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De la situation de la violence coloniale devant les accidents de la mémoire nationale (le cas viêtnamien)

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De la situation de la violence coloniale devant les

accidents de la mémoire nationale (le cas viêtnamien)

Laurent Dartigues, Alain Guillemin

To cite this version:

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DE LA SITUATION DE LA VIOLENCE COLONIALE DEVANT LES ACCIDENTS DE LA MÉMOIRE NATIONALE (Lecasviêtnamien)

À NicoleRamognino

A l’heuredu serpent,lesFrançais, Onthisséleurdrapeau

Aprèsquatreheuresdelutte. Hélastoutestfini!

Lesincendiesfontrageautourdu marchéneuf, Gagnentlapréfecture. Lesmaisonsbrûlent, Depauvresgenss’enfuient Glissantlelong desmurs. Lescœursseserrent, LeTây aprislacapitale. Complaintesurlaprisedelacapitale1 La question des violences de guerre ressurgit en Occident dans les années 1990, probablementen rapportavec la guerre en Yougoslavie,à nouveau surle soleuropéen.Elle a permisdesavancéesthéoriques,aussibien en anthropologie qu’en histoire eten sociologie.Par exemple surla féminisation de la violence avec la mise en évidence desviolencessexuellesde guerre,surlesviolencesd’humiliation,surlesviolencesextrêmes.Ellea permisaussid’ouvrirde nouveaux champscomme lesviolencescoloniales.Lesviolencesde guerre deviennentainsila marque de ce XXe siècle qu’ilsoitanalysé parGeorgesL.Mosse avec la notion de brutalisation (1990)ou EricT.Hobsbawm avecL’Âgedesextrêmes(1999).

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Un destraitscommunsàcestypesdeviolences,quiserecouvrentbien sûr,estlarelativeefficacité des mécanismes d’occultation,tantdu côté des victimes etdes bourreaux,que du côté de l’historiographie.Sinousavonscentré notre réflexion surle casviêtnamien,c’estpourdeux raisons.D’unepart,leViêtNam estl’un denosterrainsderecherche,d’autrepartl’occultation de la violence coloniale au ViêtNam présente un traitparticulier.Elle estcertessujette aux phénomènesd’occultation propresà toute forme de violence :non-dit,euphémisation,mise en avantdelaseuleviolenced’un adversairedévaloriséetstigmatisé.Maisc’esten outreuneviolence coloniale recouverte parune autre violence coloniale postérieure dansle tempsetomniprésente danslesdébatshistoriographiquesetpolitiquesrécents:laviolencecolonialeen Algérie.

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L’explication historienne ou sociologique ne revientpasà disculperlesatrocitésdesunsetdes autres,maisàtenterdelescomprendredansleurcontextesingulier.

1.Delaviolenceen généraletdelaviolencecolonialeen particulier

Ilestdifficile de définir la violence.Difficulté accrue par la diversité des formes de violence quisonttoujourscontextualisées.Plusprécisément,selon l’époque,lessociétésetles acteurssociaux lesformesde violence etleurappréciation sontsujettesà variation.Ainsi,en Assyrie,danslaGrèceetdansl’Égypteantique,lesmassacresn’étaientpasstigmatisésetassimilés àdescrimes,maisadmiscommeprivilègedu vainqueuretexpression delapuissancepublique(El Kenz,p.29).LaviolencedesmœurspolitiquesdanslaRomeantique,mêmesouslaRépubliqueà laquelleilconviendraitdemettredesguillemets,relèvedu régimecourantderésolution desluttes depouvoirau sein del’oligarchiedesgrandesfamillesromaines.Plusprochedenous,etbien sûr sousformehumoristique,leromancierCamillerinesouligne-t-ilpasquelelupara,fusildechasse à canon scié,estun “instrumenttraditionnelde règlementdesconflitsau sein de l’économie semi-clandestine sicilienne ”?(Camilleri,p.35)De même,lesviolencesau sein de la famille, contrelesfemmesetlesenfants,comme la violencedueaux conditionsdevieen prison ontété longtempsconsidéréescomme «normales».Cependant,en suivantNicole Ramognino,nous voudrionsproposerune définition de la violence peut-être provisoire etsujette à révision mais opératoire.

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Danscetteoptique,ilconvientdepréciseràquellesformesdeviolencessontsoumislescolonisés etquelssontlesobstaclesquilesempêchentdedévelopperleurscompétencesdansl’action ou la pratiquesociale.Peut-êtreconvient-ilàceniveau depréciserquela« violencecoloniale»n’estpas unenotion épistémologique,danslesensoù lemotdecolonialviendraitdésigneruneformede violence proprementcoloniale,à nulle autre comparable.La notion désigne une singularité historique,celle desviolencesau tempscolonial.La violence coloniale estplurielle etlesformes quila caractérisentdoiventêtre bien sûrdistinguéesmaisnéanmoinsarticulées,carellesfont système.

La premièreformedeviolenceestlaviolencemilitaire.D’abord celledelaconquête,car c’estparlaforcedesarmesquelescolonisateursinaugurentleurentreprise,disposantd’unearmée moderne dontla puissance de feu est,assez souvent,sanscommune mesure avec l’armement défensifdescolonisés.Ensuitecelledu maintien del’ordrelorsquec’estl’arméequiestchargéede cette tâche.Enfin,celle quise manifeste à l’occasion desguerresde libération coloniale,dans lesquelles le colonisateur ne bénéficie plus au même degré de la supériorité technique de l’armement.

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Troisième forme de violence,la violence économique.Certes,on ne peutnierque la colonisation soitsource de développement,notammentdansle domaine desinfrastructuresde communication ou de santé,de l’industrialisation progressive d’une partie de la production,de l’extraction minière.Cependant,cette volonté de développementdétruiten partie lesstructures économiquesexistantespar “l’intrusion forcée d’un capitalisme exogène dans un milieu his -torique hostile,celuide sociétésagrairesencore faiblementintégréesdansl’espace marchand ”au profit“d’un développementcapitaliste surle mode colonial,dontle ressortprincipalne pouvait être que la recherche de profitsélevésparla croissance prioritaire dessecteurstournésversles marchésextérieurs”(Brocheux,Hémery,pp.117-118).D’ailleursl’exploitation économiquedes colonisésreposenon seulementsurlamiseen placed’un systèmed’impôtsetdetaxestrèslourd, maisen outreprend souventla formed’un travailforcé.En particulierdanslesminesetsurles plantations, cette exploitation économique allie sous-rémunérations, conditions de travail dégradantes et violences répétées des cadres européens,relayés d’ailleurs par les hiérarchies intermédiairesindigènes.

