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Lyon, ville brésilienne ?

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Academic year: 2021

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Villes du Brésil

Catherine.Didier Fèvre

Professeur de classes préparatoires au lycée Sainte-Marie, Lyon Khâgne Sainte-Marie-Lyon 2017-2018.

Article publié dans Confins, en avril 2018 https://journals.openedition.org/confins/12831 Lyon, ville brésilienne ?

Tout invite à le penser puisque c’est le Brésil qui a été choisi comme thématique pour le concours 2018 de l’École Normale Supérieure de Lyon

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et que, conjointement, la crypte de la basilique de Fourvière a accueilli cet automne une nouvelle vierge dans sa collection : une copie de Nossa Senhora Aparecida, la patronne du Brésil, bénie lors de la venue à Lyon du Cardinal brésilien Raymundo Damascéno de Assis.

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Cette concordance fortuite des temps a été l’occasion de démontrer aux étudiants de Khâgne d’un établissement de l’enseignement catholique sous contrat avec l’Éducation nationale la vitalité de la diaspora brésilienne lyonnaise engagée dans cet événement. La France dispose d’une particularité franco-française dans le domaine de l’enseignement : les classes préparatoires. De bons élèves titulaires du baccalauréat peuvent choisir d’intégrer pour deux ou trois années, le temps de leur Licence, une CPGE (Classe Préparatoire aux Grandes Écoles) littéraire, scientifique ou économique afin de préparer des concours d’entrée très sélectifs

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. Ceux présentant le concours de l’ENS Lyon se sont engagés dans des études littéraires combinant un éventail de disciplines telles que la philosophie, les lettres, l’histoire, la géographie, des langues vivantes et/ou anciennes (latin et grec), autant de matières pour lesquelles ils passeront une épreuve écrite au début du mois d’avril 2018. L’épreuve de dissertation de géographie portera sur le Brésil, question inscrite au programme de l’école cette année. Une lettre de cadrage

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produite à l’ENS Lyon indique les grandes lignes directrices pour traiter de la question sans imposer aucun dispositif pédagogique. Le professeur de géographie a un volant d’une quarantaine heures de cours devant une classe de 33 étudiants pour faire le tour de la question brésilienne. Un vaste travail de lectures universitaires et littéraires, accompagné du visionnage de films brésiliens emblématiques, est indispensable, en amont de la présentation du cours devant les étudiants, afin brosser un tableau le plus pertinent possible du Brésil.

Le cours annuel a été organisé en trois grandes parties

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dont une première consacrée au Brésil et aux Brésiliens se terminant par une étude des villes brésiliennes afin de montrer que la ville est au cœur des enjeux sociétaux brésiliens et plus spécifiquement en quoi elle

1 http://www.ens-lyon.fr

2 http://www.brasil.fr/2017/10/01/fourviere-nossa-senhora-aparecida-padroeira-do-brasil-gagne-chapelle/

3 Seuls 3% des candidats ayant présenté le concours de l’ENS Lyon y sont admis. Elèves normaliens, ils ont un statut d’élève fonctionnaire et sont rénumérés pendant 4 ans. Ils devront en échange 10 ans de travail à l’Etat.

Il est toutefois possible d’être admis dans l’école sur dossier mais sans rénumération en tant qu’auditeur libre.

4 http://www.ens-lyon.fr/sites/default/files/2017-11/Lettre-cadrage-Brésil%20compo%20de%20géo.pdf

5 Partie 1 : Le Brésil et les Brésiliens, Partie 2 : La Suisse, le Pakistan, Le Far West, Partie 3 : La place du Brésil dans le monde

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cristallise les tensions traversant la société. En introduction à cette thématique, les élèves, par groupe de 5-6, ont travaillé lors d’une séance de deux heures sur un corpus de trois articles universitaires issus de revues universitaires francophones portant spécifiquement sur une ville : Brasilia, Curitiba, Londrina, Oliveira, Rio de Janeiro, Sao Paulo. L’analyse des articles visait à être capable de présenter sous forme d’une synthèse orale et écrite les caractéristiques de la ville prise en charge puis de montrer les tensions qui s’y jouent et comment elles reflètent celles traversant la société brésilienne : l’ensemble devant être accompagné d’un croquis de synthèse. Ce travail de groupe, ébauché en classe, a ensuite dû être mis au point par les différents membres du groupe en dehors du temps scolaire avant de pouvoir prendre la parole, la semaine suivante, devant la classe pour présenter la ville étudiée.

Les interventions orales ont permis à tous de « faire connaissance » avec des villes brésiliennes et plus particulièrement avec celle prise en charge lors du travail commun. Au- delà d’une meilleure connaissance de la question urbaine brésilienne et de la maîtrise d’un cas particulier, l’objectif de ce travail était de confronter les étudiants à des articles issus de revues universitaires et non seulement à des articles de synthèse publiés par les médias, de réaliser une synthèse à l’issue d’un travail de groupe et de traduire graphiquement les caractéristiques et enjeux propres à la ville étudiée. La constitution des corpus d’articles a toutefois été limitée par l’accès à des articles en français. Cette contrainte a fait qu’aucune ville amazonienne ou du Nordeste ne figure dans les cas étudiés par les groupes. Le temps imparti à ce travail a été limité en classe à 4 heures (deux heures de travail de groupe et deux heures de synthèse orale suivie de questions posées par les étudiants à leurs camarades). Ce travail ne s’est en aucune façon substitué à un cours plus traditionnel (cours magistral) puisque les études de cas urbaines ont été suivies d’une mise en contexte consacrée à l’urbanisation du territoire et à la croissance urbaine, à l’étude de l’armature urbaine brésilienne, et à la place tenue par la planification et l’informalité dans les villes brésiliennes.

Au final, après avoir réussi à élaborer une synthèse orale de qualité (pour la quasi-totalité des groupes), le plus long a consisté pour les étudiants à rédiger une synthèse écrite et un croquis de synthèse sur leur temps libre : l’échéance printanière du concours et le nombre d’heures réduites consacrées à la géographie ne permettant pas de consacrer davantage de temps à la mise au point d’une production écrite et graphique en classe. Ce sont ces productions que la revue Confins s’est proposée de publier afin de montrer que les villes brésiliennes, y compris vues à l’étranger, n’ont pas si mauvaise presse et que l’accès aux résultats de la recherche permet de nuancer les images véhiculées par les médias et des manuels scolaires

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(Moreira Ulhôa, 2017, Moreira Ulhôa et Farias Vlach, 2012).

