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Le pouvoir réglementaire de l'Organisation mondiale de la santé à l'aune de la santé mondiale : réflexions sur la portée et la nature du Règlement sanitaire international de 2005

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Le pouvoir réglementaire de l'Organisation mondiale de la santé à l'aune de la santé mondiale : réflexions sur la portée et la nature du

Règlement sanitaire international de 2005

BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence

BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence. Le pouvoir réglementaire de l'Organisation mondiale de la santé à l'aune de la santé mondiale : réflexions sur la portée et la nature du Règlement sanitaire international de 2005. In: Droit du pouvoir, pouvoir du droit : mélanges offerts à Jean Salmon . Bruxelles : Bruylant, 2007. p. 1157-1181

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:8314

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LE POUVOIR RÉGLEMENTAIRE

DE L'ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ À L'AUNE DE LA SANTÉ MONDIALE:

RÉFLEXIONS SUR LA PORTÉE

ET LA NATURE DU RÈGLEMENT SANITAIRE INTERNATIONAL DE 2005

PAR

. LAURENCE BOISSON DE CHAZOURNES (*)

PROFESSEUR A LA FACULTt DE DROIT DE L'UNIVERSITÉ DE GENÈVE, DIRECTRICJo: DU DÉPAR1'EMENT DE DROIT [NTER.~ATIO~AL PUDLlC

ET ORGANISATION INTERNATIONALE

INTRODUCTION

Aucun pan du droit n'a pu échapper au regard vigilant et scrutateur de Jean Salmon. Son cours magistral Sur .Le droit international à l'épreuve au tournant du XXI' siècle. donné en 2002 le révèle amplement. Ainsi met-il en éclairage, avec beau- coup de clairvoyance, l'empreinte de la mondialisation sur le droit international et en analyse les effets (1). Aucun domaine de l'activité humaine ne peut en effet rester à l'écart de l'emprise du phénomène de la mondialisation. Il en est ainsi des problèmes de santé publique dont beaucoup sont d'envergure mondiale; il est alors intéressant d'appréhender le rôle que peut jouer le droit.

Les questions de santé publique ont été des devancières en matière de coopération internationale. Des conventions internatio- nales furent négociées dès la moitié du 19' sièCle pour lutter contre les problèmes de diffusion transfrontière de maladies infectieuses

(*) L'auteur a agi en tant qu'expert auprès de l'OMS et de "Office fédéral de la santé publique (lIuis9C) lors de la. négooiation et de l'adoption du Règlement sanitaire international de 2005.

(1) J. SALMON, .Le droit international à l'êpreuve au tournant. du XXle siècle., CourA Euro·

MedituTQ.1Irt1l8 Baw.wja, 2002, vol. VI, pp. 232-247.

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1158 LAURENCE BOISSON DE CHAZOURNES

qu'étaient le choléra, la peste et la fièvre jaune (2). L'objectif était de prévenir la propagation de ces épidémies et de préconiser des mesures telles celles de quarantaine. Des mécanismes institutionnels comme le Bureau sanitaire panaméricain créé en 1902 et l'Office International d'Hygiène Publique créé en 1907 ont joué un rôle important pour le développement et la mise en oeuvre de ces con- ventions. Toutefois, afin de permettre que le plus grand nombre d'Etats s'engagent à mener des actions et que le processus du déve·

loppement du droit soit rendu plus opératoire, notamment en pas- sant outre les problèmes liés à la négociation et à l'adoption de trai- tés, la Constitution de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) entrée en vigueur en 1948, a fait place à un autfe type d'instru- ments juridiques, dénommés règlements (3). La Constitution de l'OMS prévoit que ceux-ci lieront tous les Etats membres à moins qu'ils ne communiquent dans un certain délai au Directeur général de l'OMS leur souhait de ne pas être liés ou qu'ils émettent des réserves quant à la portée de leurs engagements (4).

Il avait été conçu que les Règlements avaient pour vocation d'énoncer des normes et règles de nature technique, à l'insta.r des conventions internationales sanitaires précédemment adoptées.

Deux Règlements sanitaires internationaux furent adoptés par la suite de même qu'un Règlement sur la nomenclature des décès. Les Règlements sanitaires internationaux ne firent l'objet que d'une

(2) Voir D. FIDI.l!R, .From lnrernational Sanitary CoO\-cn~ions to Global Healt.h Security:

The New Interna.tional Health Rcgulationu, Chimse Journal of /nll!rTlalionaJ Eaw, 2005, vol. 4, n02, pp. 327-333. Selon l'auteur: .The clas.~ical regime'g 'big three' Îllfectious diseases were cho· lera, !>Iaguc and yellow fever .. the disea,!:;es a.ddressed at t.he first. international 9anitary con·

tcrence in 1851 ( ... ]ln the first half of the twent-ieth centur)'. ot.her dilleasDS were addod to the dassical regime's Iist, incJuding sma1Jpox and t.yphust.

(3) L'article 21 de la Constitution de l'OMS prévoit en effet que: tlJ'Assemblee de la santé aura autorité pour adopt.el' les règlt!ment.s concernant:

a. 'l'elle mesure sanitaire et de quarantaine ou toute aube procédure destinée à empécher la propagation rll'.8 maladie~ d'un pays à un autre;

b. La. nomenclature concerna.nt les maladies, les causes de dêcès et les met-hodes d'hygiène publique;

c. Des standards sur les méthodes de diagnostic applicables dans le oadre international; d. Des norme.~ relatives à J'inn~llit6, la purete et l'activité des produits biologiqut!B, pharma- ceutiques ct similail't!s qui se trouvent dans le commerce international;

e. Des conditiOn!! relfl.tives a la puhlicitt: et il. la désignat.ion des produit.s biologiques, phar- maceutiques et similaires qui se trouvent dan~ le commerce internal,ional~.

