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Exploration des systèmes dynamiques spin-orbite
Fabienne Boudin
To cite this version:
Thèse de doctorat
en
Astronomie Fondamentale, Mécanique Céleste et Géodésie
(Formation doctorale de l’Observatoire de Paris)
v
c.
présentée par :
Fabienne BOUDIN
à
l’Observatoire de la Côte d’Azur
Sujet :
EXPLORATION DES SYSTÈMES DYNAMIQUES SPIN-ORBITE
:
Aspects Théoriques et Applications
(Lune, Comètes, Satellites^..).
Soutenue le 3 Avril 1995, devant le jury composé de :
M. Eric BOIS
Mme Nicole CAPITAINE
M. François MIGNARD
Mme Michèle MOONS
Thèse de doctorat
CoUi)
en
Astronomie Fondamentale, Mécanique Céleste et Géodésie
(Formation doctorale de l’Observatoire de Paris)
présentée par :
Fabienne BOUDIN
à
l’Observatoire de la Côte d’Azur
Sujet :
EXPLORATION DES SYSTÈMES DYNAMIQUES SPIN-ORBITE
:
Aspects Théoriques et Applications
(Lune, Comètes, Satellites...).
Soutenue le 3 Avril 1995, devant le jury composé de :
M. Eric BOIS
Mme Nicole CAPITAINE
M. François MIGNARD
Mme Michèle MOONS
Remerciements
Mes remerciements les plus vifs s’adressent en premier lieu à Éric Bois. Non
seulement il m’a fait don d’un sujet passionnant mais il a su me laisser mener ces recherches dans une grande liberté. Sa finesse d’analyse, sa disponibilité constante et la rigueur de son raisonnement m’ont agréablement guidée tout au long de ces trois années. Son humour et son incroyable optimisme furent pour moi une source inépuisable de “prise de confiance”. Il a en outre gardé un souci continu du “bon moral des troupes”...
Je tiens vivement à remercier Pascal Oberti et Alain Journet pour les collaborations
dans des applications passionnantes, respectivement sur les comètes et sur la Lune.
Je remercie aussi M. Moons et H. Rickman pour leur rôle de rapporteur de cette thèse ainsi que N. Capitaine, F. Mignard et M. Rapaport en tant que membres du jury.
Mes sentiments de reconnaissance vont également à l’ensemble de l’équipe de Mécanique Céleste pour sa bonne humeur et sa gentillesse. Plus particulièrement, un grand merci à P. Exertier pour nos conversations ainsi qu’à P. Bonnefond pour ses conseils judicieux en matière d’informatique.
Que l’ensemble des personnes de l’O.C.A. qui ont contribué d’une manière quelconque au bon déroulement de ces recherches et aux corrections linguistiques de ce mémoire
soit remercié !
Merci à ma famille montalbanaise qui m’a toujours soutenue dans toutes mes longues
années d’études...
Je place aussi ici un clin d’oeil à tous les copains (ils se reconnaîtront), tous ceux dont “la douce folie m’accompagne et jamais ne m’a trahie”...
Introduction générale
Peut-on rêver plus bel exemple introductif que celui d’Hypérion, satellite naturel de Saturne ? En effet, c’est grâce à l’étude qualitative d’un système spin-orbite élémentaire que Wisdom, Peale et Mignard prédisaient en 1984 la nature chaotique de sa rotation.
Ces résultats se virent ensuite confortés par des observations telles celles de Klavetter1
en 1989. Mais si le cas d’Hypérion est l’un des plus spectaculaires, le Système Solaire regorge en fait de configurations nécessitant une étude spin-orbite. Il suffit pour s’en convaincre de considérer les multiples études basées sur la théorie couplée développée par Goldreich et Peale en 1966 : la résonance 3/2 de Mercure, l’histoire dynamique des satellites naturels, les problèmes de capture et stabilité en état de résonance... Ou encore, il suffit plus simplement de lever les yeux vers le ciel, vers notre “bon vieux satellite” la Lune. Dès l’Antiquité, Plutarque remarquait qu’elle nous montrait toujours la même face. De fait elle tourne sur elle-même dans la même période de temps qu’elle tourne autour de la Terre. C’est une résonance spin-orbite. De part sa richesse physique et dynamique et de part ses nombreuses observations, le système Terre-Lune nous placeen l’occurrence à bonne école...
Qu’est ce qu’un système dynamique spin-orbite ? Classiquement, le mouvement d’un corps céleste est considéré comme la composition de deux mouvements, le mouvement
autour de son centre de masse ou mouvement de rotation et le mouvement de translation
de ce centre de masse ou mouvement orbital. Un système dynamique spin-orbite est un modèle global et simultané. Il est global parce qu’il contient les deux modes de mouvement. Il est simultané parce qu’il s’agit de l’intégration d’un système différentiel unique décrivant le mouvement le plus général d’un corps céleste. Un tel système est habilité à fournir une solution plus complète voire plus précise. En effet, cette dernière contient implicitement, par le couplage des équations et perturbations, les diverses interactions spin-orbite et résonances éventuelles. La construction de tels modèles s’est imposée peu à peu en raison des progrès technologiques de ces 20 dernières années. Les observations laser-Lune en sont un bel exemple. Cela pourrait aussi rapidement s’avérer
indispensable dans des domaines tels que la Dynamique Spatiale ou encore la Physique
Cométaire. En outre, la grande variété des mécanismes spin-orbite (résonances, interaction de figures, de noyau-manteau, dissipation...) introduit à un champ d’études singulièrement vaste et riche. D’une meilleure connaissance théorique de la rotation
1 Ses observations C.C.D. sur une durée de 3.5 périodes orbitales ne révélaient aucune périodicité détectable
jusqu’aux systèmes qui sont le siège d’échanges dissipatifs, les applications sont
multiples. Ainsi émerge la nécessité de construire une méthode efficace d’intégration couplée et systématique, notamment apte à l’étude qualitative du problème spin-orbite.
Avant 1992, des études préliminaires de faisabilité furent menées par E. Bois sur l’intégration spin-orbite. Actuellement une méthode générale d'exploration des systèmes dynamiques spin-orbite est constituée. Après l’entrée progressive dans une meilleure compréhension et connaissance des deux modes de mouvement spin et orbite, la procédure peut être considérée comme un “moteur à trois temps”. En premier lieu s’effectue la construction de systèmes différentiels spécifiques. Puis, ceux-ci sont soumis à des intégrations numériques systématiques. Pour finir, des outils adéquats permettent l’analyse des résultats à la recherche de mécanismes spin-orbite et de corrélations induites. En l’occurrence, des cartographies de type spin-orbite donne l’approche descriptive qualitative des phénomènes. Cette exploration s’adresse tour à tour à des situations théoriques et à des applications puisées dans le Système Solaire. Les cas cométaire et lunaire reposent sur deux modèles physiques construits au préalable au C.E.R.G.A., et bénéficient ainsi de l’expérience acquise. Chaque cas abordé dans ce mémoire, ou “étape de voyage”, se classe finalement sous un des titres suivants :
• Nouvelle approche dans la description qualitative du domaine des rotations
stables et instables ,
• A la recherche d’une cartographie spin-orbite (“mapping”) ,
• Représentation des rotations instables, application au cas des noyaux
cométaires ,
• Librations spin-orbite d'un satellite géostationnaire ,
• La richesse du système Terre-Lune : résonance et dissipation spin-orbite.
Ce mémoire se décompose en trois parties. Une analyse du problème spin-orbite, incluant quelques points historiques ainsi que la méthode sont présentées en premier lieu. Suit alors une vision globale de la dynamique spin-orbite sous la forme de panoramas synthétiques. La troisième partie est consacrée aux trois applications : les comètes, le satellite géostationnaire et la Lune.
La Lune jouant le rôle de muse Inspiratrice, ceci est une invitation au voyage parmi
PREMIERE PARTIE
I
ANALYSE DU PROBLÈME
II MÉTHODE
Lune
tu peux m'allumer
tu peux essayer au moins vas-y tends moi la perche
je serai a la Inauteur
Lune
le soleil m'ennuie
et j'attends la nuit
cruelle j'ai peur reviendras-tu toute une journée sans nouvelles...
