• Aucun résultat trouvé

BEAUX-ARTS LA PEINTURE ITALIENNE AU XVHT SIÈCLE

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "BEAUX-ARTS LA PEINTURE ITALIENNE AU XVHT SIÈCLE"

Copied!
8
0
0

Texte intégral

(1)

B E A U X - A R T S

LA PEINTURE ITALIENNE AU XVHT SIÈCLE

On peut dire que les expositions sont de deux sortes, celles qui confirment et celles qui révèlent. Il est arrivé souvent que les mani- festations artistiques de ces dernières années nous aient conduit à réviser certaines opinions. Celle qui vient de s'ouvrir au Petit Palais nous apporte, tout au contraire, l'éclatante confirmation que nous ne nous trompions pas en estimant que c'était sur la lagune q u ' é t a i t venu mourir cet art italien qui avait été si grand pendant quatre siècles et dans toute l'Italie.

Sauf Paris à la fin du x i xe siècle, aucune cité n'a jamais compté autant de peintres du premier rang que Venise au temps où elle a cessé d'être le-grand débouché sur la Méditerranée des marchés de l'Europe centrale, mais où elle reste encore fabuleusement riche, où ses charmes attirent tant d'oisifs qu'on a pu la qualifier de « casino de l'Europe ». Pour ne parler que des artistes représentés au Petit Palais, nommons les deux Guardi, les deux Canaletto, les deux Tiepolo, les deux Longhi, les deux R i c c i , Amigoni, Pellegrini, Rosalba Carriera, Piazzetta, Pittoni, Zais, Zuccarelli, auxquels il faut ajouter Ghislandi qu'on classe dans l'école de Bergame en oubliant un peu aisément qu'il passa vingt-cinq années de sa vie à Venise, et surtout Piranese qu'on qualifie de « graveur romain » alors que lui-même aimait se définir comme « architecte vénitien », marquant ainsi sa fidélité à la République dont il é t a i t citoyen, sans oublier Trevisani, Vénitien a d o p t é par Rome.

Si bien qu'on peut dire que tous les grands maîtres italiens du X V I I Ie siècle doivent quelque chose à Venise, à l'exception d'un seul, Alexandre Magnasco. Mais le Génois est de beaucoup l'aîné de tous et on peut aussi bien le considérer comme un peintre du x v i ie siècle : quand le plus jeune des Tiepolo meurt en 1804, Magnasco a disparu depuis près de soixante ans.

Mais si le génie, en ce siècle, est à Venise, si la féerie vénitienne nous éblouit, elle ne doit pas nous rendre injuste pour les travaux des érudits qui ont mis en lumière au cours de ces dernières années ces Ceruti, ces Ghislandi, ces Crespi, ces Traversi qui nous étaient à peu près inconnus et que le rassemblement du Petit Palais nous permet de mettre à leur véritable place qui, pour n ' ê t r e pas la pre-

mière, n'en est. pas moins honorable.

(2)

Très habilement Mme Suzanne K a h n , qui a parfaitement présenté cet ensemble, a réservé Venise pour la fin ; le chemin que nous allons faire pour l'atteindre va souligner le caractère régionaliste de l'art italien à cette époque. Pas seulement à cette époque puisque à toutes, nous le savons, ces villes, fortement refermées sur elles-mêmes, s'efforcèrent de retenir leurs maîtres en leur fournissant d'immenses travaux dont aujourd'hui s'enorgueillissent des petites cités comme Mantoue, Arezzo ou Orvieto. Il n'en reste pas moins que, de la Renaissance au x v ne siècle, il y eut toujours en Italie une capitale artistique qui draina vers elle les plus grands : Florence, Rome, Venise.

Mais, alors que la grande source se tarit, que le puissant courant ne coule plus que lentement on assiste à un phénomène de décentra- lisation qui s'imposera au siècle suivant à la l i t t é r a t u r e qui deviendra essentiellement régionale. Aujourd'hui encore la vie intellectuelle italienne s'organise autour de M i l a n , Florence, Rome ou Naples, au heu de rester fortement centralisée comme elle l'est à Paris depuis Louis X I V . Rien dé surprenant, donc, s'il a été facile de donner aux divers secteurs du Petit Palais le nom d'une ville, en c o m m e n ç a n t par le Sud.

