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Prendre au sérieux les espaces du jeu

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Academic year: 2022

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82 | 2012

Les espaces ludiques

Prendre au sérieux les espaces du jeu

Taking play spaces seriously

Manouk Borzakian

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/gc/1302 DOI : 10.4000/gc.1302

ISSN : 2267-6759 Éditeur

L’Harmattan Édition imprimée

Date de publication : 20 septembre 2012 Pagination : 5-9

ISBN : 978-2-336-00446-4 ISSN : 1165-0354 Référence électronique

Manouk Borzakian, « Prendre au sérieux les espaces du jeu », Géographie et cultures [En ligne], 82 | 2012, mis en ligne le 19 mai 2013, consulté le 25 mars 2021. URL : http://journals.openedition.org/gc/

1302 ; DOI : https://doi.org/10.4000/gc.1302

Ce document a été généré automatiquement le 25 mars 2021.

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Prendre au sérieux les espaces du jeu

Taking play spaces seriously

Manouk Borzakian

1 Il n’existe pas de géographie du (des) jeu(x) ni des pratiques ludiques. Pourtant, Caillois (1967) appelait, il y a plus d’un demi-siècle, à une « sociologie à partir des jeux », qui relevait tout autant de l’anthropologie ou de la géographie. Appel entendu par Geertz (1983), pour qui le combat de coqs a fait office d’élément-clef dans le cadre de son étude de la culture balinaise. Plus tard, la géographie des sports a envisagé, à la marge, l’articulation entre sports et cultures. Ont ainsi été étudiées la pratique du rugby dans le Sud-Ouest de la France (Augustin et Garrigou, 1985) ou celle du base-ball aux États- Unis (Bale, 2003). Plus sporadiquement que les sports, les jeux de plateau ont aussi été mobilisés pour des analyses comparables (Bizet et Bussi, 1997 ; Borzakian, 2009).

2 Dans la lignée des traditions intellectuelles culturaliste et diffusionniste, anthropologues et historiens culturels ont, eux, vu les jeux comme des « traits culturels », interrogeant leur diffusion et la manière dont ils participent à délimiter des aires culturelles (Béart, 1967). Puis, la problématique de la mondialisation culturelle a mené à convoquer les jeux – et plus spécifiquement les sports – comme exemples de processus d’acculturation ou réappropriation/indigénisation des pratiques (Appadurai, 2001 ; Singaravélou et Sorez, 2010), ou simplement au titre de manifestations objectives de la mondialisation, illustrée par la diffusion des pratiques et la circulation des sportifs (Augustin, 1996 ; Gay, 2006).

3 Méthodes et socles théoriques de ces recherches ne se rejoignent qu’à leurs marges et fortuitement. Cependant, certains de ces travaux dégagent la piste stimulante d’une correspondance entre les jeux et/ou les manières de les pratiquer et la culture des groupes les ayant inventés et/ou adoptés. Jean-Christophe Gay (1997) lie ainsi le foisonnement de discontinuités spatiales caractéristique des sports modernes à la tendance tomogène des sociétés occidentales. Plus récemment, une approche géographique inédite des jeux vidéo (Rufat et Ter Minassian, 2010) a participé à creuser un peu plus ce sillon, en envisageant les jeux vidéo comme des systèmes spatiaux, i.e.

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en interrogeant les interactions entre trois échelles d’analyse : l’espace et ses représentations dans les jeux, l’espace de leur pratique et, enfin, la géographie de leur production et de leurs pratiquants.

4 Avec pour objectif de prendre la suite de ces travaux pionniers, ce numéro thématique explore trois pistes principales. La première concerne l’espace de la pratique ludique : les jeux, en particulier lorsqu’ils s’institutionnalisent – i.e. se dotent de règlements élaborés et d’institutions nationales et internationales garantes de l’application de ceux-ci – font l’objet d’une « mise en ordre » (Parlebas, 1995), notamment spatiale, autrement dit d’une « mise en limites » (Gay, 1997) qui s’inscrit dans une conception normative des manières de jouer. Elle génère par conséquent des types de pratiques légitimes et illégitimes et, plus largement, des « cultures ludiques », au sens où le respect de certaines normes de comportement, explicites ou tacites, génère un sentiment d’appartenance à un groupe de joueurs.

5 Lesdites normes se trouvent au cœur de la deuxième piste : la diffusion des pratiques ludiques, favorisée par la mondialisation, implique des réappropriations, des négociations autour de la légitimité de certaines « manières de faire », à chaque intégration d’une nouvelle pratique dans un contexte culturel donné. Ces transformations sont à la fois un témoignage et une revendication de l’identité des groupes qui s’y livrent et soulignent le statut de signifiant culturel des jeux.

6 De telles transformations s’expliquent ainsi par l’importance des interactions entre les jeux et les contextes culturels de leur pratique. Les jeux façonnent et sont façonnés par les cultures, celles-ci détournent et réinventent ceux-là, les premiers s’insinuent, enrichissent et structurent les secondes, occupant dans certains groupes une place aucunement anecdotique, tant sur le plan du quotidien que symbolique.