(4) L'article 22 prélroit que: tLes Tèglements adopté.<! en exécution de l'art. 21 entreront cn vigueur pour tous 100 Etats Membres. leur adOjltion par l'Assemblee do la ~lIté ayant été d(lment notiflêc, exception faite pour tels membres qui pourraient faire connaître au Directeur g6néral. dans les délais prescrits par la. notification, qu'ils les refusent, ou font des réserves il. leur sujet •.

=--=::-..=:~~---_

. ..-,,,,,,---

(4)

,

LE POUVOIR RÉGLEMENTAIRE DE L'O.M.S. 1159 attention marginale dans la pratique étatique. Toutefois la surve- nance à la fin du XX' siècle de défis mondiaux en matière de santé publique, tels la pandémie du SIDA et le recours possible à des armes bactériologiques, ont suscité une attention nouvelle et gran- dissante à l'égard de ces Règlements.

Ces défis confirmaient la tendance qui s'était progressivement ancrée à l'OMS, celle d'appréhender les problèmes de santé dans une perspective large, incluant au-delà de leur dimension sanitaire, les dimensions politiques, économiques, environnementales et sociales y a.fférentes (5). L'adoption d'un nouveau Règlement sanitaire inter- national est alors apparue comme l'un des moyens de mettre en place une stratégie mondiale face des risques de grande gravité.

1. - LE RtGLEMENT SANiTAIRE DlTERNATIONAL DE 2005:

SES ANTÉCÉDENTS ET SA PORTÉE

A. - Du Règlement sanitaire international de 1951 au Règlement sanitaire international de 2005

Le premier Règlement sanitaire international (RSI) adopté en 1951 par l'Assemblée mondiale de la Santé de l'OMS et le second adopté en 1969, puis modifié en 1973 et en 1981, étaient destinés à prévenir la propagation internationale de certaines maladies infec- tieuses et exigeaient la notification de cas d'apparition de ces mala- dies (6). La nécessité de tels Règlements s'était imposée du fait des progrès considérables de la science médicale qu'il convenait de met- tre en application sur le plan international, ainsi qu'en raison de l'augmentation aiguë du trafic international et de l'accroissement concomitante des risques d'épidémie. Le champ d'application du RSI de 1951 était à la fois limité et vaste. Il ne visait pas toutes les infections susceptibles d'être propagées mais plutôt les maladies

,

(.'l) Voir G.L. BURCI, dnstîtutional Adapta.tion without Reform: 1VHO and tho Chal!t:ngtl!:l of GlobaHutiom, International Organizaticnl.8 Law Review, 2005, \'01. 2, nO 2, p. 438. Selon 1'aut(l1ll', ,ln a glohalizing and incrcasillgly int.erdependent world, hcalth has ch:arly cmerged liS Il cross- cutting issue, interacting with areas or international relationg and la\\" such as trade, intellectual property, environmental protection, human" rjght~. nTms control and t.he fight against inttlrnll.- tional tcrrorismf.

(6) L'objectif initial du RSI était, de surveiller et de combattre six grayes maladies infectieuses : cholera, peste. fièvre ja.une, variole, fièvre récurrente et typhus. Dans le HSI de 1969, seuls le choléra, la. peste et la fiêvre jaune Bont des maladies à déclaration obligatoire: cela signifie que les Etats ont l'obligation d'informer l'OMS de la sun-enance do ces maladje~ sur leur territoire_

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1160 LAURENCE BOISSON DE CHAZOURNES

dites .quarantenaires •. L'application des mesures envisagées devait assurer le maximum de sécurité contre la propagation des maladies d'uu pays à un autre moyennant le minimum d'entraves au trafic mondial. Le Règlement sanitaire international de 1951 fut remplacé en 1969 par un nouveau Règlement sanitaire international qui devait lui-même être amendé en 1973 avec l'ajout de clauses sup- plémentaires relatives au choléra, et révisé en 1981 pour en exclure la variole.

Le Règlement sanitaire international de 1969 - en vigueur jusqu'à l'entrée en vigueur du Règlement sanitaire international adopté en 2005 - est un règlement de nature technique destiné au contrôle de la peste, du choléra et de la fièvre jaune. Toutefois, comp.te tenu de la recrudescence des maladies infectieuses et du ris- que accru de propagation internationale dû en particulier au déve- loppement des transports aériens commerciaux, l'Assemblée mon- diale de la santé reconnut en 1994 la nécessité d'une révision substantielle de celui-ci (7). Des consultations d'experts et la réu- nion de groupes de travail entre 1995 et 1997, devaient conduire à forger un consensus sur 11orientation du processus de révision. Dans un premier temps, celui-ci fût principalement orienté sur un plan strictement technique et le processus s'enlisa peu à peu. Le proces- sus de révision reprit de l'ampleur sous l'effet de la crise du Syn- drome respiratoire aigu sévère (SRAS). Celle-ci révéla à la commu- nauté internationale son interdépendance et l'insuffisance du contrôle des épidémies. De même les cas d'a.ntbrax survenus en 2001 aux Etats-Unis ainsi que la propagation en Asie de la grippe aviaire, susceptible de dégénérer en pandémie, montrent que des cri- ses semblables à celle du SRAS peuvent surgir à nouveau et qu'un véritable effort de régulation internationale aux facettes normati- ves, opérationnelles et institutionnelles doit être poursuivi. L'OMS a été dans ce contexte confirmée dans sa vocation à renforcer la coopération internationale en matière de santé publique, les Etats membres considérant iL l'occasion que les actions à mener doivent également s'inscrire dans les champs politique, économique et social. Ces divers évènements ont conduit à l'adoption d'un nou-

(7) La reaolut-ion WHA48.7 priait. le Directeur général de prendre tes dispositions néce.llsaires pour en preparer la. reviBÎon et invitait instamment à une large participation et coopération !lU processus.

