LE CONGRÈS DE ROME,
Frédéric Stackelberg.
POURQUOI ET COMMENT ENTREPRENDRE UNE DÉFINITION DE
L'ART (suite),
Charles Albert.
ROCS ET GRIFFES,
J.
G.LA LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE ET LA QUESTION DES SANATORIUMS (suite), M.
Pierrot.
ART, Am. C.I
MOUVEMENT
ques, P.
SOCIALDelesalle:
FRANCE,;
AUTRICHE,E.Guichard,
Chr.Cornélis-
F.Fran-
sen
;
SUISSE, Am. C.BIBLIOGRAPHIE,
J. Grave.
CORRESPONDANCES ET COMMUNICATIONS.
CONVOCATIONS.
BOITE AUX ORDURES.
A TRAVERS LES PUBLICATIONS.
PETITE CORRESPONDANCE.
Le
tCongrès de Rome
Rome, 24 septembre 1904.
Minuit.
—Par quoi commencer et comment
terminer
cettelettre
afinqu'elle
reflètedans
lecadre forcément restreint que l'espace,
cesseules feuilles
depapier dont dispose
legar- gotier d'où j'écris
ceslignes,
et letemps, c'est presque minuit, m'assignent.
Je vaisrésumer.
Après un
voyage decinquante heures pen- dant lequel l'admirable tentative spontanée
de grèvegénérale du prolétariat italien m'a
laisséprès de
vingt-quatre heures
enpanne,
lesrails
ayant
été enlevés,
jesuis
enfinarrivé
le 18 cou-rant vers quatre heures
del'après-midi dans
la VilleEternelle.
Rome était tout entier
auLibero Pensiero.
Des affiches
bariolées ayant trait
aucongrès tapissaienr,
àdivers endroits,
lesmurs
de lacapitale
italienne; dans
les caféson n'entendait parler que
del'événement du jour.
Peu
à peu lesdélégués arrivaient, mais tous
avec des
retards considérables, dus
à lacrise
debon augure
quevient
detraverser l'Italie.
Le 20
septembre,
àneuf heures du
matin,le
Congrès international
aouvert
sasèssion.
Tous
lesdélégués étaient présents,
àl'exception
de nos
vaillants amis d'Espagne, qui avaient
frété
un navire
àBarcelone pour
lesconduire
àCivita-Vecchia
etqu'une tempête furibonde
aempêchés d'arriver avant
le 21.Le 19
septembre,
lesanarchistes, venus
nom-breux
detoutes
lesparties
del'Italie,
se sontréunis
aunuméro 4 de
lavia Ciancalioni pour prendre une décision
ausujet
de laconduite
àtenir pendant
leCongrès.
Lelendemain,
lessocialistes italiens
etfrançais
sesont unis
àeux et
c'est grâce
àl'entente
dessocialistes-ré- volutionnaires
et desanarchistes italiens
et del'appui fraternel que leur ont prêté
lescama- rades
deFrance
etd'Espagne,
que leCongrès
de
Rome, qui
nedevait être qu'une manifes- tation théorique
etplatonique
dela libre pensée anticléricale,
apu s'affirmer prolétarienne
etrévolutionnaire.
Au
congrès, Sergi,.le grand savant allemand Haeckel
etHector Denis ont pris,
lespremiers, la parole.
Ernest Haeckel
aproposé ensuite un ordre
1du jour
deféliojtation
etd'encouragement
àCombes pour l'engager
àmener
àbonne
fin,en
France, la séparation intégrale
desEglises
et de
l'Etat.
Cette proposition, combattue par
lesanar-
chistes,
etnotamment par Domela
etRobin,
aété
renvoyée
àla Commission
et votéeensuite par
lecongrès,
àmains
levées, le 22 sep-tembre.
Dans
cetteséance, Oberdan
Gigli acombattu la proposition d'envoyer un télégramme
defélicitation
àCombes autant pour
desraisons
de
principe que pour
lefait
que legouverne- ment français maintient
leslois scélérates
contre
lesanachistes. Dans
lamême séance, Domela
alu un rapport concluant
àla suppres- sion
del'Eglise
et del'Etat. Après lui, notre
ami Luigi
Fabbrialu un mémoire qui conclut
également
à lasuppression
del'Eglise
et del'Etat.