Chapitre I
: Analyse du problème
UN PEU D’HISTOIRE ET QUELQUES CONSIDÉRATIONS
Le terme “spin-orbite” est apparu pour la première fois, dans la langue française, au début du siècle (Le petit Robert, 1978). Il est alors utilisé en Physique Nucléaire pour désigner le moment de la quantité de mouvement d’une particule élémentaire qui tourne autour de son centre de gravité. Mais si certains travaux de Mécanique Céleste
(Vivarelli, 19912) s’inspirent parfois des même méthodes que la Mécanique Quantique,
ceux-ci n’en demeurent pas moins marginaux. On parle aussi de spin-orbite en Dynamique Stellaire à propos des systèmes d’étoiles doubles. Revenons cependant à la Mécanique Céleste. Il ne s’agit pas ici de donner une bibliographie exhaustive mais simplement de noter quelques points importants tout en analysant le problème. Depuis sa description géométrique par Poinsot, la rotation libre est bien comprise et les références nombreuses. En ce qui concerne la rotation perturbée, les premières tentatives de résolution s’effectuent sur la base des méthodes développées pour le mouvement orbital. On peut citer pour exemple les travaux sur les librations de la Lune de Lagrange et Laplace. Il n’était guère question alors de considérer simultanément les deux modes de mouvement. Pendant longtemps, c’est essentiellement la Lune et la précession luni-solaire de la Terre qui ont inspiré les astronomes en matière de spin. D’ailleurs ce n’est qu’au cours de ce siècle qu’ont été déterminées la plupart des périodes de rotation des corps du Système Solaire (21ième Assemblée Générale de l’UAI, 1991). Cependant, au milieu des années cinquante, apparaît avec les satellites artificiels une recrudescence d’intérêt pour la stabilité d’attitude d’un corps céleste. Ainsi, les chercheurs se lancent dans la construction d’embryons de théories spin-orbite (cf. Beletskii, 1960). Il est intéressant aussi de prendre note des analogies entre les mouvements de rotation et orbital (cf. Holland et Sperling, 1968). Leon Blitzerdégage, quant à lui, les similarités et différences entre les résonances orbitales et
spin-orbitales, à la recherche d’une théorie unifiée. Dans la suite de ce chapitre, un
découpage arbitraire en trois aspects a pour objet d’introduire à une compréhension
préliminaire du problème général spin-orbite. Ce découpage n'est pas un carcan, les divers aspects s’interceptent amplement dans les applications.
Le premier aspect s'intéresse à l'écriture même du modèle d'équations différentielles et plus spécifiquement à leurs couplages. La modélisation des systèmes dynamiques spin-orbite se fait analytiquement ; leur intégration peut être numérique ou analytique. La voie analytique, lorsqu'elle est possible, peut donner l'assurance de propriétés de la solution et offre plus directement l'interprétation physique des mécanismes. Par exemple, Beletskii (1961) établit des conditions d’existence et de stabilité (au sens de Lyapunov) de l’équilibre relatif d’un corps solide dans un champ gravitationnel. Dans
l’article de 1972, il s’intéresse aux mouvements stationnaires (état de résonance
spin-orbite) du problème lunaire^. Pour le problème de deux corps soumis à leur potentiel
mutuel, Bhatnagar et Gupta (1980) discutent la stabilité de solutions particulières (stationnaires) en fonction de la forme des corps. C’est encore la méthode de Lyapunov qui permet à Vidyakin (1992) d’établir des conditions sur la structure et la forme sous lesquelles le mouvement spin-orbite est stable. Les satellites artificiels, quant à eux,ont inspiré quelques résolutions analytiques à Beletskii^ (1960), Holland et Sperling^
(1968), Giacaglia et Jefferys^ (1971). On peut encore signaler les travaux plus récents
d’Arribas et
(1993) qui se posent eux aussi dans des conditions de couplage
négligeable à l’ordre 0. Il est important de noter que l’ensemble des études analytiques s’adresse à des problèmes spin-orbite simplifiés (orbite képlérienne ou précession uniforme de l’orbite) et se confinent souvent à des équations moyennisées. Quant àl’approche de Barkin^ (1991), même plus générale, elle ne concerne que les systèmes en
état de résonance spin-orbite totale. Pour les besoins du sujet, il était nécessaire defaire appel à une méthode de résolution radicalement différente : l’intégration
numérique. La voie numérique, modulaire et contrôlée, permet seule une exploration relativement exhaustive avec l'intégration systématique de nombreux systèmes
complexes fortement perturbés (figures étendues, interactions de figure-figure, forces
non-gravitationnelles, non-rigidité des corps, dissipation, etc...). En outre, la méthode numérique est utilisée pour tenter de cerner les effets dus au couplage, aux interactions spin-orbite ou à différents types de résonances. Elle permet de décrire leurs
3 Par des méthodes asymptotiques, il construit des solutions généralisant les lois empiriques de Cassini et étudie leur stabilité.
4 La solution est approchée par approximations successives en considérant que les perturbations aérodynamiques et gravitationnelles sont des perturbations du mouvement libre, lorsque l’énergie cinétique de rotation est grande par rapport aux couples.
5 A la suite de Beletskii, ils étudient les effets des couples gravitationnels et magnétiques sur le satellite Pegasus I.
comportements au travers des solutions et d’isoler quelques mécanismes de causes à effets... Même dans les études numériques, les termes de couplage sont assez fréquemment négligés. L’orbite est alors déterminée en premier lieu puis s’effectue la résolution du mouvement autour du centre de masse (intégration “séparée”). La notion de couplage se traduit par l’existence d’une différence entre intégration simultanée et séparée (des deux modes de mouvements) et ceci en raison d'un comportement local numérique différent et des interactions implicites entre variables. Il s'agit ici du principe même de décomposition formelle d'un problème de Mécanique Céleste en sous-problèmes plus simples à étudier, par rapport à un principe de globalité nécessaire à une meilleure approche de la réalité. En effet, par exemple, les composantes du couple gravitationnel s’exerçant sur la rotation d'un corps sont fonction de sa position orbitale. De même, certaines perturbations du mouvement orbital sont fonction des angles de position du corps (forces de surface telles que la pression de radiation, le frottement atmosphérique...). Zanardi (1986) évalue que les termes de couplage jouent un rôle
important sur le spin, dans son étude^. Cependant il souligne que la magnitude de
l’influence sur l’orbite peut augmenter pour d’autres satellites artificiels. Les comètes sont elles aussi des corps abondamment soumis à des phénomènes couplés. La rotation du noyau est un paramètre fondamental dans les phénomènes non-gravitationnels, tels le dégazage, qui dévient la comète d’une orbite purement gravitationnelle (cf. Weissman et Kieffer, 1981). Notons enfin au passage les travaux d’Elipe, Abad et Arribas (1992). Ilsprésentent un hamiltonien spin-orbite de deux corps rigides en fonction de plusieurs
paramètres^ qui déterminent les différents ordres pour un modèle donné.
En second lieu, l'aspect dynamique considère l'intégration simultanée comme un terrain de prédilection en ce qui concerne l'étude de certaines particularités telles que les diverses résonances entre les différentes périodes mises en jeu. Une résonance peut
permettre de rendre compte d'un comportement global qualitativement ou
quantitativement différent, par exemple être cause de l’excitation de librations
(Eckhardtll,
1993). Nous le verrons dans les chapitres concernant le satellite
géostationnaire (libration de résonance spin-orbite indirecte) et la Lune (libration derésonance spin-orbite directe). Elle peut aussi être représentative d'une phénoménologie intrinsèque au spin-orbite lors de la commensurabilité de périodes entre les deux modes de mouvement (interaction spin-orbite). Par ailleurs, ce type de résonance mène à des systèmes relevant de questions de confinements, de stabilité et d'instabilité. Dès 1966, Goldreich et Peale établissent les équations moyennisées d’un
9 II s’intéresse au cas du satellite artificiel Pegasus A.
10 tels que les tailles relatives de l’orbite et des ellipsoïdes, le taux de rotation par rapport au mouvement orbital, la masse des corps...