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Comme lesautresviolences,cette violence ordinaire estsoustendue etlégitimée,au niveau des représentations,parun discoursjustificateurdelasupérioritédesOccidentaux.Commentdéfinir cettedernièreformedeviolence?

Le conceptde « violence symbolique »,forgé par Pierre Bourdieu estle premier qui vient à l’esprit. Pour Pierre Bourdieu, la violence symbolique est “ cette coercition quine s’institue que par l’intermédiaire de l’adhésion que le dominé ne peut manquer d’accorder au dominant (donc à la domination) lorsqu’il ne dispose, pour le penser, et pour se penser, ou, mieux pour penser sa relation avec lui,que d’instruments de connaissance qu’ila en commun avec luiet qui, n’étant que la forme incorporée de la structure de domination,font apparaître cette domination comme naturelle ”(Bourdieu,p.204).La valeurheuristique de ce concept est indéniable.Cependant,à la suite de Charlotte Nordmann,nous voudrions en signaler certaines limites.La violence symbolique,quisuggère la dépossession totale des dominés, sauf rares exceptions, sous-estime d’un côté leur capacité critique,de l’autre le rôle de la répression :“ Ce n’est peut-être pas tantl’acceptation par les dominés de la domination quiassure son bon f onc-tionnement,que la répression ;l’impression qu’ily a peu de contestation de la domination a aussià voir avec le fait que ces « troubles » sont réprimés viol em-ment et surtout efficacement, de sorte qu’il sont rendus pour ainsi dire i nvi-sibles” (Nordmann,p.117).Toutpouvoirde domination comporte donc deux éléments indissolublementmêlés,laviolenceetleconsentement.

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y-serlesrhétoriquesordinairesdu pouvoirdontsontporteursà titre diversles co-lonseuropéensdansleursrapportsquotidiensavec lesindigènes.

2.Laviolencecolonialeau ViêtNam

Contrairement à l’Algérie,le Viêt Nam n’est pas une colonie de population. La population européenne(françaiseà90%)estpeu nombreuse,rassembléeaux deux extrémitésde la péninsule etconcentrée danslesvilles.On dénombre 24 000 Européensen 1913,25 000 en 1921 (Robequain,p.1).Selon le recensementde 1937,lesEuropéensetassimilésne sontque 39 237 pourunepopulation totalequis’élèveàprèsde19 000 000 depersonnes(Robequain,p. 28).CesEuropéensse répartissentinégalementsurle territoire.En 1940,50% viventau Sud (Cochinchine),38% au Nord (Tonkin)et12% au Centre (Annam).Parmieux,58% résident danstroisvilles:5856 à Hanoï,2350 à Haïphong et10 867,soitprèsdu tiersde l’ensemble, dans l’agglomération saïgonnaise2. En dehors des relations professionnelles, cette

population, très stratifiée, fréquente très peu les Viêtnamiens, tout au plus côtoie-t-elle au quotidien lesdomestiques.LesFrançais,au ViêtNam,ontdonc l’impression d’être noyés dans la masse. De ce fait, la violence fonctionne comme outil de maintien de l’ordre colonial, notamment par le biais de l’appareiljudiciaire.

Dansla mémoire desFrançais,la violence militaire,au ViêtNam,estcelle de la guerre d’Indochine.On a oublié la violence de la conquête,celle de la pr e-mière guerre du Viêt Nam,dans la deuxième moitié du XIXesiècle,d’abord en

Cochinchine dès la prise de Tourane en 1858,mais surtout au Tonkin,entre 1882 et1896.Le docteurJulesHarmand,délégué du Tonkin en 1883,résume le mot d’ordre de la conquête française :“ moyen barbare, mais efficace !” (cité dans Barnhart,1999,p.1041).Les combats au Tonkin ouvrent indiscutabl e-ment une longue période de sauvagerie.Cette guerre quinous est bien connue grâce aux travaux de CharlesFourniau,mobilise,au milieu desannées1880,un corps expéditionnaire de 30 000 soldats venus de France et de 6500 tirailleurs

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tonkinois quiavec la rotation nécessaire des hommes mobilise 100 000 hommes (Fourniau,p.20).Le corps expéditionnaire3,sorganise en colonnes quisèment

la terreur.Les pratiques guerrières de ces colonnes nous sont bien connues par les journaux de marche etles témoignages de certains combattants :après avoir levé des coolies sous menace de mort,les troupes coloniales réquisitionnent les vivresetle bétail,incendientlesvillages,exécutentsommairementprisonnierset civils.C’estle règne de la « baïonnétade »,dansla langue desmilitaires.Lorsde la prise de la citadelle de Hanoïen 1882,JulesPetitjean Rogettémoigne :“ mes soldats ont fait un massacre épouvantable à la baïonnette ”,passant en moins d’une minute une soixantaine de combattants à l’arme blanche4.C’estaussiune

guerre sanspitié,lesprisonniers,fréquemmentblessés,sontimmédiatement exé-cutés(J.Petitjean Roget,op.cit.).

La prise de Hué,les 4 et 5 Juillet 1885,fait 11 morts français et 1500 morts viêtnamiensdontun grand nombre de civils.La brutalité deschiffressouligne la supériorité technique destroupescoloniales,disposantd’une artillerie de longue portée etde fusils à chargementventraletrapide.Mais ce n’estpas toujours le cas.Siles soldats de la citadelle de Hanoïse battentavec des fusils à pierre ou même à mèche,ilsdisposentde plusde deux centstrèsbonscanons.La prise de Son Tây en 1883 voitlesforcesfrançaisesaffronterdestroupeschinoisesnot am-ment,arméesde fusilsà répétition,de carabinesanglaisesetaméricaines,dis po-santde canons.Mais là aussi,comme lors de la prise de Hanoï,l’utilisation en tir tendu de ces canons les rend inefficaces (J.Petitjean Roget,op.cit.).Autre trait d’inégalité des forces en présence,l’artillerie défensive des Viêtnamiens,à faible rayon d’action,ne fait pas le poids devant les grosses pièces de marine. Pierre Lotirelate en ces termes,dans le Figaro du 28 septembre 1883,le