Cesdeux rapports,
celui deDomela
etcelui
de Fabbri,ont été approuvés par presque
la moitié
descongressistes.
Certes
lecongrès, qui avait commencé
sestravaux sous
lesauspices
desavants placides, peu favorables
à «l'agitation démagogique
»,n'était pas disposé
audébut
à se «laisser
en-vahir
» par
lesocialisme
et àévoluer vers
lesidées
révolutionnaires.
vMais, grâce
àla ténacité
et àl'esprit d'orga- nisation
desanarchistes italiens
et àl'initiative du citoyen Allemane, appuyé par
lessocia- listes français, nous sommes arrivés
àmodifier complètement l'allure
etla portée
de ceparle- ment
de lalibre pensée.
Sur la proposition d'Allemane,
lecongrès
sesolidarisa
avec lemouvement prolétarien
etsocialiste
et seprononça pour la suppression du capitalisme.
Une
foisentré dans cette bonne voie,
il fitun accueil chaleureux
àl'émouvant
etsuperbe plaidoyer athée
etrévolutionnaire
denotre admirable amie espagnole, Bellen Sarraga, vota,
àl'unanimité, un vœu pour la suppression immédiate
deslois scélérates
enFrance
etd'amnistie générale
descondamnés politiques
de
partout. -
Pour caractériser
lédiapason auquel était arrivé
lecongrès gràce
àl'agitation révolution- naire entretenue par nos amis,
je neciterai
icique
levœu présenté par
lacitoyenne Sorgue,
accepté à
l'unanimité,
et ladéclaration
quej'ai
étéamené
àfaire
etqui
a étéapprouvée par
la
majorité
del'assistance.
Voici le texte
du vœu présenté par la ci- toyenne
Sorgue:
«
Rien
de cequi touche
àla Libre Pensée
età
l'humanité opprimée
nesaurait laisser indiffé- rentes
cesgrandes
assises del'affranchissement intellectuel,
del'affranchissement humain.
«
Voilà pourquoi nous appelons
icil'atten- tion
ducongrès sur
lesort
affreux deslibres
penseurs
etrévolutionnaires russes.
«
Comme l'on sait, dans l'Empire
del'au-
guste ami
etallié
de laFrance républicaine, tous
ceuxqui osent refuser
de seprosterner devant l'Empereur-Pope,
debaiser
lesicônes miraculeuses,
et enfin detrouver
quetout n'est
pas
pour
le"mieux, sous un gouvernement d'affameurs
etd'assassins, sont
enbutte aux persécutions
lesplus atroces.
« De
même qu'aux temps
del'Inquisition,
,malheur
àqui
al'audace
de seréclamer
dela Science,
de laRaison
et dela Justice!
«
Là-bas on extermine l'élite intellectuelle
et
morale
de laRussie;
dejour
enjour aug-
mente
lenombre
desvictimes du Tsarisme. Il
y a des
millions
denos frères
etsœurs qui traî-
0
nent la lourde et cruelle chaîne des forçats dans les horribles bagnes
ctela Sibérie.
«
Les bastilles tsariennes,
cesmaisons d'hor-
reur,, regorgent
deprisonniers politiques,
- tuels hommes, et ouvriers, femmes qui
etont jeunes tout
filles,sacrifié intellec- pour
rechercher
cedouble idéal
:l'émancipation
del'individu et l'émancipation
desmasses.
(f
L¡é\i.Qatio.trdes. atrocités, des abomina- doits
commisesà l'égard
de cesinfortunés rap-
pellent celles duSaîat-Office, d'odieuse mé- moire.
«
Eh
bien! cette assemblée doit non seule- ment protester
avecindignation contre les crimes judiciaires qui frappent nos héroïques, nco sublimes camarades
de lutte; elle doit
encore
etsurtout prendre l'engagement
dene pas laisser
cesprotestations stériles.