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LE POUVOIR RÉGLEMENTAIRE DE L'O.M.S. 1161 veau Règlement sanitaire international en mai 2005 lors de la cin- quante-huitième Assemblée mondiale de la Santé (8).

Le nouveau Règlement sanitaire international vise à pallier les faiblesses du système d'alerte et d'action en cas d'épidémies connu sous la dénomination de Réseau mondial OMS d'alerte et d'actions en CM d'épidémie. Elle accorde une large place aux expériences et aux leçons tirées de la crise du SRAS. Il a été décidé de ne pas res- treindre le nouveau RS! à une liste limitative de maladies connues mais de concevoir qu'il pourrait permettre la gestion de situations et maladies nouvelles. Dans ce contexte, un instrument est privilégié: celui de la notification rapide et transparente des risques de santé publique mondiale axée autour de l'idée selon laquelle des la<lunes ou des erreurs dans l'identification, l'annonce, la sur- veillance et la gestion d'une épidémie risquent d'en compromettre l'endiguement et le contrôle global.

Le processus de révision du Règlement sanitaire international s'est apparenté à une procédure de négociation internationale d'un instrument conventionnel multilatéral. Le Secrétariat de l'OMS a très tôt mis en relief l'importance d'une pa,rticipation large des Etats à l'élaboration du RSI pour son acceptation ultérieure:

«Ce va.ste processu~ de consultation, où l'on en'Visagera également-la. nécessité d'organiser de nouvelles réunions a.u niveau mondial, est considéré comme la meilleure méthode pour parvenir à un consensus de l'ensemble des gouvenl..e7nen!8 sur le Règlement révisé. Un groupe de travail à composition non limitée réunissant. les Eta.ts Membres intéressés pourra éga.lement être convoqué pour mettre la dernière main au projet de Règlement révisé avant s& présenta.tion à l'AB5emblée de la Santé. (9).

Afin de favoriser une large participation, l'Assemblée mondiale de la santé adopta la Résolution WHA 56.28 par laquelle eUe décida de créer un groupe de travail intergouvernemental, ouvert à tous les Etats Membres de J'OMS et chargé d'étudier et de recommander un projet de révision du Règlement sanitaire international à soumettre à l'Assemblée de la Santé. Certains Etats non membres, les organi- sations du système des Nations Unies, les organisations i.tergouver- nementales avec lesquelles l'O}fS a établi des relations, les mouve- ments de libération ayant qualité d'observateurs il. l'OMS et les organisations non gouvernementales en relations officielles avec

(8) Voir Résolution A58/55 de J'Assemblée mondiale de la Santé, 23 mai 2005.

(9) ConsejJ e.xêcutif de l'OMS, «Révision du Rêglement sanitaire international: Rapport du Secrétariatl, doc. EB111 /31,. 15 décembre 2002.

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U62 LAURENCE BOiSSON DE CHAZOURNES

l'OMS, furent également invités à participer aux travaux du groupe de travail intergouvernemental.

Un document de travail contenant un premier projet de révision du RSI a été envoyé à tous les Etats Membres de l'OMS en janvier 2004 (10). Ceux-ci ont commenté ce projet par écrit dans le cadre d'un forum Internet, ainsi que lors de consultations organisées dans les six régions de l'OMS. Sur cette base, le Secrétariat de l'OMS et divers experts internationaux ont élaboré et présenté un second projet en octobre 2004. Celui-ci a été l'objet de négociations lors de trois ,cycles. de négociations (U) auxquels ont pris part quelques 120 Etats parmi les 192 Etats Membres de l'OMS. Plusiimrs consul- tations régionales et sous-régionales se sont tenues avant que le groupe de trava.iI intergouvernemental ne se réunisse une dernière fois pour négocier les dernières questions restées en suspens. Le nou- veau RSI (2005) a été adopté par l'Assemblée mondiale de la santé en mai 2005 (12) et contient 66 articles et neuf annexes.

La question du champ d'application du Règlement sanitaire interna.tional révisé, celle de la dissémination volontaire d'agents ou de substances pathogènes et celle de l'utilisation d'informations pro-

(10) Doc. 10 WGll H RI Working paperj12.2003.

(11) Le projet a. êt6 négocié à Genè\'e du l~r au 13 novembre 2004, du 21 au 26 fflvrier 2005 et du 12 a~1 14 mai 2001).

(12) Au !'!cin de l'OMS, l'adoption des règlements techniquell internationaux !le fait à la majo- rité simple. Ltls règles d'adoption d'une convention et celles relatives il l'adoption d'un reglement.

sont différentc~. L'article 19 de lu. Constitution de l'OMS pré\'oit exprc~~ément que .Ia majorité des doux t-ier~ de J'As~emblée de la Sa.nté sera nécessaire pour l'adoption de ces conventions ou aceordst. En re\"an<:he, l'article 22 qui porte sur les règlements est silenoieux quant. il. la. majorité requise pour adopt-er un règlement. L'article 60 bl de la Constitution de l'OMS et les règles de procedures de l'Assemblée mondiale de la santé apportent des éléments de réponse qui vont dans le sens de l'adopl.ion de règlements par ma.jorité simple. T..es règlements relèvent en erret de la catégorie des tdéeisions sur les autres questions., car ils ne sont pas mentionnés par l'article fK) a). L'article 60 a) stipule que .Les déeisions de l'Assemblée de la Santé a prendre sur des ques- tiom; import·antes sont. acquises il la majorité des deux tiers det> Etats Membres presents et votants. Ce.'J (IUe~tinll!'. comprennent l'adoption de cOn\·tmtions 0\1 d'accoMs; l'approbatioll d'accords liant l'Organisa.tion aux Nations Unies, aux organisations et aux institutions intergOllvernernenhle5; tes modificat·ions il. la présente Constitution •. Il appa.raît donc que l'adop·

