L. F ERREIRA B RITO R. L ANGEVIN
Modalités : un modèle géométrique
Mathématiques et sciences humaines, tome 95 (1986), p. 45-74
<http://www.numdam.org/item?id=MSH_1986__95__45_0>
© Centre d’analyse et de mathématiques sociales de l’EHESS, 1986, tous droits réservés.
L’accès aux archives de la revue « Mathématiques et sciences humaines » (http://
msh.revues.org/) implique l’accord avec les conditions générales d’utilisation (http://www.
numdam.org/conditions). Toute utilisation commerciale ou impression systématique est consti- tutive d’une infraction pénale. Toute copie ou impression de ce fichier doit conte- nir la présente mention de copyright.
Article numérisé dans le cadre du programme Numérisation de documents anciens mathématiques
http://www.numdam.org/
MODALITES : UN MODELE
GEOMETRIQUE
L. FERREIRA
BRITO*,
R.LANGEVIN**
L’analyse sémantique
desadjectifs portugais exprimant
desconcepts
modaux
à
l’aide demodèles logiques
comme celuiproposé
parRoger
Blanche[Si1]
et[Bl2]
etrepris
par Kalinowski[Ka]
montre les limites demodèles statiques
et nongraduables.
Mentionnons ici l’existence d’une
approche
très différente de la nôtre utilisant leslogiques
modales. Voir les travaux deKrippke
etHughes
et Cresswell parexemple
dans[H.C.].
Les
langues
naturelles traitent lesconcepts
modaux defaçon graduée
encréant
desunités
lexicalesqui représentent
desdegrés différents
d’unmême concept
donnantl’impression
d’unphénomène plutôt
continu quediscret ,
cequi transparaît déjà
dans lemodèle proposé
parPottier[Po2]
.Enmême temps,
comme ces
unités
lexicalespeuvent
avoir des valeurssémantiques différentes, dépendant
du contexteoù
ellesapparaissent,
nous proposerons finalement unmodèle à
deux dimensions pour rendrecompte
de cerôle
du contexte.Par ailleurs les
concepts
ne sont pas despoints
ou des zonesprécisé-
ment
délimités
sur uneéchelle , à l’exception
de trois comme nous verronspar la suite. Or les
modèles logiques présentent
lesconcepts
modaux en op-*C.N.Pq. BRESIL,
Mestrado de Letras da Universidade Federal de Pernambuco U.F.P.E.**Université de
Dijon
et Instituto de Matematica eEstastistica,
Universidade de Sao-Paulo.L’auteur était reçu par l’Université de Sao Paulo
pendant
l’élaboration de cetravail,
son deuxièmeséjour
était financégrâce
à un accord CAPES-COFECUB.position
les uns auxautres,
sansgraduation,
etdéterminant
par la nature de leur construction des domaines auxfrontières précises.
Notrepoint
devue
dynamique
nousparait remédier à
cetterigidité.
Deplus
lechamp
devecteur dont nous munissons notre
modèle
a une existencesyntaxique
et n’estpas seulement un artifice de
géomètre permettant
de retrouver les divisions dumodèle logique
en enestompant
lesfrontières.
.Les
adjectifs objet
de notreétude
sont ceuxqui
entrent dans la construc-tion "il est...que +
proposition"
que leur comportementsyntaxique
nous permet de nommer, "modale de dicto"(voir Ka ).
Ce sont desadjectifs qui portent
sur laproposition
touteentière (appelée dictum).
I. LE CHAMP DE VECTEURS.
A)
Testslinguistiques.
Nous allons montrer
à
l’aide de testsqu’une échelle
modale estplus
naturellement
ordonnée à partir
d’unpoint d’équilibre
vers sesextrémités
que "de haut en
bas" , puis
nous formuleronsplus mathématiquement
lephéno-
mène
mis enévidence
par ces tests.Le test "encore
moins",
enanglais
"letalone",
enportugais
"muitomenos" et son
symétrique "
afortiori",
enanglais
"nevermind",
enportu- gais "que dira"
situe l’un parrapport à
l’autre deuxadjectifs.
Donnons
quelques exemples :
(1) Que
ele vaichegar ho je nâo é provavel,
munito menos seguro.clitive aujound’hui paô
et encoaemo.tn,6 (2) Que
ele vaichegar hoje nâo é
seguro, muito menosincontestavel
Qu’it arrive aujound’hui pas
et encoaemoins inconte,5tabte.
