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Intégration de l'analyse multicritère pour le pilotage réactif des systèmes de production

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-01876107

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Submitted on 18 Sep 2018

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Intégration de l’analyse multicritère pour le pilotage réactif des systèmes de production

Damien Trentesaux, Christian Tahon

To cite this version:

Damien Trentesaux, Christian Tahon. Intégration de l’analyse multicritère pour le pilotage réactif des systèmes de production. Journal Européen des Systèmes Automatisés (JESA), Lavoisier, 1998, 32 (5-6), pp.693-723. �hal-01876107�

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pilotage réactif des systèmes de production

Damien Trentesaux — Christian Tahon

Equipe Génie Industriel et Logiciel

Laboratoire d'Automatique et de Mécanique Industrielles et Humaines, Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis,

Le mont Houy, B.P. 311, 59304 Valenciennes cedex, France.

Damien.Trentesaux@univ-valenciennes.fr

RESUME.A partir du constat que l’opérateur humain doit être nécessairement intégré dans le processus de pilotage pour faire face à la complexité croissante des modèles et des décisions, nous mettons en évidence deux problématiques précises. La première porte sur l’intégration de l’opérateur en prenant en compte ses contraintes propres (contraintes cognitives). La seconde porte sur la capacité de l'approche adoptée à faire face à cette complexité. Nous montrons alors que l'exploitation d’une approche multicritère qui présente comme paradigme d’aider à la résolution de problèmes peu structurés contribue à la prise en compte de ces contraintes cognitives. En outre, nous illustrons le fait que cette approche, couplée à la définition d'une structure de pilotage spécifique, permet de gérer l'accroissement du besoin en réactivité et par conséquent, l’accroissement de la complexité.

Nous appliquons nos propos à une structure de pilotage égalitaire et supervisée d’un système de production en élaborant puis évaluant l'impact d'une liste de critères sur le respect des objectifs globaux, mettant ainsi en évidence la faisabilité d’un pilotage multicritère.

ABSTRACT. The human operator must necessarily be integrated into the production control process to face the increasing complexity of models and decisions. From this fact, we point out two specific problematics. The first one focuses on this integration taking into account the operator’s constraints (cognitive constraints). The second one deals with the ability of the selected approach to face such a complexity. Then we show that the multicriteria approach focusing on the paradigm of the decision aid for ill-structured problems contributes to the taking into account of the cognitive constraints. Moreover, we enlighten the fact that this approach, linked with a specific production activity control structure, enables to manage the increase of the need for reactivity, and as a consequence, the increase of complexity. We apply our proposal to a supervised and distributed production activity control structure by developing and evaluating the impact of a criteria set on the respect of global objectives, which point out the feasibility of a multicriteria control.

MOTS-CLES : pilotage, réactivité, aide multicritère à la décision, coopération distribuée.

KEYWORDS : production control, reactivity, multicriteria decision support, distributed cooperation.

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1. Introduction

Cet article1 s’insère dans la continuité des travaux exposés dans [TRE 98a] où la prise en compte du besoin croissant en réactivité a été corrélée avec la complexité croissante du pilotage et la diminution de la structuration des décisions.

Pour faire face à cette diminution, nous avons alors montré que l’opérateur humain doit être nécessairement intégré au processus de pilotage pour obtenir un niveau de réactivité suffisant. Nous avons cependant mis en évidence qu’une telle intégration entraîne de nombreuses contraintes d’ordre cognitif au niveau de l’opérateur. Les résultats de l’analyse sur l’optimisation de l’intégration de l’opérateur, prenant en compte l’ensemble de ces contraintes, nous ont amenés à considérer en première analyse la notion “d’interface avancée”. Une des perspectives envisagées concernait l’analyse de l’apport éventuel d’une approche multicritère. Cet article, qui a pour objet de montrer l’adéquation de cette approche à notre contexte, est organisé comme suit : les deux premières parties résument les travaux exposés dans [TRE 98a]. Les troisième et quatrième parties détaillent l’intégration de l’approche multi-critère au niveau du pilotage réactif. Enfin, les deux dernières parties présentent le cas d’application support de nos propos.

2. Pilotage, complexité et réactivité

Les travaux réalisés portent sur le pilotage des systèmes de production, c’est à dire au niveau de la gestion temps réel par opposition à la gestion prévisionnelle.

Cette dernière assure l'anticipation et la programmation d'un ensemble d'actions ou de décisions pour pallier l’inertie du système de production (délais de production, d’approvisionnement, etc.), alors que le niveau pilotage élabore les décisions et les actions qui sont réalisées en temps-réel et qui sont donc déclenchées par un ensemble d'événements liés à l'état courant du système de production.

Le pilotage doit établir constamment un compromis entre les ordres issus de la gestion prévisionnelle et les actions réellement effectuées au niveau du système de production. La problématique principale du pilotage est donc d’assurer la cohérence des décisions avec les contraintes imposées par la gestion prévisionnelle en terme de décisions ou d'objectifs et les contraintes imposées par le système physique.

La complexité des systèmes est mise en évidence d’une part par le nombre important, la diversité et le haut niveau de couplage entre des composants tant matériels qu’humains et d’autre part par la dynamique du système qui est soumis à des perturbations internes (fonctionnement, etc.) et externes (demande, etc.).

1Un exposé correspondant à cet article a été présenté aux 4èmes journées du Groupe de Recherche en Productique organisées à Cachan les 16-17/10/1997, session “Coopération dans un contexte distribué pour la gestion et le pilotage des systèmes de production", thème “Gestion de production”.

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L'accroissement de cette complexité est en partie due à l'accroissement du besoin en réactivité. En effet, la réactivité, c'est à dire, la capacité à réagir efficacement face à ces perturbations, est de plus en plus nécessaire à la survie d’une entreprise dans un environnement fortement concurrentiel (maintien des parts du marché, respect des délais clients, etc.). Ceci requiert de modéliser de plus en plus fidèlement possible le système de production, son environnement et les interactions entre ses différents composants. Ainsi, au fur et à mesure que ce besoin croit, la complexité du modèle s'accroît, et parallèlement, celles des décisions. Ceci se traduit par une diminution sensible de la structuration du problème. Une solution consiste alors à intégrer l’opérateur dans le processus de pilotage, car il est le seul à pouvoir gérer un tel contexte décisionnel peu structuré [TRE 98a].