6 Leonardo Moreira Ulhôa, « Les images des villes brésiliennes dans les manuels scolaires de France et du Brésil : entre mythes et réalités », Confins [En ligne], 33 | 2017, mis en ligne le 16 décembre 2017, consulté le 18 janvier 2018. URL : http://journals.openedition.org/confins/12434 ; DOI : 10.4000/confins.12434

Leonardo Moreira Ulhôa et Vânia Rúbia Farias Vlach, « La problématique de la représentation des paysages brésiliens dans les manuels scolaires français », Confins [En ligne], 14 | 2012, mis en ligne le 20 mars 2012, consulté le 21 juin 2017. URL : http://confins.revues.org/7485 ; DOI : 10.4000/confins.7485

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Brasília

Capitale politique du Brésil, quatrième agglomération du pays avec 4 millions d’habitants, Brasília

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a été construite de toute pièce selon le modèle d’une ville logique, fluide favorisant la fraternité entre ses habitants. Elle devait être une "vitrine" mais elle est menacée par sa croissance urbaine effrénée qui remet en cause son modèle. Comment Brasília, se voulant l’incarnation de l’idéal démocratique pratique, se révèle n’être qu’une métropole fragmentée comme les autres

?

Projet initial.

C’est une ville construite selon un projet bien conçu et totalement conforme à sa maquette d’origine. Construite en 4 ans au milieu de la savane alors quasi déserte du plateau brésilien. Inaugurée le 21 avril 1960 avec un peu plus de 100 000 habitants. Commune riche à l’origine : Le revenu mensuel par habitants était de près de deux fois la moyenne nationale, et quatre fois et demie celle du Maranhão, l’état le plus pauvre.

Cette idée d’arrimer solidement l’intérieur du pays à sa frange littorale mieux développée pour dynamiser l’activité économique et rééquilibrer la répartition démographique brésilienne née au 19e siècle. Les exemples de capitales déplacées vers l’intérieur du pays qu’on avait alors étaient majoritairement négatifs : Naypyidaw en Birmanie, qualifiée de

"tranche géante de banlieue post-apocalyptique", Abuja au Nigéria et regardée avec dédain par les habitants de Lagos. Ce projet a été initié par Kubitschek, qui, pendant sa campagne électorale, en 1955, lorsqu’il promettait "cinquante ans de progrès en cinq ans", avait choisi la construction de la nouvelle capitale dans l’intérieur du pays comme symbole de la nouvelle politique économique de développement. Dès son investiture, il prend les mesures pour rendre effectif ce transfert.

Le Plan Pilote de Lucio Costa est sélectionné en mars 1957 puis mis en œuvre jusqu’à l’inauguration en avril 1960. "La ville a été conçue pour exprimer l’entrée du Brésil dans une nouvelle phase de son histoire, celle d’un Brésil entièrement tourné vers le futur", Costa. Cet urbaniste avance aussi une innovation, celle de quadras, aires de voisinages dans lesquelles les habitants sont en parfaite sécurité et se sentent déconnectés de la zone urbaine. La forme du Plan Pilote est celle d’un avion et Brasília serait la parabole d’un Brésil prenant son envol, sortant de l’âge colonial pour entrer résolument dans l’ère moderne.

Ce projet repose sur un zonage précis des activités : les aires résidentielles, les superquadras (carrés de 500 m sur 500 m, accessibles deux à deux par une entrée unique et pourvues d’infrastructures de loisir, de santé, d’éducation, de religion et de petits commerces), des espaces d’activité économiques et administratives (le long des axes est- ouest), des espaces d’activité commerciales, d’hôtels, de banques… (dans le "corps" de l’avion).

Brasília est la capitale politique et symbolique du Brésil et témoigne de la volonté du président Juscelino Kubitschek de moderniser un pays encore principalement agraire.

Selon les propos de Márcio de Oliveira dans Brasília entre le mythe et la nation (2014), pour ce président « Brasília est devenu le moyen le plus rapide et efficace de développer

7 Étude de cas réalisée par Joséphine Betzer, Manon Castelain, Florence Caro, Laura Girard, Lise Montbel et Colombe de Muizon. Corpus documentaire :

« Brasilia, de la vitrine à la métropole. » Hervé Théry, in Géoconfluences, 2017

« Fragmentation sociospatiale à Brasília et Curitiba : villes différentes, villes inégalitaires », Igor Catalão, Confins, 21 | 2014, http://confins.revues.org/9075

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l'intérieur du pays, de le moderniser et de l'intégrer ». En effet Brasília recentre le pays, les routes construites pour desservir la nouvelle capitale ont pour effet de peupler le Nord et l'Ouest, faisant de la ville un élément clé de la « marche vers l'ouest ». Pour symboliser sa puissance, Brasília est pourvu de monuments par l'architecte Oscar Niemeyer. Pour conserver intact son rôle politique et symbolique, elle est sans activités productives. De cette façon elle évite les troubles inhérents aux activités industrielles et à la présence d'ouvriers.

Transformations résultant de tensions.

Le projet de la ville montre ses limites :

• La présence d’une population de politiciens, de hauts fonctionnaires et de lobbyistes jouissant de très gros revenus donne l’impression d'une ville dans laquelle l'on ne peut que prospérer. Cela attire de nouveaux courants migratoires constitués de pauvres qui, une fois arrivés sur place, ne trouvent pas de travail. Leur arrivée provoque une modification de la physionomie de la ville, des problèmes de pauvreté et de violence apparaissent là on se glorifiait de ne pas les connaître.

• La circulation automobile, suite à la multiplication du nombre de voitures par ménage et à la centralisation des emplois dans la partie centrale de la ville, entraîne d’importants embouteillages et des problèmes de stationnement.

• La pression sur l’environnement est importante : les espaces protégés prévus par le plan sont envahis par des lotissements illégaux (dans les zones inconstructibles).

Une ville fragmentée, à l’image des autres villes brésiliennes.

Le succès de la ville a attiré une population importante et pauvre dans le District fédéral.

