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Le dépérissement du Chêne pédonculé dans les Pyrénées-Atlantiques

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Le dépérissement du Chêne pédonculé dans les Pyrénées-Atlantiques

P. Durand, J. Gelpe, Brice Lemoine, J. Riom, Jean Timbal

To cite this version:

P. Durand, J. Gelpe, Brice Lemoine, J. Riom, Jean Timbal. Le dépérissement du Chêne pédonculé dans les Pyrénées-Atlantiques. Revue forestière française, AgroParisTech, 1983, 35 (5), pp.357-368.

�10.4267/2042/21670�. �hal-02726861�

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LE DÉPÉRISSEMENT DU CHÊNE PÉDONCULÉ

DANS LES PYRÉNÉES-ATLANTIQUES

P . DURAND -J . GELPE B . LEMOINE -J . RIOM -J . TIMBAL

Depuis 1977, et au cours des années qui suivirent, des cas de dépérissements anormaux de chênes ont été signalés dans de nombreuses régions de France . Parmi celles-ci, la zone des coteaux de Piedmont du Pays Basque et du Béarn, dans les Pyrénées-Atlantiques, semblait particulièrement atteinte provoquant chez les responsables forestiers locaux une émotion et une inquiétude compré- hensibles.

Devant la complexité apparente du problème, un programme multidisciplinaire de recherches a été mis sur pied financé par la Direction des Forêts . Ce sont leurs premiers résultats qui sont exposés ici . Ils constituent donc le pendant et le complément de ceux entrepris sur le même sujet en forêt de Tronçais (03), et exposés, dans ce même numéro (5, 1983) et dans le prochain (6, 1983).

PRÉSENTATION DU PHÉNOMÈNE

La région concernée (carte 1)

II s'agit de la région des coteaux sous-pyrénéens du Pays Basque et du Béarn (les chênaies de l'Adour ne sont pas concernées).

C'est une zone de collines peu élevées (altitudes inférieures à 500 m), mais où les pentes sont relativement fortes du fait de l'encaissement et de l'abondance des thalwegs . Le substrat est le plus souvent constitué du flysch crétacé (Cénomanien), de consistance variable par définition, mais donnant la plupart du temps des sols très limoneux et très acides.

Le climat de cette région est réputé pour la douceur de ses hivers (moyenne des minimums de janvier : 4 °C) et l'importance des précipitations (1 200 à 1 800 mm) en moyenne bien réparties tout au long de l'année . Il faut cependant noter deux caractères : d'une part, la part prise par les orages dans les précipitations estivales et d'autre part, l'effet de « foehn >, assez fréquent amenant des vents desséchants du sud . Malgré cela, cette région est climatiquement très favorable à la végétation forestière, en particulier grâce à la longueur de la saison de végétation et la rareté des gelées.

L'indice de Paterson y atteint des maxima pour la France (plus de 600, pour environ 250 à Tronçais) .

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P . DURAND - J . GELPE - B . LEMOINE - J . RIOM - J . TIMBAL

F .S . de Mixe

F .C .deDoazon

CARTE 1

LE CADRE GÉOGRAPHIQUE

F .C . d 'Etcharry_ .. o,. â ~

F .•

ST-PALAIS Rivehaute

F .C .deOurs

Os abat OLORON STE-MARIE

i • m

-

. F .C . Moumour

Limites des Pyrénées-Atlantiques

+ Placettes d 'études Isohyètes OCÉAN ATLANTIQUE

2 000 C .d'Ainoha

Sur le plan végétal et forestier, il s'agit d'une région de chênaies et de chênaies-hêtraies (la proportion de Hêtre dans les peuplements s'accroît avec I :altitude et la proximité des Pyrénées), dominées par le Chêne pédonculé . Si on excepte le Hêtre, les essences secondaires, disséminées, sont le Merisier, l'Alisier torminal, le Chêne sessile et le Chêne tauzin.

II faut signaler cependant l'importance des reboisements en Chêne rouge d'Amérique réalisés après la guerre de 1914 - 1918, probablement à la suite des fortes mortalités de Chêne tauzin consécutives aux attaques d'Oidium du début du siècle.

Ces forêts basques et béarnaises sont soit privées, soit communales (voire syndicales) . Elles sont le plus souvent traitées en taillis-sous-futaie . Mais ceux-ci se présentent trop souvent sous forme de clairières et passant par endroits à la lande à Ajoncs et Bruyères, du fait de leur surexploitation et/ou du pâturage.

