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Place d'une pharmaco-épidémiologie clinique dans l'évaluation du médicament en vie réelle

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MISE AU POINT

Place d’une pharmaco-

épidémiologie clinique dans l’évaluation du médicament en vie réelle

Contribution of clinical pharmacoepidemiology to the assessment of medicines in the real life

L. Grimaldi-Bensouda*

* Honorary associate professor, London School of Hygiene & Tropical Medicine.

É tudier les médicaments “en vie réelle” est une nécessité maintenant admise. Les agences réglementaires et de remboursement ainsi que les grandes assurances santé exigent ou réclament que de telles études soient réalisées. Jusqu’à récem- ment essentiellement cantonnées au domaine de l’évaluation du risque, celles-ci ont de plus en plus souvent pour but d’évaluer aussi le rapport béné- fice/risque en continu ou la “performance”, voire l’efficacité effective des médicaments en pratique courante.

Quelle est la place de la pharmacologie, et préci- sément d’une pharmaco-épidémiologie clinique dans ces évaluations en vie réelle ? Tout le champ des besoins est-il adéquatement couvert par les méthodologies souvent favorisées qui ont recours aux grandes bases de données médico-adminis- tratives ? Faut-il promouvoir d’autres méthodes, plus cliniques et, si oui, pour quels objectifs ? La question mérite d’être posée à l’heure de la mise en place du Système national des données de santé (SNDS), qui donne accès à la plus grande base de données médico-administrative au monde à un très large groupe d’utilisateurs (1) : tout le champ d’évaluation pharmaco-épidémiologique doit-il y être restreint ? Sinon, quelles sont les alternatives ? Nous revoyons ici :

➤ les objectifs des études en vie réelle, qui sont très sensiblement différents dans le domaine de l’évaluation du risque et du bénéfice ;

➤ la place de la pharmacologie et d’une pharmaco- épidémiologie clinique dans ces évaluations ;

➤ les avantages et limites de ces différentes méthodes d’étude en fonction de ces objectifs.

Pourquoi des études en vie réelle ?

Dans le domaine règlementaire, les études de sécu- rité post-autorisation exigées par l’Agence euro- péenne du médicament dans le cadre des plans de gestion des risques (les “PASS” [Post-Autorisa- tion Safety Study]) se voient maintenant souvent complétées par des demandes d’études d’efficacité post-autorisation (les “PAES” [Post-Authorisation Efficacy Study]), dans lesquelles l’efficacité que l’on cherche à mesurer est celle des médicaments en pratique courante. Le tout est mené non seulement dans le cadre de plans de gestion des risques, mais aussi de plans de gestion en continu du rapport bénéfice/risque, tout au long du cycle de vie des produits pharmaceutiques. Pour le remboursement et la prise en charge des thérapeutiques médica- menteuses, l’évaluation en vie réelle concerne les études post-inscription (EPI), lorsque des accords de couverture incluent des exigences de dévelop- pement de preuves supplémentaires sur l’efficacité (approche longtemps favorisée en France [2]), ou des accords de “partage de risque” fondés sur les résultats des médicaments en vie réelle (Outcome Based Agreements ou [OBA]), qui sont maintenant légion en Amérique du Nord et émergent dans les pays européens comme la Suède et l’Italie (3).

La pharmacologie a été pionnière en matière d’éva-

luation en vie réelle, puisque la pharmacovigilance

existe en fait depuis plus de 40 ans. Chacun comprend

que les effets des médicaments ne peuvent tous être

identifiés ou mesurés au cours du développement des

produits, qui implique un nombre forcément limité de

patients, dans un cadre contraint par les nécessités

(2)

méthodologiques des essais et par la prudence qui s’impose à toute expérimentation clinique. L’extension au domaine de l’efficacité et du bénéfice s’effectue donc naturellement, mais les objectifs en sont sensi- blement différents.

Les objectifs des études en vie réelle Dans le domaine du risque, l’évaluation en vie réelle a 3 objectifs :

➤ détecter des nouveaux risques inconnus au moment de la mise sur le marché ;

➤ confirmer des risques soupçonnés au cours du développement ou signalés par la pharmaco- vigilance, c’est-à-dire démontrer qu’il existe bien une relation causale, au moins partielle, entre une exposition et un événement indésirable (EI) ;

➤ quantifier la fréquence des EI connus, notamment de façon relative par rapport à celle des alternatives thérapeutiques.