11 II démontre que le passage en résonance , il y a plusieurs milliers d’années, d’un des termes de perturbation
problème spin-orbite de “première approximation”! 2 #
ps
discutent
ainsi
les
probabilités de capture en résonance spin-orbite tandis que le corps évolue sous les effets de la friction maréale. Par la suite, Peale (1976) présente des restrictions sur lespin primordial de Mercure 13. C’est encore dans le cadre du problème de “première
approximation” que Celletti (1990 a, 1990 b) introduit les raffinements du théorème deKAM au service de l’étude de la stabilité des résonances spin-orbiteI4. La théorie de
l’invariant adiabatique permet à Henrard de présenter une nouvelle analyse de l’entrée en résonance pour un hamiltonien à 1 degré de liberté (analyse géométrique). En ce qui concerne le mouvement orbital, l’origine et l’évolution des résonances sont suivies classiquement au travers de séquences de diagrammes de l’espace des phases à deux dimensions. On peut citer quelques travaux qui tendent à appliquer ces méthodes qualitatives à la compréhension de l’évolution dynamique du mouvement spin-orbite. Wisdom, Peale et Mignard (1984) tracent la surface de section d’Hypérion (taux de rotation en fonction de son orientation au périastre) dans le cadre d’équationsmoyennisées du problème plan. Puis ils établissent des “cartes” de stabilité^ pour un
paramètre d’asphéricité donné. Les articles de Wisdom (1987 a, 1987 b) étendent cette étude à l’ensemble des satellites naturels de forme irrégulière. Chauvineau et Métris (1994), quant à eux, utilisent les principes de l’analyse en fréquence. Ils étudient de cette manière les effets de couplage de la rotation sur le mouvement orbital. La seconde partie de ce mémoire est entièrement consacrée à la construction de cartes de modalitésspin-orbite.
En dernier lieu, l'aspect physique enrichit les modèles de corrélations plus élaborées telles que la prise en compte de la non-rigidité des corps, de leur structure interne, de leurs figures étendues ou encore tout simplement des échanges dissipatifs spin-orbite d'un modèle. Il existe une véritable "physique spin-orbite" (mécanismes complets de marées, interactions gravitationnelles de figure-figure, interaction de noyau-manteau...). C'est de loin l'aspect le plus complexe et le plus vaste du sujet. En guise d’exemple, il est intéressant de citer les travaux de Peale et Boss (1977 a, 1977 b).
Des contraintes physiques 16 sur le noyau liquide de Mercure y sont données pour
expliquer l’évasion de l’état de résonance 2/1. Dans un article de 1989, Peale présente un bilan sur les problèmes d’évolution dynamique dans le Système Solaire. Le processus d’évolution y est défini comme une variation séculaire de l’état de configuration12 Le corps triaxial possède un axe de rotation perpendiculaire au plan orbital et une orbite fixe elliptique. 13 La stabilité de la résonance 3/2 est assurée par l’orbite excentrique de Mercure. Il ne se dégage aucune restriction sur son spin primordial sauf si il existe une interaction noyau liquide-manteau solide.
14 Dans ces articles, l’existence de deux tores de KAM confinant le mouvement est démontrée sous des conditions de forme dynamique (3(B-A)/2C).
15 Tour à tour les multiplicateurs de Floquet et les exposants de Lyapunov permettent d’explorer la stabilité de configuration des différentes zones de l’espace des phases.
résultant généralement d’un type de dissipation d’énergie. Par exemple, l’énergie
impliquée dans une déformation maréale se traduit par des transferts dans les moments
cinétiques orbital et de rotation. Ce mémoire ne présente pas d’étude sur de très longues échelles de temps, ce qui nécessiterait certaines manipulations analytiques. Cependant l’étude des multi-synchronismes, dans les systèmes à échanges dissipatifs spin-orbite, peut déjà amener des éléments à l'histoire dynamique des corps célestes. Nous le verrons dans le paragraphe consacré à la Lune.
Avant de conclure ce chapitre, il convient de noter qu’un modèle numérique spin-orbite peut également étendre la signification et la cohérence des valeurs des constantes d'entrée dans les réductions d’observations. Newhall et al. (1983) soulignent qu’une intégration numérique spin-orbite est devenue une nécessité pour rendre compte de la précision des observations laser-Lune. En résumé, l’étude spin-orbite apporte une contribution à la connaissance du mouvement et de la physique des corps célestes en général tout en suggérant l'intérêt d'applications en éphémérides prévisionnelles de haute précision...
Chapitre II
: Méthode
II-l PRÉSENTATION
Toute l’information technique et pratique de l’ensemble du mémoire se trouve récapitulée et détaillée en annexe.
1) Cadre de base
Une méthode d’investigation du problème spin-orbite a été élaborée. Elle repose sur la réalisation systématique de modèles spin-orbite. Pour un même corps céleste, les équations globales sont alors résolues simultanément par une intégration numérique modulaire. Le modèle est contrôlé en fonction des diverses contributions et paramètres physiques. Il s’agit, au travers de la variation de ces paramètres et différentes modélisations, de mettre en valeur des mécanismes de type spin-orbite.
La conception modulaire du logiciel sur lequel repose la méthode le rend évolutif avec aisance et contribue à la création rapide de nouveaux systèmes différentiels spécifiques. Ainsi, elle encourage à une large exploration de l’ensemble des systèmes
spin-orbite. Et les modèles sont porteurs d’une phénoménologie spin-orbite tant d’un
point de vue dynamique, au regard des multi-synchronismes éventuels, que d’un point de vue physique, en jouant sur les perturbations et le degré de couplage. Par ailleurs, la méthode numérique permet l’intégration de systèmes complexes fortement perturbés. En outre, elle est armée à contourner les difficultés de l’analytique. Par exemple, le problème des singularités dans les séquences angulaires est résolu par des changements automatiques de paramétrisation (cf. paragraphe II-2-3b).
2) Mode d'emploi
La progression méthodique se trouve résumée sur la Figure II-1. En termes schématiques, il s’agit, en tout premier lieu, d’avoir l’intuition d’un mécanisme spin-orbite. Puis il convient d’imaginer et de construire le système qui va mettre en
r
a
Intuition d'un mécanisme
Construction d' un Système Spin-orbite
mode
d'intégration
forces enprésence
/\
/
paramètres
physiques et
dynamiques
/ \ \
Intégration numérique modulaire et contrôlée
\
Analyse des résultats
A
* principe de différenciation
* analyse en fréquence •
* intégration en mode séparé
des "mapping" spin-orbite,
des librations spin-orbite,
des interactions spin-orbite^
etc...
Un certain nombre de choix s’offre alors sous forme de clés et de modules numériques :
• Quel est le mode d’intégration ?
• Quelles sont les forces et couples mis en jeu ?
• Quels sont la géométrie, les paramètres physiques et dynamiques ? Etc...
Ainsi s’effectue l’intégration numérique modulaire et contrôlée du système imaginé. La recherche du mécanisme se fait généralement par manipulation du modèle global spin-orbite (mode d’intégration simultané). Sous certaines conditions de validité, des “outils” adéquats réalisent ensuite l’analyse des résultats :
• principe de différenciation, • analyse en fréquence, • modèle “séparé”.
En ce qui concerne le principe de différenciation, cette technique d’analyse procède par différences successives et comparatives. Elle contribue ainsi à l’identification de relations de causes à effets incluant des interactions entre physique et dynamique. Elle permet notamment d’isoler les différentes familles de librations dans le mouvement de rotation. L’analyse en fréquence consiste en une technique rapide de recherche en fréquences et en une détermination systématique des pics principaux. (Il s’agit, en l’occurrence, d’une version simplifiée de la méthode présentée dans Laskar 1990). Cet outil est largement sollicité dans la seconde partie de ce mémoire. La possibilité d’intégrer un des deux modes de mouvement (orbital ou de rotation) séparément constitue aussi un outil en soit. La comparaison avec le modèle global spin-orbite permettra de rendre compte des phénomènes de couplages implicites entre les variables (cf. Deuxième partie IV-1, Troisième partie VIII-2).
Pour finir, il reste à qualifier et/ou quantifier les mécanismes spin-orbite, les corrélations et interactions induites. Une description qualitative est aussi envisageable sous la forme de cartographies de modalités spin-orbite que l’on appellera “mapping spin-orbite”.