Le dépérissement

Il n'est généralement pas brutal . Les symptômes consistent habituellement en un phénomène à allure descente de cime » et la mort d'une partie du houppier . La mort complète de l'arbre peut survenir en cours de saison de végétation (le feuillage restant devient alors tout sec), ou durant l'hiver, l'arbre ne repartant ,, pas au printemps suivant.

Ce dépérissement peut se prolonger sur deux, voire trois saisons de végétation avant la mort.

II y a dans ce domaine une forte variation individuelle.

358

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Biologie et forêt

Il peut être diffus et concerner des arbres disséminés ou, au contraire, concentré, affectant une grande partie, voire la totalité, d'un versant (plusieurs hectares).

Les premiers dépérissements anormaux ont été observés dans la forêt communale d'Ostabat- Asme (au Pays Basque), au printemps 1976 . Le dépérissement s'est progressivement accentué dans les années 1977, 1978, 1979 pour régresser ensuite . L'évolution du nombre des arbres martelés en coupe sanitaire en témoigne clairement.

On estime à environ 10 000 hectares l'étendue des forêts atteintes dont 7 000 hectares de forêts soumises dans le seul Centre O .N .F . de Bayonne . Dans ce Centre, les zones de dépérissement proprement dites concernent près de 2 000 hectares . Cependant, il faut noter que les zones à dépérissement total représentent des surfaces relativement faibles (2 %), mais localement parfois très fortes comme en forêt communale d'Ustaritz (64 ha, soit 10 % de la surface de la forêt) ou en forêt communale d'Ainhoa (34 ha, soit 7,8 %).

Outre l'émoi justifié des responsables forestiers devant cette évolution qui semblait ne pas devoir s'arrêter, et ses répercussions économiques et sylvicoles pour les communes concernées, ce dépé- rissement affectait également les populations locales dans la mesure où la ruine de ces forêts et le passage à la lande venait contrarier les activités traditionnelles de chasse à la palombe ou de ramassage de champignons.

LE PROGRAMME DES RECHERCHES

Initiation et organisation des recherches

Bien que les premiers rapports émanant du Centre O .N .F . de Bayonne, signalant des dépérissements anormaux de chênes, remontent à 1976 et surtout à 1977, ce n'est que fin 1979, après que des premières observations n'eussent pu apporter des explications sur un phénomène déroutant et.

semblait-il, en voie d'aggravation, que les responsables forestiers (Direction régionale de l'O .N .F ..

Service régional d'Aménagement forestier d'Aquitaine, Direction technique de l'O .N .F .) demandaient officiellement à la Recherche de prendre l'affaire en mains.

C ' est ainsi que les 5 et 6 juin 1980, une tournée à laquelle prirent part des spécialistes de différentes disciplines, put avoir lieu . Si elle permit de rejeter certaines hypothèses (en particulier celle d'une attaque de Ceratocystis fagacearum), elle montra surtout la complexité du problème, et partout, la nécessité d ' une étude pluridisciplinaire coordonnée et détaillée, s'appuyant en particulier sur le suivi de l'évolution du dépérissement sur un certain nombre de placettes de référence à installer.

Dès l'été 1980 . 18 placettes et 2 transects furent donc installés par les soins de l'O .N .F . dans la zone de dépérissement et firent l'objet en septembre d'une mission de photographies aériennes.

Le choix de ces placettes a été guidé par le souci, d'une part de couvrir géographiquement la zone de dépérissement, et d'autre part d'obtenir un échantillonnage représentatif de ses différentes intensités.

LES RECHERCHES ÉCOLOGIQUES SUR LE TERRAIN

Elles ont été réalisées sur les 18 placettes de référence (surtout celles où le dépérissement a été le plus fort : Mixe, Ostabat, Castetbon, Ainhoa, Ustaritz) et sur l'un des 2 transects installés en forêt de Mixe dans le but d'étudier l'influence de la topographie.

Nous n'indiquons ici que les résultats obtenus .

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P . DURAND - J . GELPE - B . LEMOINE - J . RIOM - J . TIMBAL

Les essences concernées

Les peuplements étudiés se sont parfois révélés être riches en essences diverses (à Mixe en particulier).

En effet, outre le Chêne pédonculé, on a fréquemment noté la présence du Hêtre, du Chêne sessile (qui était méconnu dans la région), du Châtaignier, du Chêne rouge, et dans une moindre mesure.

du Chêne tauzin, du Merisier, du Tremble, des Bouleaux, sans parler des résineux introduits.

