HAL Id: hal-00896018
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00896018
Submitted on 1 Jan 1992
HAL is a multi-disciplinary open access
archive for the deposit and dissemination of
sci-entific research documents, whether they are
pub-lished or not. The documents may come from
teaching and research institutions in France or
abroad, or from public or private research centers.
L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est
destinée au dépôt et à la diffusion de documents
scientifiques de niveau recherche, publiés ou non,
émanant des établissements d’enseignement et de
recherche français ou étrangers, des laboratoires
publics ou privés.
L’analyse de la longévité
V. Ducrocq
To cite this version:
V. DUCROCQ
INRA Station de
Génétique quantitatiue
etappliquée
78352Jouy-en-Josas
CedexDans
pratiquement
toutes lesespèces
d’animauxdomestiques,
ce n’est pas la mort naturellequi
met unpoint
final à la vie de l’animal maisplus
souvent sonabattage qu’on appelle
aussi la "réforme". Nous nous limiterons dans tout cequi
suit au seul cas des vaches laitières. Lalongévité qui
nous intéresse estalors la durée de vie
productive
mesurée comme le nombre dejours séparant
lepremier vêlage
de la réforme. Cette dernièrepeut
être soit volontaire - la vache n’estplus
considérée commeéconomiquement
intéressante par
rapport
à ses éventuellesrempla-çantes -
soit involontaire - la vache n’estplus
en état de continuer àproduire
defaçon
rentable parcequ’elle
est malade ou infertile. De ces deuxtypes
deréforme,
on tire deux définitions d’une bonnelongévi-té : la
longévité
vraie estl’aptitude
d’une vache à res-terproductive
dansl’élevage,
telle que nous l’obser-vons ; lalongévité
fonctionnelle caractérise les quali-tésd’élevage
de cette vachequi,
lorsqu’elles
sontdéfi-cientes,
peuvent entraîner sa réformeinvolontaire,
indépendamment
de son niveau deproduction.
Cette distinction estimportante
car si lapremière
est la seule observabledirectement,
la seconde nous appor-te réellement une information nouvelle par rapport àla
production
laitière. Defait,
c’est lalongévité
fonc-tionnellequi
sertfréquemment
dejustification
aux fortespressions
de sélection faites sur lamorphologie
laitière,
parexemple
en race Holstein. Or l’existence d’une liaison entre lamorphologie
et lalongévité
n’a pu être mise en évidence que pour un trèspetit
nombre de
caractéristiques,
concernantprincipale-ment la mamelle :
lorsque
celle-ci n’est pas fonction-nelle(trop
volumineuse oupendante),
l’animal estrapidement
éliminé. Demême,
la liaison favorableentre
longévité
etproduction
laitière - les meilleuresvaches sont réformées le
plus
tardpossible -
n’a pasl’impact
bénéfique
voulu dans les schémas desélec-tion : c’est le niveau relatif de
production
de la vache dans sonélevage
parrapport
aux autres vachesqui
conditionne saprobabilité
d’êtreréformée,
et non pas saproduction
laitière brute (4000kg
ou 8000kg).
S’il semble donc que la
longévité
(vraie oufonction-nelle) ne soit pas sélectionnée de
façon
indirecte,
l’intérêt du caractère n’en est pas moins non
négli-geable.
Lalongévité
vraie est très favorablement liée(corrélation de p =
0,5
à0,7)
au revenu net parjour
de vie de la vache : si la
longévité
dans letroupeau
est accrue, moins de
génisses
deremplacement
sont nécessaires et les coûts d’amortissement de celles-ciL’évaluation des
reproducteurs
L’analyse
de la
longévité
sont
plus
faibles par unité de temps. Enpériode
dequotas laitiers,
une diminution de ces coûts est unevoie d’amélioration du revenu à ne pas
négliger.
Si lalongévité
fonctionnelle estaméliorée,
une éliminationplus importante
des moins bonnesproductrices
peut
être
envisagée.