Disposons
sur uneéchelle
lesadjectifs utilisés
dans lesexemples (1)
et(2)
enmarquant
par uneflèche
le passage d’un motà
un autre"plus
fort"Le test
"que
dira" fonctionne demanière analogue,
mais renverse lesflèches
(3) Que
ele vaichegar ho je
eincontestavel,
que dira seguroQu’ il arrive all
(4) Que
ele vaichegar hoje é
seguro, que diraprovavel.
arrive all jourd hui
estFig.
2Un autre test
jouant
lemême rôle
que "afortiori",
cette foisappliqué à
des
modalités déontiques,
est "mais est aumoins",
e "masé pelo
menos" enportugais.
(5)
Eunào chegaria
a dizer queé obrigatÓrio
masé pelo
menosirrecusâvel
Je paz juôqu’à que
ce6oit it
aude ~*/
(6)
Eunâo chegaria
a dizer queé irrecusâvel
masé pelo
menosrecomendado
Je ,soit de mw
au
moins necornmandé.
(7)
Eunâo chegaria
a dizer que erecomendado
masé pelo
menosaconselhado Je pas juzqu’à que
cezoit mw
c’est aumoine
conseille
(recomendado
etaconselhâdo
sont clairementdifférents
enportugais,
l’ordre entre les traductions
françaises
choisies n’est pasclair).
(8)
Eunâo chegaria
a dizer queé aconselhâdo
masé pelo
menospermitido
Je paô diae que
cemais c’est
aupvr.mL6
(9) Eu nào chegaria
a dizer queé permitido
masé pelo
menos aceito .Je paz
j"qu’à- que
cetnw
aumoi"
acceptab£e.
(*)
Ce test aété suggéré
par 0. Ducrot(Paris 1983).
(10)
Eunâo chegaria
a dizer queé
aceito masé pelo
manosadmissivel Je paô jU.-6qu’ à dine que
cesoit acceptabte,
tnai3 cuctno’¿M
tolerable.
Afin de
vérifier
lavalidité
de notretest,oermutons
parexemple
les deuxadjectifs
de laphrase
8. Nous obtenons laphrase qui
ne nousparait
pasacceptable.
(11)x
Eunâo chegaria
a dizer queé permitido
masé pelo
menos aconseldhâ doJe pM d.vce que
cle3tjJVtm’¿-6, mais
au moi1t4conseille
Sur la
figure 13,
il est clair que l’on nepeut
passer depermitido à
aconselhado en remontant les
flèches.
Le
symétrique
de ce test est"je
diraismême plus","é até
mesmo" enportugais.
(12)
C’estacceptable, je
diraismême plus
c’estpermis.
e
até
me-6mo(13)
C’estpermis, je
diraismême plus ,
c’estconseillé.
e
até
Par contrel’exemple
suivant(14)
Ce n’est paspermis
maisje
te conseillecependant
de le faireparait
contredire l’ordreconseillé
~201320132013~permis
de notre
échelle.
Il nous semble
qu’il s’agit
en fait d’une situationdifférente où
deuxéchelles déontiques
interviennentsimultanément :
uneéchelle externe,
deconventions sociales par
exemple,
et uneéchelle
des valeurspersonnelles
del’énonciateur
de(14).
Donnons un autre
exemple où
nous rencontrons en concurrence uneéchelle
ex-terne et une
échelle
interne.(14 a) Mdo e- petraitido penmito.
Sur la
figure 13 ,
nous avonsindiqués
lesadjectifs qui peuvent
traduire uneobligation
aussi bien interne que externe.Dans cette
première partie,
nous essayons de construire deséchelles liné-
aires neutres et
univoques.
Cela nous conduit
à
laisser decôté
pourl’instant,
des situationsplus
com-plexes qui
ne nousparaissent
pasêtre
décrites par un modèle à une dimension.L’échelle déontique
estreprésentée figure
13.Insistons,
le test"je
dirais
même plus" à
condition de ne pasS’appeler Dupont,
ouDupond,
commeson
correspondant
dans unephrase négative,
"encore moins"((1),(2)) permet
de
remplacer
un mot par un autresitué plus près
del’extrémité
del’échelle
la
plus proche
de ce mot."je
diraismême plus"
fonctionne comme un panneau
indicateur, désignant
la directionqui permet
de renforcer ce
qui
estdit, qu’il s’agisse
d’unadjectif
se trouvantà
droite ou
à gauche
dupoint d’équilibre
S del’échelle. (cf. infra ).