bom-3

Selon CharlesFourniau (pp.20-21),lespertesfrançaisessontessentiellementduesaux épidémies,fièvresou autres dysenteries.En 1885,sion évalueà5000 hommeslespertesau Tonkin,chiffreselon luiprobablementen dessousde lavérité,cellesduesaux combatsnedépassentpasquelquesdizaines.Cequiestcontreditpard’autrestémoignages. La batailledeSon Tây quiengagedurantcinq joursenviron 8 bataillonsvoitlaperted’un bataillon tuésouslefeu dessoldatschinois,soitgrosso modo 600 hommes.Ilfauten outre soulignerque lesinfectionsduesaux blessures, aux amputationsgonflentencorelenombredemorts,etnepasoublierqueleslonguesmarcheséprouvantesdansles campagnesviêtnamiennesnon seulementépuisentdeshommesmalnourrismaisleurfontcontracterdesmaladies commelesouligneCharlesFourniau.VoirLettresdeJ.Petitjean Roget,Bulletin desamisdu Vieux-Hué,juillet-sept. 1932.

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bardementdesfortsquigardentla rivière de Hué,le 19 aoûtde la même année : “Pasderoulisaujourd’hui;lespiècesdel’escadre,parfaitementpointées,portenttoutesen plein surlesbatteriesannamites,quidoiventêtre écrasées.À chacun de noscoups,on voitvolerdes tourbillonsde sable etde pierres.Leurfeu ne tientpasdix minutes.Au boutd’une demi-heure, nouscessonsaussilenôtre,laterrenerépond plus”.

Une foisle ViêtNam «pacifié»,c’estencore à l’armée qu’on faitappel,en casde désordres graves.En 1909,latentatived’empoisonnementdelagarnison deHanoïconduitlestribunaux à prononcer des centaines de décapitation.Surtout,en 1930-31,la répression militaire des mouvementsnationalistesdébouche fréquemmentsurdesmassacres.Ainsi,en septembre 1930, dansle centre du ViêtNam,lesaviateurs,autorisésparune circulaire du Résidentsupérieurde l’Annam à bombardersanssommation toutattroupement,incendientlesvillages« coupables», faisantplusieursmilliersdemorts:“Un desaviateurs,revenu aprèsquelquesjoursau dessusdu théâtre de ses exploits disait:«Cela puait tellementque là haut même j’en était malade »” (Viollis,p.106).De même,en décembre 1930,prèsde la ville de Quang-Nai,au sud de Hué, uneréunion nocturnede7 à800 indigènes,estmitraillée.Lestirsàboutportantfont130 morts (Viollis, p. 69). La Légion étrangère, dans la province centrale du Nghe Tinh, s’est particulièrementillustréedansl’horreur,certainslégionnairessevantantd’avoirdécapitéàlascie leursprisonniers(LePetitPopulairedu Tonkin,15 mars1931,citédansBarnhart,p.876). À partirde 1945,lestroupesfrançaiseschargéesde la «pacification » agissentavec la même barbarie aveugle.Ngo Van cite le témoignage de l’ethnologue Jeanne Cuisinierqui,en 1945, entend un lieutenantde la Légion étrangère raconteren cestermesson dernierengagement: “Nousavonseu despertes,maisnousavonsbien répondu,etnousavonsfaitdu dégât.Sursix kilomètresdeprofondeur,ilneresterien ;descanardsjusqu’au buffles,en passantparlesfemmes etlesenfants,nousavonstoutnettoyé ”(Ngo Van,1995,p.362).Un an après,le23 Novembre 1946,lebombardementdeHaiphong faitprobablement6000 morts,pourl’essentieldescivils.

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1500 dansdeslocaux destinésà abriter500 détenus,entassésdansdessallesempuantiespardes tinettes,insuffisammentéclairéesetaérées;aucun droità la cantine,pointde visites,pointde lecture;ce n’estqu’en casde maladiesgravesetsouventquand ilesttrop tard que lespolitiques indigènesontdroità l’infirmerie ”(Viollis,p.18).Lapalmedel’ignominiepeutêtreattribuéeau célèbre bagne de Poulo Condor.Le commandantTesseyre,ex-directeurde Poulo Condor,en 1946,déclare devant la commission interministérielle d’enquête sur les responsabilités en Indochine:“Ily avait5000 bagnards[sousDecoux,1940-1945].Le moisde mon arrivée,ily a eu 172 décès,un peu plusque la moyenne d’une année d’autrefois…Un médecin indochinois… m’a déclaré qu’illuiétaitarrivé,au matin,5 cadavresau bagne politique ” (cité parNgo Van, 1995,p.477).

Pratique courante etcorroborée pard’innombrablestémoignages,celle de la torture :tortures classiques,privation d’eau etdenourriture,coupsderotin surleschevillesetlaplantedespieds, tenailles appliquées aux tempes;torture plus raffinées inventées par la Sûreté de Cholon : introduction de coton que l’on brûle ensuite dansdesplaiesfaitesavec deslamesde rasoir, introduction danslecanalurinaired’un fildeferen tire-bouchon quel’on retirebrusquement; enfin,toute une gamme de tortures à l’électricité,pratiquées journellementen 1931,par le commissariatdeBinh Dong,àCholon (Viollis,p.21).Lesfemmessontégalementsoumisesàla torture,notammentlesjeunesfilles:“Dejeunescongaïesdeseizeàdix-huitanssontamenéesde nuità la délégation :viols,pendaison parlesorteils,flagellation surlescuissesetla plante des pieds,introduction de nidsde fourmisrougesdanslespartiesintimes,leursbrasetleursjambes attachées,jusqu’àcequ’ellesavouentfairepartied’un groupementcommuniste ”(Viollis,p.22).

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tâchepourallerboire,carlaréserved’eau potableétaitépuisée :“MrVerhelsleurfitsigne de se coucher à terre … Avec une canne en rotin grosse comme le pouce etdontla poignée était entouréedefiltélégraphique,ilfrappa successivementsurlesfessesetlehautdescuissesdestrois femmes…ellesreçurentchacune dix coups”.Destémoinsprécisentque “pourlesbattre Mr Verhelss’étaitservid’unecanneàboutferréetque,pourlesfrapper,iltenaitlacanneparlepetit bout,de façon à ce qu’ilsfussentcinglésparla poignée entourée de filde fer ” (cité dansNgo Van,p.415 etpubliédansLaRésurrection,n°1,décembre1928,Paris).