3) Précautions d'emploi
Le raffinement progressif de la méthode numérique résulte d’une attention toute
particulière portée sur diverses difficultés. Ce paragraphe présente les raisons qui ont
conduit certains choix ainsi qu’un certain nombre de “précautions d’emploi”.
Cependant, pour des études purement qualitatives, il n’est nul besoin de vérifier
a) Intégration numérique
Les limites de validité des intégrations sont définies simultanément par les
performances du calculateur et de l’intégrateur. En effet le degré de crédibilité d’un
modèle numérique repose largement sur ses qualités de stabilité (associée à la notion de divergence) et de précision. Les calculs sont généralement effectués en double précision (16 chiffres significatifs), parfois en quadruple précision (32 chiffres significatifs) si cela s’avère nécessaire (cf. Troisième partie VIII). En outre, l’intégrateur de Bulirsh et Stoër (méthode à pas globaux) a été choisi essentiellement pour sa bonne tenue de stabilité. L’expérience permet alors de déterminer judicieusement le couple de valeurs (pas d’intégration, tolérance des calculs) en fonction du système étudié. Il convient aussi de mener une réflexion sur les conditions initiales d’intégration. En dernier lieu, le contrôle de la divergence combinée du calculateur et de l’intégrateur s’effectue par des tests classiques d’aller-retour.
b) Principe de différenciation
Ce paragraphe a pour objet de préciser les conditions de validité du principe de différenciation. Sachant que les systèmes manipulés peuvent être “fortement” non-linéaires, les signaux issus de la différenciation de deux solutions ne peuvent représenter qu’une interaction relative. L’effet global dû à une somme de causes n’est pas réductible à la somme des effets dus à chacune de ces causes. Il convient en outre de s’assurer de la conservation du problème principal. Il ne s’agit pas, par exemple, de comparer les solutions orbitales issues d’un problème avec le corps primaire triaxial avec ceux d’un problème képlérien. Par ailleurs, les termes séculaires des effets isolés, une fois la divergence numérique maîtrisée, présentent plus de sens que certains battements pouvant émaner de résonances numériques. En dernier lieu, dans toute comparaison, il s’agit de faire la part de ce qui résulte du non-ajustement des conditions initiales. Ainsi, la non-linéarité des équations différentielles, le degré de corrélation des effets étudiés et les résonances spin-orbite éventuelles permettent difficilement de parler d’effets "purs" (même après un ajustement des conditions initiales). Les effets ne sont pas absolument décorrélés mais seulement isolés. Cependant leur comportement qualitatif ainsi que les ordres de grandeur sont assurés à partir du moment où l’interprétation est effectuée avec prudence.
c) Analyse en fréquence
puissance sont amplement satisfaisants dans un premier temps. Pour effectuer une bonne analyse, il convient simplement de s’assurer d’un nombre entier suffisant de périodes. Ceci permettra, en l’occurrence, d’établir le “concept de seuil de fréquence” dans la deuxième partie de ce mémoire (cf. paragraphe IV-2-4).
d) Modèle séparé
Comme décrit précédemment, la recherche des mécanismes se fait par manipulation du modèle spin-orbite simultané. Cependant la modélisation séparée des deux modes de mouvement peut présenter quelques intérêts sous certaines conditions de validité. Lors des intégrations séparées de l’orbite ou du spin, les variables du mode de mouvement non intégré sont calculées au choix par une interpolation polynomiale (Lagrange ou Everett), un calcul direct ou encore une solution analytique approchée. Il convient alors de s’interroger sur le sens, l’existence d’un tel modèle, par exemple pour des résonances spin-orbite. Dans le cas de systèmes intégrables, la solution analytique peut servir “d’étalon de validité” et aider à fixer l’ordre optimal du polynôme d’interpolation. Finalement la comparaison rigoureuse des deux modes d’intégration (simultané et séparé, c’est à dire avec couplages implicites et sans) marque précisément les limites de validité du mode séparé (biais).
II-2 A PROPOS D’ÉQUATIONS
1 ) Couplage des équations
a) Systèmes de référence
• soit (OXYZ) un système de référence fixe, centré au centre des masses du corps
primaire ;
• soit (OXŸZ) un système de référence tournant, lié au corps primaire et centré au
centre des masses de celui-ci ;
• soit (Oxyz) un système de référence tournant lié au corps étudié et centré au centre
b) Les équations du mouvement
: le Lagrangien
Soit un corps céleste soumis à une perturbation quelconque W Les équations du
mouvement par rapport au système de référence absolu (OXYZ) dérivent du Lagrangien
spin-orbite suivant :L(Xj, Xj, Uj,(ûj) =—m Xi Xi +—I^cûjCo^ + W(X^, Uj)
où (Xj, Xj) représentent respectivement les trois coordonnées et vitesses orbitales, tandis que (Uj.tOj) représentent les trois angles d’orientation et vitesses angulaires ; m est la masse du corps étudié et Iik son tenseur d’inertie. Il est intéressant de noter que le couplage agit au niveau de la fonction de perturbation W(Xi,Ui).
L’application de l’algorithme de Lagrange fournit alors les 6 équations différentielles d’ordre 2 qu’il suffit d’exprimer dans la paramétrisation choisie (cf. Annexe). Cette paramétrisation, pour les deux modes de mouvement, consiste en un choix qui s’effectue dans un souci constant de globalité. Il s’agit, en l’occurrence de conserver toute sa généralité au problème spin-orbite.
2) Le mouvement orbital
Il est possible d’utiliser au choix le système fixe ( OXYZ ) ou bien le système mobile
(OXŸZ) moyennant l’introduction des forces d’inertie. Tous deux sont centrés sur le
centre de masse du corps primaire (corps autour duquel orbite le corps étudié). Quantau système tournant (OXŸZ), il se définit comme suit : (OXŸ) se situe dans le plan
( OXY ) et tourne autour de OZ avec une vitesse angulaire constante Q, caractéristique de la rotation du corps primaire.Les positions orbitales sont représentées par des coordonnées sphériques par rapport au système relatif de référence (fixe ou tournant) : le rayon r, la latitude <[> et la longitude
X (Figure II-2).
3 ) Le mouvement de rotation
a) Système de référence et tenseur d’inertie
Soit (Oxyz) un système de référence lié au corps étudié et centré en son centre de
masse. Les axes de coordonnées sont définis comme les axes moyens de Tisserand (1960). Dans l’hypothèse de corps rigides, ils correspondent en fait aux axes principaux d’inertie (pour lesquels la forme du tenseur d’inertie est diagonale). Dans le cas de corps déformables, ils coïncident avec la moyenne des déformations. Pour plus de précision, se référer à Tisserand (1960), Landau et Lifchitz (1969) et Moritz (1982).b) Paramétrisation
Le mouvement de rotation d’un corps solide se décrit généralement par le
positionnement du système de référence lié au corps (Oxyz) par rapport au système fixe
(OXYZ). Ainsi, une rotation dans un espace à trois dimensions peut se décomposer en
trois rotations élémentaires. En l’occurrence, il existe douze séquences angulaires possibles de trois rotations élémentaires directes (Bois, 1987). Soient 1, 2, 3 les chiffres désignant respectivement les axes X ou x, Y ou y, Z ou z. La plupart du temps, le mouvement de rotation est représenté par la décomposition classique 3-1-3 des angles d’Euler. La définition de la séquence eulérienne est rappelée sur la Figure II-3 : laprécession y (autour de l’axe fixe OZ et à partir de l’axe de référence OX), la nutation fl (autour de l’axe intermédiaire C^ pointant en direction du noeud ascendant,
représentant l’inclinaison de l’axe lié au corps Oz par rapport à OZ), et la rotation propre <p (autour de l’axe Oz ).