tion par l'AssemhlCc mondiale de ta santé des règlements internationauX" n'est pas une .décision sur une questiun importante. a.u sons de l'article 60 a) de la. Constitution dtll'OMS et que partant les règlenlcnts rie l'O~fS sont ~oumis à un système de 'Vote à la majorité simple. Cette caracté- rist.ique de l'OMS déooule, gemble t.·il du fait que c'est une organisation qui 8. peu développé sa compétence uo,·n\tl.ti ... e et que 109 Etats sont rarement sollicités pu ur J'accept·ation et l'application de normes techniques obligatoires. Une autre orientation de la pratique aurait le ca9 échéant jus- tifie qu'un plus graml ~droit. de regard* (par le biais d'une majorité quu.Hflée pl\r exemple) soit exercé par les F.t.A.ts en matière d'adopt.ion de telles nonnes. Voir f>llr la que~tion de l'a.d.option des Reglcrncnts â J'OMS, F.L. KrRGls. ~Speciali1.ed Law-Making Proce8~eh. in O. SCHACHTEH and Ch.C. Jonn~R (eds.). United NaiioR6 Legal Order , vol. 1, Cambridge University Press, Ca.m- bridge. pp. 130·131.

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LE rOUvOIR RÉGLEMENTAIRE DE L'O.M,S. 1163

venant de sources non-étatiques ont compté parmi Jes questions qui ont été le plus âprement négociées. Pour ce qui est du champ d'application, les Etats-Unis et divers pays eur-opéeus ont voulu garantir que le RSI couvre toutes les menaces aiguës pour la santé, qu'elles soient d'origine naturelle, accidentelle ou délibérée, et qu'elles impliquent des agents biologiques ou chimiques ou des rayons ionisants. Les Etats des Régions de la Méditerranée orientale (EMRO) et de l'Afrique (AFRO), ont voulu quant à eux éviter tout risque d'utilisation du RSI à d'autres fins notamment politiques. Le compromis trouvé définit la maladie indépendamment de son ori- gine (13) et restreint les mesures pouvant être adoptées aux seules mesures sanitaires (14). Le Règlement sanitaire international (2005) s'applique à tous les événements susceptibles de présenter un dan- ger pour la santé publique (15), qu'ils soient d'origine naturelle, accidentelle (par exemple un accident de laboratoire) ou délibérée, et qu'ils impliquent des agents biologiques ou chimiques ou des rayons ionisants. Il a pour vocation d'être l'instrument central pour combattre les maladies infectieuses, les maladies émergentes et ré- émergentes, les maladies communicables et non-communicables.

En ce qui concerne la dissémination volonta·ire d'agents ou de substances pathogènes, des dissensions sont apparues entre les Etats-Unis d'une part, l'Iran et la région de la Méditerranée orien- tale (EMRO) d'autre part. Le RSI aboutit à une formulation pre- nant en considération la dissémination volontaire, tout en ne la, mentionnant pas expressément (16). Pour ce qui a trait à l'usage de sources d'information d'origine non-étatiques, une référence exp1i- cite du recours à celles-ci n'était pas du goût de plusieurs Etats Membres, notamment la Chine. La proposition initiale d'inclure les

(13) Voir Article , .. du RSI (ZOO,) : • 'maladie' s'entend d'Ilne pathologie humaine ou d'une affection, quelle qu'en soit. l'origine ou la source, ayant, ou susceptible d'avoir des effets nocifs importants pour J'titre humain~.

(14) Voir Article 2 du KSI (2005): _L'objet ct la portéo du pré.'lent Rilglemellt consistent à prin'enir la· propagation int,NnationaJe des maladies, il. s'en proteger, il la maîtrisf'j et il y réagir par une action de santt. puulique proportionnee et limitée aux risques qu'elle prt\sente pour la

!<ante publique, en c\'ihnt de créer des entnlYe8 inutiles !lU trafic et au commerce internationaux •.

(5) Voir Article Icr du RSI (2005): • 'risque pour la santé publique' !;'entend de la probabilité d'un evénement qui peut nuire à la santé des populations humaines, plu9 purtioulièrement d'un é\'énement pouvant se propager au niveau internat.ional ou presenter Ull danger grave ct dirccb.

(16) Voir Article i du RST (2005); _Si un Etat Part.ie dispose d'êlêments indiquant la 8unre- nue d'un e\'iinement Îllu.ttendu ou inhabituel sur son territoire, quelle qu'en soit l'origine 011 la source, qui peut eonstitum' une urgence de santé publique de portee internationale, il fournit il.

l'OMS toutes informations de santé publiques pertinentes,.

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1164 LAURENCE BQJSSON DE CHAZOURNES

sources d'information non-étatiques a été finalement retenue du fait de la pratique établie du Secrétariat de l'OMS de s'appuyer sur de telles sources, tout en en vérifiant avec l'Etat concerné la nature et le contenu (17).

Les dispositions relatives à la lutte contre les maladies transmis- sibles et aux contrôles correspondants, ainsi qu'à la notification des événements qui peuvent constituer une urgence de santé publique de portée internationale (18), revêtent une importance centrale dans l'application du RSI (2005). Tel est également le cas de l'instrument de décision 'permettant d'évaluer et de notifier les évènements qui peuvent constituer une urgence de santé publique de portée internationale. (19) et de la désignation d'un point focal national RSI chargé de recevoir et de communiquer toutes informations rela- tives à des risques de santé publique transfrontières (20).

Il revient à l'OMS de décider de pair avec un Comité d'urgence (21) constitué d'experts de renommée internationale choi- sis par le Directeur général de l'OMS, s'il y a ou non une situation qualifiable d' mrgence de santé publique de portée internationale. et d'émettre les recommandations pour maîtriser celle-ci. L'infras- truct·ure nécessaire pour mettre en œuvre le RSI (2005) et les capa- cités techniques requises au niveau des postes-frontières font l'objet de dispositions détaillées, tout comme les dispositions sanitaires applicables aux voyageurs, aux entreprises de transport, au trans- port de marchandises, etc.