Ne pouvant pas prétendre à des logements normaux, ces migrants ont fait croître les

"villes-satellites" (dont les premières étaient les logements des ouvriers qui ont cobstruit la ville) ou créé des quartiers spontanés, ici dénommés invasões (invasions). Par ailleurs, le rôle de vitrine assigné à Brasília ne permettant pas au gouvernement du District fédéral de tolérer ces poches de pauvreté, plusieurs opérations de déplacements vers des lotissements planifiés ont été réalisés (dans les années 1970, plus de 80 000 personnes ont été réinstallées en 8 mois à Ceilândia, ville-satellite et région administrative du District fédéral). La plupart de ces logements sont composés d'une seule pièce et leur concentration maximale se situe au sud-ouest de la ville, à Samambaia, Recanto das Emas et Santa Maria. C'est ainsi que la population des régions administratives, autrement dit la périphérie, connait une croissance explosive

Mais la ville, à mesure qu'elle devient une métropole, devient un territoire fragmenté marqué par des oppositions de plus en plus fortes entre les quartiers. Alors que le plan initial visait à faire cohabiter riches et pauvres dans un ensemble harmonieux et planifié, la réalité d'aujourd'hui révèle une différenciation accentuée entre les quartiers riches et les quartiers pauvres. Brasília a donc été dépassée par son succès, attirant des migrants bien au-delà de sa capacité à les absorber et à leur procurer de bonnes conditions de vie, et les voit s'accumuler dans d'immenses périphéries peu et mal planifiées.

Conclusion

Sur le plan régional, Brasília remplit bien la double fonction qui est d'être à la fois d'être

une capitale politique et administrative, et d'être une ville riche jouissant de toutes les

commodités possibles. Mais le rayonnement de cet îlot de richesse est tel qu'il attire de

nouveaux migrants.

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À l'échelle intra-urbaine, malgré la ségrégation socio-spatiale, le symbole de la volonté modernisatrice concerne une partie de la ville qui détient une haute qualité de vie, n'est-ce pas la marque de la réussite du projet même si celui-ci a été dégradé par des maux endémiques au Brésil ?

Dates-clé :

21 avril 1960 : inauguration de Brasília

10 décembre 1964 : réforme créant des régions administratives dans le District fédéral.

7 décembre 1987 : la ville est classée par l’Unesco au Patrimoine historique et culturel de l’Humanité

30 août 2017 : selon l'estimation annuelle de l'IBGE (Institut brésilien de géographie et

statistique), Brasília devient la troisième ville brésilienne, avec une population qui dépasse

pour la première fois trois millions d'habitants (3 039 444).

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Curitiba

Neuvième ville du Brésil, capitale de l’État du Paraná située au Sud du Brésil, Curitiba

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, depuis les années 1970, s’impose comme un modèle mondial d’organisation urbaine.

Cependant, l’afflux de population vers cette ville idéale met à mal le plan d’urbanisation initiale. Comment Curitiba de ville-modèle qu’elle était, devient l’illustration des tensions présentes au sein du Brésil ?

Curitiba : ville idéale ?

Avec 3,3 millions d’habitants, Curitiba doit relever le défi de l’organisation urbaine. Grâce à son IPUC (Institut de Planification Urbaine de Curitiba), la ville met en place un des premiers plans d’urbanisation au Brésil. Ce plan audacieux et efficace permet la mise en place d’une ville "sociale". En effet, le BHNS (Bus à Haut Niveau de Service), qui deviendra un véritable modèle mondial, permet la mise en relation des différentes parties de la ville et est accessible à tous du fait de son faible coût. Pour favoriser le développement du BHNS, l’IPUC a construit deux axes principaux Nord-Sud constitués de trois voies : les Estruturais ; ceux-ci sont renforcés par les coletoras formant les axes Est- Ouest.

En plus d’être une ville sociale, Curitiba est une ville verte. En effet, la rue principale est réservée à l’usage des piétons, désengorgeant ainsi le centre-ville. La création d’espaces verts ainsi que de marchés aux fleurs témoignent d’une volonté de faire de Curitiba une ville durable. A ceci s’ajoute la volonté de préserver les vestiges de l’ère coloniale. Cette conservation du patrimoine se double d’une valorisation des immeubles anciens, à l’origine d’une variété de paysages alternant immeubles bas et gratte-ciels.

Mais une ville pleine de tensions…

En effet, une opposition entre le centre-ville et la périphérie est visible à l’échelle urbaine.

La planification se concentre dans le centre laissant de côté la périphérie. Au sein de la périphérie, deux ensembles se distinguent : les condominios fechados (équivalent local des gated communities) et les invasões (favelas). Cette dichotomie est responsable d’une désurbanisation visible à Curitiba. Ainsi, une fragmentation se met en place puisque le centre et la périphérie ne sont pas reliés mais qu’en plus, au sein de la périphérie, se trouvent des enclaves isolées. Cette opposition centre-périphérie peut être illustrée par le commerce qui, dans le centre, est celui du détail tandis que les périphéries abritent le marché de gros.

Qui illustrent les paradoxes du territoire brésilien

À l’échelle de Curitiba, une fracture sociale est visible renvoyant à celle existant à l’échelle du pays. L’exemple du métro en 2012 illustre cette fracture sociale. En effet, depuis cette date, Curitiba souhaitait se doter d’une ligne de métro en prévision des JO de 2014. Ce

8 Étude de cas réalisée par Camille Lépingle, Marie-Hosannah Chauvin, Wanwoo Lee, Blandine Jenner, Maguelonne de Solère et Camille Houdart. Corpus documentaire :

• « Curitiba, la chute d’un modèle », La Via del Sur, in Urbanités, 2014 http://www.revue- urbanites.fr/chroniques-curitiba-la-chute-dun-modele/

• « Fragmentation sociospatiale à Brasília et Curitiba : villes différentes, villes inégalitaires », Igor Catalão, Confins, 21 | 2014, http://confins.revues.org/9075

• « L'urbanisation au Paraná ». Labasse Jean, in Revue de géographie de Lyon, vol. 51, n°1, 1976. pp.

73-86 ; http://www.persee.fr/doc/geoca_0035-113x_1976_num_51_1_1176

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projet remet en cause le système de transports déjà en place puisqu’il pointe du doigt ses imperfections et métro demande un investissement financier important. En juin 2013, des mécontentements sociaux éclatent, les revendications des manifestants aboutissent à la baisse du prix du ticket de transport (0,90 à 0,82 €). Néanmoins, les classes les plus pauvres ne peuvent emprunter ce moyen de transport. Une inégalité se crée entre les plus pauvres et les plus riches, qui se retrouve à l’échelle fédérale.

Par ailleurs, les flux de population arrivant à Curitiba provoquent une explosion démographique imprévue ; en conséquence, le plan de planification se révèle insuffisant et entraîne l’exclusion des espaces périphériques.

Ainsi, Curitiba, de modèle mondial qu’elle était en 1970, devient l’illustration de tensions

existantes au sein du Brésil. Elle doit donc faire face à de nouveaux défis en s’adaptant aux

nouvelles données sociales et urbaines.