La pharmacovigilance participe plutôt du premier objectif (identification), la pharmaco-épidémio- logie plutôt du dernier (quantification), et les deux concourent à la confirmation des effets soupçonnés ou signalés.

Dans le domaine de l’efficacité, ou du bénéfice, les objectifs des études en vie réelle sont tout autres :

➤ identifier des effets bénéfiques inconnus des médicaments ne fait pas partie des objectifs des études en vie réelle. Démontrer une efficacité qui n’aurait pas été identifiée par les études de dévelop- pement non plus. L’approche fréquente qui consiste à comparer les études observationnelles aux essais, de ce point de vue, est donc sans objet ;

➤ confirmer des impacts bénéfiques attendus en vie réelle fait partie des objectifs des études pharmaco- épidémiologiques mais, contrairement à une opinion courante, les études en vie réelle ne peuvent pas infirmer une efficacité démontrée expérimentale- ment, car cette dernière est une propriété intrinsèque de la molécule, que les études de développement ont eu simplement pour but de mettre en évidence. Les études observationnelles ne peuvent apporter des

“preuves” convaincantes qu’une efficacité observée en essai clinique serait un leurre. En revanche, une mesure d’une éventuelle modification, en vie réelle,

de l’efficacité (“effect modification”) est possible et constitue même un objectif essentiel des études en vie réelle. Elle se traduit, par exemple, par la vérification de la traduction effective en résultats ultimes (“outcomes”) d’une efficacité étudiée préala- blement seulement sur un critère intermédiaire (telle la prévention effective de l’infarctus lorsque le LDL-c a été utilisé comme critère d’efficacité dans l’essai thérapeutique) ;

➤ quantifier le bénéfice en pratique courante est également un objectif important des études phar- maco-épidémiologiques. Il s’agit de la quantification de l’effet tenant compte des profils d’utilisation des molécules, dont la fameuse “adhérence” au traite- ment ; en d’autres termes, il s’agit de mesurer la manière dont l’intensité effective du traitement, parfois à des posologies ou des doses cumulées diffé- rentes de celles étudiées dans les essais, se traduit en termes de résultat ;

➤ mesurer les interactions : plus important encore, et souvent négligé, est l’objectif de mesurer l’inter- action de différents facteurs sur l’ampleur du béné- fice. Savoir si, et dans quelle mesure, l’âge, le sexe, les comorbidités, les coprescriptions, les facteurs de risque personnels, interagissent avec les médi- caments pour produire une efficacité résultante, effective (“effectiveness”), est l’objectif principal des études en vie réelle. Ces informations ne sont que partiellement documentées au cours des essais du fait, d’une part, de la randomisation – qui en annule les effets – et, d’autre part, de la taille des popu- lations des études, qui limite le nombre d’analyses en sous-groupe réalisables.

La figure, p. 22 résume les facteurs qui font l’objet des études en vie réelle, lesquelles cherchent à évaluer leur interaction avec l’efficacité ou l’inno- cuité vis-à-vis des molécules ou déterminent si ces facteurs peuvent en modifier l’effet.

Quelles méthodes

pharmaco-épidémiologiques ?

On peut schématiquement regrouper les méthodes observationnelles utilisées en 3 grands groupes :

➤ les cohortes de patients, qui peuvent être des cohortes de maladie où la dynamique d’utilisation est ici d’exposer les objectifs des études “en vie réelle”, très sensiblement différents dans le domaine de l’évaluation du risque et du bénéfice, de montrer la place et l’importance de la pharmacologie, et notam- ment d’une pharmaco-épidémiologie clinique, dans ces évaluations, et de revoir les avantages et limites des différentes méthodes d’étude en fonction de ces objectifs.

épidémiologie PASS

PAES

Summary

Studying medicines “in real life” is now a necessity widely accepted. Regulatory and reim- bursement agencies, as well as major health insurers require or claim that such studies be conducted. Until recently, so-called ‘real life’ studies have been mainly confined to the field of risk assessment, however their goal is now more and more the assessment of the continuous benefit/risk ratio, of the performance, or even of the effectiveness of medicines in routine clinical practice. The objective here is to set out the objectives of real life studies, which are quite different in the area of risk and benefit evaluation, to outline the role and importance of pharmaco- logy and in particular of clinical pharmacoepidemiology in these evaluations and discuss the advantages and limita- tions of different study designs according to these objectives.