«
Puisque nombreux sont
ici lesreprésen- tants des pouvoirs publics
detoutes nations, il faut qu'ils prennent la résolution d'agir sans retard près
deleurs gouvernements respectifs p&gr mettre
fin àcette honte de voir
:"«
Qu"'auvingtième siècle on légitime encore,
tolérance
sans-nom, qtteîes policiers;
du tsar exercent leu.r métiei"'iQ,fe qaps toutes rias « Que capitales. ,':
le
Congrès décide donc
devoter des
Incitations air FartFsodalM^
"¿lui;'par
son attitude énergique,
a suempêcher la visite
du
tsar
enItalie.
«v.
Que
leCongrès adresse
ànos infortunés frères et
s«>mrsde: Russie, héros.et martyrs
de.la;
psèQ^ée-révolutionnaire,, uou seulement l'expression
deleur
ardçnt-e- *<<douloureuse
synjiHttthies
qq mais
çQl'lÜn"e;etençone-l'assurance, iuqessante va formelle
s^-pvftrduire
«j^ia de-provoquer
dajOtSl'opinrion, uue
exp-lpsipia, d;'iA<dig'uatiQ
contre l'absolutisme:
et robsiUjraîtti^nîe, russes..
«
Que désormais aucun gouvernement n'ose plus p~er
àNk;o4$S:Iiï,.ni
#*4©matérielle,
niaide
«Il roH;: faut en finir
avecun régime ,.' qui
està la
fois une honte
etun danger pour la civili-
sation.
« A bas
la Russie des popes
etdes
icônes!
<s
A bas
l'absolutisme!:
« A bas
la Russie du knout
etdu gibt
,.« Vive
la Russie,
Qma.ucipé.e,et révolution-
naire
Voici j
».maintenant
T.: la déclaration faite par moi
et qui,a
étéapprouvée par plus
dela
mGitiéJ
d l'assistance :
,«
Citoyennes
etcitoyens,
« Je n'ai qu'un mot
à dire:
a
Délégué
de la.toge Le Lien du Peuple,
de.Paris,
jeviens déclarer
enson nom
etau mien,
que pour nous
letriomphe intégral
dela Libre Pensée est connexe
àla transformation éco- nomique
dela Société.
Praîiquemjent, l'instruction universelle
etl'éducation, intégrale, qui doivent véhiculer
la*pensée libre
etles sciences exactes
à,travers les
foules. humaines,. impliquent, exigent
àelles seuies
ka fin.de
l'ordtlie.social actuel.
«:
Une société
qui. est;basée sur l'exploita- tion des prod pgr une poignée
deban-
ditact
de>capitaJistes, qui érige en
vertu,civi-
que et patriotique
lemilitarisme, c'est-à-dire l'assassinat en masse, qui s'inspire encore
dela morale chrétienne, qui est un outrage au
sems.
commuai et
un. défr.à la
vie ;«.
Une société, dis-je, où le production se,
fait au profit des bénéfices d'une minorité spor liatrice
etnon selon, les besoins de l'humanité
et
où la surproductiony au lieu de créer li'abon- dance
eula richesse,, est génératrice
de.misère
et de
mort; une-telle société de classa slaïque
de ressources
et n'est pas capable, vu
les.inté-
rêts antagoniques des membres qui la com-
posent,
dèdonner cetteinstruction' scientifique universelle-
encette éducation intégrale qui
sont la condiïio sine qua
nonde la victoire dé -
la Libre Pensée.
«
Mais, heureusement pour nous, socialistes
et
libertaires, la Libre Pensée appelle la réno- vation sociale.
«
L'éthique qui
sedégage
dela conception matérialiste-athée
etde la philosophie momste, proclame la souveraineté du Travail et la réhabilitation
dela Chair, partant l'émanci- pation ouvrière, Véquivalence du travail ma-
nuel et intellectuel, l'atfranchissement, de. la
Femme
etla liberté
de VAmodir.C'est dans cette conviction que nous propa- geons la Libre Pensée
et leSocialisme,
l'A-théisme et le Communisme, certains
dehâter,
dans-
la mesure de nos forces,
laRévolution libératrice qui posera
lesjalons
de lasociété
future,
dela,société sans dieux
etsans maîtres. »
Après avoir terminé leurs travau^le
:.}:sep-
tembre,
à 3heures
del'après-midi,
lescongres-
sistes'se-s@nt
rendus,
er*chantant VInfernath-
nale,
et accompagnés par tout ce que Rome
possède de gendarmes, à
fàstatUe de
GfotdkïioBruno, où Éumemont, un
républicain*ija,lien, -
et
notre atai Lîbero Metlino ont prononcé
desclisc,gurs de
r.
