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Paul Lacoste, Portraits sensibles

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Géographie et cultures 

73 | 2010

Image et espace public

Paul Lacoste, Portraits sensibles

Danièle Laplace-Treyture

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/gc/1966 DOI : 10.4000/gc.1966

ISSN : 2267-6759 Éditeur

L’Harmattan Édition imprimée

Date de publication : 1 mars 2010 ISBN : 978-2-296-12216-1 ISSN : 1165-0354 Référence électronique

Danièle Laplace-Treyture, « Paul Lacoste, Portraits sensibles », Géographie et cultures [En ligne], 73 | 2010, mis en ligne le 22 mai 2013, consulté le 22 septembre 2020. URL : http://

journals.openedition.org/gc/1966 ; DOI : https://doi.org/10.4000/gc.1966 Ce document a été généré automatiquement le 22 septembre 2020.

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Paul Lacoste, Portraits sensibles

Danièle Laplace-Treyture

RÉFÉRENCE

Paul Lacoste, 2003, Un an dans les vignes, DVD-R, La Huit Production, TV 5 Monde, TV 10, 6x26mn (en partenariat avec le CNC et le ministère des Affaires étrangères).

1 Des vignerons indépendants et non pas coopérateurs ; des parcelles accrochées à des versants au lieu d’une vaste plaine viticole ; des vins certifiés bio et un vignoble en biodynamie... C’est autour de Jonquières et d’Aniane (communes situées entre Lodève et Montpellier), que Paul Lacoste a choisi de filmer un nouveau « tournant qualitatif » pris par la viticulture en Languedoc. Le documentaire (un feuilleton en six épisodes) bouscule quelque peu nos représentations collectives de ce Midi viticole car on est loin de ce qui caractérise l’image de cette région depuis des décennies, à savoir : une viticulture de masse, des vins de table et des caves coopératives. Le réalisateur filme davantage une viticulture de qualité respectueuse de l’environnement. Principalement construit autour du parcours de trois jeunes vignerons (moins de 50 ans), le documentaire pourrait s’appeler « portraits sensibles » de paysans-vignerons qui se racontent ; portraits sensibles aussi du paysage et surtout de la vigne, omniprésente, comme on pouvait s’y attendre. Même si en 2010 cette orientation d’une partie de la production ne surprend plus guère, le documentaire permet justement de questionner des évidences en les mettant en perspective par rapport à l’histoire récente de ce pays du vin ; Joss, salarié d’Olivier Jullien, se souvient lorsque ce dernier s’installe en 1985 :

« les vieux de Jonquières y disaient ’il est cabour [fou] ce jeune’ ». Reste aussi une certaine manière de filmer, de voir l’homme « dans » les paysages, qui participe du plaisir que l’on peut prendre à regarder ce beau documentaire.

2 La relation à la mémoire : des trois vignerons qui sont au centre du documentaire, c’est Olivier qui (localement s’entend) est le véritable pionnier de ce « tournant qualitatif » ; son itinéraire dit une dette complexe à l’égard de l’histoire viticole familiale (« je leur dois tout et à la fois rien »). Le grand-père rejoint la coopérative en

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1951, son fils Jean-Pierre y restera jusqu’à ce que son propre fils (donc Olivier) lui- même installé depuis 1985 l’encourage à quitter à son tour la cave pour aller « jusqu’au bout de la démarche » (jusqu’à la vinification), ce qu’il fera finalement en 1990. Tout en soulignant la nouveauté, et même la radicalité, de la démarche qui fut celle d’Olivier Jullien, de Sylvain Fadat et de Laurent Vaillé, le documentaire montre que tous trois sont malgré tout les fils de cette viticulture coopérative de masse qui fut puissante.

Rappelons seulement qu’« au tournant des années 60 et 70 (…) l’ensemble du Languedoc-Roussillon compte alors 552 caves coopératives de vinification, d’où sortent annuellement 20 millions d’hectolitres de vin produits par 142 000 viticulteurs »1. L’Hérault, seul, compte à ce moment-là 161 caves et plus de 50 000 adhérents, un chiffre qui correspond au nombre actuel des adhérents de coopératives, mais pour l’ensemble de la Région Languedoc-Roussillon (en 2007, ils produisaient quand même 70 % des vins, ibid.). Des images d’archives rappellent les débuts de la mécanisation dans les années 60 et les révoltes vigneronnes des années 70 (ici avec un extrait du film N’i a pro – ce qui signifie « ça suffit » - un film des cinéastes du front paysan) : qui se souvient en effet de la mort d’un CRS et d’un vigneron le 4 mars 1976 lors de la fusillade de Montredon ?