Il existe deux types de séquences angulaires vis à vis des singularités. La première et la troisième rotation élémentaire peuvent s’effectuer autour du même axe. C’est le cas de la
décomposition classique 3-1-3. Ce type de séquence possède des singularités pour la
seconde rotation élémentaire en 0 et n. En effet, pour ces valeurs, les deux autres rotations élémentaires ont une action similaire ( cf. Figure II-3). En revanche dans le second type de séquence, les rotations élémentaires s’effectuent successivement autour de chacun des trois axes (par exemple 1-2-3 ou 2-1-3). Les singularités de la seconde rotation élémentaire sont alors déplacées en k/2 et -rc/2 (cf. Figure VI-5 page 69). Ainsi
le problème des singularités dans les équations classiques de rotation est contourné par
l’utilisation de deux séquences angulaires (3-1-3 et 1-2-3). Les changements de
séquences s’effectuent au cours de l’intégration numérique et de manière automatique
via les formules et “règles” de passage (cf. Annexe). Pour plus de détails se référer à
c) Axiomatique et vocabulaire
En parlant de “libration”
L’axiomatique et le vocabulaire adoptés à propos des librations se placent dans la lignée de l’article Bois (1995) et sont présentés ci-dessous.
Les librations physiques sont définies comme des balancements du système d’axes liés au corps par rapport à l’invariant défini par la conservation de la direction du moment cinétique. Toute rotation régulière stable perturbée de corps solides célestes contient des librations c’est-à-dire oscille régulièrement autour d’un mouvement moyen. Dans le
cas des rotations en mode instable, cette définition n’a plus lieu d’être (cf. paragraphe
suivant II-2-4 et Chapitre VI). Les cas particuliers de la Terre et de la Lune correspondent à un affinement important dans l’analyse des librations imbriquées et ont conduit à quelques définitions historiques parfois ambiguës ou confuses. Ce mémoire suit la classification générale des librations physiques établie dans Bois (1995), et résumée sur le tableau II-1. Reposant sur le fait qu’à chaque cause, sa libration ou son effet, la signification d’une libration donnée apparaît clairement. Les librations
physiques se définissent comme des oscillations dues à une cause gravitationnelle ou
non, interne ou externe. Deux grandes familles sont inclues dans les librations physiques : les librations potentielles et les librations cinétiques en fonction
respectivement de la nature gravitationnelle de leurs causes ou du mouvement qui les
produit. Pour une sous-classe, la méthode de désignation est étendue à chaque mécanisme identifié. Par exemple, les librations de figure principale sont des librations induites par une masse ponctuelle agissant sur la figure gravitationnelle du corps en rotation. Elles appartiennent à la classe des librations potentielles puisqu’elles résultent d’une variation de l’énergie potentielle. Il en va de même pour les librations d’interaction de figure-figure qui proviennent du potentiel gravitationnel mutuel. Quant aux librations cinétiques, corrélées à des causes non-gravitationnelles, elles résultent d’une variation d’énergie cinétique. C’est donc le cas des librations centrifuges, ou encore des librations d’impulsion résultant d’impacts... Par ailleurs, une nouvelle définition de la désignation ambiguë de "librations libres" a été proposée. Elles sont
définies comme une sous-classe des librations physiques pour lesquelles il n’existe pas
de cause permanente dans le temps. Les librations libres sont donc les seules à retrouver les intégrales premières du mouvement (avec éventuellement d’autres valeurs constantes). Elles peuvent être caractérisées par des librations résiduelles continuant d’exister alors que leur cause a cessé d’agir.
Bois, Oberti et Frœschlé (1992) donnent un exemple de librations libres résultant d’un
couple impulsif d’origine gravitationnelle. Il concerne le passage rapide, proche de Jupiter, d’un corps de type cométaire. Dans ce cas, le mouvement de rotation change de
mode (système conservatif) mais non pas de nature. Les librations demeurent des oscillations eulériennes régulières. On peut aussi imaginer des librations libres
potentielles mais cinétiques. Dans le cas d’un système dissipatif, le système retournera asymptotiquement à son mouvement initial (cf. Ekeland, 1984). Sous cette nouvelle
classification, il est alors nécessaire de rechercher les bons candidats pouvant expliquer les librations “libres” observées de la Lune (cf. troisième partie VIII-2).
Librations potentielles librations cinétiques
de figure principale centrifuge
(potentiel classique) (viscosité, noyau liquide...)
de figure-figure de friction
(potentiel mutuel) (interface noyau-manteau...)
de marées d’impulsion
(élasticité, inélasticité) (impact météorites...)
d’impulsion
(passage proche d’un corps perturbateur)
Tableau II-1 Classification des librations physiques.
Vocabulaire induit par le sujet
4) Stabilité et instabilité
: conventions, définitions
Les conventions et définitions à propos de l’ellipsoïde d’inertie sont illustrées par la
Figure II-4. Le système lié au corps, (Oxyz), est constitué par les trois axes principaux
d’inertie. Les trois moments principaux d’inertie (A,B,C) sont fonction des trois demi-grands axes (a,b,c) :
A = (b2+c2)/5
B = (c2 + a2)/5
C = (a2 + b2)/5
où (a,b,c) s’expriment, au choix selon le problème traité, en km ou UA.
z
Figure II-4 Position de l’ellipsoïde d’inertie.
Il s’agit de définir précisément les notions de rotation d’attitude stable et instable. Afin d’éviter toute confusion, il convient en premier lieu de préciser les conventions adoptées (Bois, Wytrzyszczak et Journet, 1992). On appelle rotation propre la rotation élémentaire de plus grande énergie, lorsqu’elle s’effectue autour d’un axe d’inertie. L’axe autour duquel elle s’effectue matérialise Yaxe de figure. La direction du moment
cinétique demeure généralement proche de celle de cet axe. L’ellipsoïde d’inertie est
considéré comme suffisamment proche de l’ellipsoïde de révolution. Si la rotation propre
s’accomplit autour du plus grand ou autour du plus petit axe (respectivement, a ou c, sur la Figure d’illustration II-4), la configuration est d’attitude stable au sens de Landau et
Lifchitz (1969). Pour un système conservatif, une petite perturbation de la rotation
initiale. En revanche, si le système est dissipatif, il reviendra de manière asymptotique
à son mouvement initial (cf. Ekeland, 1984). On parle alors de librations. Dans notre étude, c’est Oz qui joue le rôle d’axe autour duquel s’appliquera la rotation propre. La localisation de l’axe c (correspondant au moment de plus grande inertie C) sur l’axe de figure Oz établit ainsi un mode stable de rotation (Figure II-4). Lorsque la rotation propre s’exécute autour de l’axe intermédiaire (b sur la figure d’illustration), l’attitude de l’ellipsoïde est en configuration instable. On ne peut plus dire que le corps “oscille” autour d’une configuration d’équilibre : il peut se retourner complètement, osciller puis reculbuter, et ceci de manière périodique ou pas. Il devient alors parfois difficile de définir un mouvement moyen : “le corps est victime de retournements et culbutes diverses”. Les angles effectuent de larges excursions supérieures à 180 degrés (Wisdom et al., 1984) et la désignation “libration” ne peut plus avoir cours. Ce comportement est
de fait caractérisé par des bascules17 rapides (cf. Boudin, Oberti et Bois, 1994).
5) Les perturbations
Le tableau II-2 résume et ordonne, en terme de couplage, les perturbations (additionnées des résonances) intervenant dans les différents systèmes spin-orbite envisagés. Par la même occasion, la liste des références qui ont contribué à leur implantation est donnée en dernière colonne. L’annexe de ce mémoire fournit une formulation explicite des principales perturbations.
(Il convient de rappeler que les modèles pour les comètes et la Lune avaient été conçus auparavant au CERGA.)
Classification Perturbations Références
résonances
sans couplage orbite gravitationnelles Exertier et Bois, 1994
Zarrouati, 1987
de surface Exertier (com. personnelle)
orbite (pression de radiation)
marées du corps primaire Zarrouati, 1987
couplage sur gravitationnelles Wytrzyszczak et Bois, 1991
un mode de mouvement
spin Bois, Wytrzyszczak, Journet,
1992
inélasticité du satellite
Bois et Journet, 1993
Bois et Wytrzyszczak, 1991
marées du corps primaire Bois et Journet, 1993
spin-orbite indirectes
couplage orbite gravitationnelles de figure- Bois, Wytrzyszczak, Journet,
mutuel sur les deux modes de mouvement et spin figure soin-orbite directes 1992
Tableau II-2 Perturbations et résonances.
II-3 PARAMÈTRES D’ENTRÉE
Le chapitre Méthode se termine ici par la présentation des différents choix s’offrant lors de la construction d’un système spin-orbite (Tableau II-3). Tant que faire se peut,
les paramètres sont des nombres sans dimension.