C’estce que nous
représenterons à
l’aide de vecteurs.Nos
modèles
pour les troismodalités aléthique,déontique
etépistémique
sont semblables et
présentent
chacun deuxpoints extrêmes
parrapport auxquels
se situent tous les autres
points
del’échelle.
Suivre les
flèches,
lemathématicien
dirait suivre une orbite duchamp
de
vecteurs, permet, partant
den’importe quel point,
sauf un , lepoint
d’équilibre
ou"point milieu",
d’aboutirà
l’une desextrémités
del’échelle.
Déjà
sedégagent
sur lesegment
deuxrégions disjointes, formées
depoints
dont les orbites vont aboutirà
l’une desextrémités,
et troispoints singuliers :
les deuxextrémités
et le"point
milieu". Deux testspermettent
de clairement
distinguer
les troispoints singuliers
des autrespoints
dusegment :
"absolutamente"(absolument)
et "mais ou menos"(plus
oumoins).
’
"Absolument" ne
peut s’appliquer qu’à
l’un des troispoints singuliers
del’échelle,
tandisqu’au
contraire"plus
ou moins"s’applique à
despoints
nonsinguliers
del’échelle.
Ici unedifficulté
deplus
vient del’ambiguïté
de certains
adjectifs qui peuvent désigner
aussi bien unpoint extrême
del’échelle qu’une
zonevoisinage
de cepoint extrême ;
nous discuterons ceproblème plus
bas enproposant
pour cela une traductiongéométrique précise.
Notons d’une
étoile
lesphrases
difficilementacceptables.
x
(15)
Istoé
mais ou menosindiscutivel
C 1 estp£uà
ouindi,6cu;tabf-e (16)
Istoé
absolumenteindiscutivel
C 1 est
absoiàtrnent
(17)
Istoé
mais ou menos certo C’eôt oumo"¿M certain
certo
désigne
ici levoisinage
del’extrémité
CERTAIN del’échelle (Les
mots en lettrescapitales désignent
unconcept).
(18)
Istoé
absolumente certoabsolument
certo
désigne
ici lepoint extrême
CERTAIN del’échelle (19)
Istoé
mais ou menosprovavel
ou
paobabf-e
~
(20)
Istoé
absolumenteprovavel paobabf-e (21)
Istoé
absolumenteindecidivel
absoluement
~
(22)
Istoé
mais ou menosindecidfvel
p£uô
ouindécidable.
Indiscutivel,
tout commeindecidivel,
ne sontacceptables qu’avec
"absolutamente".Notre
champ
de vecteurs devra donc clairementdistinguer
les troispoints singu-
liers de
l’échelle,
desautres, qui peuvent être remplacés
par unhalo, légère-
ment
déplacés
par "mais ou menos" sans que leur orbite par lechamp (cf. infra)
ne
change.
figure
3.B) Champ
devecteurs,
lemodèle mathématique.
Ce
modèle
est unsegment (fermé)
muni d’unchamp
de vecteurcomportant
trois
points singuliers,
deuxpuits Pl
etP2 ,
un en chacune desextrémités
du
segment,
et une source S au milieu dusegment,
voirfigure
4.Rappel plus
ou moinsmathématique.
Un
champ
de vecteur sur uneligne,
unesurface,
ouplus généralement
une
variété,
est ladonnée
enchaque point
x d’un vecteurv(x) (il
faudraitdire un vecteur
tangent
si laligne
n’est pas une droite et si la surface n’est pas unplan)
c’està
direa)
d’une directionorientée
"suivre laflèche"
si le vecteur n’est pas nulb)
d’un nombreréel (positif
ounul),
"vitesseinitiale’; appelé
normedu
vecteur , noté )lv(x)11.
Nous ne
considérerons
que deschamps
de vecteursv(x) continus,
c’està
diretels que
v(x)
neprésente
pas desaut,
et que la direction dev(x)
nepuisse changer qu’au voisinage
d’unpoint où s’annule,
comme c’est le cas aupoint
S de notremodèle.
Nous
appellerons singularité
duchamp
unpoint où liv(x)ll
= 0. C’est unpuits
sipartant près
de x le vecteurv(y) part
vers x, c’est une source siprès
de x,v(y)
tendà éloigner
y de x.Remarque.
Puits et source sont les seulessingularités
stables d’unchamp
de vecteur sur une
droite.(voïr appendice 1).