;.
Pourconclure, je dirai simplement : î). u,
Congrès
deRome, nous voulons surtout rete-
nir, qu'organisé par
desradicaux socialistes, la tournure qu'il
aprise
estune preuve
de ceque: peuvent
etpourront faire les révolution- naires s'ils savent s'entendre
etagir.
FRÉDÉRIC STACKELBERG.
,IJ
POURQUOI ET COMMENT
ENTREPRENDRE UNE DÉFINITION DE
r
ABT(Suite)
(i)
Pour qu'une recherche sur
lesèns
del'art
soit concluante,
et,par là, profitable, pour qu'elle réalise les avantages qui lui sont théo- riquement attachés, pour qu'elle tienne
en un mottoutes
sespromesses,
ilfaut, bien entendu, qu'elle soit conduite
à traverste territoire tout entier
del'art, sans excepter le
coin leplus modeste, sans oublier
faplus lointaine région.
Or, ce
territoire est immense.
Nousne pouvons
y
promener nos
regardasni essayer d'en dénom-
brer
lesrichesses
sans1une sorte
devertige. L'art
en effet, ne
date pas d'hier,
C'est unmode
d'ac-tivité,
unbesoin
des'affirmer
et dejouir
qui ases racines dans la vitalité même,
quisommeille confusément
chezl'animal,
ets'épanouit
dès quedans un cerveau
devivant
setrouvent les facultés requises. Alors que les humains ne
sont encore que quelques familles, quelques troupes clairsemées sur la planète à la suite du gibier, dont
ils senourrissent,
nes'essayent-ils pas déjà
à cespierres,
àces ossements gravés,
à ces
manches d'outil
ou depoignard sculptés, retrouvés par la science,
enun
de sesmeilleurs jours, dans les entrailles
dela
terre?
Cesgros-
siers ancêtres que l'on croirait
àpeine capables d'éclater un morceau
de silex,savent déjà reproduire, et souvent avec une étonnante
vérité, un sens du mouvement et
dela
vievrai- ment merveilleux, ce qui les entoure. Leurs premiers loisirs,
cesbraves
filsJe singes nos pères, les emploient
àdécorer leurs demeures,
à
graver sur les parois
desgrottes qu'ils habi-
tent, les images des animaux auxquels ils don-
nent
la chasse.
Depuis cette époque lointaine, l'art n'a
pas:cessé
de semanifester dans
des directions-Ci) Voir
le
n° 20.- ,
-
,-v •"1 •
116uik4n
|uùs
n<H»l>féuses1par
des moyensnou-
veaux et plus
variés. Après la représentation d'une seule
fleur oud'un seul animal, est venue
celle des
groupes
etdes scènes
;après
la com-préhension maladroite et naïve
dusujet, la
perspective
tente
del'ombre ; après
et deleIaJumière,enfin la couleur. trait maigre et
sec,rem-
La
sculpture,, l'entente des reliefs
et des formes,était née
une despremières,
commel'indiquent quelques-une>
desmerveilleuses pièces con- serreBS-^amléB musées d'art préhistorique.
Du dé-sird'embellir
leslieux consacrés
à la viecommune, naquit plus tard l'architecture.
Les
milh bruits de la nature, la pisinte du
vent et
celle, du
Ilot, }.::'nhant
des <Qi,s..a;.'i:'-:t 1e
«armure de;
sources,,ainsi que ses propres
intonations
deïof? mr-éç-éélresse, durent sug- gérer
debonne heur^.,l'idée
dela Et
de la .musique
t?orlu
<?rTe-uiêmelà ':)osie
chantée d'abord au
son 'iea lyre.