Keywords

Real-world studies Clinical pharmacology Pharmacoepidemiology PASS

PAES

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MISE AU POINT Place d’une pharmaco-épidémiologie clinique dans l’évaluation du médicament en vie réelle

patients (comme la base britannique ‘’CPRD’’

2

) et les bases de remboursement (les “claims databases”), qui lient des données de dispensation de médicaments et de soins à des données d’hospitalisation et de décès.

En France, les bases de données qui composent main- tenant le SNDS ont été utilisées, outre par les épidé- miologistes de la Caisse nationale d’assurance maladie elle-même, d’abord par des pharmacologues en pharmaco-épidémiologie (13-15), mais aussi par des épidémiologistes institutionnels (16).

Les bases de données électroniques La disponibilité des données, la taille des bases de données et leur caractère objectif (au moins appa- remment) expliquent le succès de ces études en pharmaco-épidémiologie dans le monde, d’autant que les équipes sont, hormis en France, surtout issues des départements d’épidémiologie à tradi- tion statistique. La fécondité de cette approche dans le domaine de l’évaluation des risques n’est plus à démontrer, comme en témoignent de nombreuses publications dans les grandes revues médicales évoquées plus haut. Ces données sont plus limitées pour l’étude des bénéfices, et spécialement de l’effi- cacité en pratique courante, car la plupart des bases souffrent du manque de spécificité sur l’indication précise du traitement utilisé, sur la forme clinique de la maladie traitée et sa sévérité, et n’ont pas de données directes sur les données biologiques ou d’imagerie, par exemple. Or, chacun sait que le biais d’indication est majeur ; toute l’histoire du dévelop- pement des médicaments avec les exigences des essais randomisés de phase III s’appuie sur la néces- sité de contrôler ce biais. De plus, elles n’ont que peu d’informations sur certains facteurs de risque personnels ou familiaux des patients. Si les bases utilisant des données de dossiers médicaux sont un peu mieux informées, c’est souvent encore de façon incomplète, et les bases de remboursement ne fournissent que très peu d’informations de ce type.

Enfin, l’objectivité apparente des données ne doit pas faire perdre de vue que les diagnostics enregistrés dans les bases ont été posés par des médecins qui n’étaient pas “aveugles” par rapport aux traitements reçus. Il y a donc encore à faire pour que l’utilisation de ces bases puisse être suffisante pour les études d’efficacité. Elles sont cependant utilisées quand le bénéfice attendu est celui de la prévention d’un événement, comme pour les vaccins, pour lesquels la question de l’indication se pose peu (mais n’est pas toujours totalement absente).

des produits est étudiée avec les résultats pour les différents produits (4) mais, dans ce domaine, ce sont le plus souvent des “registres” de patients utilisant un produit donné, comparés ou non à des registres d’autres traitements

1

;

➤ les études “cas-référents” (5), qui englobent toutes les méthodes initiées par la collecte des cas comme outcomes étudiés, dont l’histoire de trai- tement est comparée à celle de témoins (études cas-témoin en français [6]), à celle d’une cohorte de référence (cas-cohorte) [7], à des séries systé- matiques (cas-référent systématique) [8] ou à des données recueillies au niveau populationnel (cas-population) [9], ou encore qui comparent les cas à eux-mêmes à différentes périodes, soit avant l’événement d’intérêt (étude cas-croisé) [10], soit après (self-controlled case series) [11]. Les études cas-témoins effectuées dans les bases de notifi- cations spontanées d’EI sont une variante de ces approches, et l’analyse des “disproportionnalités”

proposée par une équipe britannique (12) est large- ment reprise sur le plan international, y compris réglementaire ;

➤ les analyses de bases de données de santé dispo- nibles sous forme électronique et qui assemblent des informations collectées à d’autres fins que la recherche sont de loin les plus favorisées par les épidémiologistes statisticiens. On distingue souvent les bases de données de dossiers médicaux électro- niques tenus par les médecins pour le suivi de leurs Efficacité

/innocuité

Profils d’utilisation du médicament ¹

Formes de la maladie traitée ² Caractéristiques

personnelles ³ Comorbidités Coprescriptions Interaction ou

modification de l’effet*

Efficacité effective (effectiveness) Bénéfice/risque

* L’interaction de facteurs détermine l’ampleur effective de l’effet, les modificateurs d’effet en déterminent la direction (cohérente ou non) dans les sous-groupes de patients.