La liste des conditions initiales et paramètres pour chacune des intégrations présentées
Choix numériques
mode d’intégration (simultané ou séparé)
repère d’intégration et de la solution
pas (constant ou variable)
tolérance d’intégration
nombre maximum d’extrapolations successives
durée d’intégration
12 conditions initiales (positions et vitesses)
Choix dynamiques paramètres orbitaux (demi-grand axe, excentricité)
vitesse de rotation du corps primaire
les perturbations intervenant
Choix physiques et les paramètres physiques des deux corps (ellipsoïdes : trois
géométriques demi-grands axes ; masses ; nombre de Love et déphasage)
Tableau II-3 Les paramètres d’entrée.
Les choix de tolérance et de pas sont en étroite liaison et doivent être pesés. D’une part, un pas fin conduit à l’accumulation d’erreurs d’arrondis et n’ouvre pas l’accès à une meilleure connaissance physique. Par ailleurs, la tolérance des calculs doit bien sûr demeurer inférieure aux phénomènes recherchés. Les conditions initiales sont fournies par les observations, si on en dispose. Pour les cas théoriques, la rotation initiale doit respecter la nature des variables (lentes ou rapides). L’orbite initiale est donnée par une loi de Kepler corrigée de l’effet de figure principale de la planète. Dans
tous les cas il convient d’assurer la cohérence des constantes de base et conditions
DEUXIÈME PARTIE
: “MAPPING
SPIN-ORBITE”
III- A PROPOS
DE
L’ÉTUDE
QUALITATIVE
DE SYSTÈMES
DYNAMIQUES
IV- Systèmes spin-orbite élémentaires
V- “MAPPING SPIN-ORBITE”
Lune
laisse mol t'embrasser
juste un seul baiser
une caresse du bout des doigts ou
est ce trop te demander là
Lune
tout c' qui nous sépare
c’est cet espace noir
P00 000 km à peine
j en ai marre la coupe est pleine...
Chapitre III
: a Propos de l’étude qualitative de
SYSTÈMES DYNAMIQUES
A propos de l’application des méthodes qualitatives de la Mécanique Céleste au problème spin-orbite, peu d’échos sont trouvés dans la littérature. La difficulté première résulte du grand nombre de degrés de liberté. Wisdom et al. (1984) contournent cet obstacle en choisissant une orbite fixe képlérienne et en débutant
l’étude à partir du problème plan18. Après moyennisation des équations, l’espace des
phases est tracé pour une asphéricité donnée19. Ensuite, dans chaque région de l’espace
des phases, une recherche de la stabilité de la rotation complète (trois degrés de liberté) s’effectue par la méthode des multiplicateurs de Floquet. Puis la procédure est itérée pour différentes valeurs du paramètre d’asphéricité. L’étude se cantonne au cas d’Hypérion (“l’espace des formes” n’est pas parcouru de manière systématique) : elle conclut à une rotation chaotique d’attitude instable. Par la suite, Wisdom (1987 a, 1987 b) élargit ces travaux à quelques satellites naturels aux formes irrégulières. Il énonce au passage deux propositions intéressantes : “Tout satellite naturel aux formes irrégulières a dû subir des bascules chaotiques avant d’être capturé en état de résonance synchrone” ; “ces épisodes de bascules chaotiques peuvent expliquer certaines anomalies orbitales telles que la faible excentricité de Deimos”. Ces quelques conjectures témoignent de la complexité de l’étude du mouvement de rotation et du besoin d’une étude spin-orbite dans l’évolution des corps célestes. A propos des répercussions sur le mouvement orbital, Chauvineau et Métris (1994) mettent en placeune technique différente2^. Il s’agit d’une version simplifiée de la méthode d’analyse en
fréquence de Laskar21 (1990). Ce procédé d’analyse qualitative a aussi trouvé quelques
applications avec les équations de la précession. Laskar, Joutel et Boudin (1993) ontétudié notamment l’impact des variations d’ellipticité22 dynamique terrestre (lors des
âges glaciaires) sur les quantités de précession et d’obliquité. Dans Laskar, Joutel et
Robutel (1993), on trouve une étude de la stabilité de l’orientation de la Terre pour
^ c’est à dire où l’axe de rotation est perpendiculaire au plan orbital (Goldreich et Peale, 1966). 19 a = 3(B - A) /C
Ils démontrent ainsi que les effets du couplage sur l’orbite deviennent importants lorsque le satellite est suffisamment asymétrique et suffisamment proche du corps primaire.
21 Dans cet article, la méthode permet de comprendre la nature chaotique du système orbital solaire (existence
de résonances séculaires parmi les planètes intérieures). Elle permet en outre de construire des solutions quasi-périodiques pour un système non-chaotique.
différentes valeurs initiales de l’obliquité. Ces travaux sont étendus à l’ensemble des
planètes dans Laskar et Robutel2^ (1993). Sur la base d’une solution orbitale, les
équations de la précession sont intégrées pour une constante de précession donnée (dépendant du taux de rotation et de l’ellipticité dynamique). Néanmoins, il est difficile
de qualifier cette étude de spin-orbite.
Dans les travaux précédemment cités, le critère objectif de chaos réside dans l’évaluation de l’exposant de Lyapunov. La perte de la régularité et de la périodicité des solutions est indiquée par des zones spécifiques d’une surface de section ou d’un mapping en fréquence. L’indicateur d’attitude instable est donné par les multiplicateurs de Floquet. Tous ces procédés se consacrent à une compréhension qualitative des
systèmes dynamiques. Cette seconde partie s’attache à une description spécifique
entièrement dédiée au problème spin-orbite. Le chapitre IV présente le processus d’élaboration avec quelques exemples introductifs. Le chapitre V ébauche une exploration systématique des systèmes dynamiques spin-orbite.
2 3 h y est démontré que seules les obliquités des planètes extérieures peuvent être considérées comme
Chapitre iv
: systèmes spin-orbite élémentaires
IV-1 A LA RECHERCHE DE PARAMÈTRES SPIN-ORBITE
Ce paragraphe résume quelques considérations sur le couplage au travers des deux modes de mouvement (spin et orbite) et des deux modes d’intégration (simultané et séparé, c’est à dire intégrant le couplage implicite ou pas). Il nous mène doucement vers une étude qualitative spin-orbite et vers le choix de paramètres fondamentaux caractéristiques du mouvement spin-orbite.
1) Couplage spin-orbite
Quelques analogies entre les deux modes de mouvement, spin et orbital, sont intéressantes à considérer (Holland et Sperling, 1968). Lorsqu’aucun couple extérieur ne s’exerce sur un corps rigide, la direction du moment cinétique de rotation est constante. C’est le mouvement “libre eulérien”. Le parallèle est clair dans le cas du mouvement “libre képlérien” : lorsqu’aucune force extérieure ne s’exerce dans le problème des deux corps ponctuels, le vecteur moment cinétique orbital est constant. En revanche si le primaire est aplati, le moment cinétique orbital moyen d’un corps
ponctuel suit des courbes périodiques24. De manière analogue, le moment cinétique de
rotation d’un corps triaxial en orbite autour d’un primaire ponctuel évolue selon des trajectoires périodiques. Cependant, les équations du mouvement de rotation présentent indubitablement, et en tout premier lieu, des caractéristiques plus complexes en terme de couplage. En effet, même dans les systèmes spin-orbite les plus élémentaires, les couples s’exerçant sur le corps dépendent des positions orbitales. Les effets du couplage sont généralement les plus importants et les plus spectaculaires sur le spin (cf. Chauvineau et Métris, 1994). Ceci justifie l’attention toute particulière qui est portée au mouvement de rotation tout au long de ce mémoire.
La comparaison des deux modes d’intégration (cf. Première partie II-l), est
introduite afin de tenter de qualifier les effets de couplage des équations. Le test a d’abord été effectué sur le problème des deux corps. La différenciation entre les
intégrations avec ou sans couplage implicite révèle sur le spin un comportement local numérique différent. La plupart du temps, dans les cas usuels de la Mécanique Céleste, cette différence se situe à la limite de précision et de divergence de l’intégrateur, sous condition d’une bonne interpolation. Des résultats similaires ont été obtenus pour un couplage orbital. De fait, pour révéler pleinement les phénomènes d’interaction implicite entre variables, il est fait appel à une physique ou à une dynamique particulière (cf. Troisième partie chapitres VII et VIII). Un exemple de résonance spin-orbite est développé dans le paragraphe suivant. Il met en lumière le rôle important joué par l’asymétrie du corps dans une étude spin-orbite. Au passage, il permet de cerner les limites d’une intégration numérique.