Bien que l'on ne puisse identifier l'espèce des chênes déjà morts, les chênes dépérissants se sont partout révélés être des Pédonculés ; le Hêtre et les autres Chênes, et en particulier le Sessile.

s'avérant avoir résisté là où le Pédonculé dépérissait . Les zones à dépérissement diffus étaient le plus souvent des peuplements mélangés où le Chêne pédonculé se trouvait seulement à l'état disséminé, alors que les placettes à dépérissement très fort ou total . étaient toujours des zones à Chêne pédonculé pur . D'où la nécessité de juger de l'intensité du dépérissement, non en fonction du nombre total d'arbres ou du nombre total de chênes, mais par rapport au seul nombre total des chênes pédonculés présents.

Influence de l'exposition

Sur les 18 placettes, ce n'est que dans un seul cas, celui de la forêt communale d'Ainhoa située à la frontière espagnole, qu'un effet net de l'exposition sur l'intensité du dépérissement a pu être mis en évidence (figure 1 et carte 2).

Figure 1 Relation entre topographie, type de station et dépérissement en forêt de Mixe

Groupement végétal Etat sanitaire

Chênaie pédonculée -frênaie

I Chênaie mixte

de pente Chênaie de plateau

% de morts 0,67 6,33 30,46

% de dépérissants 1,34 4,16 9,19

% d ' affaiblis 0,34 3,74 6,54

de sains 97,64 85,75 53,80

% de morts +

% dépérissants 2,01 10,49 39,65

par rapport aunombretotal dechênes

chênaie-frênaie chenaie mixte de pente chênaie de plateau

w (avec ou sanshêtre) E

Aphatarêna

y Chêne pédonculé

4

Frêne

Chérie rouge Hêtre Chênesessile

360

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Biologie et forêt

En effet, dans cette placette située de part et d'autre d'une crête orientée est-ouest, seule la partie située à la moitié supérieure du versant exposé au sud présentait un dépérissement presque total, avec passage à l'état de lande d'Ajoncs (Ulex 3 sp .) et Bruyère vagabonde (Erica vagans).

De plus, on pouvait constater que, d'une part la très faible hauteur (moins de 10 m) atteinte par les arbres (sains, dépérissants ou déjà morts) dans la zone du dépérissement témoignait d'une très faible fertilité stationnelle, et que, d'autre part la hauteur et la vigueur des arbrisseaux de la lande (et son recouvrement total), témoignaient de l'ancienneté du dépérissement dans cette station . Cette constatation, jointe à celles de la très faible profondeur de sol et de la raideur des pentes, amène logiquement à penser que, au moins dans ce cas-là, la sécheresse pouvait être responsable du dépérissement, et que, par extension, elle avait pu jouer un rôle dans les autres cas.

Dans toutes les autres placettes, aucun effet de l'exposition n'a pu être mis en évidence, confirmant en ceci les constatations déjà faites par l'O .N .F . de Bayonne dans un de ses premiers rapports sur le dépérissement.

* Chêne mort.

n Chérie dépérissant.

• Chêne affaibli.

o Chêne sain .

CARTE 2 . CARTOGRAPHIE PAR PHOTOGRAPHIE AÉRIENNE DU DÉPÉRISSEMENT DU CHÊNE EN FORÊT D'AINHOA .On remarquera l'effet

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net de exposition et dela topographie.

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P . DURAND - J . GELPE - B . LEMOINE - J . RIOM - J . TIMBAL

Effet de la topographie

n'une manière générale, une influence très nette de la topographie a été constatée . En effet, les zones de dépérissement se situent presque toujours à la partie supérieure ou moyenne des versants (leurs parties les plus plates étant pratiquement toujours occupées par l'agriculture), les parties plates de fond de vallon ou les bas de versants étant peu ou pas atteintes.

Cependant, un dépérissement important peut être constaté en bas de pente dans le cas d'un versant convexe sans colluvionnement.

Tout cela semble impliquer l'influence de la profondeur du sol et de son régime hydrique sur le processus du dépérissement.

Effet du sol

Dans leur ensemble, les sols sont très limoneux avec, grosso modo, un gradient ouest-est, sans doute en rapport avec leur origine, allant du limono-sableux au limono-argileux.

Ils sont aussi, d'une manière très générale, très acides (pH entre 3,5 et 4,5 en moyenne), et très pauvres chimiquement, surtout en phosphore.