¹ Doses, adhérence, intensité effective. ² Sévérité, expressions, stades, lignes de traitement.

³ Âge, sexe, facteurs de risque individuel de la maladie.

Figure. Modèle d’effet à évaluer en vie réelle.

1

Pour beaucoup, le terme “études non interventionnelles” (non-inter- ventional studies [NIS]) s’applique essentiellement à ces méthodes, alors qu’il devrait s’appliquer aux 3 approches décrites ici.

2

Clinical Practice Research Database,

autrefois cantonnée aux dossiers

de médecine générale (GPRD) et

établissant désormais un lien avec

les données hospitalières, le registre

national de cancer et le registre

national de décès.

(4)

Les cohortes de maladie

Les études de cohortes de maladie, souvent favo- risées par les cliniciens académiques, sont menées dans le but de comprendre le rapport bénéfice/risque des stratégies thérapeutiques dans les populations de patients. Théoriquement, la cohorte de maladie est la “reine” des méthodes observationnelles, car elle permet d’avoir des données cliniques tout en étudiant l’ensemble des thérapies sans la moindre intervention effectuée aux fins de la recherche.

Mais pour fournir des données vraiment valides, permettant de tirer des conclusions cliniques et règlementaires fiables, ces études doivent utiliser des méthodes complexes de collecte. La question de l’indication est toujours présente, mais elle est atténuée par la disponibilité de données cliniques, biologiques, sur la symptomatologie, etc. De même, les informations sur les facteurs de risque permettent des analyses ajustées selon les besoins.

Plusieurs méthodes existent pour rendre les groupes très comparables, comme l’appariement sur des scores de risque ou sur des scores de propension. Il reste toujours un niveau de confusion non mesuré et non contrôlé, même indirectement. Les cohortes de maladie requièrent une méthodologie qui tient compte de la dynamique de l’exposition au sein des cohortes, à la fois chez les mêmes patients et entre les patients comparés à diverses périodes (17).

Cette “dynamique” oblige à tenir compte des subs- titutions éventuelles de médicaments et de leurs motifs (manque d’efficacité, effets indésirables), des arrêts de traitement, des doses réellement utilisées. Le comparateur peut être un traitement donné, mais l’avantage de ces approches est plutôt de comparer aux standards de traitement, voire à tous les traitements utilisés pour une indication.

Les registres

Les “registres” cliniques (18) qui suivent des patients traités par un médicament donné pour une indica- tion précise ont la faveur de beaucoup car, par défi- nition, le biais d’indication est minimisé (sans être exclu) et les suivis sont le plus souvent standardisés.

Ils fournissent un luxe d’informations cliniques. Les industriels apprécient qu’ils assurent un lien avec les médecins prescripteurs. En termes d’objectifs, ces registres comportent toujours, de façon réglemen- taire, une part de pharmacovigilance et quelquefois un élément de confirmation et de quantification du risque, mais la méthode est plus souvent utilisée

dans le but de confirmer des bénéfices en pratique courante, parfois sur le long terme. Les choses peuvent se compliquer à mesure que le suivi se prolonge, car une dynamique d’utilisation simi- laire à celle observée dans les cohorte de maladie surviendra fatalement (si le registre est réellement non interventionnel) avec l’absence d’aveugle sur les motifs de changement de traitement, etc. De plus, en se cantonnant parfois à des groupes de patients restreints, cette méthode peut passer à côté de l’objectif prioritaire des études en vie réelle, qui est celui de l’identification et de la compréhension des interactions et des modificateurs d’effets. Les registres sont simples à mettre en place et à suivre, mais leur coût est élevé (cependant moindre que celui des essais thérapeutiques classiques).

Les méthodes cas-référents

Les méthodes pharmaco-épidémiologiques fondées sur les cas sont les plus proches des méthodes de la pharmacologie clinique. Les épidémiologistes issus de la pharmaco-épidémiologie de tradition plus statistique les favorisent moins, car elles demandent un travail de collecte approfondi pour éviter les fameux “biais de sélection” et “biais de mémoire” dont on les a fréquemment accusées à tort, alors que les méthodes standardisées d’inter- view peuvent donner des résultats très valides (19).