LouisRoubaud signale un casdesévicesayantentraîné la mort,danslescharbonnagesdu Ton-kin.M.Schultz,contremaître européen,en essayantd’expliquerà l’ouvrierKum,la manière de manœuvrerun wagonnet,glisse ettombe de façon comique,ce quidéclenche le rire de Kum : “Cette «insulte»affola[lecontremaître]quid’un coup de pied étenditle rieursurla voie.Puis, devantlesautresouvriersmuetsetimmobilesde terreur,ils’acharna.Quand ils’arrêta,iln’y avaitplusà transporterà l’infirmerie qu’un corpsinerte.Le médecin constata que le coolie Kum avaitdeux côtescasséesetla rate éclatée.Ilsigna le permisd’inhumer.Poursuivipour coups et blessures ayant entraîné la mort,M.Schultz fut condamné à un mois de pri-son avec sursis ” (Roubaud,p.164).

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recoursaux exécutionssommairesetaux châtimentscorporelsconçusà la foiscomme moyen d’instruction etde sanction,telsle portde la cangue etlesexécutions publiquesau sabre : cinquante-et-uneonteu lieu en 1916 àSaïgon,alorsqu’ellesn’étaientpluspratiquéesen France depuislafin du XIXesiècle(id.,p.874).

Il faut aussi faire cas des violences ordinaires que Léon Werth a bien situé :“ Ilfaut distinguer entre les actes de répression, suite de la conquête : condamnation à mort après les révoltes,les actes de férocité individuelles et les actes de brutalité quisontentrés dans la coutume.On a pu voir dans les rues de Saïgon des missionnaires qui,de la voiture,frappaientà coup de pied ou à coup de canne le coolie-pousse quiles transportait,afin qu’ilcourûtplus vite.C’était le coup de fouet au cheval ou la pression sur l’accélérateur ” (Werth,p.61). Dans cette veine,Luc Durtain relate l’anecdote suivante.Invité à la table d’un Français, il voit soudain son hôte menacer son domestique, traité de « nha-qué»5,parce qu’ila oublié les verres à champagne :Deux poings,qui

heureu-sement ne s’abaisseront pas,se lèvent sur le misérable … J’aivu un chien hu-main que l’on va battre.La peur agrandit les yeux jusque dans les pommettes… les tibias dans le large pantalon tremblent » (Durtain,p.120).L’hôte se rassoit, parle délicatement de littérature, Valéry, Claudel, Montaigne dont il est un grand lecteur,avantd’entrerde nouveau en rage parce que cette « brute» n’a pas misde cuillère à moutarde (Durtain,pp.120-121).

Ce type de comportementetde discours,cette manière de désignerlesViêtnamiens,ne sontconcevablesque silescolonisateursontla ferme conviction d’avoiren face d’eux une race inférieure. Les valeurs universelles dontils se prétendentporteurs,au nom d’une « mission civilisatrice»,les amènent à considérer les «Annamites» (dont la majorité des Européens ignorentetméprisentlaculture),parfoiscommedesanimaux,plussouventcommedesbrutesou dessauvages,au mieux comme desenfantsqu’ilconvientd’éduquer.Prétention que Georges

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Clémenceau stigmatisedansledébatquil’opposeàJulesFerry le30 juillet1885 àlachambrede Députés: “Races supérieures! Races supérieures, c’est bientôt dit! …Race inférieure les Chinois?Avec cette civilisation dontlesoriginessontinconnuesetquiparaîtavoirété poussée toutd’abord à sesextrêmeslimites?Inférieur,Confucius?…Vousnousdites:lorsque lesEur o-péenssesonttrouvésen contactaveclesnationsquevousappelezbarbares– etquejetrouve très civilisés– n’y a-t-ilpaseu un plusgrand développementdesvertussociales?...Est-ce qu’ily a eu moinsdevertu socialeen Chinequedanstelpaysd’Europe ?Est-cequ’aux îlesSandwich,ily ala même moralité aujourd’huiqu’avantle momentoù le capitaine Cook y a abordé ?Regardez l’histoire de la conquête de cespeuplesque vousditesbarbares,etvousverrezla violence ettous les crimes déchaînés,l’oppression,le sang coulantà flots,le faible opprimé,tyrannisé par le vainqueur!Voila l’histoire de votre civilisation !Prenez-la où vous voudrez,et quand vous voudrez,soiten AmériquesousCortezou Pizarre,soitaux Indes”(Manceron,p.78).

Uneanalysefinedecette«rhétoriquedu pouvoir»miseen œuvreparlescolonisateursfrançaisau ViêtNam n’estpaspossible dansle cadre de cetarticle.Iln’esttoutefoispassansintérêtde l’aborderbrièvementàtraversl’utilisation du tây bôi,cepidgin françaisdu ViêtNam,qui“certes pouvaitserviràrapprocherdeux communautéslinguistiquesquin’avaientpasd’autresmoyensde communication,maisen même tempsmarquaitune distance entre le dominantetle dominé ” (Love,p.24).Alors qu’Étienne Aymonnier,officier etadministrateur colonial(1844-1929), envisage,du moins provisoirement,d’en faire une langue d’enseignement au motifque ce «sabir»,ce «parlernègre»“offre l’avantage capitalde pouvoirêtre répandu partoutà peu de fraisetà brefdélai,en le substituantau quc 3 ng4 [transcription du viêtnamien en un alphabet latin]” (Aymonnier,p.65),ce pidgin estconsidéré parlesViêtnamienscomme une marque de mépris.Philippe Franchini,eurasien de mère viêtnamienne etde père corse,déclare :“Les Françaiss’exprimaientainsiavec leursboysou boyesses,sousprétexte de se faire comprendre, mais les petits Blancs finissaientpar employer ce même « petitnègre» avec les Vietnamiens cultivésdontilsn’avaientpassu devinerl’instruction ou lerang social,cequinemanquait pasde provoquerdesincidents,d’attiserdeshainesplusou moinslatentes”(Franchini,p.20).

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socialess’accordaientsurl’idée d’avoiraffaire à une grande civilisation qu’ilsrespectaient.On peutfairecependantl’hypothèsequelebesoin depréserveretpérenniserl’entreprisecolonialeles poussaientàaccepterlaviolence,qu’ilspouvaientparailleurspersonnellementréprouver,comme unenécessitéfaitevertu.

