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LE DIEU AUX POMMES D'OR ou HÉRAKLÈS EN OCCIDENT. Provence - Languedoc Espagne méditerranéenne - Maroc

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LE DIEU AUX POMMES D'OR HÉRAKLÈS EN OCCIDENT ou

Provence - Languedoc

Espagne méditerranéenne - Maroc

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MAURICE PEZET

Le Dieu

aux pommes d'or ou

Héraklès en Occident

Provence - Languedoc Espagne méditerranéenne - Maroc

SEGHERS

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C o u v e r t u r e : K N A C K .

S i v o u s d é s i r e z ê t r e t e n u ( e ) a u c o u r a n t d e n o s a c t i v i - t é s d ' é d i t e u r , v e u i l l e z n o u s e n v o y e r v o t r e n o m e t v o t r e a d r e s s e , s u r c a r t e p o s t a l e o u c a r t e d e v i s i t e , a u x E d i t i o n s S e g h e r s , B . P . 5 0 3 , 7 5 7 2 5 P a r i s C e d e x 1 5 : n o t r e b u l l e t i n « I n f o r m a t i o n s S e g h e r s » e t n o s c a t a l o g u e s v o u s s e r o n t a d r e s s é s , g r a t u i t e m e n t e t s a n s e n g a g e m e n t .

La Loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'Article 41, d'une part, que les copies ou reproductions strictement réser- vées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation col- lective, et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (alinéa 1 de l'Article 40). Cette représen- tation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal.

TOUS DROITS DE REPRODUCTION,ADAPTATION D' E T DE TRADUCTION RÉSERVÉS POUR TOUS PAYS.

© EDITIONS SEGHERS, PARIS, 1978.

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Prologue

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« Tous les pays qui n'ont plus de légendes seront condamnés à mourir de froid... »

PATRICE DE LA TOUR DU PIN.

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H I S T O I R E E C O U T E E

A U X P O R T E S D E L A L E G E N D E . . .

La légende recouvre très souvent la réalité. Par elle, nous avons retrouvé l'histoire précise et l'universelle poésie.

C'était l'époque où l'on avait encore le temps de rêver, de goûter la douceur d'un automne, la saveur de l'air et du silence. Il y avait aussi, pour moi, cet appel de la nuit, l'heure où, par touches successives, l'ombre s'accordait à la fin des travaux et du jour. La nuit était un engloutissement, l'abandon de tout ce qui désagrège. « 0 nuit, ô belle nuit d'amour, souris à nos ivresses... », chant lointain qui s'accor- dait à nos espoirs, notes qui montaient d'un violon si longtemps conservé... Isolement salutaire baigné de nuit, rejet des servitudes, nudité salvatrice sous la seule clarté des étoiles.

De nos jours, les villes et les bourgs les plus isolés, les routes et les campagnes ont été impudiquement éclairés dans la frénésie et l'indécence de notre monde. On ne connaît plus le glissement de l'ombre, ni le vertige d'un ciel criblé d'étoiles. Il n'y a plus de nuit.

C'était donc au temps, pas très lointain encore, des joyeu- ses veillées de mas, des grands feux de cheminée, où la

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télévision n'avait pas encore tué le goût du mystère dans le cercle d'amis, ni supprimé le vieux conteur que l'on écoutait religieusement devant les flammes.

Longues épopées où chaque génération avait brodé sa toile scintillante. Lointaines survivances qui m'ont lié au Dieu aux pommes d'or que je vous conte aujourd'hui.

Un soir de veillée, un vieux paysan félibre me narra la légende du canal de Pétrarque qui, pendant des années, me permit de rêver, d'approcher l'histoire précise, au rythme de mes recherches et de ces rêves qui coulent encore avec l'eau d'amour de la légende. C'est ainsi que je saisis toute la valeur de cette « histoire écoutée aux portes de la légende », dont parle Hugo dans La Légende des siècles.

J'apportais, ce soir-là, au « félibre-archéologue », un splendide silex taillé recueilli à l'entour du mas des Loups.

Le poète m'offrit une légende. Dans l'ombre, devant de fur- tives lueurs, surgit le récit qui, pendant des années, hanta mes évasions, en me conduisant du merveilleux entourant un aqueduc antique à la légende hérakléenne éclaboussée d'or et d'écume.

« Pétrarque, passionnément épris de Laure de Noves, narra mon conteur, sans cesse éconduit, offrit donc d'accomplir la prouesse la plus extraordinaire si elle consen- tait à l'épouser.