• •

L'exposition s'ouvre sur Naples et sur le doyen de cette mani- festation, sur Luca Giordano qui appartient essentiellement au x v ne siècle puisqu'il est mort en 1705. Sa présence ici est indispen-

sable si l'on veut comprendre comment le grand courant baroque passa d'un siècle à l'autre. Il inaugure la série des compositions emphatiques qui nous accablent dans les premières salles du Petit Palais. Ce ne sont que ruines t h é â t r a l e s , palais croulant sous l'excès d'ornementation, draperies échevelées sous lesquelles les formes des corps disparaissent, gesticulations désordonnées, cieux zébrés d'éclairs ou baignés, chez Tiepolo, d'une lumière angélique.

Ce qu'on peut mettre à l'actif de ces successeurs des Romains et des Napolitains de la grande époque c'est un effort pour éclaircir leur palette qui rend leurs compositions un peu moins ennuyeuses que celles de leurs maîtres ; mais ces proliférations ne sont jamais le signe d'une bonne s a n t é ; de telles surenchères ne peuvent être longtemps poursuivies et annoncent que la décadence est proche.

Leurs imitateurs seront innombrables. Le meilleur élève de L u c a Giordanoi, Solimena, créera, pour diffuser ses recettes, « l'Aca- demia solimenesca » et Tiepolo saura les utiliser à des fins hautement décoratives. Dans le dernier tome de la monumentale Histoire de VArt italien (1), notre regretté collaborateur Jean Alazard a parfai- tement caractérisé cette décadence quand il décrit : « Les vertigineux enroulements de corps à travers l'espace, tels qu'ils s'offrent à nos yeux dans Le Triomphe de la Foi, ont quelque chose d'apocalyptique.

On note aussi de l'emphase dans une autre décoration de Solimena :

(1) Quatre volumes (Henri Laureue)

(3)

Heliodore chassé du temple, Il n'est que mouvement dans le ciel et sur la terre, et si l'on a en mémoire la peinture où R a p h a ë l traita le m ê m e sujet au Vatican, on saisit quel abime il y a entre la puissance tranquille du peintre classique et la vision d'un Solimena pour lequel n'existent ni unité de lieu ni unité de composition. »

J'insiste sur les oeuvres figurant dans les deux premières salles de l'exposition pour n'avoir pas à répéter ces remarques à propos de de Mura, de Giaquinto, de Bonito, e t c . , qui tous furent chargés de décorer des édifices religieux et qui le firent dans un esprit plus que profane : leurs pompeuses compositions nous amusent par la pro- digieuse virtuosité qui s'y manifeste, mais elles ne tardent à nous lasser comme elles lassèrent peut-être les contemporains puisqu'au milieu du siècle p a r a î t un peintre qui, renouant avec la tradition réaliste du Caravage, réagit vivement contre les excès de l'école napolitaine.

Je suis loin de partager l'enthousiasme de M. Roberto Longhi pour Gaspare Traversi. Sa peinture est lourde, son trait est aussi insistant que ses intentions. Il n'en reste pas moins que, parmi les débauches du rococo, il surprend par un accent populaire qu'on-ren- contre en France, en Hollande, mais qui est rare en Italie. Il peint des scènes de m œ u r s , anecdotiques, certes, mais qui ont le mérite de nous apporter sur la société de son temps des témoignages qu'on chercherait vainement dans les grandes machines bibliques ou mytho- logiques de ses contemporains plus fameux que l u i .

Sans qu'on puisse parler de révélation, l'ensemble de Traversi réuni i c i nous permet de prendre contact avec un peintre dont on parle beaucoup depuis quelques années et que nous connaissions mal. Les organisateurs ont été heureusement inspirés en négligeant son œ u v r e religieuse pour mettre l'accent sur des tableaux de genre comme La Lettre secrète, Le Blessé, La prise de tabac.

Une pittoresque crèche napolitaine et une salle de porcelaines de Capodimonte sépare ces salles de celles consacrées à Rome et d'abord au plus grand de ses artistes à cette époque, à Piranese.