Lesiravàutf
et les fêtes de laterre donnèrent nàissaccë
auxreprésentations scéoiques. Et des grands êvê-
•asH^ents qui troubfèr^.»!->»$•
Vie
des*peuples, du désir
deles raconter -f u: les amplifier. naquit
'î^poè-trreèpftftwr."-
< So-tis
rune
tHi.iya-4r* ees formes ou sous
toutes
àla
fois,pas
unp^ys.pas une époque,
où1'pn,
ne
retrouve,t art. -'.
r'
q
l,%'ûmàtf_îfê^it'"éfi'ïi[ïàrcB'ç:vers
sesdestinées,
elle aconnu
bien d;3"c-ua^trophes.
De
puissants empires
sesont écroulés,
des civi-lisations
ontdisparu; des races, après avoir donné leur ève, sont mortes. Presque tou- jours
on ap.u
reqGûStituer,tant bien
quemal,
ce
prodigieux passé, grâce
àquelque débris
de ce-
passé retrouvé à. point. 0rr «e débris,
comme on
le sait, neuf
foiss~4~t,
futune
œuvre d'art, une effigie sur anc1 un
des-sin
sur un
toi^J^ea^,.bt
€fol^nne cfuntemple,
lefragment
de papyr,u#c$$t ITiomfee des vieuxâges avait écrit
son chaiat de jwe. oude tristesse.
Est-il rien
quinous enseigne mieuxVéiendue;
la
Qu'il spontanéité, l'universalité
S!'a~~9edu: as,"!e;.ailil:,où
de Tari-
lepotier,
d'il né
clntiltÏe îrnïve.'sut r@tlr
teneur
de son
terroir
oubien
dudrame allhr acclamé
sur les gradins
del'amphithéâtre
p:u'tout un peuple, que rœuvre d'art soit
celle d'm seul
ou,de plusieurs, d'un iocoEna ou d'un homme illustre, toujours, partout,
1I:e-a
bïiM«v ellff aréjoui et réchauffé les
homineg.Plarge«t, tm¡.
jours,
elle asoulevé autour d'elle de
f"'fftÓHon,et
-cette émotion
aretenti phis
oumoins rlus
ou moinSi
loin
àtravers
le groupementsocial.
Tantôt c'est l'enthousiasme, d\¡'D
élite p,o.ur uneœuvre d'apreté
et detouEm^e Cv.ueie
ensuggère l'âme individualiste
astoderaef»Taatè*c'est la dévotion
fcraditiio»»elle<, Fâ.ttache«aensdoux
etquasi religieux
deshumbles
&vos nié-
lodies populaires, chansons de la fende et bourrées
de lamontagne,
ehefs-dVouvrede maî-
tres inconnus
etpeut-être rdIsctifs,
Maissous
une forme ou
sous.,une
a.mj~~y«tdjaÉiiraik)a deshommes n'a jamais failli
auxœuvres
del'art.
Ce
retentissement, cet
écho del'œuvre n'a jamais manqué de
sefaire entendre.
Etpar là
le
phénomène d'art s'est trouvé
en.quelque sorte grossi
etmultiplié.
Chaqueémotion créa- trice s'est repercutée en je
nesais combien
d'autres émotions semblables,
telleune seule petite
fleur, enéparpillant au loin ses graines, reproduit la plante mère
descentaines
de fois.Aussi
loin
quenous reculions
dans, letemps, aussi loin que nous
allions, dansl'espace peuplé
par des hommes, nous trouvons
àl'œuvre l'ac-
tivité
artistique.
Aucunen'est plus vaste, plus naturelle, plus spontanée.
Etc'est pourquoi nous disons
que ledomaine
del'art est immense.
Mais
il
Vestencore
en cesens que nous
nepou- vons pas isoler facilement l'activité,
del'art
detoutes
nosautres
activ.iLés."que nous ne pouvons
pas aisément déterminer
oùcommence et
oùfinit l'art, tant il
se trauvie.parfois intimement uni aux moindres manifestations
dela
viede chaque
jour.
.Les jeux
de
nosenfants,
sihabiles
àimiter tout
ce
qu'ils voient
et siprompts
àinventer,
àpro-
pos dupremier événement
venu,d'interminables
péripéties, sont-ils autre
chose que denaïfs essais,
devraies ébauches d'art? Pour beaucoup
de
penseurs,
on lesait,
lecaractère
leplus im- portant
del'art est d'être
unjeu analogue
auxjeux
desenfants.