« Amenez donc l'eau de Vaucluse en Arles, fit-elle. Cette eau, jaillissant des profondeurs de la terre, doit aller chanter dans les fontaines d'Arles. Tel sera le prix de mon amour. »

Pétrarque, tel le héros dorien ou le preux de la légende épique, organise, dirige des milliers de terrassiers, de fontai- niers, de maçons qui, nuit et jour, creusent, bâtissent le canal souterrain. Les collines franchies, un soir, les marais de Montmajour arrêtèrent la démence des bâtisseurs. On ne

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comptait plus les hommes qui avaient péri dans l'entreprise.

Le divin Pétrarque grimpa alors sur la colline d'où il aperçut, par-delà les marais, les murailles de la ville. Il appelle de nouveaux ouvriers, encourage et promet ri- chesse ; si bien qu'un jour, enfin, le canal d'Amour, sortant de terre, s'élance dans le ciel porté par d'aériennes arches de pierre et arrive dans la grande cité.

L'exploit est accompli : l'eau de Vaucluse chante enfin dans les fontaines d'Arles. Le poète-bâtisseur, fou de joie, d'amour et d'orgueil, présente l'œuvre à sa dame. Hélas ! Laure ne peut se résoudre à tenir sa promesse et se donne la mort au pied du château d'Amour.

Ainsi termina mon conteur, en tendant les mains vers les flammes, tandis qu'au dehors le mistral faisait rage.

Légende d'inspiration universelle, brodée au fil des siècles, prenant ses racines dans la magie de l'eau associée à la geste hérakléenne, puis portée sur le fil de l'Histoire avec la broderie scintillante des chansons de geste, des légendes chrétiennes et populaires. L'eau, la mère universelle, symbole d'amour, nous sera offerte sur la prestigieuse route d'Héraklès, le dieu aux pommes d'or. Eau généreuse et guérisseuse, qui conduira nos pas vers les cités antiques jusqu'aux lointains rivages où Hermès vint délivrer Ulysse de l'enchantement de l'amoureuse Calypso. Fils scintillants de l'évasion avec l'offrande de ces fruits d'or qui sont ceux de l'espérance et du rêve... « Histoire écoutée aux portes de la légende », tel sera le thème de notre voyage, de la Provence en Extrême-Occident. Héraklès y ravit les pommes d'or, traversant l'Afrique, l'Espagne et la Gaule méridionale, et l'histoire précise se dégage du mythe : 1. Château de Romanin dont il reste encore des ruines accrochées aux pentes des Alpilles, célèbre, d'après la tradition, par ses cours d'amour.

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L'hellénisation de la Gaule méridionale selon une naviga- tion d'ouest en est, méconnue des historiens.

Ainsi, en partant d'une légende qui me fut contée un soir, j'ai pu remonter le temps, retrouver les racines profondes de la légende et du mythe derrière lesquels se cachaient Héraklès et ses multiples visages. Héraklès, dieu des sources sacrées, de la beauté et de l'altruisme. Dieu des exploits fabuleux, se confondant avec le saint terrasseur de mons- tres, le preux de la geste épique et le Pétrarque de la légende populaire qui survit au fil de quelques rares veillées amies.

A la poursuite du dieu aux pommes d'or, notre voyage à travers les mythes et le temps sera nécessairement un bain d'humanisme, un survol des civilisations disparues, ayant ruisselé sur la plus grande voie de pénétration de l'Occi- dent : la prestigieuse voie d'Héraklès, voie de la légende, nourrie de mythologie classique et indigène exprimant un art religieux original, une permanence de la civilisation gréco-latine et de notre génie d'Oc. Après avoir approché l'hellénisme en terre provençale, un merveilleux voyage va nous conduire, sur les traces du héros, de la lointaine et mystérieuse Atlantide aux sables d'or de l'Ibérie, des Pyré- nées aux Alpilles où le dieu nous offrit l'eau d'immortalité puisée au canal d'Amour et à la Source sacrée.

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I. L'hellénisation

de l'Occident

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I. L A P R O V E N C E I N D I G E N E E T L ' H E L L E N I S A T I O N

D U L I T T O R A L M E D I T E R R A N E E N

Les Ligures étaient, à la fin de l'époque néolithique, la population indigène de cette contrée prédestinée entre mer, Alpes et Rhône que les Latins appelleront la Provincia.

