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Les actes unilatéraux des États comme éléments de formation du droit international

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Academic year: 2021

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Submitted on 22 Feb 2019

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Les actes unilatéraux des États comme éléments de

formation du droit international

Denys-Sacha Robin

To cite this version:

Denys-Sacha Robin. Les actes unilatéraux des États comme éléments de formation du droit inter-national. Droit. Université Panthéon-Sorbonne - Paris I, 2018. Français. �NNT : 2018PA01D077�. �tel-02046466�

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École de droit de la Sorbonne

École doctorale de droit international et européen

Thèse pour l’obtention du titre de

DOCTEUR EN DROIT

Discipline : Droit public Spécialité : Droit international public

L

ES ACTES UNILATÉRAUX DES

É

TATS COMME ÉLÉMENTS DE FORMATION DU DROIT INTERNATIONAL

Présentée et soutenue publiquement le 3 décembre 2018 par

Denys-Sacha ROBIN

Sous la direction de

Madame la Professeure Evelyne LAGRANGE

Membres du jury :

M. Denis ALLAND, Professeur à l’Université Panthéon-Assas Paris II.

M. Gérard CAHIN, Professeur émérite de l’Université Panthéon-Assas Paris II (rapporteur). M. Mathias FORTEAU, Professeur à l’Université Paris Nanterre (rapporteur).

Mme Evelyne LAGRANGE, Professeure à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (directrice de recherche).

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(4)

L’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne n’entend ni approuver ni désapprouver les positions émises dans la présente thèse.

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(6)

R

EMERCIEMENTS

Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage… Il arrive un temps où l’on peut enfin remercier ses guides et toutes les personnes ayant compté durant le parcours aventureux que représente l’écriture d’une thèse.

Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à Mme la Professeure Evelyne Lagrange. Elle sait formuler de justes remarques ; qu’elles apportent une lumière immédiate ou infusent progressivement, elles finissent toujours par enrichir la réflexion. Plus généralement, sa grande disponibilité (dont on n’ose abuser afin de la préserver) et ses encouragements réguliers (même timides) ont pesé dans la volonté de mener ce travail à son terme.

J’aimerais par ailleurs remercier les Professeurs Alland, Cahin, Forteau et Rivier pour avoir accepté de lire mon travail et d’en discuter en siégeant dans le jury de ma soutenance. J’en suis très honoré.

Je pense à tous les amis côtoyés durant ces années : les parisiens, avec qui j’ai adoré besogner comme voyager (Daniel, Lena, Jarek, Hélène, Marion, Marie, Valère, Caroline, Vanessa, Romain, William…) ; les angevins, sans qui l’ambiance serait à la fois moins sérieuse et moins heureuse ; ou encore les « auvergnats » et assimilés, qui m’ont prêté des coins de table pour avancer et, surtout, m’ont nourri. Parmi tout ce beau monde, il me faut principalement remercier ceux qui ont donné de leur temps pour relire des passages de cette thèse et me permettre d’y mettre un point final : Charlotte, Raphael, Valère, Jimmy, Eloise, Benjamin, Agathe, Daniel, Joseph et Emilie.

J’ai aussi une pensée pour les membres de ma famille qui, de près ou de loin, m’ont vu travailler et qui, sans interroger l’intérêt de la chose, m’ont constamment poussé à aller au bout, à faire au mieux tout en y cherchant du plaisir.

Enfin, il y a Emilie, ma relectrice la plus passionnée, avec qui j’ai hâte de partager tant d’autres choses.

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(8)

S

OMMAIRE

P

REMIERE PARTIE

L’

IDENTIFICATION DES PRETENTIONS NORMATIVES

TITRE 1.L’INTENTION : LES CAUSES SUBJECTIVES DES PRETENTIONS NORMATIVES Chapitre 1. Les causes endogènes

Chapitre 2. Les causes exogènes

TITRE 2. L’ENCADREMENT : MARGES D’APPRECIATION ET CONTRAINTES DANS LA FORMULATION DES PRETENTIONS NORMATIVES

Chapitre 1. Les conditions relatives à l’acteur et à l’action

Chapitre 2. Les conditions relatives aux champs d’application et des effets

TITRE 3. LES EFFETS RECHERCHES : LES CAUSES OBJECTIVES DES PRETENTIONS NORMATIVES

Chapitre 1. Les prétentions visant l’interprétation ou la modification de leurs fondements

Chapitre 2. Les prétentions visant la création ou l’extinction de droits

D

EUXIEME PARTIE

L’

OPPOSABILITE DES PRETENTIONS NORMATIVES

TITRE 1.L’OPPOSABILITE OBJECTIVE DES PRETENTIONS NORMATIVES Chapitre 1. Les conditions d’opposabilité des prétentions normatives Chapitre 2. Les effets autonomes des prétentions normatives

TITRE 2.L’OPPOSABILITE RELATIVE DU CONTENU DES PRETENTIONS NORMATIVES Chapitre 1. Les actes de protestation

