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Plutôt halal ou plutôt McDonald ?

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Texte intégral

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1990

Revue Médicale Suisse

www.revmed.ch

17 octobre 2012

Mais qu’est-ce que l’acceptable quand on impose la table ?

actualité, info

en marge

C’est une somme.1 Et loin d’être roborative elle met en appétit, ne cesse de l’aiguiser, de l’affûter, de l’exacerber. Sous la direction de Jean-Pierre Poulain, les Presses universitaires de France mettent sur les étals automnaux leur

«Dictionnaire des cultures alimen- taires». Un gibier de papier qui dépasse tous les genres connus : éternels livres de recettes, Michelin de tous acabits, pages minceur, guides de régimes ou sempiter- nelles mémoires et secrets de chefs plus ou moins étoilés. Cette somme (162 auteurs ; 1536 pages) parvient

également (souvent, pas toujours) à dépasser les jargons du socio- logue et de l’historien. Bref, c’est plus qu’une invite à passer à table : c’est une proposition à ouvrir les yeux sur notre manger, à prolonger de quelques centimètres le nerf vague, à sublimer nos aliments, la

terre qui les a vus naître, l’histoire qui les a façonnés, la chaîne qui va du paysan au four, des viandards au prince, du vin à l’autel, du halal méchant au gentil McDonald.

Cette somme traite aussi de l’épi- démie contemporaine d’obésité et des émeutes de la faim, de la sacr a- lisation onusienne patrimoniale et immatérielle du «repas gastrono- mique des Français» (pouvait-on trouver plus vilaine formulation pour un si beau concept ?). Elle passe à table le régime méditer- ranéen et la cuisine mexicaine, à la moulinette culturelle Bocuse (Paul), Bourdieu (Pierre) ; Brillat- Savarin (Anthelme), Castro (Josué de) et Certeau (Michel de) mais aussi le corned-beef, Aron (Jean- Paul), Curnonsky et l’engraisse- ment rituel, Barthes (Roland), le cassoulet, la morue et le cannibalisme, cette rencontre d’un autre goût avec notre semblable. Sans oublier nos gâteaux d’anniversaire, cette gentille canni- balisation du temps qui trépasse.

Avec leurs cerises qui tombent sous la feuille en gouttes de sang.

Mais revenons au McDonald et au halal. Le premier alimente contre lui des haines récurren tes tandis

qu’il envahit le monde et que s’allongent les files d’attente. Le se- cond suscite ici ou là des bouffées de violence plus ou moins conte- nues en ce qu’il peut symboliser la haine d’une religion autant que la peur de l’étran- ger. Ce fut le cas, il y a quelques mois, en France sur fond de campagne pour une élection présidentielle.

Que nous dit sur ces deux sujets notre futur Dictionnaire de table et de chevet ? Il s’agit moins, avec lui, du McDonald que de la McDo- naldisation, terminologie qui n’était pas encore jusqu’ici entrée dans les dictionnaires. C’est à la fois la tendance à l’homogénéisation planétaire de la nourriture,a sym- bolisée «par les grandes chaî nes de fast-food dont le McDonald’s est l’expression la plus accomplie».

Mais c’est aussi (dans le sens donné par le sociologue amé ricain Georges Ritzer) le synonyme actua lisé du concept wébérien de la rationalisation. Disons, pour faire simple, qu’il sert à nommer

«the processus by which the prin-

cipals of fast-food restaurants are coming to dominate more and more sectors of the American so- ciety as well as the rest of the world». Soit un monde inscrit au centre de quatre points cardinaux : efficacité, calculabilité, prévisibilité et contrôle. La rentabilité est bien évidemment sous-jacente à l’en- semble. Sans parler de l’étalonnage planétaire : l’étalon-or n’est plus.

On l’a remplacé par le temps du- rant lequel il faut travailler pour pouvoir «s’offrir» un «simple»

Big Mac. Et tous les enfants du monde sont, dit-on, fascinés à l’idée d’entrer dans ces tavernes en papier mâché qui servent cin- quante millions de bouches chaque jour que Dieu fait.

Plutôt halal ou plutôt McDonald ?