L'aire d'expansion de cette population autochtone s'éten- dait vers le nord de l'Italie actuelle. Ces lointains ancêtres provençaux, qui furent repoussés plus tard du Languedoc par les Ibères, utilisent toujours dans leur vie quotidienne les techniques du Chalcolithique. Hésiode, Hécatée de Milet, Aristote, Strabon, Diodore de Sicile nous les montrent comme un peuple de pasteurs rudes, enclins aux razzias, dont le domaine s'étend de l'Italie du Nord à l'Aude. Petits, trapus, vifs et résistants, ils pratiquent la pêche, la chasse, s'adonnent à une agriculture rudimentaire et à l'élevage.

A l'ouest du Rhône, dans la contrée qui deviendra le Languedoc, certaines influences « pyrénaïques » s'annon- cent tandis que s'affirme la troublante civilisation des méga- lithes. La voie primitive qui deviendra la voie hérakléenne, ourlant l'amphithéâtre méditerranéen, permet de timides échanges avec l'industrie de la céramique qui prend une

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plus grande importance, tandis qu'une population plus réfractaire, moins réceptive, de montagnards sédentaires, s'abrite sur les oppida languedociens et provençaux domi- nant la voie primitive que nous avons appelée la voie des Oppida dans des études antérieures 1 Voie de ces pre- mières infiltrations, elle sera la voie de l'hellénisme venu de l'ouest, la grande Via Julia et Via Domitia à l'époque romaine.

Industrie lithique et plastique, types humains retrouvés dans les grottes sépulcrales avec dépôts funéraires et pétro- glyphes ont permis aux spécialistes de cette période de préciser le mode de vie de ces populations semi-nomades avant qu'elles ne subissent l'influence celtique qui se mani- festera, en ces régions méridionales, timidement au VI siècle, puis profondément dans la démographie celto-ligure au IV siècle avant notre ère.

Un apport de civilisations, parti dès le II millénaire du sud de l'Espagne, riche en cuivre, était venu battre le Rhône par la grande voie terrestre. C'est le début de la civilisation très riche et originale dite du bronze, qui va essaimer vers l'Europe centrale.

Ces pasteurs-agriculteurs gardent cependant l'empreinte de la tradition et donnent encore beaucoup plus d'impor- tance à la demeure des morts qu'à celle des vivants et, selon une pensée religieuse universelle, expriment ainsi la fragilité de la vie dans le monde des formes et sa durée éternelle dans l'au-delà.

Les statues-menhirs, à symbolisme funéraire, décou- vertes en Languedoc et en Provence, traduisent en des visages sans yeux ni bouche, ornés de chevrons, une repré- sentation muette de la mort et illustrent, dès la fin du 1. Maurice Pezet, Voies primitives et romaines, Congrès des Sociétés savantes, Strasbourg, 1947.

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néolithique, cette tradition du sacré, à côté du monde des signes, plus ancien, et d'un nouvel art de la céramique.

Vases de vie, utilitaires certes, que ces coupes primitives, mais qui contiennent l'eau ou la nourriture, dont le décor initial et schématique s'associe à des symboles dont nous avons perdu le sens véritable. Vases assimilés à l'eau, à l'âme, en quelque sorte, brisés parfois intentionnellement et rituellement, sur le bûcher ou dans la tombe, en offrande au défunt ayant perdu la vie, sa prison illusoire, en retrouvant l'absolu de l'espace.

Dolmens et menhirs de l'âge du bronze attestent ce culte des morts, et le « mouvement » vers l'au-delà, où s'affirme la pensée religieuse des plus anciennes civilisations. Il ne s'agit nullement ici de tables de sacrifice, mais de tombes collectives, très probablement de caveaux de familles où se présentent les offrandes sous formes de vases, d'armes, d'outils, de colliers de perles en os, en pierre, en cuivre, en stéatite, dont nous avons retrouvé les plus riches spécimens dans les Alpilles à la confluence du monde méditerranéen.

Sous l'influence des infiltrations venues de la vallée du Rhône ou de celle de la Durance, grandes charnières du monde italique, certains cultes, insensiblement, vont évoluer avec de nouveaux apports de populations. Sur les éperons ou les oppida-sanctuaires qui vont se dresser au-dessus de la voie d'Héraklès, on a retrouvé des fonds de cabanes, des fours de potiers avec l'argile toute prête à être utilisée, une abondante céramique et la présence d'objets de fer. Ce seront les longues périodes de Hallstatt ou du fer et celle, plus brillante, de la Tène correspondant à l'établissement des Celtes venus de l'Europe centrale. Les Celtes se mêle- ront aux Ligures. Celto-Ligures et Celtibères, malgré leur résistance aux infiltrations commerciales, subiront peu à peu l'influence hellénique par l'intermédiaire de Marseille.