Tellessontlesmultiplesfacettesde la violence coloniale au ViêtNam,ilconvient,pour finir,d’en analyserlesmécanismesd’occultation.

3 .Dieu,quelaguerrecolonialen’estpasjolie

Ah Dieu !quelaguerreestjolie Avecseschantsseslongsloisirs Guillaume Apollinaire6

Le dénide la violence de la colonisation au ViêtNam conjugue touslesmécanismes habituelsd’occultation delaviolence:lesilenceou lacensure,l’euphémisation,l’imputation dela violenceàl’adversaire.

La guerre despaysansetdeslettrés,dansla seconde moitié du XIXesiècle,

estabondammentcommentée parla presse populaire française,maispour Le pe-tit journalet L’illustration,nosvaillantssoldatsse battenthéroïquementcontre les pirates chinois et les mandarins cruels,coupeurs de têtes,au nom de la dé-fense de la civilisation etde la religion chrétienne.Aprèsle « désastre » de Lang-son (1885),lesgrandsjournaux parisiensenvoientdescorrespondantssurle t er-rain.Un despluscélèbresestPaulBonnetain,arrivé au Tonkin dès1884 pourle compte du Figaro.Iltransmet régulièrement des articles,réunis dans l’ouvrage Au Tonkin paru en 1885,quidéveloppent la même rhétorique que les jour na-listes de la presse populaire.PaulBonnetain préface d’ailleursun roman à succès Les aventuresde Sidi-froussard7à la plume de GeorgesLe Faure,publié en 1891 chezFirmi

n-6

Cepoème L’adieu du cavalier,extraitde Lueursde tirs,inséréau recueilCalligrammes,futsansdoutecomposéen septembre-octobre1915.

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Didotdansla collection «Romanspatriotiques» etdédicacé à: tous ceux quiont fait le coup de feu là-bas.Bonnetain (p.III) félicite Le Faure en ces termes :“ Vous amuserez vos innombrables lecteurs avec Les aventures de Sidi-froussard mais en leur apprenant quelque chose de ce Tonkin que la France ignore, et en leur racontantlesmerveillesqu’ontaccompliesnossoldats ”.

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mot d’ordre, l’habitude d’obéir, sans un mot, ni un geste, à tout signal commandant la manœuvre ou l’assassinat. C’est là-dessus qu’ils comptent !Ils veulent te dresser à tuer ;ils veulent avoir en toiune mitrailleuse vivante,dont à leursmoments,ilstournerontla manivelle !» (Ferry,pp.316-317).

Maiscesdénonciationsdesviolencescolonialesne fontpasle poidsface à la grande presse parisienne etla presse populaire.Saufaccident,cesviolencesne figurentjamais à la une desgrandsjournaux.C’estpourquoiJulien Viaud,off i-cier de marine,témoin de la prise des forts gardant la rivière de Hué,par l’ es-cadre française,le 20 août 1883,mais plus connu sous le nom de plume Pierre Loti,faitscandale quand ilpublie dansLe Figaro des28 septembre,13 et17 oc-tobre 1883,trois articles quiévoquent crûment les violences guerrières.Dans Histoire militaire de l’Indochine publiée en 1922 par lesofficiersde l’État- Ma-jor sous la direction du Général Puypéroux, les combats sont décrits en ces termes:“ L’attaque débuta de bon matin,après de sévères bombardements par la flotte… Un détachement d’infanterie de marine marche à l’assaut du fort principal…A neuf heures le fort est pris et le pavillon tricolore est hissé à la place du grand étendard jaune de l’Annam ” (Cité par Mus,p.159).Sous la plume de Loti, à la une du Figaro du 17 octobre 1883, le ton est tout autre :“ Plus personne à tuer. Alors les matelots, la tête perdue de soleil, de bruit,sortaient du fort et descendaient se jeter sur les blessés avec un trembl e-ment nerveux.Ceux quihaletaient de peur,tapis dan les trous…quirâlaient en tendant les mains pour demander grâce… Ils les achevaient, en les crevant à coups de baïonnette,en leur cassant la tête à coups de crosse ”8.Ce récitestr

e-prisparla presse d’extrême-gauche etla presse anglaise.Le 2 décembre,Lotiest convoqué par le ministre mais il pourra repartir en 1885. D’ailleurs Loti ne condamne pas le comportementdes marins :pour luila guerre c’estcomme çà.

8

Nousavonsmisen annexeletextedel’articlepubliéparPierreLoti,dansLeFigaro du 17 octobre1883 qui,ànotre connaissance,n’ajamaisétéreproduitdanssaversion intégrale.Un ouvragerécentTroisjoursde guerre en Annam. ReportagedePierre Loti(Paris,LesÉditionsdu sonneur,2006),restituelaversion censuréeetamputéedespassages lesplusviolentsrepriseen volumeparLotidansFiguresetchosesquipassaient(Calmann Lévy,1898).En revanche, desfragmentsen ontétépubliés,notammentparKateb YacinedansL’homme aux sandalesde caoutchouc (pp.

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Ilévoque par ailleurs les bombardements massifs des villages sans un mot de pitié pour les morts civils.Le 9 décembre,ilse plainten cestermesdansune lettre à Alphonse Daudet:“Voussavezbien mon histoire,vousavez lu lesjournaux platsetstupides. Vousavezvu Delpitêtreleseulàmedéfendreavecunegrandeapparencedecœuretd’élan.Jene saispasce qu’on va faire de moien France.Mon dieu,ilestpossiblequel’on ne mepunisse pas. Maisla chose quidemeure,quiestinique etrévoltante,c’estqu’on m’accuse d’avoirdénoncé ces pauvresmatelots,de lesavoir déconsidérésen lesdépeignantcomme dessauvages.Vousavez trouvé cela,vousau moins,n’est-ce-pas?C’estgrotesque etpitoyable.Voicidesgensà Parisqui envoienttuericide bravesenfantsdu paysbreton valantcentfois,mille fois,plusqu’eux-mêmes qui (…) nous lancentdans cette expédition du Tonkin etquiont,après,des haut-le cœur, poussentdes petits cris de femme nerveuse quand on vientleur dire commentles choses se passent… S’ilssavaient,cesgens,combien je lesmetau-dessusd’eux,nosmarins,etcombien je lesaime”(Quella-Villéger,pp.99-100).