Néanmoins, au prix de cet effort, ce sont les méthodes

de pharmaco-épidémiologie clinique parmi les plus

fécondes lorsque l’outcome d’intérêt est relative-

ment peu fréquent chez les personnes utilisant le

médicament ; par définition, elles évitent de suivre

de grandes cohortes (car seuls les cas sont consi-

dérés, et un échantillon des non-cas, qui sont les

témoins ou référents). Leur validité tient au fait

qu’elles sont fondées sur des données cliniques

(y compris biologiques, d’imagerie, etc.) compa-

rables à celles des registres et cohortes cliniques,

et qu’elles peuvent étudier réellement la dynamique

des expositions préalables à la survenue d’un événe-

ment d’intérêt, quelquefois sur le très long terme

(car toutes les expositions précédant un événement

sont prises en compte). Dans le domaine du risque,

elles sont incontournables quand la connaissance

des facteurs de confusion (par exemple, l’insuline

et le cancer du sein [20] ou la spécificité du diag-

nostic de l’événement considéré dans l’International

Primary Pulmonary Hypertension Study [21]) est

indispensable pour conclure. C’est aussi le cas pour

les études des médicaments “OTC” (ou pris en

(5)

MISE AU POINT Place d’une pharmaco-épidémiologie clinique dans l’évaluation du médicament en vie réelle

automédication) [22] qui ne sont pas répertoriés dans les bases de prescription, ou lorsque l’exposi- tion sur une fenêtre de temps précise ne peut être décrite que par les patients. Très appropriées pour l’évaluation des risques, elles sont utilisées dans le domaine du bénéfice lorsqu’il s’agit d’étudier des facteurs de prévention comme le rôle des vaccins dans la prévention de maladies infectieuses, mais aussi le rôle des médicaments dans la prévention d’événements ou outcomes, tels, par exemple, l’in- farctus du myocarde, l’accident vasculaire cérébral, etc., car, finalement, ces dernières études sont des études de risque. Ici, la collecte clinique permet de contrôler des facteurs de confusion, comme certains facteurs d’indication, aussi bien que dans les cohortes de maladie. Dans le domaine de l’efficacité proprement dite, c’est-à-dire du traitement des maladies, les expériences avec ces méthodes sont encore trop peu fréquentes pour les généraliser.

Le meilleur des deux mondes

Le croisement entre les méthodes cliniques et les données électroniques de santé se développe rapide- ment. Plusieurs bases de données, dont le SNDS en France, fournissent la possibilité de lier les données cliniques aux bases de données médico-administra- tives. Un recueil clinique est effectué à l’entrée et à certains intervalles, tandis que l’essentiel du suivi est effectué par croisement de fichiers (si les patients ne s’y opposent pas). Ces méthodes demandent une grande maîtrise des méthodes de pharmaco-épidémiologie clinique. Elles sont même appliquées aux essais prag- matiques (23). Un certain engouement existe depuis que l’agence britannique de réglementation des médi- caments et des soins de santé (MHRA) a accepté que cette méthode soit utilisée pour 2 essais de phase III en pneumologie (asthme et bronchopneumo- pathie chronique obstructive) et que ces essais ont été publiés dans une grande revue médicale (24).

Ainsi, la conception originale des Français Schwartz

et Lellouch, qui avaient inventé “l’essai pragmatique”

en 1967, peut-elle se trouver pleinement réalisée un demi-siècle plus tard ; leur article original a d’ail- leurs été à nouveau publié récemment (25). Une approche similaire est menée avec à la fois la collecte de données médicales, biologiques, voire génétiques, dans des registres de patients et leur combinaison avec des données issues de bases de données. Cette approche a été démontrée comme étant réalisable également en France, notamment avec des grandes cohortes (26), et devra se généraliser.

Conclusion

Tant pour l’évaluation des risques que des bénéfices des médicaments en vie réelle, une pharmaco- épidémiologie clinique est nécessaire afin d’identifier les facteurs personnels, médicaux, biologiques et génétiques interagissant, dans les populations de patients, avec les propriétés intrin- sèques des molécules. Une combinaison de cette pharmaco-épidémiologie clinique, héritière de la pharmacologie clinique, avec les données de popu- lation du SNDS, est une opportunité unique sur le

plan scientifique. ■

Quelques liens utiles

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shtml L’auteur déclare ne pas avoir

de liens d’intérêts concernant cet article. L’auteur réalise des études pouvant être financées par des firmes pharmaceutiques.

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Références bibliographiques

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· déclaration publique de liens d’intérêts demandée à nos auteurs,

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Références bibliographiques

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