Et que degens, dans
unrécit
naïf, unedescription enthousiaste,
une scènede
passion,
uneexpression imagée
ouune mi- mique malicieuse font
del'art
comme M.Jour- dain faisait
dela prose, sans s'en douter!
Du
plus au
moins, en un mot,tous
leshommes sont artistes car
touspossèdent
aumoins
àl'état embryonnaire,
lesfacultés
quitrès développées font
lesgrands artistes.
Lesœuvres d'art
vou-lues,
qualifiées,professionnelles
nesortent-
elles
pas
elles-mêmes desjeux
et destravaux populaires,
descérémonies religieuses
ou decertaines coutumes industrielles, c'est-à-dire d'un art universel inconscient
etrudimen- taire?
**
*
C'est de cette vie
pullulante,
de cetteprodi-
gieuseet luxuriante végétation
quenous aurons
à
rendre
compte,c'est
cettemultitude
d'efforts et derésultats
detoutes sortes, qu'il faudra analyser, classer, grouper, c'est dans
cette com-plexité, dans
cefouillis, dans
cechaos qu'il faudra mettre
un peud'ordre,
desimplicité,
declarté,
enessayant
dedégager
unpetit nombre d'éléments simples.
Labesogne,
on le voit, nemanquera
pas.Quelle
méthode suivrons-nous?
Qu'il
s'agisse d'art
oud'autre
chose, la seule bonneméthode
est celle qui consiste àinter- roger l'expérience,
àobserver
lesfaits.
Nousn'avons
aucunautre
moyen depénétrer
lesens
de
l'art
qued'étudier
desœuvres d'art.
Comme nous ne pouvonsconnaître toutes
lesœuvres d'art,
niexaminer toutes
celles que nouscon-
naissons,
nousconstruirons notre
définition, cela vasans dire, sur quelques œuvres seule-
ment. Mais il
faudra ensuite
quen'importe
quelle œuvre
prise
auhasard vienne confirmer notre
définition.Procéder autrement c'est s'exposer
à ne dé-couvrir qu'une
véritéincomplète, insuffisante.
Dans son fameux
livre:
Quest-ce
quel'art?
Tolstoï nous en
fournit
lapreuve.
Sans se croiretenu
àdéduire
lescaractères
del'art
de l'examendes
œuvresd'art connues,
Tolstoï commence, en effet, par décréterpurement
etsimplement
sadéfinition
del'art.
Puis comme cette définitioncadre
mal (1) avec unefraction importante
de la productionartistique, il
se met en devoir desupprimer dans
cetteproduction
tout ce qui le gêne,transformant ainsi
son livre en unvéri- table jeu
demassacre.
Après avoir rayéd'un trait
à peuprès tout l'art depuis
laRenais-
sance il y
revient
ettraite
endétail quelques
exécutionsimportantes.
Certains de ces procèssont aujourd'hui célèbres.
Celui deWagner est très
long et celui despeintres impressionnistes français fort amusant.
Maissa
joien'a pas
debornes quand
ilcroit pouvoir
nousannoncer
que,tout
bien réfléchi, on doitranger parmi
lesœuvres
d'art indignes
de ce nom « MÊME la NeuvièmeSymphonie
de BeethovenFort
bien. Maisqu'un
seul homme».vienne
etdise
:
« L'œuvre que vousrejetez
ainsi dudo- maine
del'art
atoujours produit sur
moi l'effetque
l'art produit d'ordinaire sur
les hommes.Elle
m'a charmé.
Ellem'a
ému.Je l'ai admirée,
Je
l'ai
üiID;'}
et celasincèrement, profondé-
ment ». Ouiqu'un
seulhomme
vienne et dise cela et lesexcommunications
de Tolstoïs'envo-
(1) En réalité, la définition de Tolstor (l'art est un
llloyen qu'ont les hommes pour communiquer entre
u)
s'applique bien mieux qu'il ne le croit lui-même,a l'ensemble de l'art. Il faudrait seulement interpréter
cette
définition d'une façon plus large qu'il ne le fait.
lent
enfumée
ettoute sa thèse
s'effondre (1). Oril
n'est pas
unseul
deslecteurs
de Tolstoï quin'ait
euplusieurs
foisl'occasion
de dire cela.L'art se présente d'abord
ànous
comme unfait
etcontre
cefait aucune théorie
neprévaut.