II s'agit le plus souvent de sols bruns, acides ou de sols bruns lessivés, de sols lessivés, parfois marmorisés ou hydromorphes en profondeur dans les zones de plus faible pente . L'humus est de type moder ou mull-moder.

De plus, la prédominance des limons, et surtout des limons fins, crée une instabilité structurale provoquant le phénomène bien connu de « battance c'est-à-dire la formation d'une « croûte compacte en surface par dessèchement, et empêchant une réhumectation ultérieure normale du profil, une part importante de l'eau incidente ruisselant alors sans pénétrer . Cela pourrait expliquer que de tels sols puissent être longtemps secs malgré une capacité hydrique théorique non négligeable, ce qui entraînerait en plus des difficultés dans l'alimentation minérale.

Incidence du type de végétation forestière

D'une manière un peu schématique, quatre grands types forestiers se rencontrent dans cette région des coteaux basques et béarnais soumis au dépérissement.

— la hêtraie : c 'est le groupement le moins répandu . En dehors des zones d'altitudes où elle prend un grand développement, mais qui sont en dehors de la zone concernée par le dépérissement, on la rencontre dans quelques fonds de vallon (comme en forêt de Mixe) et surtout certains versants-nord.

II s'agit en fait d'une hêtraie-chênaie acidophile à neutroacidophile où les chênes ne présentent aucun dépérissement.

— les chênaies mixtes (toujours sur pente) : il s'agit de groupements mélangés de Chêne pédonculé (dominant ou non) de Chêne sessile et parfois de Hêtre.

Le dépérissement y est toujours diffus et ne concerne que le Chêne pédonculé.

Le cas est particulièrement net en forêt de Mixe.

— la chênaie-frênaie de fond de vallon : c'est un groupement mésotrophe à eutrophe, le plus riche de la région, aussi bien sur le plan édaphique que sur le plan floristique . Le Chêne pédonculé y atteint de grandes tailles . Il est dominant dans la strate arborescente, et accompagné d'un peu de Frêne commun et d'Orme champêtre . Le Charme y est pratiquement absent pour des raisons climatiques et chorologiques .

362

(8)

Biologie et foret

Le dépérissement du Chêne pédonculé y est pratiquement nul.

Un groupement analogue se retrouve sur le bas des pentes colluvionné.

— la chênaie pédonculée de versant il s'agit d'une chênaie de Chêne pédonculé, pure et acidophile.

C ' est le groupement le plus répandu et où le dépérissement du Chêne a été le plus fort, voire même total.

LES FACTEURS BIOTIQUES

Impact des insectes ravageurs

Bien sûr, comme dans tous les cas de dépérissement important et brutal, on pense tout de suite à la responsabilité éventuelle d'insectes ravageurs, et cela d'autant plus que des défoliations importantes par chenilles avaient eu lieu au cours des années précédentes comme dans beaucoup d'autres endroits de France.

Aussi, dès les premières alertes, des observations furent faites par le Centre du Machinisme agricole du Génie rural des Eaux et Forêts et un certain nombres d'insectes ravageurs furent identifiés : chenilles « géométrides (Hibernies, mais surtout Cheimatobies), chenilles arpenteuses (Cynipides des bourgeons), Coléoptères brupestides (Agrillus).

Cependant, à l'exception des chenilles défoliatrices, tous ces ravageurs présentaient une densité trop faible pour pouvoir causer des dégâts si importants.

Quant à l'impact réel des défoliatrices, on en est réduit à formuler des hypothèses, faute de données sur les coïncidences entre les zones de défoliations passées et celles de dépérissement actuel :

• d'une part, en France, au cours des dernières années, des défoliations par chenilles ont été constatées dans de très nombreuses régions et parfois même plusieurs années de suite, alors que les zones de dépérissement du Chêne sont beaucoup plus restreintes ;

• d'autre part, localement, pour qu'il y ait défoliation, il faut qu'il y ait coïncidence entre l'éclosion des oeufs des insectes ravageurs et le débourrement, ce qui ne peut se produire pour toutes les essences et dans toutes les stations à la fois, alors que dans les zones de dépérissement, l'examen des cernes (voir plus loin) montre une réduction de croissance affectant, à des degrés divers, toutes les essences et toutes les stations.

Aussi, l'existence de défoliations antérieures a certainement représenté, dans la plupart des cas, un facteur aggravant, mais ne saurait, à elle seule, avoir provoqué les dépérissements constatés.