"Suivre les
flèches"
donne un moyen de sedéplacer
sur lesegment [01]
muni du
champ
de vecteurindiqué
sur lafigure
4. L’orbite d’unpoint
x, en sui-vant le
champ,
est l’ensemble despoints
que l’onpeut
atteindre enpartant
de xet en suivant les
flèches.
Lepoint
limite d’une orbite est celui que l’on atteint en suivant les flèches "leplus
loinpossible" ;
pour lemathématicien,
celui que l’on
approche
d’aussiprès
que l’on veut, éventuellement sansl’atteindre.
Mis
à part
les troispoints singuliers,tous
lespoints
dumodèle
ontdonc une orbite
qui
a pourpoint
limite l’un des deuxpuits.
Le bassin d’un
puits
estformé
de tous lespoints
dont l’orbite admetce
puits
commepoint
limite. Ici le bassin deP1
est lesegment [Pl,S[ ,
, Sexclus,
et le bassin deP2
est lesegment ]S,P2 ],
S exclus.La source S est
écartelée
entre les bassinsB1 [P1,S [et B2 = ]S,P2],
ce
qui justifie
son nom de"point
de bifurcation".Le
segment
admet unesymétrie
parrapport à
son milieu S.En
outre,
nous pouvons choisir unepartition
dusegment, à
un ensemblede mesure nulle
près,
diraient lespuristes,
en troissegments voisinages
connexes
(sans trous)
des troispoints singuliers
duchamp
de vecteur. Nouspouvons choisir cette
partition
de sortequ’elle
soitlaissée
invariante par lasymétrie
parrapport à
S.Notons
V(P1) ; V(P2) , V(S)
ces trois intervalles.Remarque : à homéomorphisme respectant
lasymétrie près,
cette"partition"
en
voisinages
ouverts connexes dessingularités
estunique.
Rappel :
Un connexe de l’intervalle est un sous-intervalle.(pouvant
conte-nir ou non une ou deux de ses
bornes).
Affirmation. Les sous-ensembles connexes du
segment engendrés
parintersection, réunion,
passage aucomplémentaire à partir
deBi, B 2 9V(P 1), V(P2), V(S);
permettent
dereprésenter
lesdifférents
domainesutilisés
pourdécrire
les trois
modalités citées.
Bien
sûr,
les relationslogiques
entre ces domaines sontrespectées.
En outre la relation "contraire" est
représentée
par lasymétrie
parrapport à
la source.Fig.
6On obtient ainsi le
Modèle "Logico-Topologique" Complet (M-L-T-C) représenté
dans la
figure
7.Fig.
7Le M-L-T-C est un
modèle abstrait, qui peut décrire
les troismodalités aléthique,épistémique
etdéontique
den’importe quelle langue
naturelle etpeut, pourquoi
pas,être utilisé
dans d’autres domainessémantiques.
Cependant, pratiquement,
lesmodèles logiques qui représentent
les con-cepts
modaux dans unelangue donnée
sélectionnent des zonesréunion
connexe(sans trous)
derégions
du M-L-T-C.Dans les
figures 11,
12 et13,
les mots en lettrescapitales désignent
des zones
qui
nous semblentpertinentes
pourétudier
les troissystèmes
modaux
épistémiques aléthiques
etdéontiques, en portugais.
Les mots en mi-nuscules sont des
adjectifs
enlangue placés
comme nous croyonsqu’ils
sonten
portugais (voir [ F ] )
Le
modèle géométrique présente
encore un autreavantage.
Enlangue
unadjectif modal, plutôt qu’un concept ponctuel, désigne
uneplage
del’échelle (quand
il nes’agit
pas de l’un des troispoints singuliers).
Cet intervalle est ouvert(voir [Ch]
pour unedéfinition mathématique
d’unouvert). Intuiti-
vement un ouvert est un domaine dans
lequel
onpeut bouger
unpoint,
peut-être très
peu, sansqu’il
sorte du domaine. Ladémonstration linguistique
de ce fait est le test "mais ou menos"
(plus
oumoins).
ceci évidemment
complique
notre travaillorsque
nous cherchonsà placer
.
les
adjectifs
modaux surl’échelle.
En effet le
mathématicien
constate facilementqu’il n’y
a pas d’ordre total sur l’ensemble dessous-segments
de[0,1] compatible
avec l’ordre de[0,1]
Il est certes facile d’ordonner deux
segments disjoints
mais comment faire si les
segments
se chevauchent :ou
pire
encore, si l’un dessegments
est inclus dans l’autre ?Il est heureux
qu’en langue
les situations modales detype (a)
ou(b)
soient de loin les
plus fréquentes !