En
quelque domaine
quel'on
soit, lepremier
souci de qui
veut approcher la vérité n'est-il pas
derespecter les
faits?
On nerésout
pas unproblème
enl'ébranchant
à coups deserpe.
Res-treindre
le domaine del'art pour
le définir,c'est s'interdire
àtout jamais
dedécouvrir
une définition complète,puisque c'est supprimer
leséléments
mêmed'où
l'on doittirer
cette défini-tion (2).
En
toutes
chosps lefait est premier.
Qiliind une définition del'art n'a
pas prévu un fait,c'est-à-dire
uneœuvre,
cen'est pas
lefait
qui cessed'exister, l'œuvre
qui cessed'être artisti-
que,
c'est
la définition qui cessed'être vraie.
Tolstoï se moque
beaucoup
d'unesthéticien
alle-mand
du nom deFolgeldt parce
queledit
Fol- geldt,n'ayant
rien trouvé de moraldans
Roméo etJuliette
dnShakespeare,
nidans
Williem Menter
de Gœthe, en conclut que
d'une
façongénérale
il
n'y
aaucune moralité dans l'art
etcherche
« une définition de
l'art donnant
accès à cesdeux
œuvres.
» Il n'yavait pourtant rien autre
à
faire.
Ce brave Folgeldt setrompe
en affir-mant qu'il
n'y a rienpour
lamorale
dans RoméoetJuliette
nidans
WilhelmMeÍsta,
mais il ne setrompe certainement
pas endisant
que si unethéorie
del'art
nes'applique pas
à uneseule
œuvred'art,
ilfaut
la modifierjusqu'à
cequ'elle s'y applique.
Il
est trop
évident que lephilosophe
del'art n'a aucun
pouvoirpour restreindre
ouétendre
le
fait artistique.
Ilest
leserviteur, l'interprète
de ce
fait dont
ildépend.
Iln'a pas
àrechercher
si telle œuvre donnée a
plus
ou moins devaleur d'art,
si elleest bonne
oumauvaise, digne
ouindigne.
Ayant àdiscerner
lescaractères
lesplus généraux
etles plus importants
del'art,
ila
besoin d'étudier
uncertain nombre d'œuvres d'art.
Cesœuvres
il lesreçoit
del'expérience telles qu'elles sont,
avec ledegré
devaleur
quileur est attaché
et iltravaille sur
elles,telles
que
l'expérience
les lui donne.Par
cettediscipline
seule laphilosophie
del'art peut être assurée
dequelque certitude.
(A suivre.) CHARLES ALBERT.
Ou a lu dan
s. *
les quotidiens, le récit des horreurs de la guerre russo-japonaise. Ce serait le moment pour lespaciifstes, de se remuer, demener une campagne de con-
férences, de pamphlets contre la guerre. L'argent ne leur manque pas. Nobel y a pourvu. A quoi sont donc
occupés
les
pacifistes? J.
G.(1) Quand une œuvre a impressionné quelqu'un, vous
avez beau employerla plus profonde érudition, aligner
les plus beaux raisonnements,vous n'arriverez pas à lui démontrer qu'il se trompe, à lui faire dire que cette œuvre n'est pas une œuvre d'art. Et il est vrai, d'ail- leurs, qu'elle est pour lui une œuvre d'art, car elle éveille en lui les émotions — superficielles, grossières, em- bryonnaires, si vous voulez, mais peu importe
!
— quireprésentent dans la vie de cet homme le côté art et beauté.
'(2) Il ne serait pas juste d'ailleurs de reprocher trop du- rement à Tolstoï cette faute de méthode. Tout effort doit être jugé selon le sens où ilavoulus'exercer. Or le livre de Tolstoï n'a que l'apparence, la forme, le titre d'une re- cherche désintéressée, logique et calme. Ce n'est même pas de la critique impartiale, car l'auteur reproche cons- tamment aux artistes des tares que ceux-ci ne pou- vaient éviter, qui leur étaient imposées par le milieu.
par l'époque. Qu'est-ce que l'art c'est avant tout une œuvre de bataille, de passion. C'est le procès d'une con- ception de la vie, d'une morale, d'une société, procès instruit et jugé avec des œuvres d'art comme pièces à conviction. Et c'est par là que vaut et pèche à la fois, le
livre.