Tout au plus, on peut penser qu'une défoliation par le fait de chenilles a pu provoquer localement un affaiblissement supplémentaire, ayant, dans certains cas, fait basculer des arbres dans la voie d'un dépérissement plus ou moins irréversible.

Impact des champignons des racines :

Les observations de terrain ont montré que le tronc des arbres morts était presque toujours envahi par les « palmettes >, subcorticales de l'Armillaire ; au collet des arbres seulement dépérissants, la présence de l'Armillaire n'était pas aussi générale.

Quelques observations réalisées sur les racines par C . Bernard, C . Delatour et A. Guillaumin, ont révélé la présence de nombreux basidiomycètes, et dans certains cas de grosses racines étaient profondément altérées .

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P . DURAND - J . GELPE - B . LEMOINE - J . RIOM - J . TIMBAL

De même qu'à Tronçais, il a été plus particulièrement noté à ce niveau la présence de plusieurs espèces d'Armillaire (A . bulbosa et A . mellea) ainsi que celle d'une agaricole non encore identifiée (champignon « T »).

Le rôle de ces espèces dans le processus du dépérissement demeure controversé . Le lecteur pourra se reporter à cet égard à l ' article de Guillaumin et al . dans le numéro 6, 1983 de la Revue forestière française.

L'ÉTUDE PAR PHOTOGRAPHIES AÉRIENNES

La photographie aérienne des 18 placettes de références et du transect de la forêt de Mixe.

répondait à un triple but :

— d'abord, constituer des documents de références attestant pour le futur, de l'état réel de dégradation des peuplements, du fait du dépérissement du Chêne, à un moment donné, et ceci dans différentes situations écologiques et géographiques ;

— puis, par le renouvellement annuel des mêmes couvertures aériennes, suivre l'évolution dans le temps du phénomène de dépérissement, et cela arbre par arbre sur des surfaces relativement grandes ;

— enfin, fournir des données objectives et mêmes chiffrées, sur l'intensité locale du dépéris- sement et sur son évolution dans le temps . afin d'étudier sur le terrain l'influence des facteurs écologiques stationnels.

Le repérage des placettes s'est fait grâce à la présence au sol de balises constituées de carrés de tissu rouge de 1 m 2 , tendus sur des piquets.

Trois missions successives ont ainsi pu être réalisées : la première en septembre 1980, la deuxième en août 1981 et la troisième en septembre 1982.

Les photographies ont été analysées sous stéréoscope Wild APT 1 à grossissement variable . Le contour de chaque arbre vivant et la position de chaque arbre mort a été tracé à la pointe sèche, sur un film transparent posé sur la diapositive.

Le photointerprétateur a ainsi distingué :

— d'une part, dans la mesure du possible, les différentes essences (1)

— d'autre part, parmi les chênes les 4 classes sanitaires suivantes : morts (2), dépérissants, affaiblis et sains et cela d'après des critères qualitatifs et donc assez subjectifs d'état des houppiers.

Pour une placette donnée, en comparant les cartes relatives aux deux premières missions, on a pu voir quel a été le devenir, d'une année sur l'autre, des arbres classés comme dépérissants.

Cette étude par photographie aérienne a permis de constater que la deuxième année (en 1981) :

— il n'y avait plus que très peu d'arbres sains en 1980 devenus dépérissants en 1981 ;

— le devenir des « déperissants » de 1980 était variable, certains (peu) étant morts, certains restant dépérissants, tandis que d'autres repassaient dans la catégorie des sains.

Tout ceci traduisait une régression du phénomène du dépérissement, dont la généralité, à quelques exceptions près, était confirmée par les agents de l'O .N .F . L'examen des clichés de 1982 a tota- lement confirmé cette tendance.

(1) Il s'est avéré impossible de distinguer les espèces de Chênes entre eux . et difficile parfois même . de les distinguer du Châtaignier.

(2) Les coupes sanitaires qui avaient pu être faites dans les parcelles concernées ont été prises en compte.

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Biologie et forêt ÉTUDE DENDROCHRONOLOGIQUE

Pour un arbre, la largeur du cerne annuel résulte de l'interaction de plusieurs facteurs, dont la nature de l'essence, son âge, son environnement lumineux (sylviculture), les potentialités stationnelles, et les variations climatiques au cours de la saison de végétation correspondante.