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Londrina

Londrina

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est une ville du Paraná qui fut fondée à la fin des années 1920 sur le front pionnier du café. Soixante-dix ans plus tard, c’est une ville de près de 560 000 habitants et (avec sa voisine Maringá) la capitale régionale du Nord du Paraná dont les phases de croissance sont visibles dans le tissu urbain. Dans quelle mesure Londrina offre-t-elle un modèle de ville de front pionnier?

Cause et effet d’un front pionnier

Le statut de Londrina, dès sa fondation, est emblématique pour de multiples raisons :

• C'est une fondation s’appuyant sur une ressource précise : L’article de P. et G.

Veyret montre que la ville de Londrina naît sur le front pionnier du café, ressource qui lui permet de prospérer.

9 Étude de cas menée par Juliette Dubost, Inès Fabre, Irina Ioniţă, Quitterie Hugon-Verlinde et Émérentienne Suter. Corpus documentaire :

• Mirian Vizintim F. Barros, Omar Neto Fernandes Barros, Neli Aparecida de Mello, Hervé Théry.

« Londrina, de la ville pionnière à la maturité », in Mappemonde, N°73, 2004.

http://mappemonde-archive.mgm.fr/num1/articles/art04106.html

• Pebayle, Raymond. Dynamique pionnière et organisation de l’espace au Brésil In : Les phénomènes de frontière dans les pays tropicaux : Table ronde organisée en l’honneur de Pierre Monbeig. Paris, Éditions de l’IHEAL, 1981 http://books.openedition.org/iheal/1426

• Veyret Paul, Veyret Germaine. « Un État brésilien captivant, le Paraná », in Revue de géographie alpine, tome 45, n°3, 1957. pp. 611-622 http://www.persee.fr/doc/rga_0035-

1121_1957_num_45_3_1800

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• Le capital étranger a joué un rôle important dans l’entreprise pionnière avec la

“Companhia de Terras Norte do Paraná”, firme à capital britannique (d'où le nom de la ville, "la Londonienne").

• Un renversement du mouvement est opéré : si, en 1957, Londrina est considérée comme un point d’arrivée de l’axe de pénétration, aujourd’hui, comme on le voit chez Pebayle, elle est devenue un point de départ puisqu’elle ouvre l’axe de pénétration direct jusqu’à Bodoquena appelé la “Catena pionnière”. Ce renversement est un point commun avec les villes construites sur les fronts pionniers, qu’elles se situent soit à la limite de l'arrière-pays (“bôca do sertão”) ou à l’intersection entre un ancien et un nouvel axe.

Intégration à une dynamique pionnière plus large

Schéma des 5 stades des dynamiques pionnières de Raymond Pébayle et comment

ceux-ci s’appliquent à la ville de Londrina

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Source : http://mappemonde-archive.mgm.fr/num1/articles/art04106.html

Processus accéléré de croissance et ralentissement

Ce qui fait l’une des caractéristiques de Londrina, et en fait un modèle de ville champignon, c’est aussi son évolution en elle-même. En effet, en 85 ans, de 1932 à nos jours, Londrina a connu un développement accéléré, de la naissance, aux nouveaux défis des villes modernes en passant par une phase de croissance forte.

Le ralentissement de la croissance s’accompagne de difficultés :

• Parcellisation et division de l’espace : la croissance urbaine a produit une très nette différenciation sociale, et bien loin de la ville égalitaire des pionniers. S’observe l’émergence de nouvelles périphéries différenciées témoignant de la ségrégation socio-spatiale à l’œuvre.

• Dans cette ville du Sud du Brésil, foyer de développement, il existe des poches de pauvreté : si le degré d'alphabétisation des populations est très élevé (plus de 95 %) au centre, il se situe entre 70 et 90% à la périphérie. Les analphabètes ne sont donc pas absents de cette ville, plus particulièrement dans les quartiers périphériques du Nord.

• Enfin, Londrina doit aussi faire face à des problèmes environnementaux :

imperméabilisation du sol et modification des conditions de vie de la flore et de la

faune sont liées à la construction même de la ville. L'occupation illégale de zones

en principe protégées renforce ces problèmes.

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Conclusion

Londrina, du fait à la fois de son mode de création et de son évolution, se présente comme un modèle de ville-champignon s’inscrivant dans des dynamiques pionnières parcourant l’ensemble du Brésil tant dans les comportements que dans les mentalités

Oliveira

Surnommée la Princesa do Oeste, la petite ville d’Oliveira

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au cœur de la région du Minas Gerais ne compte pourtant que 40.000 habitants. Son statut reste cependant intéressant dans la mesure où elle constitue un nouvel enjeu dans l’équilibre du territoire brésilien. En effet, la place des villes moyennes est devenue centrale dans les questions de géographie urbaine actuelle. En France tout d’abord, elles ont fait l’objet d’une attention privilégiée dans le cadre des politiques d’aménagement du territoire. La source de ce questionnement est, entre autre, la publication en 1947 par Jean François Gravier de Paris et le désert français. Dans cet ouvrage il dénonce férocement la macrocéphalie parisienne, les risques qu’elle faisait peser alors sur le territoire et la nécessité de la contrôler. Se retrouve un tel schéma au Brésil avec un déséquilibre encore plus marqué malgré toutefois une certaine volonté de pouvoir publics de l’endiguer. Il s’agira donc de voir en quoi la commune d’Oliveira traduit la nécessité au Brésil de développer une maîtrise de l’espace et de pallier aux déséquilibres régionaux en redonnant un dynamisme aux espaces périphériques en cours d’urbanisation.

Échelle locale : la ville d’Oliveira peut être définie comme une “ville moyenne en gestation”

Oliveira est une petite ville éloignée des grands centres urbains de la région du Minas Gerais. Elle se situe à 73 km au sud de Divinopolis, le pôle urbain conséquent le plus proche, et à 165 km de Belo Horizonte, la capitale régionale. La capitale fédérale Brasília se trouve à 800 km au Nord, tandis que São Paulo, la grande métropole brésilienne la plus proche, est à 400 km. On peut donc considérer la ville comme la zone périmétropolitaine de Belo Horizonte, et isolée, comme l'ensemble du Minas Gerais par la barrière rocheuse située à l’Est de la région.