LA
LUTTE CONTRE LATUBERCULOSE
ET LA
QUESTION DES SANATORiums
(Suite) (1).
DEUXIÈME PARTIE
Devant
l'insuffisance manifeste
dutraitement
offert aux
prolétaires
devenustuberculeux et
voués
presque tous
àune mort prématurée après
despéripéties lamentables,
il sembleplus
logi- que et moins coûteuxd'essayer d'enrayer
le mal en leprévenant.
La
première
idée quivient
àl'esprit, c'est d'empêcher
lacontagion.
Mais leproblème ap- paraît insoluble,
en cesens qu'il est impossible
de se
mettre
àl'abri
du microbe dela tubercu-
lose. On nepeut guère espérer arriver
àl'extinc-
tion du parasite:
ilpullule partout
et on leretrouve dans
labouche
etsur les amygdales
despersonnes saines.
Onn'a pas pu d'ailleurs
se
mettre
àl'abri
de microbespourtant beaucoup
moins
répandus
etpeut-être plus
faciles àattein-
dre (microbes de larage,
de ladiphtérie,
dela
fièvre
typhoïde,
etc.) (2).Les
pouvoirs publics, toujours
soucieux dubonheur
dupeuple, ont fait mettre partout
desaffiches
par lesquelles
il est expressémentinter-
dit de cracher sur le
parquet.
Ces affiches sem- blent dire au publicqu'il est responsable des
maux quil'assaillent
et que latuberculose n'est
que la
conséquence
desa coupable négligence et
de
sa malpropreté
(3).La
contamination
des locauxfermés,
oùl'on habite,
oùl'on mange,
oùl'on dort,
a une cer-taine importance.
Il yaurait utilité
àdésinfecter
leslogements;
nousverrons plus
loin quec'est unemesure
quin'estgénéralementpasappliquée.
Mais ce qui a le
plus d'importance dans
l'éclo- sion desmaladies infectieuses, c'est
leplus
ou moins derésistance
del'organisme.
Lavéritable
cause de cesmaladies,
et enparticulier
dela tuberculose, c'est l'affaiblissement physique
ou moral (ce quid'ailleurs revient
au même). Cetaffaiblissement peut tenir
à descauses récentes
ouéloignées; par
cesdernières j'entends
cellesqui
résultent
del'hérédité
ou del'éducation et'
qui
ont
puentraîner
des vices dedéveloppement
etune infériorité physique.
On
comprend pourquoi
lecontact
avec les malades neproduit
pasnécessairement la
ma-ladie.
Oncomprend pourquoi
les gensvivant dans
debonnes conditions
ont moins dechances
de
contracter
une affectioncontagieuse.
Laré- sistance
del'organisme
a uneimportance par-
ticulière pour la tuberculose.
Onpeut
biendire
quedans
lesgrandes
villes nousrespirons
et nousavalons
tous lesjours
des bacilles de Koch.La défense
contre
lescrachats
estcertainement illusoire.
La conditionimportante c'est
lebien- être
(4).(1) Voir les n" 12, 13,14,
15,
18, 19, 20 et 21 desTemps Nouveaux.
- (2) Il faut d'ailleurs tenir compte que les espèces mi- crobiennes(qu'on ne peut mieux comparer qu'à des sortes
de moisissures) peuvent avoir, en dehors de leur exis- tence parasitaire, une existence indépendante de tout organisme vivant; pour certaines espèces, c'est même la règle (ex. : bacille du tétanos). Dans les laboratoires, on fait couramment la culture des microbes sur bouil- lon, gélatine, pommes de terre, etc. On voit la puérilité d'essayer de faire disparaître du inonde les germes mi- croscopiques d'une moisissure. On peut conclure que la tuberculose renaîtrait forcément dans un milieu favo- rable : épuisement de l'individu, agglomération, mal- propreté.
(3) La contagion peut encore se faire en parlant, en éternuant. en toussant (et aussi parle baiser). Logique- ment, on devrait faire porter une muselière à tout sus-