En choisissant des arbres dominants, sensiblement du même âge, on élimine à peu près les premières causes de variation . Alors, pour une essence donnée, dans une station donnée, la largeur du cerne traduit les seules circonstances climatiques de l'année correspondante.

Si donc le dépérissement d'un peuplement a pour cause première un affaiblissement physiologique dû à une ou des périodes de forte sécheresse, ce dernier devrait se manifester par des variations de croissance d'arbres restés sains.

Pour vérifier cette hypothèse, dans les trois types de stations du transect de la forêt de Mixe (fond, mi-pente, haut de pente), il a été prélevé à la tarrière de Pressler, des carottes de 10 cm de long, permettant l'observation des cernes des vingt dernières années, et cela à raison de deux carottes par arbre, afin de réduire l'effet de la variabilité individuelle . Dans chaque station en moyenne, trois arbres de chaque essence (Chêne pédonculé, sessile, et rouge), ont été sondés.

La figure 2, illustre les principaux résultats de cette étude, à savoir :

— quelles que soient la station et l'année, le Chêne rouge d'Amérique a une croissance meilleure que celle du Chêne sessile qui, lui-même, se montre supérieur au Chêne pédonculé ;

— quelles que soient l'essence et la station, l'allure générale de la courbe donnant l'évolution au cours des années de la largeur du cerne, est la même : après un « pic » en 1973, les accrois- sements diminuent de largeur jusqu'à un minimum se situant en 1977 . Après cette date, le Chêne rouge et le Chêne sessile retrouvent des accroissements « normaux », c'est-à-dire analogues à ceux d'avant 1973;

— dans les stations de versant soumis au dépérissement, après le « Creux de la vague » de 1977, le Chêne pédonculé peut présenter selon les individus, trois types de réaction :

. soit les accroissements retrouvent une largeur « normale » : l'arbre a surmonté la crise . Il peut Accroissement (en mm)

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CHÉNE SESSILE / CHENE

PEDONCULÉ ayant bien réagi CHENE PÉDONCULE en état critique CHÉNE PÉDONCULE en cours

de dépérissement

1965 1970 1975 1980 Temps (en annees)

Figure 2 Variation de l'épaisseur des cernes au cours des dernières années (forêt syndicale de Mixe, station de pente).

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P . DURAND - J . GELPE - B . LEMOINE - J . RIOM - J . TIMBAL

même reprendre vigueur après un début de dépérissement . Ce cas est cependant peu fréquent, du moins dans l'échantillonnage étudié ;

• soit, au contraire, ses accroissements continuent à diminuer de largeur : l'arbre continue à dépérir et va probablement mourir, surtout si l'Armillaire s'en mêle ;

• soit, situation intermédiaire, les accroissements continuent à stagner à leur niveau de 1977 on ne peut donc encore prévoir son avenir ;

— Quelles que soient les essences et les stations, la chute de croissance a débuté avant 1976 et a continué en 1977 . II y aurait donc eu répercussion de la croissance d'une année sur celle de l'année suivante.

L'analogie des trois courbes de la figure 2 montre donc clairement que de 1974 à 1977, les trois espèces de Chênes ont connu un « stress >, physiologique, qui ne peut donc être imputable aux seules chenilles défoliatrices dont l'action aurait été plus spécifique pour les raisons évoquées plus haut . De plus, les observations de terrain montrent que l'intensité de ce « stress » a été variable selon les stations, ce qui réfute également l'hypothèse d'une action déterminante des chenilles défoliatrices.

Il est donc tout à fait vraisemblable que la cause de ce « stress >, physiologique soit une succession d'années sèches s'étant déroulées à partir de 1973 ou 1974 et ayant culminé en 1976, et dont l'effet s'est fait également ressentir en 1977, année pourtant normale pour la pluviosité.

II apparaît donc qu'à partir de 1977, quand les forestiers des Pyrénées-Atlantiques commencèrent à constater les premiers dépérissements, les « jeux étaient déjà faits ' et le sort des arbres pratiquement réglé, dans un sens ou dans un autre.

Enfin, dans les stations de versant, le Chêne pédonculé se révèle être l'essence la moins bien adaptée écologiquement, puisque des trois Chênes, elle est la seule à ne pas rétablir systéma- tiquement une croissance normale après ces années de sécheresse . A l'inverse, le Chêne rouge d'Amérique montre une plasticité et une supériorité de croissance évidentes.