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Nombreuses sont les stèles gravées en caractères gallo- grecs que l'on a retrouvées aux abords de la voie héra- kléenne. Cependant, les Phocéens de Massalia (Marseille), malgré leur influence commerciale, ne changeront que très superficiellement les traditions rituelles et, au moment de l'expansion de Rome vers l'Occident, au me siècle avant notre ère, Entremont, la capitale gauloise du sud de la Gaule, symbolisera l'art du sacré indigène face au monde marseillais. Dans cet art religieux, qui fut pendant long- temps un art schématique méditerranéen, la représentation des volumes dans l'espace des sanctuaires de Roquepertuse et d'Entremont sera une sorte de révolution dans le monde celte.

Dès l'aube de cette « vie métallique », à laquelle avaient déjà participé les Phéniciens en Extrême-Occident, dans la recherche du cuivre, et qui fut le pôle attractif des Grecs, des Etrusques, des Carthaginois, se manifeste l'art schéma- tique méditerranéen. Art illustré, au-dessus de la voie d'Héraklès, dans le val Camonica et dans le val des Mer- veilles au-dessus de Nice. Du sorcier stylisé sur les parois du Monte-Bego à la tête coupée d'Entremont, l'art schéma- tique glisse peu à peu vers le symbolisme des formes avec défunts héroïsés, animaux psychopompes, dans une expres- sion originale de l'art primitif méditerranéen. Emmanuel Arati a émis l'idée que les signes et les gravures du val des Merveilles étaient groupés selon un ordre secret. Chevrons, triangles, spirales, roues croisées, cercles ponctués, stèles et roches à cupules, soleil en forme d'étoile sur la statue- menhir d'Avignon, continueront longtemps encore à poser des énigmes.

Nous ne pourrons, dans le cadre de cet ouvrage, présenter l'extrême richesse de ces témoignages exhumés au long de la grande voie littorale. Avec les sanctuaires d'Entremont et de Roquepertuse, il faut, malgré tout, signaler l'un des plus

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anciens sanctuaires remontant à l'âge du fer et directement attaché au mythe d'Héraklès. C'est le sanctuaire qui fut mis au jour aux Caisses de Servane, près de Mouriès, à l'orée de la Crau, à l'emplacement duquel on situe l'antique Téricias mentionnée sur l'itinéraire d'Antonin. Les témoignages exhumés en font le plus anAcien sanctuaire chthonien connu jusqu'à ce jour. Les cippes de la nécropole ont été trouvés réemployés dans le rempart de l'oppidum et sont actuel- lement, avec les chevaux stylisés sur la pierre, au musée lapidaire d'Arles. Les chevaux stylisés ont un caractère infernal très marqué. Immobiles, contrairement à ceux d'Entremont fixés dans l'attitude du galop de cérémonie, ils sont les intermédiaires entre les vivants et les morts, symbo- lisant, avec le lion et le sphinx, le voyage de l'âme vers l'outre-tombe. Leur représentation appartient encore à un art géométrique ; à l'opposé de ceux d'Entremont, ils sont le plus souvent silhouettés comme dans les gravures du val des Merveilles. Le guerrier superposé à sa monture est sché- matisé en « sablier » ou en double tronc de cône, selon une conception que l'on retrouve à Mycènes, à Chypre et en bien d'autres lieux de l'art cycladique.

C'est le propriétaire du château de Servane qui découvrit à la fin du siècle dernier, quatre lions dévorants, deux fragments d'un sphinx et un masque d'Héraklès taillés dans la pierre du pays. Des coupes grecques et romaines ont été déposées au musée de Saint-Germain. L'une d'elles est ornée, en relief d'applique, des douze travaux d'Héraklès, que les indigènes avaient déjà représentés dans un art plus fruste après la fondation des comptoirs marseillais.

Deux des lions ornent actuellement la fontaine du parc : sur la corniche se trouve, réemployé dans un but décoratif, le masque du dieu aux pommes d'or, coiffé de la peau du lion. Héraklès est ici en son royaume infernal. Le sanctuaire ne fait qu'exprimer le monde des ombres et la

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mythologie des gouffres qui s'attachaient à la Crau. Le dieu atteste, en ces lieux, sa puissance, au cœur du pays hostile des Ligures. Les animaux entourant le héros ont une valeur infernale avec les dieux-cavaliers descendant dans le royau- me des Ombres dont la Crau, pour les Anciens, était l'une des portes.