Pourtant, la petite ville d’Oliveira, placée au croisement de trois routes fédérales, est bien intégrée dans le maillage réticulaire régional. La BR 381, allant de São Paulo à Belo Horizonte en passant par Oliveira, témoigne du réseau en éventail ayant été mis en place à partir de São Paulo dans les années 1960 et 1970. La construction d’un nouveau carrefour avec la capitale Brasília a permis de déplacer les flux vers l’Ouest, comme le montre la présence des routes fédérales BR 494 et BR 369. Enfin, au niveau plus local, il paraît judicieux de noter l’importance du transport en car, dont 54% trajets se font vers les villes

11 Étude de cas réalisée par Pauline Berthaud, Pierre Cattaneo, Manon Florent, Grégoire Ramé et Gaspard Rivron. Corpus documentaire :

• « Oliveira : une « ville moyenne » dans le contexte géographique urbain de Minas Gerais ? » Francisco Martins Cortezzi, Oswaldo Bueno Amorim Filho, in Urbanités, juin 2014.

http://www.revue-urbanites.fr/chroniques-oliveira-une-ville-moyenne-dans-le-contexte- geographique-urbain-de-minas-gerais/

• Louise Bruno, « L’atlas électronique du Minas Gerais », Cahiers des Amériques latines, 38 | 2001, http://cal.revues.org/6652

• « Du bassin minier au bassin de la cachaça. Développement et culture dans les régions minières. » Diomira Faria, Fabiana Arujo, in Vivre le territoire et faire la ville autrement ? Regards croisés franco-brésiliens. Presses du Septentrion, 2017.

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principales du Minas Gerais, ce qui permet d’intégrer Oliveira dans des relations inter- urbaines dynamiques.

La particularité de la ville d’Oliveira par rapport aux autres villes du Minas Gerais est son origine. En effet, cette petite ville s’est initialement développée grâce au secteur primaire : l’agriculture et l’élevage extensif ont été les moteurs de la croissance de la ville comme pôle de sa mésorégion, contrairement au schéma plus classique des villes du Minas Gerais développées autour de l’industrie minière.

En outre, la position géographique d’Oliveira a pu être un facteur de développement pour la ville, notamment via le passage des bandeirantes au XVIIè siècle, pionniers partant de São Paulo vers le Nord-Ouest brésilien pour participer à l’exploitation des richesses minières. Le terme de bandeirantes peut désigner plusieurs types d’expédition de pionniers : les entradas, expéditions officielles mandatées par la Couronne portugaise, et les bandeiras, qui, à l’inverse, étaient des expéditions pionnières privées, voire illégales.

Cette poussée vers l’intérieur des terres brésiliennes depuis le littoral a donc pu bénéficier à la ville d’Oliveira, qui représentait alors un lieu de passage, un relais sur la route du Nord- Ouest. Cette poussée pionnière est non seulement une volonté publique du gouvernement central, mais aussi le fait d’initiatives privées qui participent au développement de pôles relais vers l’intérieur du territoire.

Enfin, la particularité d’Oliveira s’incarne dans la morphologie urbaine de la ville. En effet, son plan urbain est bien organisé et démontre sa capacité à limiter les ségrégations socio- spatiales propres aux autres villes brésiliennes. Par rapport à celles-ci, les vides urbains sont limités, et cela se traduit par la faible part de Brésiliens pauvres voire “misérables”

dans la ville : 1.5% de la population oliveirense (contrairement aux 8.5% de la moyenne nationale). De même, dans le classement des villes du Minas Gerais sur la prise en charge du développement social par les pouvoirs publics, Oliveira se situe à la 2ème place de la région, devant des pôles urbains de première importance comme Belo Horizonte.

La ville d’Oliveira valide donc tous les critères d’une ville moyenne, notamment par rapport au schéma du plan urbain type. Oliveira reste néanmoins une "ville moyenne en gestation" du Minas Gerais, car son développement reste à l’échelle de sa mésorégion regroupant d’autres pôles urbains économiquement et socialement similaires. Aujourd’hui, la ville tend à adopter le schéma de la dynamique régionale du Minas Gerais, et, en ce sens, représente bien l’importance du développement de la région à l’échelle nationale.

Échelle régionale : un pôle relais de la macrocéphalie de Belo- Horizonte; les villes moyennes comme perspective pour rééquilibrer le réseau urbain du Minas Gerais.

Oliveira semble bien une exception dans les grandes dynamiques régionales, petite ville du

secteur tertiaire située au sud de la principale région minière du Brésil. En effet, le "Minas

Gerais" désigne par son nom le domaine des "Mines Générales". C’est une région dont les

ressources naturelles en or, diamants et minerai de fer sont à l’origine même de

l’occupation et du développement de ce territoire. Ce foyer mineiro constitue au XVIIIe

siècle le front pionnier du Brésil. Le peuplement s’établit le long des axes de transports qui

relient la capitale de l'époque, Ouro Preto, à São-Paulo et Rio de Janeiro tout en bénéficiant

de flux de population importants depuis le Nordeste. Après l’exploitation intensive de l’or,

concurrencé par le cycle du café qui déplace le centre de gravité du pays plus au sud,

l’activité sidérurgique et textile se développe au XXe siècle permettant de faire de Belo-

Horizonte une ville industrielle résistant au déclin de l’épuisement minier et à l’avancée du

front pionnier vers le Goiás puis l’Amazonie. En effet, ce territoire bénéficie d’une

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position privilégiée sur un axe de pénétration Rio-Brasília, né dans les années 1960 avec la fondation de la nouvelle capitale. Au sein du "Triangle de Croissance", Belo Horizonte incarne aujourd’hui une région stratégique au sein de l’économie nationale, par sa position de carrefour d’intégration (cf. théorie des pôles de croissance, François Perroux et Jacques Boudeville).

Oliveira est une ville moyenne située dans ce Sud industriel et urbain du Minas Gerais.

L’IDH de la ville est élevé par rapport à la moyenne nationale (0,7). Dans une perspective future, son développement pourrait s’intensifier avec la création d’un cluster puisqu’elle se situe dans un territoire où la multiplication des pôles technologiques, au sud-ouest du pôle de biotechnologie qu’est Belo Horizonte, est à l’oeuvre. Son intégration dans les réseaux régionaux est un argument supplémentaire pour en faire un pôle relais de Belo Horizonte.