Dansl’entre-deux-guerres,nilesarticlesde la presse d’extrême-gauche,nileslivresde dénonciation de PaulMonnet,de Louis Roubaud,d’Andrée Viollis n’ont suffisamment de retentissementpourentraînerun véritable mouvementd’opinion anti-colonial:aucun n’aura l’impactdesrécitsd’AndréGideàproposdu Congo.

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Parcontraste,la majorité de la classe politique française estplutôtbelliciste.Jusqu’en 1946,à l’exception de l’extrême-gauche,partisde droite etde gauche,dontle particommuniste,sont pourlemaintien du systèmecolonialen Indochine,sousuneformulecertespluslibérale(Ruscio, 1996,p.118).Après1946,lorsqu’ils’avèrequelanégociation n’estpluspossible,seuleunepartie delagaucherejointlesopposantsàla«saleguerre»:lescommunistes,uneminoritédelaSFIO, etla «troisième gauche» regroupée autour de trois revues, Les Temps modernes,Esprit et Témoignage Chrétien (Ruscio,1996,pp.124-125),ainsique des catholiques de gauche (Rousseau,2002).En dépitde l’indifférence ou de l’hostilité de l’opinion publique,la censure fonctionne toujours,ily a deschosesqu’ilne fautpasdire,notammentévoquerla torture. Lorsque JacquesChegalay,envoyé spécialau ViêtNam parL’Aube,organe du MRP,veutfaire étatde la torture en Indochine etnotammentde la torture à l’électricité,L’Aube refuse son témoignagequiauraun grand retentissementaprèssapublication dansTémoignage Chrétien du 29 Juillet1949 (Rousseau,pp.34-35).

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En 2008,dansuneconjoncturedecrisemémorielle,l’occultation delaviolencecoloniale au ViêtNam n’apasdisparu.D’unepart,elleestréactivéeparl’entreprisederéhabilitation dela colonisation française,donton avoulu introduiredansuneloide2005 l’enseignementdescôtés positifs.À traverslastigmatisation hypocritedelarepentance,on tend àinterdireaux historiens, aux ex-colonisésetàleursdescendantsdefairelepoint,leplusobjectivementpossible,surcequi s’estpassé.D’autre part,la focalisation desdébatspolitiquesethistoriographiquessurla guerre d’Algérie,postérieuràlaguerred’Indochine,ayantconcernéun plusgrand nombredeFrançaiset plusprésente à leurmémoire,a rejeté dansl’oublila guerre d’Indochine.Au pointqu’Alain Ruscio,dansunetribuneparueleJeudi25 octobre2007 (surlesitewww.amnistia.net)etintit u-lée Indochine-Algérie: Du bon usage colonial du napalm, doit rappeler quelques vérités premières.Ils’indigne à juste titre que lescommentairesde certainsjournalistesetcritiques,à l’occasion delasortiedu film L’ennemiintimedeFlorentEmilo Seri,ignorentquecen’estpasen Algérie,maisau ViêtNam,le15 janvier1951,quelenapalm fututilisépourlapremièrefoispar l’armée française:“Etc’estl’un des héros de la saga militaire française du XXème siècle,le général(faitmaréchalà titre posthume) de Lattre quia été le père de cette utilisation.Père honteux ? Père caché? Non pas. De Lattre est nommé commandant en chef du Corps expéditionnaire françaisen Indochine le 6 décembre 1950,au lendemain d’un premierdésastre, ditde la RC 4 (route Cao Bang-Lang Son)au nord-Tonkin.Sespremièresinstructions,début janvier1951,rapportéesavecferveurparLucien Bodard,sontlessuivantes:«que toutela chasse y soit,que cela mitraille,que cela bombarde.Du napalm,du napalm en masse ;je veux que tout autourça grille lesViets»”.À chaquefoisquelecorpsexpéditionnairefuten difficulté– etille futdeplusen plus– lenapalm futélevéau rang d’armesuprême,jusqueety comprisàDien Bien Phu.Cequi“n’arrêtapasévidemmentlecoursdeschoses”.

Conclusion

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viêtnamienne.À cetitre,s’ilfautnourrirdescraintesquantàlacrisemémoriellequimeten avant laseulesouffrancedesvictimes,on peutaussiy voirunemanièredefairepublicitédansl’espace public de faitsquin’étaientconnusque descerclesacadémiques.À proposdesprocèssurles crimestotalitaires,PaulRicœursoulignaitl’importance de cette publicité afin que lespeuples s’approprientcequ’ilsréprouventabsolument;ilrelevaitégalementquecelaparticipaitdelar é-affirmation de la démocratie abîmée parlesviolencesextrêmesde la guerre (Ricœur,p.413 et sq.).

Cequenousvoudrionsprôneren outreici,c’estl’exploration,surun vastecorpus,d’une source trop souvent négligée, la littérature: littérature coloniale, littérature vietnamienne francophone,littératureen languevietnamienne.Pourquoilalittérature ?Lalittératurenesaurait être assimilée,comme l’ontfaittrop longtempsleshistoriensetles sociologues,à l’irréel,à l’imaginaire trompeur,à l’idéologique.Une foisécartéslesbiaisd’une lecture naïve quiassi -mileraitl’œuvre à un document,on ne sauraitmettre de côté cette ressource irremplaçable que constituelalittératurepourlacompréhension d’unesociété.Lalittératuremeten scènelaréalité sociale,maisen lamettanten scèneellelaconstruit.En tantqu’œuvre,leprocèslittéraireestune activitésocialedeproblématisation demondesvirtuelsetpossiblesquiouvre,àtraverslesrapports auteur-lecteurs,des rapports de coopération,de don et de contre-don de sens,des effets d’interprétationsmultiplesetplurivoques.

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viol.La scène se passe danslescalesd’un bateau où sontentassésdestravailleursviêtnamiens réquisitionnés pour aller travailler dans les plantations de Nouvelle-Calédonie :“Dans la pénombre brune,l’homme distingua une fillette.Complètementdépouillée de sesvêtementspar lesquatre banditsquil’avaientsaisie,elle gisait,nue… Seule dansla foule desémigrants,dèsque lemaldemerl’avaitterrassée,elleavaitvu deux hommesl’empoigner,l’emporter.Deux autresla coincèrentdansun angle de la cale,etdansleroulis,cesquatre hommes,mettantun poing dans sa bouche pourétouffersescris,l’avaientviolée,saccagée,tellementblessée,ouverte qu’à boutde souffranceetd’horreurellesemourraitdelentehémorragie ”(Schultz,pp.8-9).