Aux deux grands carrefours de la route hérakléenne qui cernent notre voyage, du delta du Rhône à ceux du Guadal- quivir et du Rio Loukos, au Maroc, apparaissent les puis- sances de la mort et le même cortège d'animaux fabuleux.

A notre retour, après avoir dégagé l'essentiel de la geste hérakléenne et de la civilisation gréco-latine, à peu de distance de la Crau, nous découvrirons en Héraklès, un dieu de vie, d'amour et d'espérance.

Avant notre départ pour les mirages du Sud, nous allons nous plonger dans une « ambiance hellénique au fil de cette voie métallique » que symbolisent les fruits d'or du héros.

Grandes voies de pénétration, marines et terrestres, des thalassocraties phéniciennes et helléniques de Tyr, de Chypre, de Phocée, de Milet, de Samos et de Corinthe que suivit la voie du commerce mycénien. Voies de l'or, de l'ambre, de l'étain, du fer, du sel, du vin et du cuivre, qui, par colportage, convergeaient vers les comptoirs méditer- ranéens.

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I I . D E L T A D U R H O N E , D E L T A D U G U A D A L Q U I V I R ,

G R A N D S C A R R E F O U R S D E L ' H E L L E N I S A T I O N

Les voies méditerranéennes et transméditerranéennes, les voies fluviales du Danube, du Rhône et de la Saône que l'on pourrait suivre dans le sillage d'Ulysse, dans l'aventure de Pythéas le Marseillais, ne sont pas toutes en direction des pays hyperboréens.

Selon le témoignage de Tacite, l'hellénisation par les voies fluviales du Rhône, du Rhin et du Danube, s'était manifestée, dès le VII siècle, au nord de la Celtique, sous forme de comptoirs et de relais d'échange. Une hellénisation à dominante commerciale. Les influences politiques, reli- gieuses et culturelles se manifesteront donc dans une ambiance économique sans être déterminantes, nous l'avons souligné, dans l'essentiel de la civilisation indigène. L'hellé- nisation continentale, affirmée par des textes anciens, a trouvé sa confirmation dans de récentes découvertes archéo- logiques. Elle fut ouverte par les Ioniens, puis par les Doriens et les Rhodiens, enfin par les Phocéens qui vont s'établir définitivement à Marseille selon une navigation, puis un itinéraire routier d'ouest en est. C'est ce que recouvre le mythe d'Héraklès lorsque les mythographes font

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revenir le héros des Colonnes d'Hercule en Gaule méridio- nale en passant par l'Espagne. Grand fait dans l'histoire des civilisations, thèse que nous avons soutenue, jadis, avec l'appui de notre maître, F. Benoit.

L'archéologie a, depuis, appuyé cette hellénisation par l'ouest en donnant toute sa valeur à la légende.

Une impossibilité de pénétration par l'Italie où dominait jalousement la puissance étrusque, l'ancienneté des comp- toirs hispano-languedociens jalonnant l'arc méditerranéen occidental, les textes anciens présentant l'attrait du légen- daire royaume de Tartessos, riche en cuivre et en métaux précieux, vers le delta du Guadalquivir, sont autant de preuves donnant le sens de la pénétration grecque en Occident.

Nous savons par Hérodote qu'un négociant ionien, Colaios de Samos, longtemps après les Phéniciens, avait abordé ces pays fabuleux au début du VIII siècle. Cette narration s'ordonne dans le grand mouvement d'expansion hellénique de l'Extrême-Occident vers la Gaule méridionale plus tardivement hellénisée. Cette hellénisation de la Gaule méridionale sera le fait de la Marseille phocéenne dont l'importance va être considérable. Avant l'arrivée des Phocéens, les témoignages archéologiques d'importation sont en grande partie représentés par de la céramique étrusque ; les Etrusques étant maîtres, à cette époque, des marchés de la Gaule du Sud où l'on a retrouvé une importante produc- tion céramique dite en bucchero-nero et des séries impor- tantes d'amphores vinaires.