À l’échelle locale, les flux de personnes depuis les municipalités voisines (Divinópolis, Campo Belo), l’attractivité de l’hôpital municipal et le plus haut revenu moyen/habitant en font une ville importante en terme de développement. Ville d’importance méso-régionale, Oliveira peut participer à rééquilibrer la périphérie sud-ouest de la région métropolitaine de Belo Horizonte. Ville moyenne, elle n’exerce pas une polarité régionale forte, mais son niveau de développement grâce à la présence de services rares (office d’enseignement supérieur, technique, commercial et fonction publique) lui confère un IRMS (Indice de Responsabilité Sociale) important

Nous avons ici cherché à identifier les caractéristiques d’une ville moyenne au Brésil à

partir de sa position géographique, de ses relations externes et de sa morphologie urbaine,

prenant pour exemple la ville d’Oliveira. Celle-ci semble révélatrice dans son contexte

régional des écarts de développement qui peuvent exister au Brésil : écart de richesse

important, ségrégation socio-spatiale marquée… Ces éléments semblent corroborer la

validité du modèle centre-périphérie (Alain Reynaud) voyant l’influence grandissante des

pôles urbains industriels attractifs contrairement aux marges rurales. Néanmoins, le Minas

Gerais constitue aujourd’hui un des moteurs du dynamisme économique brésilien. L’enjeu

est pour ces petites villes de s’intégrer dans une économie régionale, d’autant qu’il faut

prendre en compte la durée de vie de l’activité minière dans la région, 25 ans, et donc la

nécessité de penser à des alternatives de développement régional. Cette situation rappelle

l’importance du développement d’un réseau de villes moyennes, comme Oliveira, pour

rééquilibrer ce territoire, permettant – entre autres – une application plus locale des

politiques publiques.

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Rio de Janeiro

Nous nous demanderons comment l'expansion de Rio, qui provient d'une volonté de s'imposer à l'échelle mondiale, participe à une nouvelle organisation cristallisant les inégalités.

Une ville qui s'étend et qui renouvelle son organisation...

L'expansion géographique est très importante à Rio de Janeiro

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puisqu'elle est due à un changement drastique du parc immobilier résidentiel se tournant de plus en plus vers l'Ouest. La population augmente peu, mais c'est surtout l'informalité qui est en hausse, ce qui mène à la formation de nouveaux quartiers à l'Ouest des massifs montagneux intra- urbains. Cette informalité urbaine existe depuis le milieu du XXème siècle. C'est à cette époque qu'apparaît un véritable exode rural qui a donné à la ville le visage qu'on lui connaît. Cette informalité, qui "ségrégue et exclut" (selon les mots d'Henrique Barandier), était due à l'arrivée de ruraux trop nombreux pour les capacités de la ville. La face visible de l'informalité est la formation de favelas, mais il faut remarquer aussi la présence de lotissements clandestins. L'informalité se définit par une précarité des infrastructures. Elle est visible également par la manifestation d'une construction spontanée de logements, principalement au sein d'espaces à haut risque par leur environnement même. Il se trouve que 22% de la population de Rio vit dans les favelas soit près de 1,4 millions d'habitants.

Les populations les plus défavorisées sont alors amenées à se déplacer. En effet, la population de Rio quitte les anciens quartiers pour des régions peu occupées, notamment à cause de la hausse des prix et de la transformation du centre en zone touristique et économique, réservée à l'élite locale et étrangère. La ville est de ce fait en pleine restructuration sociale à l'aube du XXIème siècle puisqu'elle cherche à devenir une ville mondiale. Les favelas sont ainsi emmurées et isolées pour ne pas côtoyer l'élite entrepreneuriale et étrangère. De plus, certaines d'entre elles, comme Vila Autódromo, au sud-ouest de la ville, sont détruites. Rio est donc une ville qui est de plus en plus la proie des inégalités.

L'étalement urbain à Rio ne se fait pas de façon uniforme puisqu'il se structure en deux dynamiques liées fortement au niveau social des habitants, ce qui entraine une ségrégation de l'espace. De ce fait, les familles à fort pouvoir d'achat venues des vieux quartiers s'installent le long de la côte grâce à la formation de la Barra da Tijuca, un quartier dans la zone du sud-ouest, depuis les années 60. Ce quartier est un projet eldorado d'inspiration "corbusienne", ayant pour but de créer un quartier relié efficacement à l'autoroute. Désormais en pleine gentrification, ce quartier restructure la ville en lui donnant une dimension véritablement moderne. Ce phénomène d'occupation par les ménages aux revenus les plus élevés se généralise à Rio puisque c'est également le cas des banlieues riches et des moyennes qui s'étendent, elles aussi, sur la côte. En revanche, la

13 Étude de cas réalisée par Agathe de La Chapelle, Ilinca Ganga, Clémence d’Hérouville, Quitterie Lesaule, Laetitia Protais et Baptiste Saci. Corpus documentaire :

• « Histoire d’un lieu mythique : Copacabana », Hervé Théry, in Braises, 2017.

https://braises.hypotheses.org/1303

• « Bons Baisers de Rio », Manon Kleynjans, in Urbanités, 2014. http://www.revue- urbanites.fr/entretien-bons-baisers-de-rio-entretien-avec-manon-kleynjans/

• « Coupe du monde et jeux Olympiques à Rio de Janeiro : quels "legs urbains" ? », Henrique Barandier in Urbanités, 2014. http://www.revue-urbanites.fr/chroniques-coupe-du-monde-et- jeux-olympiques-a-rio-de-janeiro-quel-legs-urbain/

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frange de la population la plus défavorisée se tourne principalement vers l'Ouest, derrière les massifs et autour de la ville, où ils retrouvent les ruraux qui participent à la croissance urbaine.

... suite à une prise de position dans le monde qui entraîne de nouveaux enjeux...

Rio montre la volonté de devenir une ville monde. En effet, elle tend à s’inscrire de plus en plus dans les circuits internationaux. Cette intégration se voit dans le domaine du tourisme avec notamment l’aménagement de la plage de Copacabana, qui s’est développée afin d’accueillir d’importants flux, et le réaménagement de l’aéroport de Rio, en vue des Jeux Olympiques. La ville trouve également sa place dans le monde, par l’organisation d’évènements sportifs internationaux. En dix ans, Rio a été désignée comme ville hôte pour en recevoir trois : les Jeux Panaméricains (2007), la Coupe du Monde de football (2014), puis les Jeux Olympiques (2016). Ce pôle brésilien s’affirme ainsi à l’échelle mondiale et est reconnu comme puissance émergente, capable d’organiser des manifestations internationales.

Ce rôle de pôle international entraine des aménagements à l’échelle de la ville. Dans le but d’accueillir les Jeux Olympiques, Rio a dû construire de nouvelles infrastructures. De nombreux stades, des villages d’athlètes ou encore des réseaux de transport ont ainsi été rénovés ou construits. Des hôtels ont aussi été bâtis en masse, notamment à proximité des plages, afin d’héberger des touristes ou des organisations participant aux Jeux. Ces aménagements ont entrainé un nouvel espoir pour la ville qui voulait en effet renouveler son image et apparaitre comme un pôle pacifié et attractif.

Ces aménagements et cette réorganisation de la ville entrainent de nouveaux enjeux. Les transports sont par exemple mal répartis et peinent à relier les différents espaces de la ville.