Enfin,
etpeut-être
surtout, de nom-breux "caractères secondaires" (résistance auxmala-dies,
auxmammites, fertilité,
tempérament,
etc...) dontl’importance
estrégulièrement soulignée
maisdont la mesure est délicate se traduisent par la réfor-me de l’animal
lorsque
ces caractères sont trop défa-vorables. La mesure de la durée de vieproductive
intègre
defaçon
simple
etobjective
cescaractères,
telsqu’ils
sont perçus par leséleveurs,
sansqu’il
soitnécessaire de mettre en
place
un nouveausystème
complexe
et coûteux de collecte de données.Comment étudier
la
longévité
des
vaches
laitières ?
La
principale
difficulté dans touteanalyse
dedon-nées de survie est l’existence de données
tronquées,
dites"censurées",
correspondant
aux individus encorevivants au moment de
l’analyse. Supprimer
cesobser-vations ou leur attribuer une valeur forfaitaire
abou-tirait à des biais
importants.
Pour contourner cepro-blème,
des évaluations en routine des taureaux sur lalongévité
de leurs filles ont été réalisées aux Etats-Unis et au Canada enremplaçant
la durée de vie par une mesure y = 1 si l’animal est encore vivant àl’âge
de 4 ans et y = 0 sinon. Mais cette mesure
présente
de nombreux inconvénients : elle est peu héritable (h’
<
0,05),
elle estincomplète
et elle est obtenuetardive-ment (il faut attendre
qu’un
nombre suffisant de filles aient atteintl’âge
de 4 ans). Nous proposonsplutôt d’analyser
la durée de vieproductive
à l’aide de méthodesstatistiques adaptées
aux donnéescen-surées,
développées
dans le domaine médical(Kalbfleish et Prentice
1980,
Cox et Oakes 1984). Cesméthodes font
appel
à la notion de"risque
instanta-né",
qui
est laprobabilité
de réformer un animal autemps
t, sachantqu’il
est encore vivantjuste
avant t. Cerisque
estplus
facile à modéliser en fonction d’effets du milieu ou d’éventuels effetsgénétiques
qu’une
durée de vie dont on ne connaît pas lacomme le
produit
d’une fonction derisque
de base7!&dquo;(t)
qui
traduit l’évolution durisque
avecl’âge
etd’une fonction de variables
explicatrices (élevage,
année, père
de l’animal)supposées
influencer lapro-babilité de réforme
indépendamment
del’âge :
À(t = !,,(t)
exp
lh, +g, + ... l
où h, est l’effet de
l’élevage
i,
g, est l’effet dupère
j,
etc... (ces effets pouvant être considérés comme fixés ou commealéatoires,
comme pour les modèles linéaires). L’estimation de ces effets repose sur la méthode du maximum de vraisemblancequi
ne sera pasdéveloppée
ici.L’aspect
essentiel à retenir est queles données censurées sont traitées d’un
point
de vuestatistique
différemment des durées de vie réellementobservées.
Résultats
Deux fichiers ont été
analysés
à cejour
(un fichier de 87000 vaches Holstein de l’Etat de New York dont60,3%
censurées(Ducrocq
et al1988a,b),
un fichier Normand de 103000 vaches dont 34% censurées(Ducrocq
1991). Lesprincipaux
résultats obtenuspeuvent
être résumés de la manière suivante :- Nous
avons pu montrer que la fonction de
risque
de base 7!!(t) est très bienapprochée
par une fonction de Weibull. La fonction de survie de Weibull S(t) =exp( -À,t)
1
’
est unegénéralisation
de la fonction de décroissanceexponentielle
S(t) =exp(-7!t).
Ce résultatconduit à d’intéressantes
simplifications
dans les cal-culs.- Une
composante
absolument essentielle à la bonnedescription
de la durée de vieproductive
des vaches laitières est l’introduction dans la fonction derisque
de (co)variablesexplicatrices dépendantes
dutemps.
Ainsi,
un effet&dquo;troupeau
x année&dquo; décrit bienles variations de la
&dquo;politique&dquo;
de réforme choisie par l’éleveur au cours dutemps.