3. Intégration de l’opérateur humain

3.1. Problématique et objectifs cognitifs

Nous avons montré qu’une telle approche contribue à l’accroissement de la réactivité décrite en terme de robustesse du système de pilotage (respect des objectifs malgré la modification des caractéristiques du système de production ou l’absence d’information) et en terme de capacité à rejeter les perturbations (aléas internes et externes, compatibles ou non avec les objectifs de production).

Cependant, cette intégration dans un environnement fortement réactif, et donc nécessairement complexe, n’est pas sans poser un certain nombre de problèmes d’ordre cognitif [TRE 98a] :

(i) l’opérateur doit faire face à un ensemble de décisions et contextes identiques : la complexité peut induire en erreur l’opérateur car la sensibilité aux conditions initiales des systèmes de production (“effet papillon”) nuit à la copie des décisions et des contextes.

(ii) l’opérateur doit prendre ses décisions dans un délai fixe difficilement chiffrable : un temps alloué pour la décision important par rapport à ce délai nuit aux performances globales du système car il retarde les décisions, un temps faible également car la qualité des décisions prises est alors réduite.

(iii) l’opérateur doit faire face à des occurrences de besoins décisionnels non maîtrisés, ce qui peut conduire ou à la surcharge de travail (stress) ou au manque de travail (diminution de l’intérêt porté par l’opérateur).

(iv) l’opérateur peut difficilement développer un modèle mental des causalités des événements et des effets des décisions. Ceci induit une difficulté à traduire des objectifs implicites, à évaluer des décisions et à réagir correctement face aux aléas.

(v) l’opérateur, en tant qu’utilisateur final, est rarement spécialiste dans le domaine de l’interaction homme-machine. Il est en outre limité en terme de

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mémorisation et de capacité de calcul, ce qui nuit à la gestion efficace de l’ensemble des données des systèmes complexes.

(vi) contrairement à un pilotage automatisé, l'opérateur est responsable juridiquement de ses actes : il doit être capable de justifier ses décisions.

En terme de cahier des charges, ces 6 points se traduisent par les objectifs cognitifs suivants [TRE 98a] :

- maximiser la confiance en soi de l’opérateur tout en évitant la “sur-confiance”

en soi, en référence aux points (ii) et (iv) et (v),

- maximiser la confiance dans le système de pilotage, en référence principalement au point (iv) et (vi).

- optimiser la charge mentale, en référence aux points (i), (ii), (iii) et (v).

Pour contribuer à la réalisation de ces objectifs, nous avons en premier lieu focalisé nos travaux sur “l’acquisition” des informations par l’opérateur, en proposant le concept d'“interface avancée” [TRE 98a]. Nous avons montré qu’une telle approche permet d’accroître les performances globales du système de pilotage en diminuant le temps alloué à la compréhension d’un problème et de son contexte par l’opérateur et en augmentant la quantité et la qualité de l’information échangée entre le système de pilotage et l’opérateur.

Ces travaux, permettant de justifier par ailleurs l'intérêt de définir un système d'aide à la décision, ont été restreints à la phase d'information. Il est ainsi nécessaire d’intégrer la phase de conception du problème (élaboration des différentes alternatives) et d'évaluation des solutions.

Dans cet article, nous restreignons notre étude à l'évaluation relative d'un nombre fini d'alternatives, suite à leur élaboration. Autrement dit, nous nous focalisons exclusivement sur la comparaison d'un nombre fini d'alternatives dans le but d'élaborer un choix ("quelle convoyeur sélectionner?"), un tri ("dans quel ordre gérer le stock d'entrée?") ou un regroupement ("quelles sont les ressources envisageables?"). Nous ne nous intéresserons donc pas à la conception des différentes alternatives possibles ni à la méthode qui permet d'obtenir les informations à partir desquelles ces alternatives vont être évaluées. Nous analyserons ainsi les approches envisagées au niveau de leurs capacités à aider l'opérateur dans cette phase d'évaluation tout en prenant en compte les objectifs cognitifs. Suite à cette analyse, nous présentons et justifions une aide selon une approche multicritère qui sera ainsi restreinte à la phase d'évaluation. Cette démarche peut toutefois être exploitée en phase de conception de solutions lorsque des choix intermédiaires sont à réaliser.

Les deux parties suivantes évaluent les apports des approches optimales et non- optimales par rapport à ces contraintes cognitives. Dans la suite de cet article, la notion d’optimalité fait référence à la possibilité d’obtenir une solution prouvée optimale à partir d’un ensemble de données, un ensemble d’hypothèses et une fonction objectif.

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3.2. Approches optimales pour l'évaluation d'un ensemble fini d'alternatives Ces approches exploitent des algorithmes de recherche opérationnelle basés principalement sur une optimisation d’un problème soit à variables continue (programmation linéaire, programmation linéaire paramétrée, approche etc.) soit à variables discrètes (programmation à variables entière, etc.). Nous incluons de même l'utilisation de règles de décision (EDD, SPT, etc.) car elles correspondent en fait à l'optimisation d'une fonction (minimisation d'une durée, d'un coût, etc.) lors d'une évaluation.

L'aide à l'évaluation consiste donc à fournir une solution optimale en fonction d'un ensemble de contraintes et d'une unique fonction d'utilité.

L'avantage d'adopter cette approche se situe principalement au niveau de l'optimalité prouvée de la meilleure solution. L'opérateur est alors assuré de la qualité de l'évaluation de la part de l'outil.

Le premier inconvénient se situe au niveau de la complexité inhérente à l'ensemble de ces méthodes qui ont été développées dans un but exclusif d’automatisation (analyse combinatoire, calcul matriciel, propagation de faits ou de règles, etc.). Ces approches sont fortement compatibles avec le fonctionnement algorithmique d'un ordinateur mais ne sont que très peu compatibles avec les caractéristiques cognitives de l'opérateur comme indiqué par exemple au point (v).

Une autre conséquence se situe, en rapport avec le point (vi), au niveau de la responsabilisation des actes de l'opérateur qui, ne maîtrisant pas forcément la complexité ni la causalité des résultats donnés par la méthode, peut ne pas prendre le risque de se baser sur l'évaluation proposée. La conséquence de ce premier inconvénient est donc que la confiance de l'opérateur dans le système est naturellement réduite et peut mener au rejet du système complet, en contradiction avec chacun des trois objectifs cognitifs présentés.