SYNTHÈSE GÉNÉRALE DES RÉSULTATS

Les résultats précédents permettent une reconstitution très vraisemblable du scénario du dépé- rissement :

• au départ, un affaiblissement physiologique causé par une succession d'années anormalement sèches (3) ;

• ensuite, une série de circonstances aggravantes :

— des sols très limoneux (et donc sujets à la « battance ») et très pauvres chimiquement

— des pentes souvent fortes, accentuant la tendance au ruissellement provoquée par cette battance ;

— une essence : le Chêne pédonculé, mal adaptée à des stations à sol susceptible de dessèche- ment prolongé et pauvre chimiquement ;

— des attaques, parfois répétées, de chenilles défoliatrices ;

— un inoculum plus ou moins important d'Armillaire et d'autres champignons pathogènes

— une forte concurrence pour l'eau et les substances minérales de la part d'une végétation arbustive héliophile d'espèces de lande.

(3) Au moins localement, car il ne faut pas oublier que la plus grande partie des précipitations estivales tombe sous forme d'orages, et donc très irrégulièrement . Le total de ces précipitations estivales peut donc varier très sensiblement d ' un point à l ' autre, ce qui pourrait expliquer que le dépérissement ne soit pas général . toutes choses égales par ailleurs.

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Biologie et forêt

Nous pensons que c'est la conjonction, à un certain moment et à certains endroits, de tout ou partie de ces facteurs, qui a provoqué le dépérissement . En forêt d'Ainhoa, la très faible profondeur des sols, leur texture limino-sableuse, la très forte pente et l'exposition, ont sans doute suffi pour provoquer un « stress physiologique très fort . Ailleurs, comme à Mixe, d'autres facteurs ont dû entrer en ligne de compte.

Reste à expliquer pourquoi, malgré sa mauvaise adaptation écologique, le Chêne pédonculé tient une place si importante dans les forêts des coteaux basques et béarnais . Pour cela il faudrait pouvoir reconstituer l'histoire de ces forêts.

Il est vraisemblable que la dominance absolue actuelle du Chêne pédonculé a une origine anthro- pique . A l'origine, ces forêts devaient être beaucoup plus mélangées de Hêtre et de Chêne tauzin (4).

Par le traitement en taillis et taillis-sous-futaie, l'homme a très fortement réduit la part du Hêtre et on sait que c'est l'Oïdium qui a fait disparaître au début du siècle les Chênes tauzins . Le Chêne sessile ayant toujours dû occuper une place réduite du fait de la concurrence du Tauzin, le Chêne pédonculé a pu d'autant plus facilement occuper les places vides que son tempérament héliophile le favorisait grandement pour cela . Et c'est ainsi qu'on a dû arriver à une situation écologiquement déséquilibrée.

PRÉVENTION ET RECONSTITUTION

Une fois le diagnostic établi, il s'agit de voir quelles sont les possibilités d'action du forestier ; d'abord pour reconstituer l'état boisé là où il a été détruit, ensuite pour empêcher le renouvellement de semblables dépérissements.

Pour la reconstitution, la gamme des résineux susceptibles de donner de bons résultats dans les Pyrénées-Atlantiques est bien connue . Ce sont le Pin laricio, le Douglas et, dans une moindre mesure, le Pin radiata et le Cryptomeria.

Pour les feuillus auxquels les populations locales sont très attachées, la présente étude a montré l'intérêt du Hêtre et du Chêne sessile, résistant bien à la sécheresse et, d'autre part celui du Chêne rouge, qui se révèle supérieur aux essences indigènes précédentes pour la croissance, et qui possède une plasticité écologique plus large.

Pour le Tulipier de Virginie, les quelques références existant actuellement témoignent de qualités écologiques similaires avec une sensibilité parasitaire moindre et des qualités technologiques supérieures . Cette essence exotique apparaît donc comme très prometteuse pour cette région.

Deux types d'action préventive peuvent être envisagés :

— d'abord une typologie des stations qui, en plus de son intérêt général, doit permettre un classement de celles-ci en fonction des facteurs de sensibilité précédemment définis . Elle doit aussi, par voie de conséquence, permettre de définir celles où le Chêne pédonculé est à sa place et où le sylviculteur doit le favoriser, et au contraire, celles où une diversification ou une substitution d'essences est à rechercher (les pentes) ;

— enfin, s'il n'est guère envisageable d'agir sur la texture et la structure du sol (il faudrait marner), il est par contre possible de remonter » le niveau de fertilité des sols par chaulage et apports d'engrais phosphatés . L'apport de scories qui combine les deux opérations semble un choix judicieux . De plus, une meilleure alimentation minérale entraînerait, outre une meilleure croissance, une meilleure résistance physiologique.