La salle Piranese est la première attraction de cette exposition puisqu'on y présente par roulement la quasi totalité de ses eaux-fortes, des cuivres originaux gravés de sa main, et une dizaine de dessins et d'aquarelles de haute qualité. Jean-Baptiste Piranese ne fut qu'un graveur, mais quel graveur ! Le plus grand peut-être avec Rembrandt, Durer et Goya. Déjà à Venise il a acquis un métier solide et s'est laissé séduire par les compositions aériennes de Tiepolo. Quand, à vingt ans, il arrive à Rome, sa vive imagination est frappée par les ruines dont il se voit environné. Il comprend que ce n'est pas sur la toile mais sur le cuivre qu'il doit traduire ses visions.

Dès lors il va, durant toute son existence, élaborer un art fantas- tique, solidement a p p u y é , pourtant, sur le réel et fondé sur un métier d'une sûreté, d'une acuité inégalable. Nous avons peine à croire que tant de planches et de si grandes dimensions aient pu toutes sortir de la main d'un seul homme : Les Antiquita romane ne comprennent

(4)

pas moins de 224 planches et les Vedute romane sont au nombre de 135. Quant aux Carceri si elles ne comportant que seize planches, il est curieux de voir l'évolution qui s'est produite entre le premier é t a t da,té de 1750 et le second, publié en 1760 et dont Henri Focillon nous dit : « Rien, dans l'histoire de la gravure à l'eau-forte, n'est comparable à cette seconde édition des Carceri. Elles sont libres, elles sont complètes. Jamais l'outil n'a été conduit sur cette dure m a t i è r e avec autant d'audace. Jamais la poésie de l'eau-forte, faite de franchise et m ê m e de violence, n'a obtenu des effets aussi singuliers.

La lumière et la nuit combattent éternellement entre les piliers de ces prisons colossales, une nuit dense et fourmillante, une lumière d'un éclat terrible et surnaturel » (1).

Nous verrons tout à l'heure dans la salle Magnasco qu'il n'est pas le seul m a î t r e italien du x v i i ie à propos duquel le mot roman- tisme pourrait être prononcé. Mais ce qui donne un accent extra- ordinaire à ses planches c'est qu'elles ne sont pas seulement d'un visionnaire, mais aussi d'un architecte et d'un archéologue. C'est en descendant au fond des gouffres que sont ces prisons, en é t u d i a n t minutieusement les restes de la Rome antique qu'il parvient à nous faire pénétrer dans le monde vertigineux où il se meut à l'aise. Tous les artistes qui travailleront à Rome à cette époque, en particulier le F r a n ç a i s Hubert Robert auront le goût des ruines, mais ils nous les montreront aimablement humanisées, alors que les siennes sont gran- dioses ou terribles.

A côté de ce génie les peintres romains de son temps font assez pâle figure, à l'exception de Pannini : le Spectacle théâtral qui appartint à Louis-Philippe est aujourd'hui au Louvre et les deux compositions du Quirinal représentent quelques-uns des principaux monuments édifiés à Rome au x v i i ie siècle. C'est d'un art brillant, vivant, peint sans cette finesse qui nous attache dans les personnages et les archi- tectures de Guardi, mais non sans brio et avec un sens inné de l'observation.

Andréa Locatelli, bien moins connu, est plus proche de nous.

Les deux paysages de la collection D. Mahon, de Londres, annoncent Corot ; en revanche les Femmes à la fontaine restent dans la tradition de Nicolas Poussin. Quant à Pompeo Batoni, il n'est pas impossible que son portrait de John Staples, e m p o r t é à Londres en 1773, ait exercé quelque influence sur Gainsborough et les grands portraitistes britanniques.

* • *

Mais j ' a i h â t e de quitter Rome pour Gênes afin d'y rencontrer l'extraordinaire, l'extravagant Alessandro Magnasco. Celui-là nous le connaissons, et je vous ai déjà parlé de l u i , il y a quelques années, à propos de l'exposition organisée au Palais des Beaux-Arts de Bor-

(1) G.-B. Piranen, par H. Focillon (Laurent. 1928).

(5)

deaux. C'est la première fois pourtant, qu'un ensemble aussi i m - portant, aussi divers, nous est proposé.