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(10)

L

ISTE DES ABREVIATIONS

Add. Addendum

ACDI Annuaire de la Commission du

droit international

AFDI Annuaire français de droit international

AGNU Assemblée générale des

Nations Unies

AIDI Annuaire de l’Institut de droit international

AJDA Actualité juridique du droit administratif

AJIL American Journal of International Law

APD Archives de philosophie du droit Bull. Bulletin des arrêts de la Cour de

cassation

BYIL British Yearbook of International Law

C. Cass Cour de cassation

CDI Commission du droit

international

CE Conseil d’État

CEDH Cour européenne des droits

de l’homme

CIJ Cour internationale de

Justice

CIRDI Centre international pour le

règlement des différends relatifs aux investissements

CJCE Cour de Justice des

Communautés européennes

CJUE Cour de Justice de l’Union

européenne

CPA Cour permanente

d’arbitrage

CPJI Cour permanente de Justice

internationale

CUP Cambridge University Press

EJIL European Journal of International Law

IDI Institut de droit

international

IHEI Institut des hautes études

internationales (Paris II) ILM International Legal Materials ILR International Law Reports JDI Journal du droit international

(Clunet)

OACI Organisation de l’aviation

civile internationale

OMC Organisation mondiale du

commerce

ONU Organisation des Nations

Unies

op. cit. Œuvre précitée

ORD Organe de règlement des

différends de l’OMC

OTAN Organisation du traité de

l’Atlantique Nord

OUP Oxford University Press

p. pp. page(s)

préc. Document précité

RBDI Revue belge de droit international RDP Revue de droit public

RCADI Recueil des cours de l’Académie de droit international

RGDIP Revue générale de droit international public

RQDI Revue québécoise de droit international

(11)

RSA Recueil des sentences arbitrales RTDE Revue trimestrielle de droit

européen

SA Sentence arbitrale

SFDI Société française pour le

droit international

TIDM Tribunal international du

droit de la mer

UE Union européenne

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(13)
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INTRODUCTION

« From the perspective of realistic description, the

international law of the sea is not a mere static body of rules but is rather a whole decision-making process, a public order which includes a structure of authorized decision-makers as well as a body of highly flexible, inherited prescriptions. It is, in other words, a process of continuous interaction, of continuous demand and response, in which the decision-makers of particular nation states unilaterally put forward claims of the most diverse and conflicting character to the use of the world’s seas, and in which other decision-makers, external to the demanding state and including both national and international officials, weigh and appraise these competing claims in terms of the interests of the world community and of the rival claimants, and ultimately accept or reject them. As such a process, it is a living, growing law (…) »1.

1. Le droit international se présente à l’observateur comme un ordre houleux. Ses manifestations révèlent une sorte de perpétuel mouvement, difforme et intelligemment structuré à la fois. On ne se lasse pas de considérer cette étrangeté et cet arbitraire voulant que les choses soient ainsi et non autrement. Mais l’étonnement devant le droit, érigé en principe philosophique à l’invitation de P. Amselek, doit inciter à lutter contre la torpeur et à « réactiver résolument cette conscience léthargique que nous avons du monde et de nous-mêmes dans notre expérience ordinaire »2.

Cette vitalité du droit international repose en grande partie sur les comportements unilatéraux des États ; ils constituent des particules omniprésentes de la vie sociale internationale et contribuent de bien des manières à établir ce qui fait droit entre eux et avec d’autres sujets. Or, l’influence de ces comportements sur la définition et l’évolution du droit international est si présente que l’on tend soit à oublier les interrogations que le phénomène soulève, par l’effet d’une sorte d’accoutumance à l’incertitude, soit à ne prêter attention qu’à quelques cas patents. Les tentatives de conceptualisation de cette banalité insaisissable du droit international se sont fixées sur le point de savoir si et comment il convient de qualifier ces

* S. Lem, Solaris, 1961, trad. J.-M. Jasienko, Paris, Gallimard, 2002, pp. 89-90.

1 M. S. McDougal, « The Hydrogen Bomb Tests and the International Law of the Sea », AJIL, vol. 49,

1955, n° 3, pp. 356-357.

2 P. Amselek, « L’étonnement devant le droit », APD, vol. 13, 1968, p. 167.

I

NTRODUCTION

« (…) tout ici passe et s’écoule, le mouvement est l’essence de cette architecture, un mouvement concentré et orienté vers un but précis. Nous n’observons qu’un fragment du processus (…). Pour voir réellement quelque chose, il faudrait s’éloigner, prendre un recul considérable ; mais tout se passe à l’intérieur de la symétriade – matrice colossale et proliférante, où la création est incessante, où le créé devient aussitôt créateur, où des « jumeaux » parfaitement identiques naissent aux antipodes, séparés par des échafaudages babéliens et des milles de distances. Ici, chaque construction monumentale, avec une beauté dont l’accomplissement échappe à notre vue, est l’exécutant et le chef, les formes collaborent entre elles et influent à tour de rôle les unes sur les autres. Une symphonie – oui, une symphonie qui se crée elle-même et s’arrête d’elle-même »*.