Un second inconvénient de cette approche se situe au niveau de la conception de la fonction d'utilité. La majeure partie des méthodes se focalisent en effet sur l'optimisation d'un problème sans s'attacher à une éventuelle analyse de l'impact et de la représentativité des paramètres par rapports aux objectifs recherchés.

Cependant, certaines méthodes (par exemple, la programmation paramétrée) offrent une analyse de robustesse des résultats mais la complexité de l'ensemble croit très rapidement. De ce fait, tout comme pour l'inconvénient précédent, et par rapport aux objectifs cognitifs, une telle approche peut mener à une diminution de la confiance dans le système.

Un troisième inconvénient se situe au niveau de la rigidité et de la faible capacité d'adaptation de la méthode à un environnement dynamique et complexe. Par exemple, l'intégration des contraintes fugitives (commande urgente, préférence pour une machine à une autre pour raison personnelle ou professionnelle telle que respectivement l'habitude d'utilisation ou la rentabilité anticipée d'un investissement, problème de transport à cause de grève, etc.) est très difficile à réaliser. En outre, les méthodes optimales impliquent une simplification de la réalité qui peut nuire à la

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qualité de l'évaluation. Ainsi, le niveau de crédibilité de la méthode diminue fortement et peut encore une fois mener au rejet de la part de l'opérateur.

En fait, le problème principal pour ce type d'approche est que l'opérateur qui pilote un système est généralement peu expert dans le domaine de la recherche opérationnel, il n'a donc pas sa place dans l’évaluation, ou trop peu : il subit le processus de “décision” plutôt qu'il n'y participe. La conséquence se situe au niveau de la diminution de la confiance de l’opérateur dans le système d’aide (compréhension du problème réduite, difficulté d’expliquer à l’opérateur les calculs effectués, aucune possibilité d’action de la part de l’opérateur, phénomène de la

"boîte noire", rigidité de la méthode, interaction fortement réduite, etc.).

En conclusion, ces points illustrent clairement le fait que, de par le besoin de prendre en compte un niveau de complexité croissant pour répondre au besoin de réactivité, les objectifs cognitifs ne peuvent être atteints avec comme approche de pilotage, une seule algorithmique d’optimisation. Ainsi, ce type d'approche bien adaptée et largement reconnue aux niveaux décisionnels à horizon plus large (planification, ordonnancement, approvisionnement, etc.) ne convient pas au contexte du pilotage.

3.3. Approches non optimales pour l'évaluation d'un nombre fini d'alternatives Pour pallier à ces inconvénients, une deuxième approche consiste à perdre l'optimalité au profit de la recherche d’une solution satisfaisante ou d’un compromis.

De ce fait, il est parfois possible de simplifier la méthode tout en accroissant la représentativité des hypothèses.

Une première catégorie d'approches non optimales s'attache à l'utilisation d'heuristiques (méthode tabou, réseaux de neurones, recuit simulé, algorithmes génétiques, programmation par contraintes, etc.) principalement dans le but de construire, et ce, de manière similaire aux techniques optimales présentées ci dessus, une ou plusieurs solutions plutôt que de chercher à les comparer, voir par exemple le numéro spécial d'APII à ce sujet [API 95]. Cette première catégorie n'est donc pas prise en compte dans cet article.

La seconde catégorie est constituée des méthodes basées sur une approche multicritère (méthodes de surclassement, utilité multi-attribut, programmation multi- objectif, etc.). Le paradigme de base est celui de la perte de l'optimalité au profit de la recherche d'un compromis à partir d'un ensemble de critères plus ou moins contradictoires.

Les avantages de ces approches non optimales concernent principalement la possibilité d’adapter de manière plus réaliste le modèle support de la décision à la réalité et de permettre un niveau variable d’interactivité selon la méthode sélectionnée.

L’inconvénient majeur se situe au niveau de la difficulté d’évaluer la qualité de l’évaluation et l’influence théorique des paramètres sur celle-ci.

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Malgré cet inconvénient, nous montrons dans la partie suivante que l’approche multicritère semble plus adaptée que les méthodes optimales aux objectifs cognitifs cités et à certaines contraintes techniques exposées ci après.

4. Les objectifs cognitifs et l'approche multicritère à cardinal fini 4.1. Concepts

De très nombreuses références traitent de la théorie de l’approche multicritère et de ses applications industrielles : [FOD 94], [POM 93], [ROY 85], [ROY 93], [SAA 80], [SCH 85], [STE 83], [TAB 94], [VIN 89], [ZEL 82], etc. Plusieurs synthèses ont été réalisées en vue d’élaborer une typologie de problèmes à caractère multicritère (voir par exemple [KOR 92]). Plusieurs applications ont été développées en environnement industriel : [TAB 88] détaille l'intégration de l’approche multicritère au sein de plusieurs fonctions industrielles ; [GAN 95] pour la conduite de processus continus ; [BEL 92] et [DEC 82] traitent du problème de l’ordonnancement multicritère. [POM 93] fournit de très nombreux exemples divers appliqués à l'industrie.

Une approche multicritère a pour principe de s’appuyer sur des hypothèses proches de la réalité, et d’utiliser des méthodes de traitement de données moins complexes [ROY 93]. L’objectif n’est plus de trouver une solution optimale en agrégeant au maximum les informations, mais plutôt de proposer un compromis efficace en exploitant le maximum d'information explicite ou implicite. Ce compromis est réalisé en fonction de l’objectif de résolution qui peut-être principalement, dans le cas d’un nombre fini d'alternatives [ROY 93] :

- élaborer un choix (problématique de choix), - élaborer un tri par catégorie (problématique de tri), - élaborer un classement (problématique de rangement).

Une méthode multicritère à cardinal fini d'alternatives peut, dans la majorité des cas, se baser sur une matrice de décision qui comporte le maximum d’information nécessaire au traitement. Elle est élaborée à partir d’un ensemble de choix potentiels (alternatives). Chacun de ces choix est évalué en regard d’un critère qui représente le jugement d’une réalité correspondant à un axe de signification précis.