Enconséquence -
et c’est là une différence fondamentale avec les modèles linéaires - la fonction derisque
d’une vache sera sous l’influence d’un nombre variable(1,
2, ... 10) d’effets&dquo;troupeau
xannée&dquo;,
nombrequi dépendra
de lalongé-vité de l’animal. Contrairement au
point précédent,
ceci rend les calculs
particulièrement complexes.
- L’un des effets
majeurs influençant
lerisque
ins-tantané d’une vache est la variation au cours dutemps
de la taille dutroupeau
danslaquelle
elle se trouve : Dans un troupeau &dquo;enexpansion&dquo;,
laprobabi-lité d’être réformée est, toutes choses étant
égales
parailleurs,
beaucoup plus
faible que dans unélevage
d’effectif stable ou décroissant(figure
1). Ces diffé-rences de variation de taille detroupeau
jouent
un rôleparticulièrement important
en situation de limi-tation de laproduction
laitière(quotas).
Il nous a d’ailleurs étépossible
de mettre en évidence sur lefichier normand un taux de réforme
plus
élevéchaque
année dans lesquelques
moisprécédant
la finde la
période
de référence des quotas laitiers(mars ;
figure
2). Il semble illusoire de vouloiranalyser
les facteursgénétiques
(et même nongénétiques)
affec-tant la
longévité
des vaches laitières sans tenir comp-te de cephénomène.
- La
probabilité
d’être réformée (lerisque)
croît- Nous avons mis en évidence des différences
géné-tiques
assezimportantes
entre taureaux pour lalon-gévité
vraie comme pour lalongévité
fonctionnelle(appréciée
indirectement) de leurs filles. Dans lefichier Holstein
américain,
l’écart entre taureaux extrêmes atteintplus
d’une lactation (1 an) de diffé-rence&dquo;d’espérance
devie&dquo; (iigure
4).Perspectives
Les débuts de
l’application
des méthodesd’analyse
de données de survie à l’étude de lalongévité
des vaches laitières sont encore très récents. Avant réel-lementd’intégrer
cetype
d’approche
aux indexations de routine et de l’utiliser dans les schémas desélec-tion, il reste encore de nombreux
points
à éclaircir. Si de grosprogrès
ont été faits dans ladescription
des effets nongénétiques
influençant
lalongévité,
il est par contre essentiel de vérifier lepouvoir &dquo;prédictif’
de tels modèles. Peut-on de manière réalisteprédire
lalongévité
des filles à naître d’un taureau àpartir
de ce
qui
a été observé sur les &dquo;débuts de carrière&dquo; d’autres filles du même taureau ? Si laréponse
estoui,
il fauts’attaquer
au difficileproblème
del’esti-mation des
paramètres
génétiques
de ce type de modèle non linéaire. Des avancées ont été faites danscette direction. Si la
réponse
est non, ou sil’intégra-tion dans les schémas de sélection d’un index
longévi-té s’avère
trop
coûteuse outrop tardive,
il fautrechercher les critères
précoces
etobjectifs,
parmi
parexemple
les divers élémentsd’appréciation
morpholo-gique
des animauxqui
sontcollectés, qui
influencentvéritablement leur
longévité
fonctionnelle.Références
bibliographiques
Cox, D.R., 1972. Regression models and life tables (with discussion). J.R. Statist. Soc., B 34, 187-220.
Cox D.R., OakesD., 1984. Analysis of survival data. Chapman and Hall, London, 201 p.
Ducrocq V., 1991. Statistical analysis of length of productive life of dairy cows in the Normande breed. 42ème Réunion Annuelle de la Fédération Européenne de Zootechnie, Berlin, Allemagne, 9-12 septembre 1991. Commission on
Animal Genetics, Session III. &dquo;Advances in biometrical methods and their application&dquo; 12 p.
Ducrocq V., Quaas R.L., Pollak E.J., Casella G., 1988a. Length of productive life of dairy cows. 1. Justification of a
Weibull model. J. Dairy Sci., 71, 3061-3070.
Ducrocq V., Quaas R.L., Pollak E.J., Casella G., 1988b.
Length
ofproductive
life of dairy cows. 2. Variancecomponent estimation and sire evaluation. J. Dairy Sci., 71,
3071-3079.