2)
Position
initiale
de
l’ellipsoïde
d’inertie
et
degré
de
déformation
a) Système spin-orbite de base
Le système spin-orbite suivant constitue l’ossature de référence pour l’ensemble de
la seconde partie. C’est au demeurant le problème étudié dans la plupart des
publications sur les résonances spin-orbite (cf. Goldreich et Peale 1966, Peale 1976,
Wisdom et al. 1984, Celletti 1990,...). Il se justifie comme une bonne première
approximation des systèmes régissant l’évolution des satellites naturels. En effet,
Goldreich et Peale (1966) ont montré que la tendance des corps célestes est l’évolution,
par interaction de marée, vers un état de résonance spin-orbite combiné à un
redressement du plan équatorial. Ainsi l’orbite est choisie fixe et képlérienne. Le corps étudié est triaxial et son axe de rotation est perpendiculaire au plan orbital. Le
problème est donc un problème à deux degrés de liberté X et 9 (cf. Figure IV-1). Les perturbations sont purement gravitationnelles. Il est bon de noter que le mouvement
b) Introduction à une dynamique spécifique
Cette section introduit à une dynamique qui est spécifique selon le degré de
déformation de l’ellipsoïde et selon les conditions initiales. Elle permet en outre de pousser l’intégration numérique “dans ses derniers retranchements”. Le système est étudié pour la résonance spin-orbite 1/1, lorsque la période principale de rotation est synchrone avec la période de révolution orbitale. En outre, l’orbite est choisie circulaire (cf. conditions initiales et paramètres en Annexe). Deux cas de figure sont examinés selon la position initiale de l’ellipsoïde.
Premier cas : “position radiale”
L’ellipsoïde géométrique (16, 4, 2) est allongé initialement dans la direction de la planète (Figure IV-2a) : cpo = 0. C’est un système parfaitement “verrouillé en résonance”. Le résultat de l’intégration numérique est sans surprise : La variable angulaire de rotation 9 circule simplement de manière synchrone avec la longitude orbitale X (cf. courbes en Figure IV-3).
Deuxième cas : “position tangentielle”
L’ellipsoïde géométrique est maintenant positionné initialement dans une direction perpendiculaire à la direction du corps primaire (Figure IV-2b) : cp0 = 90 degrés. Le résultat en spin de l’intégration simultanée des deux modes de mouvement est présenté en Figure IV-4a, après soustraction du mouvement moyen (n<p=0.0258 rad/j) et de la valeur initiale (cp0=90 degrés). La rotation révèle une apparence d’attitude instable. La variable angulaire 9 subit, en effet, de brusques et larges variations de type culbute. Ces résultats sont à comparer à ceux issus d’une intégration du mouvement de rotation en mode séparé où les équations eulériennes ont été intégrées isolément, moyennant une solution analytique orbitale. L’angle 9 est le siège de bascules régulières d’amplitude supérieure à 90 degrés (Figure IV-4b). L’explication des différences entre les deux modes d’intégration (simultané et séparé) fait l’objet du paragraphe suivant (IV-l-2c). Dans l’immédiat, il suffit de retenir le comportement de type bascule. Il convient aussi de noter que ces bascules se transforment en librations pour l’intégration du système en
dehors de l’état de résonance.
Par la résonance spin-orbite, passe une phénoménologie différente selon la géométrie initiale de l’ellipsoïde (des bascules dans le cas tangentiel). Cette phénoménologie résulte du couplage des équations. En d’autres termes, “le couplage des équations
s’épanouit au travers d’une résonance de type spin-orbite”. Or, dans le mouvement de rotation, parler de couplage équivaut, pour une large part, à parler du degré d’asymétrie
du corps étudié. Quelques tests supplémentaires sur le système spin-orbite suffisent
pour s’en convaincre. Lorsque l’asymétrie diminue jusqu’à disparaître (section équatoriale circulaire), le couplage s’amoindrit jusqu’à s’effacer et les bascules aussi :
rod
Figure IV-2a “Position radiale”. Figure IV-2b “Position tangentielle”.
X
9
rod
9
Figure IV-4a La configuration “tangentielle” et le mode d’intégration simultané.
9
Surface de section ;
Les résultats précédents n’ont rien de mystérieux et s’expliquent en examinant l’équation du problème :
L’orbite étant circulaire, en posant X = 2(<p-X01) et r = r0, on se ramène à l’équation
classique du pendule :
Le portrait des phases du pendule simple se trouve classiquement dans tout manuel sur les systèmes dynamiques (cf. Bergé et al., 1984). Il offre une interprétation directe. Mais avant tout, attention au vocabulaire ! Dans la définition géométrique de l’espace des phases, les “librations” sont les courbes fermées encerclant un point d’équilibre stable. Afin d’éviter toute confusion avec les “librations physiques”, le qualificatif
“géométrique” est associé. Le cas radial correspond à un mouvement sur le “point
géométrique stable”. Le cas tangentiel se place sur le “point géométrique instable”. En pratique, il se situe en fait au voisinage de ce point et parcourt une courbe proche de la séparatrice. Lorsque la section équatoriale est circulaire, “l’oeil de chat de la résonance est fermé” et la solution est une fonction linéaire du temps. Se placer hors de la résonance spin-orbite équivaut à quitter le voisinage de la séparatrice pour la zone de “circulation géométrique”.
Sous une perturbation supplémentaire quelconque, ce système ne se ramène plus à l’équation du pendule. Dans l’espace des phases, des zones stochastiques se développent alors autour des séparatrices.
c) Différences entre les deux modes d’intégration
Les résultats des deux modes d’intégration diffèrent dans le cas tangentiel.
Flagrantes, ces différences disparaissent néanmoins en dehors de l’état de résonance spin-orbite et redeviennent de l’ordre de grandeur de la précision de l’intégrateur. De
même, lorsque l’asymétrie de la section équatoriale est diminuée, les différences de comportement entre les deux modes d’intégration s’amoindrissent et se transforment en bruit numérique. Ainsi, pour une paramétrisation donnée, cet exemple simple montre que le choix du mode d’intégration n’est pas neutre. En outre, cette sensibilité de comportement est mise en relief par l’état particulier de résonance spin-orbite. Le cas
2cp = - 3y sin2((p-X)
r3
X + KsinX = 0
avec K = 3y > 0
tangentiel est, de fait, un cas “extrême” où la sensibilité de comportement liée à la résonance se trouve exacerbée par un fort couplage et un fort degré d’asymétrie.
IV-2 INTRODUCTION À UNE CARTOGRAPHIE SPIN-ORBITE
Ce paragraphe présente les différents ingrédients pour constituer un outil de description qualitative des systèmes dynamiques spin-orbite. Il introduit à une notion de cartographie des aspects spin-orbite.
1) Un paramètre fondamental
Le comportement qualitatif d’un système spin-orbite, nous l’avons vu, repose largement sur le degré d’asymétrie du corps céleste. En l’occurrence, Wisdom (1987 b) souligne que les zones chaotiques sont d’autant plus larges que l’ellipsoïde s’éloigne de la symétrie sphérique. Par ailleurs, il avait auparavant établi en 1984 (Wisdom et al.)
des cartes de stabilité d’attitude en fonction d’un paramètre d’asphéricité^. Notons
aussi dans Kinoshita (1992) le tableau de classification des mouvements de rotation
libre en terme de stabilité et d’un paramètre incluant le degré de triaxialité^.