(4) On remarquera d 'ailleurs que plus les massifs forestiers sont importants en surface et plus ils sont variés en essences.

Le cas de la Forét de Mixe est typique à cet égard .

(13)

P . DURAND - J . GELPE - B . LEMOINE - J . RIOM - J . TIMBAL

CONCLUSIONS GÉNÉRALES

Par la multiplicité des facteurs susceptibles d'entrer en jeu, les phénomènes de dépérissement sont généralement très complexes, et cela d'autant plus que, les chercheurs étant le plus souvent appelés trop tard, une grande partie des processus dynamiques initiaux, très importants à connaître pour la compréhension du déterminisme de ces phénomènes, échappe à leurs investigations.

Le dépérissement du Chêne pédonculé dans les Pyrénées-Atlantiques n'échappe pas à cette règle.

Cela permet de tirer, une nouvelle fois . les enseignements suivants :

• D'abord, la nécessité d'une surveillance phytosanitaire sérieuse de la forêt, pour le dépistage précoce des attaques de ravageurs et des débuts de dépérissement.

• Puis, l'intérêt de disposer d'une typologie stationnelle, afin de pouvoir, d'une part replacer les processus de dépérissement dans un cadre écologique précis, d'autre part connaître le classement des différents types de station en fonction de leur sensibilité à certains risques potentiels, enfin de pouvoir juger de l'état éventuel de dégradation ou d'artificialisation (par rapport au groupement climax) de certaines zones.

• L'intérêt des deux méthodes complémentaires pour la nécessaire étude de l'évolution du dépé- rissement : la télédétection de basse altitude qui permet le suivi arbre par arbre sur une surface relativement grande, et la dendrochronologie qui permet de consulter en quelque sorte « la mémoire des arbres ».

• L'importance de l'histoire des forêts sur leur composition actuelle, et en particulier, de l'impact de l'action humaine, directe ou indirecte, qui peut fournir une explication à certaines inadaptations écologiques qui sont révélées et ' sanctionnées » à l'occasion de certaines circonstances climatiques exceptionnelles.

• La nécessité d'accroître nos connaissances sur les exigences écophysiologiques des grandes essences forestières, en particulier sur le plan hydrique.

• Enfin, la nécessité d'une équipe multidisciplinaire pour l'étude de ces phénomènes écologiques complexes et, partant, la nécessité de pouvoir en mobiliser une rapidement en cas de besoin.

P . DURAND, J . GELPE, B . LEMOINE, J . RIOM, J . TIMBAL Laboratoire de Sylviculture et d'Ecologie de la Pinède landaise STATION DE RECHERCHES FORESTIÈRES DE BORDEAUX (I .N .R .A .)

Pierroton 33160 CESTAS.

BIBLIOGRAPHIE

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Revue forestière française, n° 2, 1978, pp . 103-113.

BECKER (M .), LÉVY (G .) . — Le dépérissement du Chêne en forêt de Tronçais . — Note I .N .R .A .-C .N .R .F ., 4 p.

BOIFFIN (J .), SEBILLOTE (M .) . — Climat . stabilité structurale et battance . — Annales agronomiques, n° 3, 1976, pp . 295-327.

DURAND (Ph .) . — Ecologie du dépérissement du Chène pédonculé dans les Pyrénées-Atlantiques . — Mémoire de 3° année de I'E .N .I .T.E .F . Laboratoire de Sylviculture et d'Ecologie de la Pinède landaise de Bordeaux — Pierroton, 1982 . 222 p + 1 carte.

RIOM (J .), LEBLAN (J .) . — Le dépérissement du Chêne pédonculé dans les Pyrénées-Atlantiques étude par photographies aériennes . Situation 1980. — Document I .N .R .A .-O .N .F.-Bordeaux, 1980 . — 45 p.

ROL (R .) . — Le dépérissement des chéries . —Revue forestièrefrançaise . 1951, pp . 707-709.

TIMBAL (J .) . — Premier rapport sur le dépérissement du Chêne dans les Pyrénées-Atlantiques . — Doc I .N .R .A.

Laboratoire de Sylviculture et d'Ecologie de la Pinède landaise, 1981 . — 5 p.

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