Magnasco est ici dans la salle réservée à la peinture génoise ; il aurait pu, tout aussi bien, être intégré aux écoles milanaises ou florentines puisqu'il travailla longtemps dans ces villes, ce qui ne nous surprend pas dans un pays où lès artistes se déplacent facilement, pour peu qu'un prince ou un prélat fasse appel à eux. À M i l a n , dans sa jeunesse, il est surtout connu comme portraitiste, mais aujour- d'hui, cet aspect de sa personnalité est à peu près ignoré. Cest à partir de 1711 q u ' à Gênes et à Florence il commence à peindre ces scènes de la vie monacale qui nous fournissent des images singu- lières des couvents de son temps. Ces religieux ascétiques, à l'aspect démoniaque, ont presque tous des attitudes de possédés, et nous nous demandons si ces visions p r é s e n t e n t quelques vraisemblances ou si elles sont le produit d'une imagination déréglée, qui n'est pas sans annoncer les romans noirs d'Anne Radcliffe ou Le Moine de Lewis.

Trois des tableaux qui figurent dans cette salle sont particuliè- rement frappants. Nous y voyons d'abord le fameux Réfectoire des Frères, du Musée Civique de Bassano, avec cette extraordinaire pers- pective formée par la fuite de l'immense table en fer à cheval autour de laquelle ont pris place une multitude de religieux sous les hautes voûtes d'une abbaye qui, pour une fois, n'est pas en ruine.

Je nommerai ensuite le Divertissement dans un jardin d'Albaro, conservé au Palazzo Bianco de Gênes et à propos duquel Jean Alazard citait les noms de Watteau et de Monticelli. J ' y ajouterai celui du Greco pour la lumière sulfureuse qui baigne l'étrange paysage que l'on découvre au-dessus de la muraille le long de laquelle d'élé- gants personnages sont assis comme dans un salon. Cette toile, d'où se dégage une poésie inquiétante, est bien différente de la Scène macabre, de Pavie : des larrons se sont introduits dans une nécropole et les squelettes sortis de leurs tombeaux les poursuivent, tout cela dans une atmosphère d'Apocalypse.

Ce ne sont pas les seules œuvres surprenantes de cet ensemble et ceux qui reprochent à Magnasco d'obscurcir sa palette pour obtenir des effets dramatiques s'arrêteront avec intérêt devant Le Réfectoire des moines de l'abbaye de Seitenstetten, peint entièrement dans les tons clairs ou devant lès Bohémiens dans les ruines dont le fond est éclairé par une lumière digne de Claude Lorrain. Quant à ses dessins quelques-uns, comme le Chasseur, peuvent p a r a î t r e violents, sommaires, mais comment résister à la puissance qui s'en dégage ? Après ces liqueurs fortes, les Florentins -et la plupart des Bolonais nous paraissent fades. Une exception, pourtant : Crespi, et l'on ne saurait reprocher au Commissaire de l'exposition, M. Cesare Gnudi, d'avoir t e n t é une réhabilitation de son compatriote. Y est-il parvenu ? Le réalisme de son Saint Jean Népomueène confessant la reine de Hongrie nous p a r a î t très en avance sur son temps et on est frappé par le contraste entre le caractère humble, familier de cette scène et lés grandes machines dont nous venons d'être acca-

(6)

blés. Mais quand M. Roberto Longbi écrit : « Si Chardin avait jamais peint un tableau religieux ce serait celui-là », il n ' y a vraiment q u ' à sourire tant il y a loin de cette matière assez vulgaire à l'extra- ordinaire distinction des p â t e s dont se sert le m a î t r e français.

Oublions ce p a v é de l'ourB pour admirer l'habile trompe-l'ceil que nous avons déjà vu à l'Orangerie, à l'exposition de la nature morte : ces livres posés sur de6 rayons donnent, à distance, l'impres- sion d'une véritable bibliothèque. Mais avec sa Laveuse de vaisselle, Crespi est loin de nous faire oublier les scènes analogues que peignirent les Ter Borch ou les Pièter de Hoog.

Là commence la fête vénitienne mais mieux vaut, je crois, conti- nuer jusqu'aux salles lombardes et revenir ensuite sur ses pas pour embrasser d'un coup le prodigieux panorama qui va nous être offert.