Il est alors assez naturel d’envisager une étude qualitative spin-orbite reposant sur un paramètre qui caractérise l’asymétrie du corps étudié. Le paramètre choisi se définit en fonction des trois demi-grands axes (a, b, c) de l’ellipsoïde :
(a-b)
^
(a-c)
Ce paramètre présente un avantage visuel : il parcoure l’espace des formes, du corps
simplement aplati au corps allongé. Il est nul pour une section équatoriale circulaire (a=b). Il est égal à 1 pour un corps allongé selon a (b=c < a). De fait il se perçoit en terme de rapport de l’asymétrie équatorial sur le degré d’aplatissement. Les valeurs du
paramètre d’asymétrie (ef) pour différents corps du Système Solaire sont données sur la Figure IV-5. Les données des demi-grands axes sont issues des éphémérides JPL DE303,
de Wisdom (1987 a), Chauvineau et al. (1993), Burns (1986), Abergel et Bertaux (1990), Jorda et al. (1994).
25 a =-^3(B - A)/C
0 0.5 1
Figure IV-5 Le paramètre d’asymétrie ef et les corps du Système Solaire.
2) Une analyse en fréquence
Face à un grand nombre de degrés de liberté (six pour le problème général spin-orbite), les méthodes qualitatives de la Mécanique Céleste deviennent souvent complexes voire inapplicables. La procédure choisie est en adéquation avec des systèmes dynamiques possédant de nombreux degrés de liberté. Elle s’inspire largement de la technique d’analyse des fréquences fondamentales de Laskar (1990, 1992). Il s’agit ici d’une version simplifiée puisque la construction d’approximations quasi-périodiques des solutions n’est pas le propos de cette seconde partie. Seule importe une description qualitative de la dynamique d’un système, de la manière la plus économique possible. En outre, ce type de méthode s’applique quelle que soit la paramétrisation du problème. De plus, elle peut fournir une information quantitative sur les fréquences du mouvement.
La démarche s’articule en deux temps. Tout d’abord, une série d’intégrations spin-orbite systématiques s’effectue pour un échantillonnage constant du paramètre
d’asymétrie (ef). Puis une recherche en fréquence est appliquée à chaque degré de
liberté du système. Elle est constituée d’une analyse de Fourier rapide, dotée d’une fenêtre de Hanning, et d’une recherche méthodique des pics de maximum d’amplitude. “La simplicité et la rapidité de cette technique en font un outil redoutable”. Les
premières applications à des systèmes élémentaires font l’objet des deux paragraphes
suivants : la rotation libre et le problème spin-orbite képlérien.
3 ) Rotation libre
quantité d’énergie cinétique et les trois composantes du vecteur de moment cinétique dans un repère fixe. Les solutions s’expriment par les fonctions elliptiques de Jacobi.
Lorsque A=B, ces fonctions elliptiques dégénèrent en fonctions circulaires sinusoïdales.
Lorsque B=C, elles deviennent singulières. En fait, ce cas est analogue au cas A=B moyennant une rotation propre s’effectuant autour de Ox.
Le système différentiel intégré est celui de la rotation libre d’un corps triaxial dont la nutation initiale est i30 = 60 degrés. Sur la Figure IV-6, le pic d’amplitude spectrale maximum pour chacun des angles d’Euler a été tracé en fonction d’un échantillonnage constant du paramètre d’asymétrie ef. Les symboles utilisés pour chaque variable angulaire sont : * pour l’angle y, O pour l’angle $ et A pour l’angle (p. A chaque triplet de symboles correspond une intégration numérique.
L’évolution des fréquences est identique pour les trois variables. Elle est régulière excepté le point correspondant à b=c. En ce point, la transformée de Fourier ne parvient plus à déterminer de fréquences fiables sur le mouvement et laisse présumer une
attitude à caractère instable. En l’occurrence, l’examen de la solution en fonction du
temps dévoile les larges variations subies par la nutation.
Représenter l’ensemble des pics de fréquence pour une même variable offre quelques renseignements supplémentaires. La Figure IV-7 donne en exemple celui de la rotation propre tp (* pour le pic d’amplitude spectrale maximum, O pour le second pic et A pour le troisième). Le comportement est d’ailleurs analogue pour la précession et la nutation. Seules les fréquences significatives ont été conservées. Pour une symétrie de révolution (a=b), une seule libration est présente. En revanche, dès que l’asymétrie équatoriale devient non nulle, une seconde modulation apparaît. Plus le corps se déforme, plus les deux fréquences sont proches jusqu’au point de rupture (b=c). Mais finalement d’un point de vue dynamique globale, les informations principales se trouvent résumées dans la fréquence fondamentale.
4)
Système
spin-orbite
képlérien
et
concept
de
seuil
de
fréquence
Le système spin-orbite de base (paragraphe IV-l-2a) est examiné de nouveau mais pour une rotation complète à trois degrés de liberté : = 10 degrés (cf. conditions initiales et paramètres en Annexe). L’évolution des fréquences sur le mouvement orbital, permet de vérifier que l’orbite demeure képlérienne quelle que soit l’asymétrie
fréquence(/jour}
0.050.
(P\j/ = 400 j, Pû = 1000 j, P(p = 110 j , $) = 60 deg)
Figure IV-6 Pic d’amplitude spectrale maximum pour les 3 angles d’Euler
fréquence(/jour)
0.050.
<p (Py = 400 j, Pô = 1000 j, Pcp = 110 j, ô0 = 60 deg)
ef=(a-b)/(a—c)
fréquence(/jour)
0.050.1
(P\\t = 400 j, P$ = 1000 j, Pcp = 110 j,
= 10 deg, e = 0)
o
0 0.2
A C
I i I l £& jt ^ *& : AAAA
0.4 0.6 0.8 1
ef = (a —b)/(a —c)
Figure IV-8 Pic d’amplitude spectrale maximum pour les 3 angles d’Euler
Des irrégularités dans le graphe apparaissent pour une plus grande gamme de valeurs de ef, en comparaison avec le cas libre. A chaque fois qu’un angle perd son caractère libratoire, la transformée de Fourier n’est plus en mesure de déterminer des fréquences significatives. Il convient d’ailleurs de se fixer un seuil en dessous duquel les résultats de l’analyse en fréquence n’ont raisonnablement plus de sens. Le choix de la fréquence limite correspond au dixième de l’intervalle d’intégration :
10 0 V|im = ~r~ • 2jc
hnt
(pour la Figure IV-8: vHm = 0.01 )
Lorsque v > vHm , les fréquences déterminées ont tout lieu d’être fiables. Les angles
d’Euler possèdent des oscillations régulières (librations) qui attestent d’une attitude stable. En contre partie, lorsque v < v)im , la perte de la stabilité (d’attitude) est assurée puisque la transformée de Fourier n’est plus en mesure de fournir des solutions en fréquence. Il reste deux interprétations possibles : un mouvement régulier d’attitude instable ou un mouvement irrégulier d’attitude instable (chaos). Une difficulté intervient cependant dans l’interprétation des discontinuités de l’évolution des fréquences. Il s’agit du problème de représentation de l’ensemble des configurations spatiales d’une rotation dans une seule et même séquence angulaire. Ce problème est largement développé dans le chapitre dédié aux comètes (Troisième partie VI-3). Or, il se présente pour des mouvements de rotation de type bascule qui sont de fait caractéristiques d’une instabilité d’attitude. Ainsi, dès que v < V|im , on considère que le mouvement de rotation d’attitude stable est perdu. En fait, il s’agit plus d’une technique de recherche de la stabilité dans le problème spin-orbite que d’une détection
d’instabilité ou de chaos.
L’examen de l’ensemble des fréquences pour un seul angle d’Euler reflète un signal à
triple modulation et n’apporte aucune information supplémentaire sur la dynamique globale. Certes le mouvement n’est pas complètement gouverné par la première fréquence
fondamentale. Les indications offertes suffisent toutefois à une étude qualitative. C’est pourquoi seul le premier pic d’amplitude maximum est conservé par la suite.
Si, à présent, on place le système en résonance spin-orbite (la période de rotation est augmentée jusqu’à égaler la période de révolution orbitale), qu’advient-il du
mouvement ? La Figure IV-9 ( vjjm = 0.01) est mise en examen en comparaison avec la
Figure IV-8. Les zones de stabilité s’effondrent considérablement sur chaque angle d’Euler. Une zone de transition se détache au cours de laquelle y (*) et cp(A) perdent enpremier lieu leur comportement libratoire ( 0.1< ef <0.3). Pour ef = 0.3 les librations