3 La relation au terroir : les fils donc, mais pas les continuateurs. Loin de l’épopée des coopératives et sans nostalgie pour les luttes très dures des années 70, Olivier, Sylvain et Laurent appartiennent à un temps qui est celui de l’aventure individuelle, vécue sur un mode réflexif (film oblige…). P. Lacoste filme donc un autre rapport au métier et au vin, à la terre et au terroir : plusieurs séquences sont consacrées aux travaux de la vigne, à la vinification ; des terroirs sont décrits ou plutôt racontés, d’une façon poétique voire amoureuse. Un an dans les vignes suppose un dispositif particulier : à la manière des ethnologues, l’auteur s’installe et installe sa caméra dans le quotidien de trois vignerons, de janvier à décembre, le temps qu’il faut pour filmer des gestes, des doutes, des inquiétudes et des satisfactions ; des paroles et des silences, des sourires et des agacements ; le cycle végétatif de la vigne bien sûr, les saisons, le temps qu’il fait (là encore, on sent la chaleur d’un matin d’été mais on voit aussi la grisaille de l’hiver) et le temps qui passe. À la brutalité des changements des années 60 répond une sorte de révolution lente, un retour vers la terre vécu comme la condition même de l’exercice de leur métier de vigneron.

4 Sens du paysage, sentiment du pays : au-delà de ce qui distingue (et même oppose) la génération des pères à celle des fils, au fil des rencontres le film dévoile un même rapport des hommes à leur région, un même attachement (Olivier parle d’amour) à un pays dont ils disent qu’il a été « humilié » et « colonisé ». Le documentaire passe assez rapidement là-dessus, mais on aurait aimé en savoir davantage sur la perception des récentes transformations territoriales de ce Midi, dont leurs aînés disaient, en leur temps, qu’ils ne voulaient pas qu’il devienne « le bronze-cul de l’Europe »2. Cependant, quelques scènes suggèrent assez bien, et avec humour, une forme de résistance douce et ferme à certains modèles venus d’ailleurs. Avec un regard plein d’empathie et d’espièglerie, P. Lacoste a laissé des scènes non nécessaires à la compréhension des transformations viticoles régionales mais essentielles pour sentir l’ancrage des hommes, et une prise certaine sur ce qu’ils font/sont : la partie de pêche peut dire un temps maîtrisé ; les sangliers et France Culture, une distance à l’égard de la culture d’en haut (Paris), celle enfin de la grosse grappe de raisins, la maîtrise des outils techniques que l’on choisit de mobiliser... ou pas, justement. Ceci exprime peut-être une volonté

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d’autonomie du local (et une capacité à être autonome ou à le devenir...), une volonté qui perdure sous des formes moins violentes et plus durables.

5 P. Lacoste n’est pas géographe de métier3. Il a l’intuition de ce qui peut exprimer le sens que les humains ont des lieux et le montre à travers ce quelque chose de ce que j’ai appelé (faute de mieux) « l’homme dans les paysages » et qui dépasse le discours sur le terroir. Visages cadrés serrés sur fond de paysage, silhouettes en contre-jour toujours sur fond de paysage… Le souvenir qu’on en garde est de ne jamais (ou alors rarement) voir un paysage sans homme, un peu comme si paysages et visages se trouvaient toujours sur la trajectoire les uns des autres : on ne peut pas voir l’un sans voir l’autre ou alors c’est la vigne qui offre sa médiation. Ce rapprochement, par l’image, peut créer des relations intéressantes entre les choses, des choses qu’il faut voir et qui ne s’expliquent pas.

NOTES

1. GAVIGNAUD-FONTAINE, G., 2010, Caves coopératives en Languedoc-Roussillon, Lyon, Lieux Dits, p. 23.

2. MARTIN, Ph., 1998, "Viticulture du Languedoc : une tradition syndicale en mouvement", Pôles Sud, n° 9, p. 71-87 (p. 76 pour la citation).

3. Paul Lacoste est professeur des universités en esthétique et réalisation à l’École supérieure de l’audiovisuel de Toulouse.

AUTEURS

DANIÈLE LAPLACE-TREYTURE SET UMR 5603 CNRS-UPPA, Pau

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