N o n que les dernières galeries soient dépourvues d'intérêt, mais le naturalisme de Ceruti, dit Le Gueux, ne va pas très loin. C'est la plus récente découverte des historiens d'art de la Péninsule et ils ont tendance à la surestimer. « Peintre de la réalité ? » Sans doute, mais non pas selon le sens hautement poétique que nous donnons à ces mots en pensant aux Le N a i n , aux Georges de La Tour, et sa réalité n'est souvent que du réalisme. Je l u i préfère Ghislandi, dit F r a Galgano, hautain portraitiste d'Isabelle Camozzi.

* * *

Les, salles vénitiennes s'ouvrent sur Piazetta qui, par l'ampleur de sa touche, son goût du clair-obscur annonce le Goya des cartons de tapisserie. Une forte personnalité s'exprime dans ces personnages solidement charpentés et il me p a r a î t mieux symboliser l'originalité de cette école que ne le fait son aîné Sebastiano R i c c i qui est peut-être l'annonciateur des envols tiepolesques, mais dont le baroquisme nous rappelle trop de mauvais tableaux des salles précédentes ; alors que la blondeur des femmes de Piazzetta n'est pas indigne parfois de celle de Veronése.

Peut-on dire que le génie, à cette époque, à Venise, est collectif ? N o n , assurément. Il n'en reste pas moins que les plus hauts chefs- d ' œ u v r e sortent d'ateliers où l'on travaille souvent en famille et les disputes d'érudits pour distinguer lés diverses mains sont bien réjouissantes. Ricci a un neveu, Marco ; Tiepolo a un fils qui épousera la fille de Domenico Guardi, dont tous les enfants seront peintres...

Avec les Canaletto c'est encore plus compliqué, car si on donne ce nom à Antonio Canale, on le donne aussi à son neveu Bernardo Bellotto. On imagine aisément que les commandes ne devaient pas toujours être entièrement exécutés par celui qui les recevait ! Mais ce qur, en tous cas, est certain, c'est que jamais le talent ne fut plus libéralement r é p a n d u qu'il ne le fut sur la lagune tout au long d u x v i ne siècle.

Parlant des innombrables décorations que Giambattista Tiepolo prodigua dans les palais, les églises, les villas de la Brenta, M. Decio

(7)

Gioseffi écrit dans son livre récent : « Que les archets ne soient pas dépassés par les cuivres, que la grosse caisse n'intervienne pas à contre-temps, que le chef d'orchestre ne soit pas inférieur à sa t â c h e , c'est cela qui nous importe. Il en est ainsi avec Tiepolo qui réussit presque toujours à garder en main les fils de ses vastes trames, m ê m e là où tel ou tel de ses collaborateurs a introduit en scène quelque figurant moins habile et moins sûr de son rôle et tel que, livré à lui-même, il finirai! fatalement par trébucher » (1).

Il n ' é t a i t évidemment question ni de détacher des fresques des murs, ni d'apporter le» vertigineux plafonds baignés d'une lumière quasi musicale. Tout de m ê m e l'évolution de Tiepolo est parfaite- ment m a r q u é e au Petit Palais depuis le Martyre de Saint Sébastien j u s q u ' à ce Portrait d'un Procurateur si fermement architecture.

Quant à son file Giandomenico, l'exposition des Giardini, à Venise, il y a quelques années, nous a fait mesurer avec quelle maîtrise il savait peindre les scènes de la vie populaire, nous restituer l'extra- ordinaire animation du carnaval. Mais les eaux-fortes du père tra- duisent, elles aussi, un goût m a r q u é pour le spectacle de la rue si bien que la possibilité d'une collaboration quasi permanente n'est pas exclue.

Si, par les Tiepolo, nous savons comment vivait le peuple de Venise, nous connaissons l'existence intime de cette aristocratie commerçante par Pietro Longhi ; celui-ci échappe à l'anecdote non.

point comme Tiepolo par le mouvement, mais par une immobilité figée et un peu gauche qui rappelle celle des premières photos qui exigeaient du modèle un long temps de pose. Une certaine naïveté, des couleurs ravissantes font du petit monde dé Longhi un des plus plaisants qui soient.

Les portraits de Rosalba Carriera ont, à mes yeux, beaucoup moins de prix. Mais les Français ne sauraient se montrer sévères à son égard puisque c'est elle qui apporta à Paris la mode du pastel dont Quentin de Latour et surtout Perroneau surent tirer des effets bien supérieurs à ceux de leur initiatrice.