Ce
phénomène ,
entreautres, explique qu’il
soit si difficile de faireune traduction
fidèle.
Enpassant
d’unelangue à l’autre ,
il estirréaliste d’espérer
trouver desadjectifs correspondant à
exactement lamême plage
dansdeux
langues différentes.
Parexemple,
laplage
quedésigne
le mot facultatifest
plus large
enportugais qu’en français (voir figure 13)
. La dif-ficulté
que nous avons euà
traduirel’exemple (7)
vient de ce que les deuxrégions "recommandé"
et"conseillé"
nousparaissent
presqueidentiques
enfrançais
tandis que "recomendado ’’ et"aconselhado
" se recouvrent un peu moins enportugais.
Ici un
modèle
de dimensionplus grande
rendrait mieuxcompte
duphéno-
mène
ainsi que semble leprésenter
Wallace Chafe[C].
R. Thom propose un
joli modèle dynamique
pourexpliquer
l’existence de ces intervalles ouverts etdécrire
le processus de choix d’un locuteur entreadjectifs
voisins(voir [Th]introduction
1.2B etchap.4).
De
plus,
cetteanalyse
laissepressentir qu’il
est illusoire de cher- cherà
toutprix
unepartition
dusegment.
Autant les notions devoisinages
des
singularités
et de bassin nousparaissent pertinentes
ettestables,
autantil nous
parait
arbitraire depréciser
parexemple
lafrontière qui sépare
leszones
"permis" et"déconseillé
" de lafigure
13.Un
possible sous-modèle
du pour lesmodalités aléthiques
enPortugais
Figure
11Un
possible sous-modèle
du(M-L-T-C)
pour lesmodalités épistemiques
enPortugais
Figure
12Un
possible sous-modèle
du(M-L-T-C)
pour lesmodalités déontiques
enPortugais.
Figure
13*1 :
Adjectifs qui
ne sont pasutilisés
avec sensd’obligation
interne.II. MODELE A DEUX DIMENSIONS TENANT COMPTE D’UNE VARIABLE
CONTEXTUELLE.
A)
Contexte "delangue"
Le
modèle
construit en I ne rend pascompte
de l’influence du contexte.C’est un
modèle
des faits delangue.
Pourtant l’influence du
contexte,
au senslarge,
estperceptible même
sur des
échelles
aussiscientifiquement
mesurables que leséchelles
de cou-leur,
ainsi que l’ontmontré
P.Kay
et W.Kempton [K-K]
enétudiant
les dis-tances
subjectives
entreéchantillons
de couleurs perçues par dessujets
par-lant
l’anglais
ou le tarahumara.L’anglais
fait une distinction lexicalebasique
entre lescatégories
decouleur "vert" et "bleu" tandis que le tarahumara n’a pas cette distinction lexicale de base
puisque
un termeseulement,
ysiyôname, peut
avoir le sensde "vert" ou "bleu ".Comme l’ont
montré D.BURGESS, W.Kempton
& McLaury [Bu-K-M].
Cette
catégorisation différente
descouleurs ,
va modifier la distancesubjective
entreéchantillons
de couleurproche
de lafrontière
vert-bleupour
l’anglais.
Les distances
subjectives
entreéchantillons proches
d’unefrontière linguistique
serontplus grandes
que les distancesphysiques
pour lessujets parlant
unelangue qui
admet cettefrontière.
Un
mathématicien parlerait
de lafrontière séparant
les bassins desdeux
puits
"vert" et "bleu". Lemodèle dynamique peut
facilementêtre étendu à
desschémas pluridimentionnels
comme le "Munsell colorsolid".(voir
R.Brown[Br]) L’évidence
de cemodèle
a trois dimensionspeut être renforcée
par lapré-
sence en Russe de deux bassins concurrents dont les
puits
bleuo , .
(clair),
y et bleu(foncé),
sontdistingués plus
par la lumino-sité
que par lalongueur
d’onde(tonalité).
Le
phénomène
defrontière
lexicale s’observe aussi bien sur ungraphe,
où il
correspond à
unpoint
d’inflexionoù
lapente
de latangente
atteintun maximum
local ,
que sur notremodèle, projection
d’unsegment
tordu muniFigure
14de
l’échelle physique
sur l’axehorizontal, où
ilcorrespond à
unpoint
d’inflexion où la
pente
de latangente
atteint un minimum local.Figure
15Remarquons
que des modèlesgéométriques
àplusieurs
dimensions ontdéjà
été utilisés en
phonétique [Pe].