La vocation du RSI (2005) est celle d'être un instrument systé- mique permettant de prévenir, de surveiller et de combattre la pro-

(17) Voir Article 9, paragraphe 1 du RSl (2005) : ~ L'OMS peut tenir compte de rapports éma- nant de sources autres que les notificat.ions ou les oonsult.ations et evalue ces rapports confonné- ment aux principes épidémiologiques établis; elle communique ensuite des informations sur l'éve- nement en question il l'Etat Partie sur le territoire duquel cet événement est ~neé se produire.

Avant de prendre quelque mesure que ee soit lIur la. blue de ces rapports, l'OMS consulte l'Etat Partie 8ur le territoire duquel l'é-ç-énement est censé se produire et s'efforce de vérifier celt jnfor·

mation~ auprès de lui conronnément aux pfOcèduroo de vérification définies iL l'article lo. A cette fin, l'OMS met les informat·ions l'eçues a la disposition des Eta..ts Parties, SQ.ohant que, seulement daru. les cas où cela est dûment justifié, "OMS peut preserver le caractère CQnfidentiel de la source •.

(18) Voir Article 1"' du RSI (2005): .'urgence de santé publique de portée internationale' s'entend d'un événement extraordinaire dont il est déterminé, comme prévu dans le présent Règlement, il qu'il constitue un risque pour la sante publique dllllS d'liutres Etats en raison du risqll,e de propagation internationale de maladies; et ii) qu'il peut requérir une action internatio- na.le ooordonnée [ ... }a.

{19~ Voir Annexe 2 au RSI (2005).

(20) Voir Art.icle 4 du RSI (2005).

(21) SUT le Comité d'urgence. \'oir infra.

--_. _

...•....

_._

...

----

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LE POUVOIR RÉGLEMENTAIRE DE LlO.M.S. 1165

pagation internationale de menaces aiguës pour la santé. Le RSI (2005) fait montre d'une volonté d'anticipation à l'échelon universel des risques de santé publique internationale (22), témoignant par là d'un nouveau paradigme de régulation juridique internationale de la santé. Ce paradigme c'est celui du passage de la .sécurité de la santé internationale. (international health security) à la .sécurité de la santé mondiale. (global health security) (23).

B. - La portée du Règlement sanitaire international (2005) en matière d'alerte face à des ca;; d'urgence

de santé publique internationale

En vertu de l'article 2 de la Constitution de l'OMS, les fonctions de l'Organisation consistent notamment à .agir en tant qu'autorité directrice et coordonnatrice, dans le domaine de la santé, des tra- vaux ayant, un caractère international» et à ~fournir

r

assistance technique appropriée et, dans les cas d'urgence, l'aide nécessaire, à la requête des gouvernements ou sur leur acceptation>. De nom- breusell résolutions de l'Assemblée mondiale de la Santé ont com- plété ce mandat. En 1995, dans la résolutio·n WHA48.13, le Direc- teur général était notamment prié .d'élaborer des plans visant à améliorer la sutveillancè nationale, régionale et internationale des maladies infectieuses et de leurs agents causals, y compris par des diagnostics de laboratoire précis et la diffusion rapide des défini- tions des cas ainsi que des informations pertinente .. et .d'éla.borer des stratégies permettant des actions nationales et internationales rapides ·pout étudier et combattre les flambées et les épidémies de maladies infectieUses.. En 2001, par la résolution WHA54.14, l'Assemblée mondiale de la Santé a apporté son soutien au système d'alerte et d'action en cas d'é"pidêmie en priant en outre le Directeur général ,de concevoir dèS outils internationaux utiles et d'offrir un appui technique aux Etats Membres pour qu'ils puissent inscrire, dans le cadre de leurs programmes de gestion des urgences, des acti- vités de préparation et d'intervention face aux risques !tssociés aux agents biologiques, ou les renforcen et .de mettre les informations pertinentes sur les risques pOllr la santé publique à la disposition

(22) Voir Article 3 du RBI (2005): .ta mise en œuvre du prisent Règlement est guidée par le souci de lion application unh'erseUe ell vue de protéger l'ellsemble de la. population mondiale de la propagation internationale des m'8:ta.ilies •.

(23) Reprenant les notions utilisêes par D. FJVL8R. op. ci,-, p. 23.

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1166 LAURENCE B01SSON DE CHAZOURNES

des Etats Membres, des organisations intergouvernementales inté- ressées et des partenaires techniques».

Ce système a été mis à rude épreuve lors de la flambée mondiale de SRAS survenue en 2003. La résolution WHA56.28 sur la révision du Règlement sanitaire international a de ce fait reconnu <des liens étroits entre le Règlement et les activités OMS d'alerte et action en cas d'épidémie, qui ont permis de recenser les principaux problèmes à résoudre lors de la révision du Règlement) et d'inadéquation du Règlement actuel et l'urgente nécessité pour l'OMS et ses partenai- res internationaux de prendre des mesures spécifiques non visées par le Règlement» (24). Dans ce contexte, l'Assemblée mondiale de la Santé a souligné l'importance vitale des fonctions d'alerte et d'action de l'organisation et prié le Directeur général:

«1) de prendre en compte les rapports émanant de sources Rut,res que les noti- fications officielles et de valider ces rapports conformément, aux principes épi dé- miologiques établis;

2) en cas de nécessité et après avoir informé le gouvernement concerné, d'aler- ter la communauté internationale, sur la base de critères et de procédures élaborés conjointement avec les Etats Membres, au sujet de la présence d'une mena·ce pour la santé publique pouvant const.ituer un grave danger pour des pays voisins ou pour la santé internationale;

3) de collaborer avec les autorités nationales pour déterminer la gravité de la menace et l'adéquation des mesures de lutte ... ».