4.2. L’approche multicritère et les objectifs cognitifs

Un des préceptes de base de l’approche multicritère est qu’un système informatisé n'est certainement pas capable d'intégrer toutes les données qui peuvent être intéressantes ou requises afin de prendre une décision satisfaisante voire réaliste. C’est pourquoi, l’approche multicritère stipule clairement que l’opérateur humain est une composante essentielle du processus de décision. Les méthodes sont par ailleurs souvent interactives pour permettre une construction itérative de la

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solution. Ainsi, l'opérateur est libre d'aiguiller la stratégie menant au compromis à partir d'informations non nécessairement prises en compte dans la matrice de décision (implicite, imprécise, incomplète, etc.) et à partir d'éventuelles préférences personnelles. Ceci implique nécessairement une amélioration de la connaissance de l'opérateur qui peut confronter son expérience à l'aide de l'interaction et de la notion de compromis, ce qui lui permet de développer son expérience propre, un apprentissage et une exploration [POM 93]. Ceci est compatible avec les objectifs cognitifs présentés. Afin de faciliter l'interaction entre l'opérateur et le système de pilotage et d’accroître les capacités de l'approche multicritère dans le domaine de la responsabilisation des décisions et capitalisation des expériences, l'interface entre l'opérateur et le système peut être alors réalisée sous la forme d'un système d'aide multicritère à la décision (cf. par exemple, le concept "what if? - que se passe t-il si?" pour l'exploration, et le concept du "raisonnement à base de cas" pour la capitalisation de l'expérience).

D’autre part, il faut noter que, selon Schärlig : "l'utilisateur a peur de la complexité" et Pomerol :" la confiance du décideur se porte naturellement sur les méthodes simples". Le premier point fait référence à la confiance en soi alors que le deuxième point fait référence à la confiance dans le système. Comme indiqué ci- dessus, le concept de base de l’approche multicritère est cohérent avec les objectifs cognitifs portant sur la confiance (en soi et dans le système) : Ce concept stipule qu’il est plus utile de simplifier la méthode de résolution que d’imposer des hypothèses de travail réductrices de la réalité, autrement dit, l'effet "boite noire" est atténué.

L'ensemble de ces points montrent clairement que la décision est alors sous la responsabilité de l'opérateur qui est capable en outre de développer une capitalisation des expériences, ce qui contribue de façon notoire au respect des objectifs cognitifs.

Cependant, outre la perte de l'optimalité, certains inconvénients peuvent être mis en évidence.

Le premier concerne la majorité des méthodes et porte sur la définition des paramètres : les seuils, la sensibilité aux valeurs, aux poids (le cas échéant), la nature des critères, la traduction des objectifs de production en critères. Le tout contribue à réduire le niveau de confiance de l'opérateur. Inversement, il est parfois possible de calculer le paramétrage suffisant pour obtenir un choix particulier. Ce qui n’est pas sans conséquence pour la crédibilité de l’approche multicritère. Cependant, il faut noter un effort conséquent développé par de nombreux auteurs afin de résoudre ce problème (méthodes d'obtention des pondérations des critères, méthode d'analyse de sensibilité, analyse de la cohérence de familles de critères, intégration de la logique floue, etc.).

Ensuite, lors de la prise de décision, il est fort possible que le processus décisionnel mène soit à l'existence de plusieurs solutions incomparables, soit à l'absence de solution, ou enfin à identifier l'ensemble des alternatives comme solution. C’est le cas, par exemple, lorsqu’une méthode utilise la notion de noyau (problématique de choix) pour établir un sous-ensemble d’alternatives satisfaisantes.

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Il est alors nécessaire de procéder à une étude complète du graphe des relations afin de pouvoir extraire un noyau le plus réduit possible.

4.3. L’approche multicritère et les contraintes techniques

Par contrainte technique, nous entendons une contrainte fixée par le cadre général de bon fonctionnement d'un système de production et des objectifs généraux pour le pilotage en terme de réactivité. Ces contraintes peuvent être déclinées de manière plus précise selon le système de pilotage adopté, comme illustré dans la partie présentant l'application.

L’analyse multicritère appliquée au niveau du pilotage nous pousse tout d’abord à analyser les processus décisionnels au niveau du pilotage comme résultat d'un compromis entre des critères conflictuels exprimés principalement en terme de coût, délais ou qualité. L'allocation dynamique d'un tâche par exemple, est un processus décisionnel qui résulte d'une étude portant sur des critères de coût de production, de temps de changement de série, de temps de convoyage, de temps d'attente dans le stock amont, de qualité de production, etc.

La réactivité est alors nécessairement intégrée d’un point de vue multicritère par la gestion de ces conflits à partir de données brutes issues des capteurs, des bases de données ou des logiciels d’ordonnancement, facilitant notamment l’intégration des contraintes ressources (usure, etc.).

D'autre part, l'intégration des contraintes de flux (préférence pour une ressource, commande urgente, prise en compte des temps de transport) est possible de par l'intégration et le rôle de l'opérateur dans le processus de décision.

En outre, et dans le cas où la complexité du problème est telle que la charge mentale de l'opérateur trop élevée nuit à la réactivité du système, il peut être envisageable de décomposer le problème en sous-problèmes multicritères afin de respecter au mieux les contraintes techniques. De manière plus générale, il est alors envisageable de modifier la structure du système de pilotage (de centralisée à décentralisée) pour permettre de conserver à la fois une réactivité locale tout en proposant un contrôle spécifique pour conserver un niveau de réactivité global du système à un niveau suffisant [TRE 98b]. Ce point sera également illustré dans la partie portant sur l'application de nos propos.

Malgré cela, les domaines d'applications et les demandes concernent majoritairement (et historiquement) les niveaux stratégiques et tactiques où, à la différence de notre contexte, la contrainte temporelle importe peu durant le processus décisionnel et où l'analyse est sous la responsabilité d'un expert dans le domaine de l'aide multicritère. Ce dernier gère ainsi l'ensemble du projet sur une longue durée : extraction des connaissances, interaction entre les intervenants et leurs objectifs, proposition des solutions satisfaisantes, discussions, etc. Les méthodes définies dans la littérature sont alors logiquement adaptées à l'intervention d'un expert non contraint par le temps. C'est pourquoi, excepté [TAB 94], nous ne connaissons pas d’applications de l'approche multicritère en environnement décisionnel temps-réel. De ce fait, nous concluons que, bien que l'approche

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multicritère soit adaptée à notre contexte, il n'existe pas de méthodes qui le soient réellement (opérateur non expert en la matière, temps contraint, etc.). Or, nous avons montré qu'une telle approche est fortement compatible avec la problématique du pilotage (prise en compte des objectifs cognitifs tout en permettant de conserver les contraintes techniques de réactivité au niveau du pilotage). Ainsi, nos travaux portent, en accord avec les objectifs cognitifs, sur le développement d'une méthode multicritère basée sur la notion d’”interface avancée” présentée auparavant.