B)
Contexte de situation.Revenons aux
adjectifs
modaux . Nous proposons, pourreprésenter
desvariations
d’usage
de cesadjectifs,
que Robin Lakoffappelle
faitsfrag-
matiques,[LIJ
et[L2],
un modèlegéométrique
à deux dimensions. Ce n’est pas un hasardà
notre avisqu’il
soitanalogue à
celuiproposé
par Zeeman et Pere- goy[Z-P]
Observons d’abord que l’influence du contexte
(au
senslarge :
indivi-duel
social, linguistique, momentané
comme laposition
initialeassumée
au
début
d’unediscussion) peut
amenerà
ne pas se contenter d’unmodèle à
une dimension.
Donnons un
exemple.
A demande
à
B s’il estnécessaire
de se marier pour vivre bien dans unesociété
comme labrésilienne.
B,qui
ne s’attendait pasà
cettequestion, peut répondre,
enportugais : (23)
B : -.Nao chegaria
a dizer queé obrigatôrio,
masé
recomendado , 9Talvez
nâo chegasse
nem mesmo a dizer queé
recomendado masé pelo
menos aconselhado .Je pas jusqu’a d.vce que
ceobR.iqCtto.vc.e., mais
c.’ e.-6tnecommandé.
Peutmême allek jusq’a recommande je
que
,
(24)
B : Pensandobem,A,
em uma sociedade como abrasileira,
acho que na verdadeé
bem ascontrario, é desaconselhado
casar-se.Tout
bien A, je 4ait dan-6
une commela
e.-6tbien
aude
suemarier
Dans la
première réponse
deB,
la variationd’opinion
estprogressive.
(obrigatôrio
20132013~ recomendado ~ aconselhado).
La
seconde , présente
unbasculement,
un saut de l’autrecôté
de la source S(voir figure 13).
Lafigure
16représente
lespositions
successives de B surFigure
16Nous voyons que B n’a pas
utilisé
tout l’intervalleobrigatôrio-
désaconselha do
en effectuant une transitioncontinue,
mais seulement lazone
obrigatôrio-aconselha do , puis
la zonedesaconselhado .
Tout un voi-sinage
dupoint
S a par contreété sauté.
Avant de donner un
modèle
pour cephénomène,
donnons un autreexemple, qui
n’alui,
rien delinguistique.
Examinons comment est perçue la
luminosité
dans une transition etFigure
17Les
luminosités
despoints
A et B perçusrespectivement
commefrontière (nuit2013~ jour)
et(jour nui t)
ne sont pas lesmêmes.
Pour rendre
compte
d’un tel effet decontexte, imaginons
notresegment fléché
tordu sur unplan, plié
comme dansles figures 18,
etprojeté
sur unaxe horizontal
Figure 18(b)
Si l’on
regarde
lesegment fléché
"dudessus",
seule lapartie
nonhachurée
de la
figure 18(a)
est visible. Lafigure 18(b) représente
demême
lapartie
visible "du dessous".
Le
point A,
valeurcritique
de laprojection
dirait lemathématicien,
est la valeur de la
luminosité lorsque
lejugement, après
uneévolution graduelle nuitaube, bascule ;
lepoint B ,
demême,
est la valeur de laluminosité lorsque
seproduit
le basculementJour =, nuit.
Traitons de
même l’échelle déontique
Figure
19Une vue du dessous du
segment plié représenterait
une discussionoù B, partant
d’uneopinion
endéfaveur
dumariage
auBrésil,
se laisserait con- vaincrejusqu’à
basculer dans la zone dejugement positif.
Donnons un autre
exemple où l’échelle
seprésente
moinspliée,
la pro-jection
occultant unvoisinage plus petit
de la source S.Un groupe d’ouvriers discutent avant de
décider
s’ils doivent ou nonfaire
grève.
Il nous semble
qu’ici,
seuls lesadjectifs
facultativo I et II(voir fig. 13) pourraient paraître
bizarres.(25)
Ennao chegaria
a dizer quefazeragreve é obrigatorio
masé
recomen-davel.etc...(recomendado /aconselhado....toleravel ;
voirfig 13).
Je niiais pa,,6 jusqtl’à que ta gtève soit
J (catastrophe)
(26) Nao é toleravel, pelo
contrarioé discutïvel
Ce n’est
pa,6
auconboàe
c’est(27) É discutfvel é
ate mesmorecusavel
discutabf-e
etmêrie
0 n ...L’échelle déontique
est dans ce dernierexemple pliée
defaçon à
cacherseulement les zones facultativo 1 et facultativo 2.