Le système modernisé de l'OMS, connu sous le nom de Réseau mondial OMS d'alerte et d'actions en cas d'épidémie (25), et les autres réseaux et systèmes d'alarme internationaux ont beau con- tribuer à donner l'alerte à réchelon international ainsi qu'à entraÎ- ner une réaction en matière de santé publique, ils n'ont ni le carac- tère contraignant, ni le poids des prescriptions figurant dans le Règlement sanitaire international (2005) (26). Le mécanisme d'alerte du RSI (2005) repose principalement sur le "Comité d'urgence» précédemment évoqué (27). Le Comité est chargé de don-

(24) L'un des principaux obstacles il. l'efficacité du RSI de 1969 tenait. il, la réticence des pay;;

il déclarer rapidement. et de manière transparente la survenance de maladies par crainte de réper·

cussions économiques notamment dans les domaines du commerce et du t.ourisme. ' (25) En anglais Global Ou/break Alerl and Ret!poMe Ne/woTk {GOA RN).

(26) Le Reseau mondial d'alerte et d'action en cu-s d'épidémie est un dispositinechnique de col·

laboration entre des instit.ut.ions et des réseaux qui mettent leurs ressources humaines ct teehni·

ques en commun pour identifier et confirmer rapidement les épidémies de portée internationale.

ct y répondre dans les meilleurs délais. Ce réseau constitue un cadre opérationnel réunissant les compétences et le savoir·faire grâce auxquels la communauté internationale peut, à tout moment, êtrc avert.ie d'une menace d'épidémie et être prête à y répondre.

(27) Voir Article 48 du RST (2005).

(12)

LE POUVOIR RÉGLEMENTAIRE DE L'O.M.S. ll67

ner son avis sur )80 question de savoir si un événement constitue une urgence de santé publique de portée internationale, si une urgence de santé publique de portée internationale a pris fin et sur la pro- position d'émettre, de modifier, de proroger ou d'annuler des recom- mandations temporaires quant à une urgence de santé publique de portée internationale. Le Comité d'urgence est composé d'experts choisis par le Directeur général parmi les membres de la Liste d'experts du RS! ou dont le nom figure dans d'autres tableaux d'experts de l'OMS. Le Directeur général décide de la durée du mandat des membres afin d'assurer la continuité de l'examen d'un événement particulier et de ses conséquences. Il est prévu que l'un au moins des membres du Comité d'urgence soit un expert désigné par l'Etat Partie sur le territoire duquel l'événement survient (28).

L'Etat sur le territoire duquel l'événement de santé publique se produit est invité par le Directeur général de l'OMS à présenter ses vues au Comité d'urgence. A cet effet, le Directeur général l'informe de la date et de l'ordre du jour de la réunion du Comité d'urgence.

L'Etat concerné ne peut cependant pas demander l'ajournement de la réunion du Comité d'urgence. L'avis du Comité d'urgence est communiqué au Directeur général de l'OMS pour examen. Ce der- nier décide en dernier ressort et informe les Etats parties au Règle- ment sanitaire international de sa décision de déclarer qu'il existe une urgence de santé publique de portée internationale ou que celle- ci a pris fin et leur fait part de toute mesure sanitaire prise par l'Etat concerné, des recommandations temporaires éventuelles et de leur modification, prorogation ou annulation, ainsi que de l'avis du Comité d'urgence. Il communique également, par l'intermédiaire des Etats et des organismes internationaux compétents, aux exploi- tants de moyens de transport les recommandations adoptées, y compris leur modification, prorogation ou annulation. Il diffuse ensuite ces informations et recommandations auprès du grand public (29).

Par ailleurs, dans le cadre du Règlement sanitaire inJoernational (2005), chaque Etat doit désigner un point focal national RS! afin de centraliser les informations relatives à une urgence de santé publique de portée internationale. Une lacune est ainsi comblée par

(28) Voir Article 48 du RST (2005).

(29) Voir Artiult: 49 du RSl (2005).

(13)

1168 LAURENCE BOISSON DE CHAZOURNES

rapport au système d'alerte de l'OMS. Celui-ci ne disposait pas d'un réseau fonctionnant en permanence entre tous les pays pour préve- nir efficacement les menaces de portée internationale pesant sur la santé publique.

Ce système démontre que le bon fonctionnement dn régime repose sur les capacités de chacnn à assumer ses responsabilités. Les uns dépendent des autres. Cette situation d'interdépendance souligne la nécessité pour chaque pays d'être doté des capacités nécessaires.

L'octroi d'une assistance technique et financière pour ce faire ne repose pour l'heure que sur la bonne volonté des pays du Nord même si on sait que par nécessité, que celle-~i devra être octroyée (30). C'est là encore l'un des visages de l'action qui ne peut être conduite qu'à l'échelle mondiale.

II. - LE RÈGLEMENT SANITAIRE INTERNATIONAL, UN INSTRUMENT JURIDIQUE SUI GENERIS

A. - Un instrument sui generis dan8 80n mode d'acceptation

La Constitution de l'OMS prévoit que les règlements adoptés en vertu de son article 21, lieront tous les Etats membres à moins qu'ils ne communiquent dans un certain délai au Directeur général de l'OMS leur souhait de ne pas être liés par ceux-ci ou qu'ils émet- tent des réserves quant à la portée de leur engagement. Un tel sys- tème d'a.cceptation est dénommé selon l'expression angla.ise, sys- tème d'opting out (31).

Les techniques d'opting in et d'opting out se sont à l'origine déve- loppées dans deux champs distincts mais complémentaires du droit international public. L'opting in ou contracting in trouve son origine dans le droit conventionnel. Il vise l'acte positif par lequel un Etat décide d'être lié par un acte ou instrument conventionnel. Cet acte positif a pour dénominations usuelles <signature., .... tification., ... dhésion» ou .approbation». L'optiny out ou contracting out a trait

{30l Voir Article 44 du ,RSI (2005).