L’objectif est donc de conserver un niveau d'interactivité et d'aide multicritère suffisant malgré notamment la contrainte temporelle et le faible niveau d’expertise de l’opérateur. Ce dernier sera alors capable de percevoir directement un compromis multicritère et l'état du système sans devoir interpréter mathématiquement les données.

La partie suivante détaille un cas d'application pour illustrer concrètement la possibilité d'intégrer une évaluation multicritère pour piloter le système de production par l'intermédiaire d'une structure de pilotage égalitaire et supervisée.

5. Application au pilotage égalitaire supervisé 5.1. Concepts

L'objectif global du pilotage d'un système de production est généralement décliné en objectifs de coût, délai et qualité. Nous supposons que, dans cette partie, cette problématique multicritère est trop complexe pour être appréhendée dans sa globalité par un opérateur (cf. partie précédente). Nous proposons donc de décomposer ce problème pour le résoudre partiellement et localement. La structure proposée doit permettre d'intégrer l'ensemble des décisions locales tout en garantissant une cohérence globale par rapport aux seuls objectifs réellement exprimés qui sont, eux, globaux. Ceci se rapporte à la problématique de la coopération distribuée.

Pour ce faire, nous proposons une structure de pilotage fondée sur une approche de pilotage à ordonnancement prévisionnel partiel qui cherche le meilleur compromis entre les structures hiérarchiques et égalitaires d’une part, et les approches avec ordonnancement total ou sans ordonnancement d’autre part. La structure générique adoptée est de type égalitaire supervisée, cf. fig. 1 [TRE 96].

Cette structure a été appliquée au niveau du pilotage ainsi décomposée en deux niveaux : agent et supervision. Le niveau agent est composé d’un ensemble d’agents coopératifs (nommés station intégrée de pilotage : SIP) qui sont composés de cinq sous-systèmes de décision, d’information de communication, d’interface et d’information. Nous discernons deux types de coopérations (figure 2) :

- “verticale” entre l’opérateur et l’agent. L’opérateur humain est responsable des décisions locales,

- “horizontale” qui décrit l’interaction et la coordination entre agents.

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Chaque SIP est responsable d’un ensemble de ressources de production.

Approche égalitaire supervisée

Centre de décision Centre de production Ordres

Informations de suivi

Coordination Niveau

Agent Niveau objet Niveau Superviseur

Figure 1. Structure générique de type égalitaire supervisée

Le niveau superviseur correspond à la SIP assurant la supervision des SIP du niveau agent. Cette SIP est elle aussi associée à un opérateur. Elle peut également contrôler directement un ensemble de ressources et participer ainsi au processus de production.

Le rôle du superviseur est principalement de détecter dynamiquement la ressource goulet en fonction des charges de production et de gérer la cohérence globale des décisions locales. Les données prises en compte pour réaliser l’ordonnancement du goulet sont issues de l’état courant et de la charge réelle du système de production.

La détection et l’ordonnancement d'une ressource goulet constituent une démarche événementielle déclenchée par exemple par l’apparition de nouveaux ordres de fabrication.

De cette manière, le sous-ensemble des opérations planifiées correspond aux opérations qui doivent être réalisées sur la ressource goulet durant la période considérée.

Le concept de charge PMD (potentielle, maximale et dynamique) contribue à la désignation de la SIP goulet. Elle est définie pour un ensemble de tâches à effectuer et qui ne sont pas commencées à une date donnée. Le superviseur évalue en premier lieu les tâches qui peuvent être réalisées par chaque ressource en fonction des ordres de fabrication et des gammes opératoires. Il évalue ainsi le temps nécessaire à chaque ressource pour réaliser l'ensemble des tâches qui peuvent lui être allouées.

Les différents temps caractéristiques du processus de fabrication sont pris en compte (temps opératoires, temps de préparation, temps de changement outil, temps de réglage, etc.). C’est en ce sens que la charge PMD est maximale. Elle est potentielle dans le sens où une opération qui peut être réalisée sous le contrôle d’une SIP ne sera pas nécessairement effectuée sous le contrôle de cette SIP. Elle est dynamique

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dans le sens où le calcul de la charge peut être activé de manière événementielle, voire périodique, en utilisant la notion de filtre événementiel définie dans [PES 97].

SIP Opérateur Coopération

verticale

Ressource

Ressource Ressource

SIP Opérateur

SIP Opérateur

Ressource Ressource

Coopération horizontale Niveau

Agent

Contrôle local

Niveau Objet

SIP Superviseur Opérateur Coopération

verticale

Ressource Niveau

Superviseur

Figure 2. Structure de pilotage égalitaire supervisée

Le résultat correspond donc au temps maximum que pourrait passer une ressource sur un ensemble de tâches encore non réalisées. Si une opération est en cours sous le contrôle d’une SIP particulière, alors les temps opératoires ne sont pris en compte que pour cette SIP.

La ressource la plus contraignante a priori est la ressource qui présente la charge PMD maximale. Cette ressource constitue la ressource goulet jusqu’au prochain événement qui provoquera la ré-évaluation des charges et l’identification de la nouvelle ressource goulet. Le superviseur ordonnance alors cette ressource en fonction des objectifs globaux de production (juste à temps, au plus tôt, etc.).

Les tâches non planifiées sont allouées dynamiquement au cours du processus de fabrication selon un protocole de communication. Puisque, par définition, les ressources non ordonnancées ne sont pas goulet, elles disposent d'une marge temporelle pour absorber les perturbations. Si une perturbation trop conséquente influe sur le respect de l'ordonnancement partiel, une SIP peut avertir du besoin de ré-évaluer les charges et mener ainsi à établir un nouvel ordonnancement.