L’accès aux services devient alors un problème important. Les populations les plus pauvres sont en effet exclues du centre ou situées dans les favelas où les conditions de vie sont précaires. La connexité, parfois difficile, entre les espaces représente un obstacle pour les populations vivant en périphérie et souhaitant rejoindre le centre, qui concentre la majorité des services publics. Les aménagements réalisés dans le cadre de la montée en puissance de la ville, et plus largement du pays à l’échelle mondiale, sont la plupart du temps faits au profit de l’élite entrepreneuriale et la population la plus favorisée, ce qui creuse les inégalités. Les espaces valorisés sont ainsi ceux qui sont déjà dynamiques, comme les plages de Copacabana à Barra da Tijuca, accueillant de nombreux flux touristiques. Un des enjeux majeurs pour la ville est donc de relier les différents espaces et de surmonter ses fragmentations tant sociales, que géographiques ou économiques.

...renforçant les inégalités de la société.

Ces inégalités sont renforcées notamment par une fracture économique croissante. En effet,

malgré les discours officiels du Brésil visant à valoriser et à exalter les impacts positifs de

la coupe du monde de 2014 et des Jeux Olympiques de 2016, le pays a connu une crise

économique en partie liée à ces événements internationaux. De fait, leurs organisations, qui

ont certes ouvert le pays au monde, ont nécessité d'énormes dépenses publiques dans un

pays qui connaissait déjà une défaillance économique. Ces coûts élevés de rénovations ou

même de constructions nouvelles eurent des conséquences négatives sur la population,

comme l'augmentation des impôts, alors que les bénéfices qui en ont été tirés sont allés au

secteur privé, c'est-à-dire aux grosses entreprises et aux populations les plus aisées. Les

inégalités se sont donc renforcées.

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Cette fracture économique se ressent dans l'organisation même de la ville, à travers les différentes infrastructures. De prime abord, le Brésil semble s'organiser autour d'une revalorisation des logements, notamment avec le programme social "Minha casa, minha vida" : le pays privilégie de grandes opérations immobilières, avec la construction de nouveaux logements sociaux. Cependant, cela se fait au détriment d'aires urbaines déjà sous-utilisées, qui restent dès lors enfermées dans leur marginalité. De plus, en proposant de nouveaux logements sociaux en marge de l'urbanisation, c'est-à-dire là où il restait de la place pour la construction, la ségrégation est accentuée, d'autant qu'au niveau des transports, la ville a encore des progrès à faire. En effet, la ville de Rio, même si elle tente d'effectuer une révolution des transports, en mettant en place de nouvelles infrastructures de voiries et de transports, peine à permettre une liaison entre les différentes parties de la ville, notamment un Ouest marginalisé qui ne parvient pas à être relié au sud-est dynamique. La ville garde cependant des projets pour remédier à ces inégalités, comme la

"TransBrasil", une ligne de bus qui devrait relier le centre-ville et la zone ouest, en traversant de nombreux quartiers de la banlieue de Rio, ce qui permettrait de satisfaire les besoins de la ville. Malheureusement, ce projet reste encore inabouti.

Ces inégalités sont encouragées par la mondialisation qui renforce la différenciation entre des périphéries et un centre dynamique. La course de Rio de Janeiro après le statut de ville globale ne profite de fait qu'à une frange de la population et empêche la plus défavorisée de s'élever socialement. Ainsi, les politiques de "touristification" (selon M. Kleynjans dans

"Bons Baisers de Rio"), qui furent appuyées par l'accueil des évènements sportifs internationaux que sont les Jeux Olympiques et la Coupe de monde FIFA de football, entrainent un enjeu foncier et pose la question sécuritaire. Cependant, ceux-ci vont être résolus aux dépens des populations les plus défavorisées. En effet, les favelas du centre qui posaient problème pour l'accueil de ces évènements sont repoussées à la marge de Rio de Janeiro (plus de 30 000 personnes furent déplacées pour la Coupe du Monde et les Jeux Olympiques) et les problèmes de sécurité dus au non-droit qui y régnait migrent simplement dans ces favelas décentralisées.

En conclusion, Rio de Janeiro est une ville qui s'est beaucoup agrandie ces dernières

années, en renouvelant son organisation urbaine, pouvant ainsi prétendre à un statut de

ville globale. Cet accroissement a alors causé une fragmentation de l'espace à travers un

étalement urbain défavorisant les populations les plus pauvres. Par conséquent, les

inégalités déjà existantes ont été d'autant plus accentuées. Ainsi, la ville qui semblait

rayonner avec la coupe du monde, puis les Jeux Olympiques est en fait freinée par des

inégalités latentes qui s'accentuent avec la mondialisation. Cette différenciation des

espaces se retrouve à l'échelle du pays, avec des pôles dynamiques s'intégrant aux circuits

internationaux et des espaces en marge, peu reliés au reste du pays.

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São Paulo

Voyons comme la ville tente d’articuler sa croissance, son développement avec ses inégalités et sa violence. São Paulo

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constitue en effet une ville de contrastes. En quoi reflète-t-elle les enjeux et défis auxquels le Brésil est confronté ?

São Paulo, une capitale étendue qui s’affirme aux yeux du monde.

Une ville étendue

Fondée en 1554, la ville a connu une croissance exceptionnelle passant de 31 000 habitants en 1872 à 19 millions en 2010 soit une multiplication par 630 en 130 ans. Elle compte 21 millions d’habitants en 2014 c'est-à-dire plus que la population du Chili. Et en effet, dans les années 70, elle était la 10ème plus grande agglomération mondiale avant d’arriver à la 5ème place en 2014. L’espace urbain a également connu une forte expansion pour atteindre 8 000 km² aujourd’hui.

L’organisation urbaine se calque sur le modèle nord-américain en regard de l’implantation de quatre quartiers d’affaires installés au détriment du centre historique. L’ensemble des villes entre Rio et Buenos Aires est même pour certains comparable dans une moindre mesure à la mégalopolis américaine. Cependant, São Paulo se distingue par son milieu naturel riche et son patrimoine historique important (forêts, lacs, monuments).

Un centre économique et universitaire

São Paulo est à l’évidence l’un des cœurs économiques du Brésil puisque l’État de São Paulo concentre 33% du PIB national et la ville-même en représente 18%. Elle bénéficie également de l’IDH le plus élevé du Brésil soit 0.889, correspondant à celui de la France. La ville est le plus grand pôle brésilien de communication, de science et de finance. Enfin, si l’Université de São Paulo est la première du continent sud-américain, conférant à la ville un rayonnement universitaire, à la 144ème place dans le classement dit "de Shanghai".