Au contraire, à la même époque, un courant commercial intense s'affirme avec les Grecs de Samos et de Rhodes. Les premiers ont laissé, au sud de l'Espagne, des traces de leur riche céramique, des restes de chaudrons en bronze avec

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protomés de griffons, sans doute analogues au célèbre cratère de Vix exhumé récemment sur la grande voie continentale du Rhône et de la Saône. Cadix, fondée par les Phéniciens, et la pointe africaine, seront, pour les Grecs, la limite du monde, Zones deltaïques imprécises où se mêlent l'attrait des métaux précieux que symbolise le dieu aux pommes d'or, la crainte et les dangers de mondes méconnus. En ces lieux, Ulysse sera captif pendant sept ans de la déesse Calypso et l'Héraklès aux « fruits d'or » devra descendre aux Enfers. Un temple lui sera élevé. Ainsi, aux deux extrémités de notre route, en Crau et à Cadix, l'Héraklès infernal sera vénéré comme à Tolède, où, sur une grotte portant son nom, Rodéric, dernier roi des Goths, fera bâtir son palais enchanté.

Strabon, qui écrivit une Géographie du monde antique à l'époque d'Auguste, d'après des sources plus anciennes, atteste l'antériorité du commerce des Phéniciens et l'impor- tance du marché du sel et de l'étain qui commande l'histoire économique de la Méditerranée : « Les Cassitérides, écrit-il, possèdent des mines d'étain et de plomb et échangent ces minerais ainsi que des pelleteries contre du sel, de la céramique et des vases de bronze que leur apportent les marchands étrangers (emporoi) ; autrefois, les Phéniciens de Cadix furent les seuls à pratiquer ce commerce mari- time. »

C'est donc directement de Phénicie et de Chypre que le sud de l'Espagne reçut des importations orientales, parures d'or, ivoires gravés, céramiques, sans l'intervention de Carthage. La voie de Tartessos est phénicienne et non punique, comme elle sera ionienne, sans l'intermédiaire de Marseille, lorsque Colaios de Samos eut découvert le

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royaume de Tartessos dans la seconde moitié du VII siècle 1

Nous nous étendrons plus longuement, dans la deuxième partie de cet ouvrage, sur le symbolisme hérakléen aux Hespérides, jardin enchanté, gardé par un dragon. En cette région, limite du monde pour les Anciens, se sont exprimées les légendes les plus primitives. Légendes recouvrant, ici encore, par le mythe du fabuleux, la réalité. Réalité des richesses minières avec les métaux rares — or, argent, cuivre, plomb, fer, étain —, mais aussi régions riches en sel qui entrait pour une grande part dans l'alimentation des hommes de l'Antiquité.

La découverte du sel, rare sur les côtes rocheuses de la Grèce et de l'Asie Mineure et inconnu du monde barbare, était également entourée de légendes, nous enseigne F.

Benoit2. A l'époque de Homère, étaient réputés barbares les peuples qui ne mangeaient pas de sel. Le devin Tirésias avait condamné Ulysse, après le meurtre des prétendants, à parcourir le monde, sa rame sur l'épaule, jusqu'à ce qu'il arrive chez les hommes ignorants des usages de la mer, qui prendraient son aviron pour une pelle à grains. Conte d'une vérité éternelle opposant le littoral qui corrompt au pays gavot qui régénère. Jean Aicart en tirera parti dans L'Illus- tre Maurin qui va chercher femme honnête dans la monta- gne.

Le delta du Guadalquivir, comme le sera, plus tard, le delta du Rhône, l'autre grand carrefour de notre voyage, polarisa la hantise de l'aventure, un rêve scintillant de légendes, recouvrant d'innombrables richesses. Entre le Rhône marseillais et les Hespérides, ces merveilleuses filles 1. Cf. F. Benoit, La Conjoncture internationale de la Méditerranée et la fondation de Marseille, Celticum, Actes du 1 colloque international d'études gauloises, Ogam, 1960.

2. « Les Abbayes du sel », in revue Delta, n° 3, 1961.

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Grâce à la légende d'Héraklès, le dieu aux pommes d'or, dieu des sources sacrées, de la beauté et de l'altruisme, Maurice Pezet nous fait découvrir l'hellénisation de la

Gaule méridionale selon une navigation d'est en ouest jusqu'ici méconnue des historiens.

Il nous offre un véritable itinéraire touristique à travers les mythes et les vestiges du passé, un survol des civilisations disparues, de la lointaine et mystérieuse Atlantide aux sables d'or de l'Ibérie et des Pyrénées aux Alpilles, par ces grands carrefours de civilisation que furent les deltas du Guadalquivir et du Rhône.

Maurice Pezet est l'auteur de "l'Epopée

des Vaudois" et de "l'Epopée des Camisards",

chez le même éditeur.

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