Une première extension de cette méthode est en cours d'évaluation. Elle répond au problème de l'accroissement artificiel de la charge PMD associée aux ressources qui sont polyvalentes par rapport à celles qui sont spécialisées. Cette extension consiste, lors du calcul de la charge PMD d'une SIP, à pondérer la durée de

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l'opération par l'inverse du nombre de ressources capables de la réaliser. Par exemple, dans le cas où trois SIP sont capables d'effectuer une opération, les charges PMD de ces trois SIP sont incrémentées chacune du tiers de la durée totale de cette opération. Cette extension permet ainsi de prendre en compte la spécificité des ressources sous la forme d'une probabilité d'affectation.

5.2. Liste de critères

En accord avec les trois axes de signification introduits auparavant, i.e., le coût, les délais et la qualité, il est possible de construire un ensemble de critère. Nous proposons les principaux dans la liste ci dessous.

5.2.1. Axe de signification : le coût (unité de mesure monétaire) Critère n°C1 : le coût de production

Nous découplons les critères qui sont naturellement explicités en terme de coût des autres critères. Il est clair que pour un industriel, une perte de temps se décrit en perte d'argent. C'est une approche par agrégation transitive (plus une machine est en retard sur son programme, plus les coûts sont élevés) qui réduit fortement l'intérêt d'intégrer une approche multicritère. C'est pourquoi ce premier critère doit être exempt de toute interprétation en terme d'unité de temps ou en terme de qualité.

C'est à ce niveau qu'une perspective des plus intéressante provient de l'exploitation de l'approche Activity Based Costing dont l'objectif est de définir un coût représentatif, fiable et capitalisé de chaque activité industrielle.

5.2.2. Axe de signification : le délai (unité de mesure temporelle) Critère n° D1 : temps opératoire d'une ressource pour une opération

Le temps opératoire représente le temps nécessaire à une ressource pour effectuer une tâche particulière. Les temps de préparation, de changement outil, de préchauffage, etc. sont exclus pour proposer une agrégation a priori minimale des données.

Critère n° D2 : temps de préparation d'une ressource pour une opération

Ce temps représente l'ensemble des opérations de préparation sur une machine pour une tâche donnée. Il est possible d'agréger les temps de changement outil, de préchauffage, de manutention, etc. En effet, cette agrégation ne nuit en rien à la spécification du critère.

Critère n° D3 : temps de transfert potentiel

Ce critère indique les temps de transfert entre ressources lorsqu'il est nécessaire.

Ce critère mesure le temps écoulé entre le stock de sortie d’une première SIP et l'arrivée du produit dans le stock d'entrée d’une seconde SIP.

Critère n° D4 : prochaine date de disponibilité

La prochaine date de disponibilité libre correspond à la date à partir de laquelle la SIP sera capable de réaliser, en théorie, une opération donnée. Ce critère ne prend

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pas en compte les éventuelles modifications de cette date liées par exemple aux allocations ou ré-allocations potentielles.

Critère n° D5 : marge potentielle libre du produit

Ce critère représente la marge libre pour un produit entre un instant t et la date de besoin du produit. Ce critère peut prendre les deux formes suivantes :

- “marge minimum” (en fonction de la date au plus tôt) qui décrit le temps libre en fonction de la date courante, de la date de besoin au plus tôt et des tâches qui restent à réaliser,

- “marge potentielle” qui décrit la capacité d'absorption d’un aléa de production sans provoquer de retard. Ce critère peut expliciter un phénomène largement usité dans le milieu industriel qui est celui de la priorité. Cependant, la notion de règle de priorité a pour inconvénient de provoquer la perte de l’information du retard car elle exprime une notion ordinale généralement par l’intermédiaire d’un nombre entier.

Nous lui préférons ainsi celle de marge potentielle.

Les données utilisées pour les critères D1 à D5 peuvent être quantitatives.

Cependant, il nous semble plus réaliste de les modéliser sous forme de données incertaines, puisqu'elles concernent un temps anticipé probable.

5.2.3. Axe de signification : la qualité (avec ou sans unité) Critère n°Q1 : taux d'usure

Ce critère regroupe l'ensemble des taux d'usures dont le décideur doit tenir compte lors d'un processus décisionnel. En effet, la qualité de production peut dépendre de l'état d'usure d’un outil.

Critère n°Q2 : caractéristique outil

Ce critère permet de prendre en compte le fait qu'un outil ou qu'un outillage soit considéré comme plus ou moins adapté à la nature de l'opération à effectuer.

Critère n°Q3 : niveau de spécialisation

Il est utile également de pouvoir prendre en compte la spécialisation de l'opérateur (critère N°Q3a) et de la machine (critère N°Q3b). Ce critère permet ainsi d'utiliser les compétences respectives. Une attention particulière doit être donnée à l'intégration du critère Q3a qui nécessite implicitement la diffusion parmi l’ensemble des SIP d’une évaluation de l’opérateur. Cet aspect psychologique doit être scrupuleusement étudié (suivi des performances de l'opérateur, statistiques, etc.).

Les critères Q1, Q2 et Q3 sont représentés sous forme de pourcentage. Le critère Q3 est un critère difficilement chiffrable dont la nature est sans dimension.

La liste de critères présentée nous semble suffisante pour constituer une base de critères capable de prendre en compte la plupart des cas industriels d’atelier job- shop. Il peut cependant être nécessaire de définir d'autres critères en fonction de la spécificité du système de production ou des objectifs de production. Par exemple, dans le cas d'un équilibrage de charge, un critère prenant en compte le nombre

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d'opérations réalisées ou le temps total productif pour chaque ressource peut-être utilisé. Un autre exemple concerne le cas où un des objectifs globaux est de réduire le niveau de stock moyen. Un critère particulier doit être élaboré pour représenter chaque aspect.

Dans la partie suivante, nous proposons un ensemble de processus décisionnels spécifiques à la structure de pilotage égalitaire supervisée. Nous analysons ces différents processus en fonction des critères présentés.

5.3. Liste des processus

Nous avons établi la typologie en fonction de la structuration des processus décisionnels. La complexité qui différencie les processus peu structurés des processus non structurés résulte de la difficulté pour le décideur à évaluer dans sa globalité (au niveau du système de production entier) et de manière relative les solutions envisageables. Par exemple :

- choix d’une remise en question ou non d’une allocation ou d’un ordonnancement : processus non structuré,

- dans l’affirmative, choix entre ré-ordonnancements : processus peu structuré ou structuré.