Un pôle et un nœud dans les réseaux

Les deux principaux aéroports du Brésil se situent à São Paulo ce qui fait de la ville un hub national et international. La ville procède donc à une certaine redistribution des flux alors même qu’elle n’est pas la capitale. Elle détient une évidente centralité dans le réseau grâce à ses réseaux (routes, gazoducs, télécommunications) qui desservent les régions périphériques pouvant dès lors se greffer à ce pôle de communication. En effet la ville dispose d'un faisceau de fibre optique qui lui permet un accès à internet très haut débit et ainsi une connexion au réseau informatique plus rapide.

14 Étude de cas réalisée par Illona Garcia, Marie-Pierre Dard, Ombeline Marignane, Jeanne Dohet et Mathilde Rossi Corpus documentaire :

• "Portrait de São Paulo : une capitale du Brésil"", Hervé Théry, Géoconfluences,

http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-thematiques/de-villes-en- metropoles/corpus-documentaire/portrait-sao-paulo-1-capitale

• Portrait de São Paulo : contrastes, problèmes, défis", Hervé Théry Géoconfluences,

http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-thematiques/de-villes-en- metropoles/corpus-documentaire/portrait-sao-paulo-2-contrastes

• "La carte du crime à São Paulo, entre Suède et Afrique du Sud", Braises, https://braises.hypotheses.org/1347

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São Paulo, une ville fortement contrastée sur les plans géographique et social.

Des facteurs historiques

Les contrastes qui divisent la ville s'expliquent d'abord par l'origine des habitants : la plupart sont des descendants de migrants venus de nombreux pays au moment du boom du café. Ils affluent à partir des années 1890 et font de São Paulo une ville cosmopolite.

La diversité de ces origines influence la formation de la ville.

Jusque dans les années 1930 la ville tente de favoriser la création de cités ouvrières. Mais à partir de 1950 les migrants se logent dans des auto-constructions en périphérie de la ville, dans des bâtiments qui ne respectent pas les normes d'hygiène et de sécurité. Ce long processus a eu pour résultat la formation de lotissements "clandestins", au développement inégal. En effet moins d'un tiers des domiciles éloignés ont accès à l'eau courante. Surtout, cette absence de plan urbain conduit à d'importants problèmes de gestion.

La ville se divise en plusieurs espaces distincts : la Zona Leste, avec 4,5 millions d'habitants, est la zone la plus pauvre. Elle manque notamment d'infrastructures de transports et d'équipements. Le centre est l'espace le plus développé, le Sud-Ouest est en progression, mais les périphéries demeurent des espaces précaires et lieux d'une violence récurrente.

Enfin, aujourd'hui 40% de l'espace urbain est composé de terrains inoccupés, possédés par les plus riches, ce qui représente un pari risqué : vont-ils être occupés par de nouveaux bidonvilles et favelas ?

Ainsi la formation contrastée se traduit par des inégalités de richesse.

L'importance des différences de revenus donne lieu à des inégalités abyssales entre quartiers riches et quartiers pauvres. En effet les écarts sont impressionnants : le cœur de la ville a un revenu supérieur à dix fois le revenu minimum quand, dans les extrémités Sud, Nord-Ouest et Est, les ménages ont en moyenne un revenu inférieur à trois fois le revenu minimum, concentrés en grande partie dans les favelas. Alors, São Paulo apparaît être une ville paradoxale : la plus grande des villes brésiliennes est aussi celle qui concentre la part la plus importante de personnes pauvres.

III. São Paulo, une ville qui doit relever les défis que lui imposent ces contrastes.

Le défi de la violence

La violence a reculé à São Paulo, qui a même du taux d’homicide le plus bas du Brésil.

Mais la référence est biaisée car à l’échelle mondiale, ce taux national est

exceptionnellement élevé : il est en effet supérieur à celui de la RDC, de la Syrie ou de la

Colombie, qui ont connu des guerres civiles. La ville connaît de vives inégalités de

violence puisque certains quartiers sont très peu violents, à l’instar des quartiers les plus

riches comme le Jardim Paulista (1 décès pour 100 000 habitants). À l’inverse, des

quartiers violents comme celui de Jaçanã dans le Nord connaissent un taux de près de 23

décès pour 100 000 habitants et les districts centraux 70 morts pour 100 000 habitants

(mais la population permanente de ces quartiers d'affaires est très faible).

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Le problème est tel que la violence semble être prise pour une fatalité car la police ne parvient pas à fournir de véritable sécurité et génère même parfois des violences policières, en regard de la brutalité pour laquelle cette dernière est réputée (usage des armes à feu).

Alors, la violence doit devenir une préoccupation majeure pour les pouvoirs publics qui semblent pour l’instant se trouver dans une impasse.

Les difficultés de gestion de flux

Dans le contexte d’une forte différenciation entre les principaux quartiers d’activités économiques et les quartiers résidentiels, la prééminence de la circulation apparait majeure dans le fonctionnement de la ville. Or, c’est justement cette dépendance qui créé non seulement des encombrements perpétuels mais aussi des inégalités dans les structures de transports. En effet, les habitants de la Zona Leste peuvent passer jusqu’à 4h par jour dans les transports. Cette difficulté croissante pour circuler s’explique notamment par une insuffisance des transports publics. Si le mode de transport principal est le bus, le métro existant depuis les années 70 reste très limité. Comparable à celui du Caire, il n’est constitué que de 5 lignes qui parcourent 74 km. Les travaux, très lents, et le vaste étalement de la ville alimentent ce retard de développement là où Mexico ayant commencé l’installation des lignes plus tardivement compte toutefois 226 km. En conséquence de ce réseau de transports publics insuffisant le réseau routier est saturé. En effet, les axes principaux de la ville sont situés le long des rivières et sont en permanence embouteillés.

Pour réduire la congestion dans cette partie centrale de São Paulo où le nombre de voiture s’accroit de 800 par jour, un système de Rodizio, c’est à dire une circulation alternée a été mis en place.

Un périphérique en construction, le Rodoanel, vise à rééquilibrer et redistribuer la circulation de l’agglomération. Cette infrastructure d’intérêt national en même temps que local donne accès au port de Santos, la principale porte d’entrée des importations et de sortie des exportations industrielles. Ainsi cette infrastructure est à l’image de la ville dans la mesure où elle reflète sa puissance économique et sa primauté urbaine mais aussi des difficultés engendrées par ce rayonnement surtout en termes de gestion et de contrôle de flux.

Finalement, São Paulo, métropole brésilienne par excellence, rassemble force, potentiel,

contrastes et fragilités et cristallise ainsi les contradictions du Brésil.

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Références

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