(31) Sur le système d'Q-pling ou!, \"oir M.M. MBEN01!i, t.La technique de l'opling oui: L'accep- tation par les Eta.ts des nonnes techniques internationales., in E. BRQSSET and E. THRULÉ (OOs.), Environnement et 8a71U: Lu tnjtu:,; d~ la normalio!aticm in't111a!jo7laI~, Bruxelles, Bruylant, 2000, pp. 121-152.

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LE POUVOIR RÉGLEMENTAIRE DE L'O.M.S. 1169

à l'élaboration de normes ou standards techniques internationaux.

Il renvoie principalement à un procédé d'adoption d'instruments techniques par les organisations internationales à la majorité, avec la faculté pour les membres qui ne voudraient pas être liés, de noti- fier dans un délai déterminé des réserves ou leur intention de ne pas appliquer le texte en question (32). Contrairement il. l'opting in, l'opting out consiste donc en un acte négatif par lequel un Etat exprime son intention de ne pas' appliquer une norme technique donnée (opting out ,tota!») ou de limiter l'application d'un telle norme (opting out 'partie!»). Cet acte négatif, selon les actes consti- tutifs des organisations internationales recouvre des dénominations diverses telles celle de ,désapprobation>, de orefus d'être lié», d'wbjection> ou de <réserve. (33).

La technique de l'opling out est guidée par le souci de trouver un équilibre entre autonomie de la volonté des Etats et exercice de la compétence normative des organisations internationales. L'opting out est une pratique qui a été mise en place dans le cadre de la Con- vention de Chicago sur l'aviation civile internationale, comme aIt.er- native au modèle institué par la Convention internationale de Paris de 1919 portant réglementation de la navigation aenenne (.Convention de Paris»). La Convention de Paris, entrée en vigueur en juillet 1922, avait donné naissance il. un système de normes tech- niques qui lorsqu'elles étaient adoptées par l'organe international compétent, en l'occurrence la Commission internationale de la navi- gation aérienne (CINA) (34), devenaient ipso facto obligatoires pour les Etats parties à la Convention (35). Les activités de la CINA furent suspendues pendant la Seconde Guerre Mondiale. En 1944, une Conférence internationale devait s'ouvrir à Chicago avec pour mandat la préparation d'une convention multilatérale relative au transport aérien. Cette Conférence aboutira à la conclusion de la Convention de Chicago sur l'aviation civile internationale. Les négo-

(32) Voir le DicllOflll.aire de droit international public, sous la. direction de J. S.LHON, Brun]-

les, BruylantlAUF, 2001, p. 222.

(33) Voir H. SARA, .L'activité quasi-législative des Institut.ions spécialisées des :Nations Unies" R.O.A.D.I., 1964, tome T, vol. Ill, p. 605. Voir également 'M.M. MSEKOUE, op. dl.

(34-) La ClNA dont la création résulte de l'article 34 de la Convention du 13 octobre 1919 était une Înlltitution trèll originale. C'était une commission permanente placée sous ['autorité de la Société des Nations (SDN).

(35) Voir A. PIGNOCHE,., L'organisme le plU8 évolué du droit in/ernational,' La Commia.rion internationale de navigation aérienne. Les Editions internationales, Paris, 1935, pp. 101-109; voir également, M. TRIOAUD, L'organùalion internationale de la navigation aérien.ne, Les Editions interna.tionales, Paris, 1938, pp. 65-76.

(15)

1170 LAURENCE .BOISSON DE CHAZOURNES

ciateurs de la Convention de Chicago s'entendaient tous sur un point en rédigeant la Convention: que l'OACI soit dotée d'une fonc- tion réglementaire qui se traduise par l'adoption de standards tech- niques en matière de sécurité et de navigation aérienne. Toutefois, contrairement iL la Convention de Paris de 1919, les normes techni- ques adoptées par le Conseil de l'OACI ne sont obligatoires que pour les Etats membres qui n'ont pas formulé d'objection expresse (36).

C'est à cette occasion qu'apparaît formellement la technique de l'opting out en droit international (37).

La voie choisie par la Convention de Chicago a fait des émules et la technique de l'opting out va connaître des visages variés en fonc- tion des actes constitutifs des Institutions spécialisées du système des Nations Unies et au-delà. Ainsi, l'opting out est repris avec des variantes singulières par la Constitution de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) de 1946, particulièrement dans ses articles 21 et 22 qui permettent à l'Assemblée mondiale de la santé d'adopter des règlements internationaux obligatoires dans le domaine de la santé internationale. L'opting out est également inséré dans la Convention de 1947 portant création de l'Organisation météorologique mondiale (OMM) qui permet au Congrès météorologique mondial d'adopter des normes techniques relatives aux pratiques et procédures météo- rologiques obligatoires pour tous les Etats membres de l'OMM sauf ceux qui aurout objecté au préalable. La Constitution de l'Union internationale des télécommnnications (UIT) incorpore également un système d'opting out pour les Règlements administratifs que sont le .Règlement des télécommunications internationale.. et le .Règlement des radiocommunication ... Enfin, la technique de l'apting-out se retrouve dans la quasi-totalité des organisations internationales de pêcheries (38) telles la Commission internationale de la chasse à la baleine (CIB), la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (CICTA), l'Organisa- tion des pêches de l'Atlantique du Nord-Ouest (OPANO) ou encore

(36) A noter toutefois le cas particulier des .Règles de J'air applica.bles fLU-dcssus de la hautc- men, établies il. l'Annexe 2, qui d'apres J'article 12 de la Convention de Chicago sur l'aviation civile internationale. sont obligatoires pOUf tous les l:tats membres, SRns possibilito de désappro- bation (opting out).