5.3.1. Processus peu structurés

Gestion du stock d'entrée d’une SIP

Ce processus décisionnel concerne le choix du séquencement de la réalisation des opérations. Il ne concerne généralement pas la SIP goulet qui est ordonnancée, sauf en cas de ré-ordonnancement local. De ce fait, le critère C1 est inutile car la tâche est déjà allouée. Il en est de même pour les critères D3, D4, Q1, Q2 et Q3.

Ainsi seuls les critères D1 (temps opératoire), D2 (temps de préparation) qui stipule qu'il peut-être intéressant d'éviter de modifier la configuration machine en réalisant une tâche de la même famille et D5 qui tient compte du temps disponible pour la réalisation de la tâche subsistent.

Séquencement des allocations

Que ce soit au niveau superviseur ou au niveau agent, lorsque deux opérations ou plus sont en stock de sortie, le séquencement des allocations influe sur les performances globales. Cette influence est encore plus sensible lors de la phase initiale d'allocation par le superviseur.

Le critère D5 est prépondérant pour déterminer l'ordre dans lequel les allocations sont à réaliser. Les critères D1 et D3 sont utilisés, ainsi que les critères C1, Q1 et Q2 pour prendre en compte des souhaits de rentabilité.

Allocation de tâche

Chaque SIP (y compris éventuellement le superviseur) doit allouer les opérations suivantes à réaliser sur un produit. De ce fait, tous les critères explicités auparavant excepté le critère D5 (qui n'est pas lié aux capacités des ressources) sont utilisés.

Ces sept critères montrent la complexité du processus d'allocation. La qualité des

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allocations conditionne fortement les performances d'un système de production égalitaire non supervisé. Ainsi, une allocation peu judicieuse peut causer des conséquences critiques sur l'ensemble du processus de production. Nous avons pu constater que l'approche par supervision permet de diminuer cette influence, et ainsi amoindrir l'importance de cette phase [TRE 98b].

Gestion des variables d’action locales

Chaque SIP est responsable d’un ensemble de ressources (production, convoyage, etc.). Il est donc nécessaire de spécifier les paramétrages de ces ressources (taux d’occupation, vitesse, etc.). Dans le cas d’une ressource de type machine, ces variables s’apparentent aux vitesses (taux) de production, à la taille des lots, aux capacité de stockage, etc. Pour une ressource de type convoyeur, elles s’apparentent à la vitesse de convoyage.

Re-ordonnancement local (modification de l'ordonnancement superviseur) Il est possible pour une ressource ordonnancée de remarquer un retard par exemple dans l'arrivée d'une tâche qui devrait être en cours de réalisation selon l'ordonnancement prévisionnel instauré par le superviseur. Dans le cas où une remise en question est décidée, il est nécessaire de trier les tâches en attente. Ce problème est donc typiquement celui de la gestion du stock d'entrée.

5.3.2. Processus non structurés

Choix de remise en question de l'ordonnancement prévisionnel

Ce processus décisionnel concerne le niveau de supervision. Il est clair qu'une telle décision requiert une expérience et une connaissance du système de production approfondie pour évaluer l'impact d'une événement au niveau global. Une première approche consiste à établir une typologie des cas qui nécessitent automatiquement une remise en question de l'ordonnancement. Certains événements s'intègrent aisément dans cette typologie. C'est le cas à chaque fois qu'une commande est lancée en production, car elle modifie le processus entier de fabrication. Mais la question se pose réellement dans le cas d'une ou plusieurs pannes machines. Il faut alors être capable d'évaluer l'impact de cette panne sur le séquencement des opérations pour justifier ou non du besoin de ré-ordonnancement. Cette évaluation est difficile à réaliser et fait explicitement appel à la connaissance et à l’expérience de l’opérateur humain, ce qui caractérise un processus décisionnel très peu structuré.

Choix de re-allocation d'une opération en cours

Le choix de réallocation peut-être réalisé à deux moments distincts :

- la tâche à ré-allouer n’a pas encore été commencée, ce qui correspond à la présence de l’opération dans le stock d’entrée. Ce cas de figure est possible si le moyen de production est en fonctionnement dégradé durant un certain temps. Dans ce cas, on peut décider de ré-allouer si possible les tâches en attente. Un module de gestion particulier doit prendre en compte une ré-allocation de ce type (l’opération passe alors du stock d’entrée au stock de sortie). La difficulté intervient lors de l’évaluation de la nécessité de la ré-allocation. Ceci dépend principalement du temps de non-disponibilité de la ressource de production.

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- la tâche à allouer est en cours de production. Ce processus décisionnel nécessite un niveau de supervision pour intégrer la modification sur la tâche à réaliser qui stipule que l’opération a été partiellement réalisée. Cela sous-entend qu’une telle réalisation partielle puisse être possible à la fois par la machine qui arrête sa production et à la fois par celle qui reprendra ce processus de production.

Dans tous les cas, la nature de la décision est identique au cas précédent et est associée à un processus décisionnel non structuré.

Choix de remise en question de l'ordonnancement partiel

Toutes les opérations qui correspondent à un produit présent dans le stock d’entrée de la ressource goulet sont planifiées. Le choix de remise en question doit être envisagée par exemple, dans le cas d'un retard. Une évaluation de celui-ci permet de réaliser une tâche (sous réserve qu’il y en ait une disponible) dont la durée est inférieure à la durée de retard estimé (une autre alternative consiste à ne pas tenir compte du retard et commencer l’opération suivante planifiée et présente sans attendre).

De manière générale, il est évident qu'une telle remise en question nuit fortement au respect des objectifs globaux car elle modifie le séquencement des opérations planifiées, et ce, bien qu'une modification de l’ordonnancement puisse éviter de rendre non-productive une ressource goulet (selon le principe de Goldratt). Une méthode systématique consiste à demander un ré-ordonnancement à chaque modification, mais cela imposerait au superviseur de procéder à ce ré- ordonnancement plus fréquemment.

5.3.3. Processus structurés Ces processus sont :

- calcul des charges potentielles, - choix de la ressource goulet, - élaboration de l’ordonnancement.

La catégorie des processus structurés peut-être gérée, par définition, sans intervention de l’opérateur humain selon une méthode algorithmique. De plus, une approche par optimisation est possible car l’ordonnancement concerne une seule ressource.