Mais voici les deux Canaletto qu'il est impossible, du moins ici, de confondre. Et c'est peut-être la plus notable révélation de cette exposition que de nous permettre de mieux connaître le plus jeune, ce Bellotto, qui, après avoir été l'élève de son oncle, Antonio Canale, se rendit à Dresde, puis à Vienne et à Prague, enfin à Varsovie où il mourut en 1780 sans avoir revu l'Italie. Nous avons là l'exemple d'un artiste qui, formé à de strictes disciplines, subit l'influence d'un climat différent de celui qu'il a connu dans sa jeunesse.

Ce n'est plus la lumière de la lagune c'est celle, froide et précise du Nord qui baigne ces monuments d'Allemagne, d'Autriche, de Pologne, définis avec une fermeté, une autorité qui nous frappent.

Certes, il n'y a pas là la poésie d'Antonio Canale, mais il y en a une autre, très étrange, dont la confrontation, pour la première fois

(1) La peinture vénitienne du XVIIIe siècle (Flammarion).

(8)

réalisée, des œuvres du neveu et de l'oncle nous permet de prendre conscience.

Antonio Canale reste le plus illustre des peintres de pedule, de ces vues de la cité des eaux qu'on s'arrachait dans le monde entier avant l'invention de la photographie. Combien de centaines de paysages de Venise sortirent de l'atelier du grand Canaletto ? La renommée du peintre s'étendit à toute l'Europe et si son neveu put faire une brillante carrière hors d'Italie, l'oncle lui-même ne résista pas aux offres de son impresario Joseph Smith et nous voyons i c i trois des paysages qu'il exécuta en Angleterre.

On discute volontiers des mérites réciproques de Canaletto et de Guardi. Celui-ci montre moins de précision dans ses paysages, mais il est impossible de résister à leur charme, à la lumière qui les baigne, à la fantaisie, à l'esprit d'observation qui se remarque dans ses figures ; celles-ci, minuscules, sont d'une extraordinaire précision, chaque touche é t a n t posée avec une mfaillible sûreté.

Je dis « Guardi » en n'oubliant pas qu'il s'agit d'un atelier où Giannantonio, l'aîné des quatre frères, ne jouait peut-être pas un moins grand rôle que Francesco. L'attribution à cet atelier de la suite des peintures décorant l'église de l'Ange R a p h a ë l à Venise a déchaîné, chez les historiens d'art italien, une vive querelle, les uns attribuant cette suite de ravissantes figures d'anges musiciens au frère aîné, d'autres au cadet, cependant qu'un troisième groupe veut y voir plusieurs mains.

Bien entendu, ce ne sont pas les Français qui vont se mêler de cette querelle de famille. Ce dont nous devons nous réjouir, c'est qu'on nous ait a p p o r t é les pièces du procès. Ils sont là ces anges, aussi frais que s'ils étaient d'hier, sept panneaux peints d'un pinceau é t o n n a m m e n t libre et nerveux, et M. Gioseffi n'a peut-être pas tort de voir là le testament de la peinture vénitienne exécuté alors que le classissime, avec le triste Mengs, avec Winckelman, avait déjà pris pied dans la Péninsule, « alors que le jeune Bonaparte songeait déjà aux épaulettes de sous-lieutenant et que David méditait sur Les Horaces en allant en voiture de Paris à Rome ».

G . C H A R E N S O L .

Références

Documents relatifs

[r]

Pour diviser deux nombres relatifs non nuls, on divise leurs distances à zéro et on applique la règle des signes :. Le quotient de deux nombres relatifs de même signe est positif

Pour diviser deux nombres relatifs non nuls, on divise leurs distances à zéro et on applique la règle des signes :. Le quotient de deux nombres relatifs de même signe est positif

Lors d'une journée, ce musée a reçu la visite de 205 personnes et la recette totale a été de 1 222,50 €.. Retrouve le nombre d'adultes et le nombre d'enfants ayant visité le

Lors d'une journée, ce musée a reçu la visite de 205 personnes et la recette totale a été de 1 222,50 €.. Retrouve le nombre d'adultes et le nombre d'enfants ayant visité le

Définition : Deux droites de l'espace sont orthogonales lorsque leurs parallèles passant par un point quelconque sont perpendiculaires..

[r]

[r]