7 En ouverture de ce numéro, un texte venu de l’analyse littéraire souligne la difficulté de circonscrire le jeu. En étudiant le traitement du jeu de hasard dans la littérature, Natalia Leclerc montre le caractère ambivalent de l’espace ludique. D’une part, celui-ci est circonscrit et séparé du reste par des discontinuités majeures. D’autre part, lieu de l’épreuve et du dépassement, il se voit chargé de fonctions et significations irréductibles à ce qui l’entoure.

8 Les deuxième et troisième articles traitent de la dimension spatiale de l’institutionnalisation ludique. Je montre, dans le cas des échecs, comment la pratique institutionnelle de ce jeu repose sur un ensemble de normes spatiales plus ou moins acceptées et intériorisées par les pratiquants. Cette organisation révèle l’idéologie qui sous-tend l’institutionnalisation, véritable mise au carré de la compétition. Denis Jallat retrace la sportification de la planche à voile et montre qu’à la diversité des pratiques possibles – ludiques, sportives et spectaculaires – correspondent autant de rapports à l’espace littoral et à ses autres usagers.

9 Les quatrième et cinquième textes soulignent le caractère instable et changeant des pratiques considérées comme légitimes. Ainsi Vincent Coeffë, Christophe Guibert et Benjamin Taunay nous montrent-ils comment le surf, jeu traditionnel hawaïen jugé déviant par les Occidentaux, se voit paré de valeurs nouvelles au gré des étapes de sa diffusion à travers le monde, de la Côte basque de l’entre-deux-guerres à la Chine du XXIe siècle. Sébastien Ruffié, Sylvain Ferez et Anne Marcellini décrivent pour leur part les modalités de transformation de la pétanque par réappropriation : à Pondichéry, le jeu importé de Marseille se prête à différents types de pratiques, expression d’enjeux

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identitaires et culturels pour les acteurs en présence, tamouls et français d’origine tamoule.

10 Le texte de Marie Redon sur la loterie et les combats de coqs à Haïti donne à voir la place considérable que peuvent prendre deux activités ludiques au sein d’une société et de sa diaspora, et la manière dont elles participent à structurer la géographie du pays.

11 Enfin, Hovig Ter Minassian décrit comment la reconnaissance des pratiques vidéoludiques en France s’accompagne, à l’initiative de certains acteurs, d’une stratégie de légitimation passant par un projet de patrimonialisation du jeu vidéo. Toutefois, là encore, à différents groupes correspondent différentes pratiques des jeux vidéo, que les enjeux de la patrimonialisation tendent in fine à souligner.

BIBLIOGRAPHIE

APPADURAI A., 2001 [1996], Après le colonialisme. Les conséquences culturelles de la globalisation, Paris, Payot.

AUGUSTIN J.-P., Garrigou, A., 1985, Le rugby démêlé. Essai sur les associations sportives, le pouvoir et les notables, Bordeaux, Le Mascaret.

AUGUSTIN J.-P., 1996, « Les variations territoriales de la mondialisation du sport », M@ppemonde n° 4/96, p. 16-20.

BALE J., 2003, Sports geography, Londres/New York, Routledge.

BIZET F., BUSSI M., 1997, « Les jeux de plateau : une géographie ludique », M@ppemonde n° 4/97, p. 33-37.

BÉART C., 1967, « Histoire des jeux », in R. Caillois (dir.), Jeux et sports, Paris, Encyclopédie de la Pléiade, p. 181-286.

BORZAKIAN M., 2009, « Pour une approche géographique des jeux de plateau », Cybergeo : European journal of geography, http://cybergeo.

eu/index22466.html.

BORZAKIAN M., 2012, « Les jeux : quelle définition par et pour les sciences sociales ? », Loisir et société / Society and Leisure, à paraître.

CAILLOIS R., 1967 [1958], Les jeux et les hommes, 2e éd., Paris, Gallimard.

CHAUVIER S., 2007, Qu’est-ce qu’un jeu ?, Paris, Vrin.

GAY J.-C., 2006, « Sur les pistes de la mondialisation », M@ppemonde, n° 82, http://

mappemonde.mgm.fr/num10/articles/art06204.html.

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GEERTZ C., 1983 [1973], « Jeux d’enfer. Notes sur le combat de coqs balinais », in Bali, interprétation d’une culture, Paris, Gallimard, p. 165-215.

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PARLEBAS P., 1995, « La mise en ordre sportive », in J.-P. Augustin, J.-P. Callède (dir.), Sport, relations sociales et action collective, Talence, MSHA, p. 39-46.

RUFAT S., TER MINASSIAN H., 2011, « Espace et jeu vidéo », in S. Rufat, H. Ter Minassian (dir.), Les jeux vidéo comme objet de recherche, Paris, Questions théoriques, p. 66-87.

AUTEUR

MANOUK BORZAKIAN Laboratoire Chôros

École polytechnique fédérale de Lausanne manouk.borzakian@gmail.com

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