Le
même phénomène peut
seprésenter dès qu’un
individudonné,
dans uncontexte
donné,
utilise uneéchelle linéaire,
parexemple
celle deconcepts
modauxaléthiques
oudéontiques.
Danschaque
situation de ce genre la suite desopinions émises présente
unediscontinuité,
saute unvoisinage, plus
oumoins
grand
suivant lecontexte,
dupoint
S. Cephénomène peut expliquer
ladiversité
desmodèles statiques présents
dans lalittérature
concernant lesmodalités.
Bien
sûr ,
onpourrait imaginer
une situationplus complexe, où l’opi-
nion de B
n’évoluerait
pas defaçon
monotone.Cependant
souvent le bascule-ment ne surviendra
qu’au plus
une fois durant une discussion dedurée
moyenne,Figure
20car il faudrait pour remonter sur la nappe
supérieure à partir
dupoint
Cune oscillation menant
jusqu’au point Y’.
Donnons un
exemple
utilisantl’échelle épistémique,A,
arrivantd’Euro-
pe pour travailler au
Brésil,
demandeà
ses amisarrivés
avant lui s’ilspensent
que son salaire vaêtre payé ponctuellement.
(28)
B(depuis
3 mois auBrésil) :
--Eu
nâo chegaria
a dizer que éÓbvio, ninguém
afirmounada,
masé
mais oumenos certo que eles
serào pontuais ;
talveznâo chegue
a ser certo masé ,
pelo
menosprovavel.
pas
jusqu’à
dire que ce soitévident,
personne n’estjamais
sûr de
rien,
mais c’estplus
ou moins certainqu’ils
serontpcnctuels é
peut-être
sans allerjusqu’à
certain c’est au moinsprobable.
(29) C(Depuis
6 mois auBrésil) :
Eunâo chegaria
a dizer que é certo masé pelo
menosprovavel.
Pode ser quenâo chegue
a ser nem mesmoprova-
vel mas
é
bemplausivel.
Pelo menosé plausivel.
Je pas ju3qu’à- dlie que
cesoit mai.6 c.’ e.6t Il
sepeut que
ce nesoit
tnètnepM paobabf-e, mai3
c’e-6t
bien
au(30) D(depuis
un an auBrésil) : Plausivel nâo, possivel,
talvezpossivel.
non,
eut-êtote
(31)
E(déjà depuis
dix ans auBrésil) :
Paramim,
aocontrârio, é
bastante incerto que os salarios
sejam
pagospontualmente.
poun
au.que soient poncàiettement
me
pa4alt bien
Figure
21On
pourrait
terminer la discussion avecl’arrivée
d’unbrésilien
F(32)
F :Pois,
en acho quenâo
ha nenhumapossfbilidade
de que ossalaries sejam
pagospontualmente.
Para mimisto é duvidoso, contestavel,
incerto,
falsoé
ate mesmo excluido.En
ôait, ~e qu’ael n’y
a aucunechance que
payéÃ
POMdouteux,
6au.x, et exciM.
L’utilisation de
"até
mesmo" avant le dernieradjectif
de lasérie employée
par F montre bienqu’il s’agit
d’un crescendo de nuances d’incer-titude culminant avec l’exclusion totale.
Pour rendre
compte
de lapossibilité
detordre,
etmême
deplier plus
ou moins
l’échelle,
il nous suffit deprésenter
cesdifférents
contextescomme des coupes d’une surface
plongée
dansl’espace
de dimension 3 dont laprojection
sur leplan
horizontalprésente
lessingularités
stables de cette situation :plis
et cusp.Représentons
d’abord les coupes successives :Figure
22qui peuvent être
obtenues encoupant
par unplan
vertical "deface", paral-
lèle aux axes
(Oz,Ox),
la surface suivante :Figure
23La courbe en traits gras est l’ensemble des
points où
leplan tangent à
la surface est vertical et seprojette
sur le cusp duplan
horizontal(Ox,Oy)a
Elle est
proche
mais nonidentique
au contourapparent
de lafigure
vue "d’en haut en avant
à droite",
cequi
apermis
de la dessiner lisse.Bien
sûr,
rienn’implique
que dans une situationoù
le contextedépend
d’unparamètre
la nappe soit presquehorizontale,
loin du cusp.En
outre,
nous avonsréduit
le contexteà
unparamètre .
