présence d'éléments de mangrove dans ce site est très importante, puisque c e tte végétation, qui se trouvait probablem ent aux bords de la Lagune de Araruama, n'existe plus dans le secteur.

Dans la région de C abo Frio, cette évolution s'explique par des variations de salinité dans la Lagune de Araruama, liées essentiellement à des variations de la pluviosité locale. Nous avons pu corréler les courbes d'évolution de la m angrove avec la courbe de variation isotopique des carbonates de la Lagune de Araruama établie par Tasayco-Ortega (1996). Des faibles salinités ont été enregistrées avant 5000 et entre 2300 et 2000 ans BP ; elles correspondent à des périodes où la mangrove est bien d é ve lo p p é e . La période de forte salinité lagunaire entre 5000 et 2300 ans BP, liée à un climat plus sec, correspond à une forte diminution de la mangrove.

La stabilité de la végétation de terre ferme est apparem m ent en contradiction avec les variations climatiques décelées à partir des oscillations de la mangrove, mais cela est une conséquence du ca ra ctè re édaphique de la végétation côtière, qui n'est vraisemblablement pas influencée par les changem ents climatiques, tout au moins de façon significative.

Ce travail nous a permis aussi de faire quelques considérations paléoethnologiques (Scheel-Ybert 1998, sous presse).

Considérations paléoethnologiques

La grande diversité floristique des charbons des sambaquis, à la fois dans les charbons dispersés et dans les charbons concentrés des foyers, indique qu'une importante variété d'essences était utilisée et que le ramassage du bois était aléatoire. La bonne correspondance entre les spectres anthracologiques et la végétation locale indique que l'aire de ramassage était essentiellement la région proche du site mais que d'autres milieux étaient égalem ent exploités.

Nous pensons que la collecte de bois mort était la forme essentielle d'approvisionnem ent en bois d e feu. La présence de nombreux fragments portant des indices d 'a tta q u e par des champignons ou par des larves d'insectes conforte c e tte hypothèse.

Par contre, si tous nos résultats indiquent un ramassage aléatoire du bois de feu, les fréquences souvent importantes de C ondalia sp sont difficiles à expliquer par des critères purement environnementaux, ca r

Condalia buxifolia. caractéristique de la restinga, est actuellement très rare. Deux possibilités peuvent être

envisagées :

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1) soit l'espèce é ta it très abondante. Cela impliquerait que la végétation était bien différente des formations actuellem ent connues, ce qui n'est pas le cas.

2) soit, ce qui est plus probable, elle était spécialem ent recherchée pour des raisons culturelles. Cette hypothèse peut être é ta yé e par plusieurs caractéristiques propres à ce taxon. Ses fruits sont com estibles ; l'é co rce des racines pourrait être utilisée com m e savon et com m e re m è d e ; le bois, très dense, est considéré com m e un excellent combustible et permettrait l'extraction d'un pigm ent bleu. L'hypothèse d'une utilisation rituelle ou cérém onielle est aussi possible. Cela pourrait expliquer pourquoi les fragments d e

C ondalia sont toujours vitrifiés, ce qui suggère que son bois ait été brûlé alors qu'il était vert.

Dans tous les sambaquis étudiés, le matériel anthracologique contenait de nombreux fragments d e fruits de palmiers carbonisés, ainsi que quelques graines et des tubercules. Longtemps considérés quasi- exclusivement com m e des « mangeurs de coquillages », ce n'est que très récem m ent que la p ê ch e com m ence à être reconnue com m e plus importante dans leur alimentation que le ramassage d e mollusques (Figuti 1992). Par contre, aucune étude n'avait encore été réalisée concernant les denrées végétales. La conservation des tubercules étant très difficile, leur présence indique que la cueillette d e produits végétaux était relativement importante, et nous en déduisons que leur consom m ation par les sambaquiens était b e a u co u p plus significative qu'il n'est couramment admis.

Un cas atyp iq u e ; le S am baqui Jabo ticab eira II

L'État de Santa Catarina, de climat subtropical, présente des formations végétales équivalentes à celles trouvées dans l'État de Rio de Janeiro, en particulier la restinga et la forêt Atlantique. Par contre, la m angrove en est absente, c a ria limite sud de sa distribution se trouve à quelques dizaines de kilomètres au nord de la région.

Le Sambaqui Ja boticab eira II, étudié dans ce tte région, est très atypique. Ses sédiments archéologiques sont composés, en majeure partie, par des coquilles de mollusques, déposées par couches successives en forme de dôme, apparem m ent souvent au-dessus de sépultures. Les nombreuses sépultures trouvées dans ce site sont fréquem m ent associées à des foyers. Le processus de construction de ce sambaqui est probable m ent lié à des pratiques funéraires : à chaque nouvel enterrement, une nouvelle couche de coquilles était ajoutée. Cela impliquerait que les restes de coquillages accum ulés étaient un matériel de construction utilisé intentionnellement.

De nombreux prélèvements anthracologiques ont été faits au cours des fouilles, mais les seuls résultats déjà disponibles concernent un profil daté entre 1900 et 2500 ans BP (Scheel-Ybert 2001).

La plupart des ligneux utilisés provenaient de la restinga, soit de la restinga ouverte, soit de la forêt d e restinga. Quelques taxons, de moindre importance, provenaient aussi de la Forêt atlantique ou de la forêt subtropicale. Aucune m odification significative du milieu végétal n'a a ffe c té le littoral de l'État de Santa Catarina durant ce tte période, confirmant ce qui a été trouvé pour le littoral de l'État de Rio d e Janeiro.

Nous avons proposé que la stabilité de l'environnement a été un facteur déterminant dans le maintien du système socioculturel des pêcheurs-cueilleurs-chasseurs de la côte brésilienne ; de même, cela a contribué à leur sédentarisation et à la conservation d'une culture stationnaire qui s'est maintenue pendant plus de 6000 ans.

Il faut ajouter que ces résultats laissent supposer que ce sambaqui avait une fonction différente d e celle des sites étudiés dans l'État de Rio de Janeiro. Ces derniers étaient des sites d'habitation, et le matériel anthracologique contenait de nombreux vestiges alimentaires carbonisés. Par contre, strictement aucun reste alimentaire n'a été trouvé parmi les charbons du site Jaboticabeira II. Cela paraît confirmer l'hypothèse des archéologues qui pensent que ce site avait une fonction exclusivement funéraire.

Les études anthracologiques sont à ce jour encore rares en milieu tropical, et ces résultats sont les premiers obtenus au Brésil. Ils ont permis de montrer que les interprétations paléoenvironnem entales et paléoethnologiques ne sont pas incompatibles et peuvent être abordées à partir du même matériel. L'intervention de l'hom m e préhistorique dans le transport du bois n'invalide pas les reconstitutions de la végétation basées sur l'anthracologie. Au contraire, le ramassage étant aléatoire, il constitue une co lle cte assez com plète de i'ensemble des espèces présentes autour du site et donc une bonne reconstitution d e l'environnement. D'autre part, la reconstitution paléoenvironnem entale ne doit pas faire oublier l'information paléoethnologique contenue dans le même échantillon.

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Éléments bibliographiques

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Références

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