Lesrenseignementsque fournitla littérature surla colonisation française au Viêt Nam sonteffectivementincontournables.En dépitde sesviséesesthétiquesetde biais idéologiques,elle nous apporte des données socio-ethnographiques sur les formes de violence,les pratiques etle système de valeurs des acteurs du conflit quel’on peutconfronteràd’autressources.D’autrepart,du faitdeson pouvoird’évocation etde l’efficacitédeseseffetsderéel,elleestsusceptibled’influencerlesreprésentationsdeson lectorat: “Ilsuffità un texte narratifde facture« réaliste»deréussirson effetsociographique (réussitequi ne dépend que des concordances entre un système de marques textuelles et un système historiquementsitué d’attenteslittéraires)pourobteniripso facto le toutde l’effetsociologique, c’est-à-direl’interprétation parlelecteurdetoutcequeleroman ditdu mondeauquelilseréfère comme image «vraie»,«typique»,«représentative de la figure du monde réel»” (Passeron,p. 211).

LaurentDartigues (CNRS,Triangle,Lyon) Alain Guillemin

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Annexe:ArticledePierreLoti,LeFigaro,17 octobre1883

Au Tonkin

Tousleslettrésontcertainementreconnu l’auteurdesadmirables impressions que le Figaro a publiésurlaguerredu Tonkin etlaprisedesfortsdeHué ;aussin’y a-t-ilplusd’inconvénientà dire aujourd’huique cespagesmagistralessontl’œuvre de Pierre Loti,l’auteurdu Mariage de Loti,du Roman du Spahietde ce récitqui,aprèsavoircharmé leslecteursde la Revue des Deux Mondes,vaêtrelesuccèsdel’hiverpourl’éditeurCalmann-Lévy,Mon frèreYves.

LaprisedeHué II

Danslecampementdesmarinsdel’Atalante.Nuitdu 20 Août

Au milieu de la lumière matinale quiétaitfraîche etbleue,cesflammesétaientd’un rouge extraordinaire;ellesn’éclairaientpas,ellesétaientsombrescomme du sang.On lesregardaitse tordre,se mêler,se dépêcherde toutconsumer;lesfumées,d’un noirintense répandaientune puanteurâcre etmusquée.Surlestoitsde pagodes,au milieu desdiableries,parmitoutesles griffesouvertes,touteslesqueuesfourchues,touslesdards,celasemblaitd’abord asseznaturelde voircourirleslanguesrougesdu feu.Maistouslespetitsmonstresdeplâtres’étaientmisàcrépi -ter,àéclater,lançantdedroiteàgaucheleursécaillesen porcelainebleue,leursyeux méchantsen boulesdecristal,etilss’étaienteffondrésaveclessolivesdanslestrousbéantsdesanctuaires. Lesmatelotsdevenaientdifficilesàretenir;ilsvoulaientdescendredanscevillage,fouillersousles arbres,en finiraveclesgensdeTu-Duc.Un dangerinutile,carévidemmentlespauvresfuyards allaientêtre obligésde d’en sortir,etalorsla route d’en bas,quipassaitau pied même du fort, deviendraitleurseuleissue.

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pavillonsd’Annam quis’amenaient.La grandebatterie du Magasin-au-riz étaitprise,lesvillages dederrièrebrûlaientavecdesflammesrougesetdesfuméesnoires….Eton seréjouissaitdevoir touscesincendies,devoircommetoutallaitviteetbien,commetoutcepaysflambait.On avait plusconsciencederien ettouslessentimentss’absorbaientdanscetteétonnantejoiededétruire.

En effet,ilsavaientpassésouslefeu desmarinsdel’Atalante,cesfuyardsattendus.On lesavait vu paraître,se masserà moitié roussis,à la sortie de leurvillage :hésitantencore,seretroussant trèshautpourmieux courir,secouvrantlatêteen prévision desballes,avecdesboutsdeplanches, desnattes,desboucliersd’osier.– précaution enfantines,comme on en prendraitcontre une ondée.Etpuisilsavaientessayédepasseren courantàtoutesjambes.

Alorslagrandetuerieavaitcommencé.On avaitfaitdesfeux de salves,deux etc’étaitplaisirde voircesgerbesde balles,sifacilementdirigeables,s’abattre sureux deux foisparminute au commandement,d’une manière méthodique etsûre.C’étaitun espèce d’arrosage,quilesc ou-chaienttouspargroupes,dansun éclaboussementdesableetdegravier.

On en voyaitd’absolumentfous,quiserelevaient,prisd’un vertigedecourir,comme desbêtes blessées;ilsfaisaienten zigzags,ettoutde travers,cette course de la mort,se retroussantjus -qu’aux reinsd’unemanièrecomique ;leurschignonsdénoués,leursgrandscheveux leurdonnant un airdefemme.

D’autressejetaientàlanagedanslalagune,secouvrantlatête,toujoursavecdesabrisd’osieret depaille,cherchantàgagnerlesjonques.On lestuaitdansl’eau.

Ily avaitdetrèsbonsplongeursquirestaientlongtempsau fond ;on réussissaitquand mêmeàles attraper,quand ilsmettaientlatêtedehorspourprendreunegorgéed’air,commedesphoques. Etpuison s’amusaitàcompterlesmorts….cinquanteàgauche,quatre-vingtsàdroite ;dansles villageson lesvoyaientparpetittas;quelques-unstousroussisn’avaientpasfinideremuer:un bras,une jambe se raidissaittoutdroit,dansune crispation ;ou bien on entendaitun grand cri horrible.

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Un fortannamitedelagrandeterrevenaitd’envoyer,au milieu d’eux,troisbouletsparfaitement pointés,qui,parune rare chance,avaienttraversé lesgroupessanstoucherpersonne.Ilsn’y avaientmêmepasprisgarde,tantilsétaientoccupésàguetterlespassantsetlesnageurs.

Iln’en restaitplusguère pourtant.A peine neufheuresdu matin,etdéjà toutsemblaitfini;la compagniedu Bayard etl’infanterievenaitd’enleverlà-baslefortcirculairedu sud,armédeplus de centcanons;son grand pavillon jaune,le dernier,étaitparterre,etde ce côté encore les fuyardsaffolésse jetaienten masse dansl’eau,en se cachantla tête,poursuivisparlesfeux de salve.En moinsdetroisheures,lemouvementfrançaiss’étaitopéréavecuneprécision etun bon-heursurprenants;ladéroutedu roid’Annam étaitachevée.