Cette restric-tion nous
paraît cependant décrire déjà
des situations assezvariées.
Stabilité
Nous reprenons ici les idées
exposées
par Thom[Th] chap.3 p.21-34.
Le lecteur trouvera par ailleurs chez Petitot-Cocorda
[Pe],
unexposé plus
détaillé que le nôtre.Nous dirons
qu’une configuration
locale est stable si toutes les con-figurations
locales voisines lui sontéquivalentes.
Par exemple
lepoint
0 est unpoint critique
del’application
ici un
point ou l’application
"fait demi-tourFigure
24Le
graphe
de la fonction y =X2 présente
en0,0
un minimumFigure
25Si l’on
perturbe
cetteapplication
en x~x2
+E 1 x
+E 2
le
graphe
de cette nouvelleapplication présentera
encore lamême
allure :un minimum
proche
de(0,0) .
Figure 26
Par contre 0 est encore un
point critique
del’application x 3 ,
c’est
à
dire unpoint où
latangente
augraphe
de y ==X3est horizontale,
mais n’est pas stable.
En effet le
graphe
de x-x3
+ cx aura pour enégatif (petit)
l’al-lure suivante :
Figure
27Le
graphe
de y =x3
+ e x ; ~ e 0présente
deuxextrémums
locaux A etB et n’a donc pas la
même
allure que celui de y =X3.
Bien
sûr,
lemathématicien dispose
d’unedéfinition précisant
la notionde
"même
allure" voir[Th] .
On montre assez facilement que les seules "allures locales" stables
d’application (lisse)
de R dans R sont celles d’unpoint régulier.
Figure
28et
précisément
celle de(x
~x2).
(Il
suffit de faire lepoirier pour
transformer un maximum enminimum)
Lesapplications deE2 dans R3 présentent
troistypes
depoint
stablele
point régulier (fig. 29 )
Figure
29Le
plis (fig. 30)
Figure
30et enfin le cusp de la
figure
23.Il est pour cela naturel en se
restreignant à
une variable de contexte de ne pas chercher d’autreconfiguration géométriques plus complexes
pour construire notremodèle.
BIBLIOGRAPHIE
[A]
ARNOL’DV.I., Catastrophy theory, Springer Verlag,
1984.[C]
CHAFEWallace, "Evidentiality
inEnglish
conversation and academicwriting"
to appear in : Wallace Chafe and Johanna Nichols(eds), Evidentiality :
thelinguistic coding of Epistemology,
NorwoodN.J.,
Ablex
Publishing corporation.
[FB]
FERREIRA BRITOL.,
Etude del’adjectivation
enPortugais,
Université deParis-IV-Sorbonne, Paris,
1977.[Be-Go]
BERGER &GOSTIAUX,
Géométriedifférentielle,
Maitrise deMathématiques,
A.
Colin, Paris,
1972.[B-K]
BERLIN B. & KAY P., Basic colorterms, Berkeley, University
of CaliforniaPress,
1969.[B11]
BLANCHER.,
Introduction à lalogique contemporaine, Paris,
A.Colin,
1957.[B12]
BLANCHER.,
Structures intellectuelles : essai surl’organisation systéma- tique
desconcepts, Paris, Vrin,
1966.[Br]
BROWNR., Reference : in
memorial tribute to EricLennenberg,
1976.[Bu-K-M]
BURGESSD.,
KEMPTON W. & Mac LAURYR.,
"Tarahumara color modifiers :Category
structurepresaging evolutionary change",
AmericanEthnologist,
1983. In press.
[Ch] CHOQUET G.,
Coursd’analyse
t.II :topologie , Paris, Masson,
1969.[H.C]
HUGHES &CRESWELL,
An introduction tomodal logic, London, Methuen,
1968.[Ka]
KALINOWSKIG.,
’’Un aperçu élémentaire des modalitésdéontiques", Langages, 43, Paris,
DidierLarousse, 1976, p.10-18.
[K-K]
KAY P. & KEMPTON W.(Ms.),
"What is theSapir-Whorf hypothesis ?", Berkeley Cognitive
ScienceReport n°8, University
ofCalifornia, Berkeley, April
1983.[L1]
LAKOFFR., "Language
incontext", Language, vol.48, n°4,
December1972,
USA.
[L2]
LAKOFFR.,
"Thepragmatics
ofmodality",
CLS8, 1972,
229-46.[Mi]
MILNORJ., Topology from differential viewpoint, Charlottesville, USA,
The