(37) H. SABA, op. cit., p. 67.'l,

{3S) Les commissions internationalos de pêche à l'exclusion de coHes qui sont créées par tes rêsolutions de l'Organisation pOUf l'alimentation et l'agriculture (FAO) sont des organÎsations internationales.

(16)

LE POUVOiR RÉGLEMENTAIRE DE L'O.M.S. 1171 la Commission pour la conservation de la faune et de la flore mari- nes de l'Antarctique (CCAMLR) (39).

Le recours à la technique d'opting out dans les diverses enceintes évoquées a trait à l'objectif selon lequel l'objection d'un Etat ou d'un groupe d'Etats ne peut pas porter atteinte au pouvoir norma- tif d'une organisation internationale de prescrire des normes suscep- tibles d'être appliquées par tous leurs destinataires (40). L'opting out a de ce fait pour effet de dispenser l'Etat qui objecte d'appliquer la norme technique mais non celui d'empêcher ladite norme d'être adoptée et de produire des effets juridiques obligatoires.

Le Règlement sanitaire international (2005) s'appuie sur l'article 22 de la Constitution de l'OMS qui prévoit que les règle- ments adoptés en exécution de l'article 21 entreront en vigueur pour tous les Etats Membres de l'OMS à l'exception des Etats qui communiqueront au Directeur général, dans un délai déterminé, leur refus ou réserve quant à l'instrument.

L'article 61 du RSI (2005) qualifie l'opting out de Hefus. et n'envisage que les situations de retrait individuel par rapport aux règles du RSI. Il se lit comme suit: .Si un Etat notifie au Directeur général son refus du présent Règlement ou d'un amendement à celui-ci dans le délai prévu au paragraphe 1 de l'article 59, le pré- sent Règlement ou l'amendement concerné n'entre pas en vigueur à l'égard de cet Etat •.

Il peut se trouver des situations dans lesquelles l'Etat ne notifie pas sa décision d'opting out ni celle de son approbation de l'instru- ment. Dans de telles situations les actes constitutifs des organisa- tions internationales proposent des solutions différentes. Certains actes constitutifs sont ,silencieux» sur la portée du silence alors que d'autres sont ,explicites. sur les conséquences juridiques qui décou- lent du silence vis-à-vis de l'acceptation d'une norme technique internationale. Le RSI est un exemple d'instrument ,silencieux» (41). Néanmoins, contrairement à la Convention de Chi- cago sur l'aviation civile internationale qui ne dit rien sul'la portée

(39) Seules de rares commissions de pêche ont. opté pOlir IIne te<:hniquc d'opting in.: la Corn- Illi~sion du phoque de l'AI-Iantique Nord·Est, la Commission du phoque dt: l'Atlantique Nord- Ouest et la Commission mixte ùes pêcheries de la· mer ~oire. Voir J. BEER-QAB";L, V. LRS'rAXG,

Les commiuiona de péche el leur droit. La conservation et la gestion diR reasourcu marin18 vivan/ts,

"Bruxelles, Broylant, 2003, p. 65.

(<<ll lbid., p. 65.

(41) Voir M.M. MBENGUE, op. cit.

(17)

1172 LAURENCE BOISSON DE CHAZOURNES

juridique du silence (42), le Règlement sanitaire international (2005) prévoit indirectement et tacitement les conséquences juridiques du silence de l'Etat. En effet., l'article 59 qui porte sur le délai pour for- muler le refus ou les réserves au RSI, prévoit que le refus (opting out total) ou les réserves (opting out partiel) seront sans effet s'ils sont <reçus. par le Directeur général de l'OMS après l'expiration dudit délai. Il en résulte que si un Etat reste silencieux durant la période prévue pour notifier l'acceptation ou la non-acceptation du RSI, il est présumé de manière irréfragable être lié par les disposi- tions du Règlement. Le refus ou la réserve subséquents sont alors considérés comme nuls et sans effet ab initia. Il y.a à ce niveau un élément d'estoppel impliquant que l'Etat qui reste silencieux crée une situation d'attentes légitimes de la part des autres Etats mem- bres de l'OMS. Dans un domaine aussi sensible que celui de la pré- vention de la propagation internationale des maladies, on ne saurait laisser les Etats décider à leur guise du moment opportun de la notification de leur opting out, qu'il soit total ou partiel.

Le traitement juridique du silence dans le cadre du Règlement sanitaire international est illustratif de l'une des différences qui existent entre l'opting in et l'opting out. Dans la perspective de l'optiny in) rexpression du consentement à être lié n'est en principe pas encadré par une date-butoir et le silence de l'Etat ne peut en aucun cas être interprété comme un consentement définitif à être lié par le traité. Dans le cadre de l'opting out, l'expression du consen- tement à être lié est régie par une logique temporelle qui fait que l'Etat est lié à partir d'un certain moment objectivé dans la norme technique internationale. L'absence d'objection ou de réserve est interprétée comme une approbation du RSI.

L'objectif recherché à travers l'adoption par l'Assemblée mon- diale de la Santé d'un règlement international est son application par tous les Etats membres de l'OMS. Pour répondre à ce souci, le RSI prévoit également la possibilité d'un opting out 'partiel. - qua- lifié de «réserve •. Toutefois, la possibilité d'émettre des réserves est soumise à un contrôle spécial et celui-ci a pu faire l'objet de certai- nes résistances.

(42) Voir B. CIŒN'G, TÀf. Law of Inlentat.ional Air Transport, London, :New York, Stevens ti·

Sons Limit.ed. Ocean&. Publications lne., 1962; Th. t3UERGE~THAI., Tht Law-Making i. tlle Inler- lIalional Cil.-il Aviation Organizfllion, New York, Syracuse University Pre83, 1969, p. 100.

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