Le bruitde l’artillerie,lescoupssecsdesgroscanonsavaientcessé partout;lesbâtimentsde l’escadrenetiraientplus,ilssetenaienttranquillessurl’eau trèsbleue.

Etpuisunefouleblanches’étaitrépandueen courantdanslesmâtures;touslesmatelotsrestésà bord étaientmontésdansleshaubans,face à terre etcriaientensemble :«Hurrah !»en agitant leurschapeaux.C’étaitlafin.

Déjà la chaleuraccablante,une réverbération mortelle surcessables;lesgrandesfuméesdes villagesincendiésmontaienttoujourstrèsdroites,puiss’épanouissaittouten hautde l’airen gigantesquesparasolsnoirs.

Pluspersonne à tuer.Alorslesmatelots,la tête perdue de soleil,de bruit,sortaientdu fortet descendaientsejetersurlesblessésavecuneespècedetremblementnerveux.Ceux quihaletaient de peur,tapisdansdestrous;quifaisaientlesmorts,cachéssousdesnattes;quirâlaienten tendantlesmainspourdemandergrâce;quicriaient«Han !…Han … »d’unevoix déchirante, ilslesachevaient,en lescrevantàcoupsdebaïonnette,en leurcassantlatêteàcoupsdecrosse. Despetits«boys»de Saïgon,efféminésetféroces– domestiquesannamitesvenusà la suite de l’infanterie – s’étaientrépandus parmilesmatelots,les appelaientquand ils avaientdéniché quelque malheureux caché dansun coin,lestiraientparle bras,disant:«Monsieur,encore un parici,encoreparlà!… Viteviens,monsieur,luifairepan,pan,pan !»

On ne lesreconnaissaitpluslesmatelots;ilsétaientfous.– On voulaitlesretenir,– On leur disait:«Maisc’estsaleetlâchemespauvresamis,cequevousfaiteslà »

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-Dessauvages,cap’taine!– Ilsontbien promené la tête du commandantRivière au boutd’un bâton,dansleurville!

- Ça des vrais hommes capitaine? – Sic’étaitnous les battus,ils nous auraientcoupés en morceaux – voussavezbien – ou sciésentredeuxplanches!

Rien àrépondreàcela;c’étaitvrai– eton leslaissaitàleursombretravail.

Aprèstout,en extrême Orient,ce sontlesloisde la guerre.Etpuis,quand on arrive avec une petite poignée d’hommespourimposersa loià toutun paysimmense,l’entreprise estsiave n-tureuse,qu’ilfautbeaucoup de morts,jeterbeaucoup de terreur,souspeine de succombersoi -même.

A l’approche de midi,touslesgensde l’Atalante avaientpeu à peu rallié ce petitfort,qu’ils devaientoccuperjusqu’au lendemain parordredu commandantsupérieur.Ilsétaienttrèsépuisés de fatigue,de surexcitation nerveuse et de soif.Les dunes roses miroitaientd’une manière insoutenable,souscesoleilquiétaitau zénith ;lalumièretombaitd’aplomb,éblouissante,etles hommesdeboutn’avaientsurlesablequedesombrestoutescourtesquis’arrêtaiententreleurs pieds.

Etcettegrandeterred’Annam qu’on apercevaitdel’autrecôtédelalagunesemblaitun Éden avec seshautesmontagnesbleues,sesvalléesfraîchesetboisées.On songeaitàcettevilleimmensede Hué quiétaitlà derrière sesrideaux de verdure,à peine défendue maintenant,etpleine de mystérieuxtrésors.Sansdouteon iraitdemain etceseraitlavraiefête.

L’heuredu dînerétaitvenueetl’on avaitcommencéàs’installerpourfairelepluscommodément possibleun maigrerepasdecampagneavecdesvivresdebord.Parbonheur,ily avaitlà,àpetite distance,la case portative d’un mandarin militaire en fuite depuisla veille ;une case trèsvaste, touten bambouseten roseaux,en treillagesfinsélégants,d’une légèreté extrême.On l’avait approchée,avecsesbancsderotin,sesfauteuils,etl’on s’y étaitassisbien àl’abricontrel’ardent soleil.

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Ilsavaienttousramassédeslances;deshardes,deschapeletsde sapèques,etportaient,enroulées autourdesreins,debellesbandesd’étoffededifférentescouleurschinoises.(Lesmatelotsaiment toujours beaucoup les ceintures.) Ils prenaient des airs de triomphateurs,sous des parasols magnifiques;ou bien jouaientnégligemmentde l’éventailetagitaientdeschasse-mouche de plumes.

Aveccepeu d’ombreetderepos,lecalmes’étaitfaitdanscestêtestrèsjeunes,laréaction s’était accomplie;ilsétaientredevenuseux-mêmes,toutécœurésd’avoirétésicruels.

L’un d’eux,entendantun blessé crierdehors,s’étaitlevé pourallerluifaire boire,à son propre bidon,saréservedevin etd’eau.

L’incendiedu villages’éteignaitdoucement;on nevoyaitplusqueçàetlàquelquesflammèches rougesau milieu dedécombresnoirs.Troisou quatremaisonsn’avaientpasbrûlé.Deux pagodes aussirestaientdebout;laplusrapprochéedu fort,en achevantdeseconsumer,avaittoutàcoup répandu un parfum suavedebaumeetd’encens.

Lesmatelotsavaienttousquitté leurtoitde bambous;un peu fatiguéspourtant,etaveuglésde lumière ilserraientsousce dangereux soleilde deux heures,cherchantencore lesblessés;mais pourlesfaire boire,leurporterdu riz;lesarrangermieux surle sable;lescoucher,la tête plus haute.Ilsramassaientdeschapeaux chinoispourlescoiffer,desnattespourleurfairedespetits abriscontre la chaleur.Eteux,leshommesjaunesquiinvententpour leursprisonniersdes raffinementsdesupplices,lesregardaientavecdesyeux desurpriseetdereconnaissance ;ilsleur faisaient merciavec de pauvresmainstremblantes;surtoutilsosaientmaintenantexhalertout hautlesrâlesquisoulagent:«Han !...Han !»qu’ilsretenaientdepuislematin,pouravoirl’air d’êtremorts.

Références

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