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Revue Médicale Suisse

www.revmed.ch

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a Il s’agit bien évidemment d’une homogé- néisation moins simple en apparence mais bien plus efficace (perverse ?) qu’on pourrait naïvement le croire. Le fait est il- lustré par un récent article signé de Su- lome Anderson (Foreign Policy) publié sur le site américain Slate.com et traduit sur Slate.fr. L’auteur y détaille les dix «me- nus McDo adaptés» que décline de Paris à New Dehli la chaîne américaine, qui possède aujourd’hui plus de 32 000 res- taurants dans 119 pays, c’est en partie grâce à ses tentatives intelligentes de s’adresser aux clients locaux en inventant des hamburgers adaptés à leurs goûts.

De Paris à Delhi en passant par Tokyo on découvre notamment le «Big Spicy Pa- neer Wrap» (Inde), le «Ebi Filet-O» (Japon), le «Kofteburger» (Turquie), le «Samuraï Pork Burger» (Thaïlande), le «McArabia»

(Maroc et plusieurs pays du Moyen Orient), le «Prosperity Burger» (Chine) ou le «Cro- que McDo» (France). A propos du Mc Arabia (prix avoisinant les cinq euros) un client (marocain) a déclaré au Global Post :

«Franchement, ça a un goût marocain».

Bibliographie

1 Dictionnaire des cultures alimentaires.

Sous la direction de Jean-Pierre Poulain.

Paris : Editions PUF, 2012 (parution le 24 octobre). Cet ouvrage a reçu «le sou- tien de la Fondation Nestlé France».

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Le halal n’est pas moins simple.

Avant que l’on ne forge, demain, la halalisation, ce terme de la lan gue arabe signifie tout à la fois le licite, l’autorisé et le profane, aux anti- podes du haram qui est l’illicite, l’interdit en état de sacralisation.

C’est un concept bien complexe à manier. Il peut trouver un sens ré- duit en cas d’émotions cristallisées, de colères collectives. Ou d’angois- ses récurrentes nées de la peur de l’autre comme dans le cas de la fête du mouton. «Dans notre mon- de moderne, les produits bruts ne sont plus les seuls que nous con- sommons : produits manufacturés, plats cuisinés mais aussi médica- ments peuvent contenir parfois, à des doses infinitésimales, de l’al- cool (dans les sirops contre la toux par exemple), peut-on lire à l’article halal (signé Geneviève Cazes-Valette) de ce Dictionnaire.

L’émer gence de ces industries a provoqué une émergence parallèle de demande de certification halal de leurs produits par les croyants scrupuleux et donc une activité économique apparemment gran- dissante en matière de fabrication et de distribution de produits éla- borés, certifiés halal. »

«Activité économique grandis-

sante» ? C’est si vrai que McDonald propose (de même que son con frère Quick le bien-nommé) des menus certifiés halal. Mais encore ? «En France, seule la restauration sco- laire publique, en vertu des prin- cipes républicains de laïcité, ne propose pas de produits halal aux enfants et aux adolescents, souligne le Dictionnaire. Elle veille cepen- dant à ce qu’une alternative accep- table soit proposée lorsque du porc est servi, voire ne propose plus de porc.» Mais qu’est-ce que l’acceptable quand on impose la table ?

Entamé avec l’absinthe, les al cools et l’allaitement, cet ouvrage s’achève avec le vin (plus exacte- ment le vin et les femmes) juste après le végétarisme. Où l’on découvre à quel point la Suisse a joué un rôle central dans l’histoire de cette pratique déjà présente dans la Grèce antique. Est-ce parce qu’elle fut perpétuée par des courants protestants (dissidents) puis par

des mouvements philanthropi- ques ? Est-ce parce que l’on est ici passé à table du grand religieux à la simple et belle hygiène ? Des interdictions venues du ciel aux choix terrestres ? Où l’on décou vre aussi les bienfaits du changement de points de vue : le végétarisme est moins exclusion des chairs qu’ouverture sur d’autres horizons.

Ouverture sur le monde des végé- taux, des céréales, des légumes, des assaisonnements peu connus de l’omnivore habituel. Avec lui la grouse finit naturellement ses jours avec son coq dans les bruyè- res d’Ecosse. Le lièvre demeure royal, mais uniquement dans ses courses à travers nos champs Et rien, semble-t-il, n’interdit au vé- gétarien d’admirer avec sa belle, le soir, les plus belles expressions du pinot noir.

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

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