Cependant, de nombreux exemples récents (voir par exemple [BOU 94], [BIL 93], [LEG 89], etc.) ont toutefois montré l’intérêt de l’interactivité dans l’évaluation de plusieurs ordonnancements. L’intégration d’une aide multicritère y semble toutefois nécessaire [BEL 92]. Un autre intérêt de cette méthode est, par exemple, de permettre à l’utilisateur de trancher entre plusieurs goulets potentiels ou de décider lui-même sans l’intervention du SIAMD quelle est la ressource goulet. Dans ce cas, la prise en compte d’événements spécifiques est possible (anticipation de commandes, etc.).

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5.4. Contraintes techniques spécifiques au pilotage égalitaire et supervisé

Outre les contraintes générales présentées auparavant, on peut mettre en évidence un ensemble de contraintes techniques influant sur le choix de la méthode.

Relevons principalement :

- la présence de deux problématiques : celle de choix (par exemple, processus d'allocation) et de tri (par exemple, processus de gestion des files d'attente),

- la présence de données telles que la qualité du produit fini, la qualification d'un opérateur, le temps moyen opératoire, etc. sont des données qualitatives ou estimées (par des fonctions de probabilité par exemple) qu'il serait judicieux d'intégrer à l'algorithme multicritère pour éviter de pénaliser l'intérêt de prendre en compte des données réalistes, objectif que nous nous sommes fixé.

- le besoin d’utiliser une méthode facilement interfaçable en perspective avec un environnement graphique avancé (au sens “advanced display”),

- le besoin de permettre l'automatisation de la décision : dans le cas où l'utilisateur laisse le système de pilotage commander seul le système de production.

6. Choix de la méthode multicritère Prométhée

Comme nous l'avons indiqué auparavant, il ne nous semble pas qu'il existe actuellement de méthodes totalement adéquate. C'est pourquoi, dans une première phase d'étude de faisabilité, nous proposons d'adapter une méthode existante à notre contexte. La question est dès lors de trouver une méthode suffisamment compatible avec les objectifs cognitifs et les contraintes techniques exposées (générales et spécifiques à la structure de pilotage).

Une première étude nous a poussé à évaluer Prométhée, malgré le fait que cette méthode soit dédiée uniquement à une problématique de tri [BRA 85].

La méthode est la suivante : Pour chaque paire d’actions

(

ai,ak

)

, on détermine pour chaque critère j la distance entre les évaluations de ces deux actions :

dik =aijakj.

Une fonction de préférence, relative à ce critère j, Sj

(

ai,ak

)

=Sj

( )

dik représente sous la forme d’un vrai ou d’un pseudo critère la préférence (normalisée dans le segment [0,1]) de l’utilisateur. Une bibliothèque de fonctions correspondant aux différents cas de préférence est fournie. Ces critères s’expriment en fonction d’un ou plusieurs paramètres (seuil, écart-type, etc.). Par exemple, S peut avoir la forme suivante :

Sj

(

ai,ak

)

=Sj

( )

dik =

0 si dik q (indifférence ) dikq

pq si qdik p

1 si dik>p (préférence stricte )

(20)

Cette relation est représentée graphiquement sur la figure 3.

Sj d ik

( )

q p d

ik 1

0

Figure 3. Exemple d’une relation de préférence linéaire avec seuil

D’autres types de relations de préférence sont pré définies (six dans la version de Prométhée que nous avons utilisée).

Après la déclaration des préférences de l’utilisateur, un indice de préférence agrège, par addition et pondération (poids des critères wjnormalisés : wj =1

j ),

pour chaque critère j, chacune de ces fonctions de préférence relative : cik = wj

j Sj

( )

dik .

A partir de ces indices, on détermine de manière additive mais non pondérée, les valeurs dénommées “flux sortant” φi+ et “flux entrant” φi pour chaque alternative i : φi+= cik

k et φi= cki

k .

Ces deux valeurs sont associées à chaque action et représente l’évaluation, cette fois-ci globale, de chacune de ces actions par rapport aux autres actions.

Ces données sont représentées sous forme matricielle (figure 4).

(21)

cik Alternative#1 Alternative# 2 Alternative#a Alternative#na

Altern.# 1 c1,1 c1,2 c1,a c1,na

Altern.# 2 c2,1 c2,2 c2,a c2,na

Altern.#a ca,1 ca,2 ca,a ca,na

Altern.#na cna,1 cna,2 cna,a cna,na

φi+= cik

k

φ1+

φ2+

φa+

φna+

φi= cki

k φ1 φ2 φa φna

Figure 4. Indices de préférence et flux

Le préordre (total ou partiel) est ainsi établi à partir des flux entrants, flux sortants et du flux net φii+−φi. Dans le cas de Prométhée II, le préordre de surclassement est établi en fonction de la monotonie croissante du flux net (préordre total). Une autre possibilité est offerte avec la méthode Prométhée I qui propose une relation de surclassement plus faible en comparant directement les flux entrants et sortants sans tenir compte du flux net. Le résultat est un préordre partiel.

Nous justifions l'intérêt porté à Prométhée par le fait que cette méthode propose une alternative intéressante aux objectifs cognitifs et contraintes techniques :

1. Prométhée est une méthode qui traite les cas discrets.

2. Prométhée possède une interface graphique (Gaïa) présentant sous forme d'étoile graduée les différentes alternatives et résultats spécifiques à la méthode (flux d'entrée et de sortie). Cette interface présente certaines des caractéristiques de base des interfaces avancées (perception des compromis, des solutions dominées et dominantes, etc.) et peut être étendue à la notion d’interface avancée multicritère.

3. La méthode Prométhée est relativement simple. Elle est facilement implémentable et spécifiable en fonction du problème, relativement intuitive et compréhensible par l’utilisateur non nécessairement expert (cf. la notion de confiance). C’est la principale différence avec les exemples proposés dans la littérature où la complexité de la méthode implique une connaissance experte de la personne qui traite le processus de décision. Ceci permet en outre de mieux gérer la contrainte temporelle.

4. Le classement donne une idée très claire à l'utilisateur de l'état du système et de la robustesse a priori des décisions possibles. Ce point est fortement lié à la question de l'aide : "que peut-il être judicieux de montrer à l'opérateur pour qu'il puisse se faire une idée rapide de la situation?". L'opérateur qui connaît un élément que le système ne prend pas en compte (donnée peu structurée) peut contourner ainsi le classement proposé par la machine et évaluer implicitement la robustesse de ses choix. La question sous-jacente est de savoir s'il assume son choix alors que le

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