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comportements en tant qu’actes juridiques unilatéraux et sur l’identification de leur(s) régime(s) juridique(s). Il ne semble pas inutile, cependant, de se demander si la méthode consistant à les rattacher à des catégories juridiques prédéterminées est la bonne.

Un tour d’horizon des enjeux soulevés par une étude des comportements unilatéraux étatiques (§1) invite à déterminer rigoureusement le cadre théorique dans lequel elle doit s’inscrire (§2). Ce n’est qu’à cette condition que l’on pourra prétendre poser et délimiter le problème lié au rôle de ces comportements dans leurs rapports avec le processus normatif international (§3) et, enfin, exposer la thèse soutenue et la structure du raisonnement proposé (§4).

§1. Les enjeux de l’étude

2. Un aperçu du phénomène dans la pratique permet de souligner les intérêts renouvelés d’une telle étude (A). D’un point de vue théorique, l’appréhension des comportements unilatéraux des États par la doctrine a permis l’élaboration et la confrontation de différentes approches systématiques (B). Toutefois, ces dernières se heurtent à d’importantes difficultés (C).

A. Les comportements unilatéraux des États et les rapports de droit en pratique 3. Rares sont les internationalistes qui ne se sont pas intéressés d’une façon ou d’une autre aux comportements unilatéraux des États, juridiquement pertinents dans bon nombre d’hypothèses. En matière coutumière et conventionnelle, ils le sont à un double titre : celui des processus de formation des coutumes et traités en tant qu’ils constituent des procédés de production de normes d’une part (i.e. des sources formelles du droit international3), et celui

de la mise en œuvre de leurs contenus d’autre part, c’est-à-dire des normes qu’ils ont générées (1). À cela s’ajoute des situations toujours plus nombreuses dans lesquelles des comportements unilatéraux déploient des effets en dehors des rapports de droit manifestement conventionnels ou coutumiers, et ce en raison du caractère non formaliste du

3 L’expression « sources formelles » du droit international renvoie tantôt à un processus de formation du

droit, tantôt à un acte juridique, tantôt aux normes qui en résultent, v. J. Combacau, S. Sur, Droit international

public, Paris, LGDJ, Lextenso éditions, 12ème éd., 2016, pp. 42-43. Afin d’éviter toute confusion, l’expression

sera délaissée dans le cadre de cette étude, à moins que l’on fasse référence à des écrits doctrinaux spécifiques. V. aussi sur le rejet de l’expression « sources du droit », H. Kelsen, Théorie pure du droit, trad. C. Eisenmann, 1962, réédition, Paris, Bruylant, LGDJ, 1999, pp. 234-235.

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droit international (2). Par ailleurs, que ce soit dans le premier cadre ou le second, il convient de souligner que les évolutions de la société internationale contemporaine tendent à accentuer les effets des comportements unilatéraux sur la formation et l’évolution du droit (3).

1. La double fonction des comportements unilatéraux dans le cadre du droit coutumier et conventionnel

4. Naissance et évolution des règles coutumières et conventionnelles – En premier lieu, les comportements unilatéraux étatiques contribuent directement au processus, parfois séculaire, de formation et transformation des règles coutumières ; il s’agit certainement de l’expression la plus ancienne et la plus éloquente de leurs effets dans l’ordre juridique international4. Ainsi, par exemple, le droit de la mer et notamment les règles relatives à la

délimitation de la mer territoriale sont le fruit des revendications et reconnaissances émises entre les puissances maritimes qui cherchaient à préserver leurs intérêts dans le cadre de l’essor du commerce par bateau ; depuis le 11ème siècle où Venise prétendait exercer sa juridiction et

notamment lever des taxes sur l’intégralité de l’Adriatique, jusqu’à la formulation d’une règle plus répandue établissant la limite des délimitations unilatérales à 3 milles marins (la portée d’un coup de canon) à partir de la fin du 18ème siècle, puis 12 milles marins durant la seconde

moitié du 20ème siècle5.

5. En second lieu, les effets des comportements unilatéraux des États s’illustrent dans le cadre de la création et de l’évolution des règles conventionnelles, à propos desquelles il convient de distinguer deux situations typiques. La première concerne la formation du traité sous un angle strictement formel, en tant qu’instrument adopté suivant une certaine procédure. En ce sens, les comportements directement liés à la vie et à la mort des traités envisagés comme des actes juridiques déterminés peuvent être vus comme unilatéraux. Il en

4 Pour une vue d’ensemble sur les problèmes posés par le processus coutumier, v. par ex. P. Haggenmacher,

« La doctrine des deux éléments du droit coutumier dans la pratique de la Cour internationale », RGDIP, vol. 90, 1986, pp. 5-125 ; M. H. Mendelson, « The Formation of Customary International Law », RCADI, vol. 272, 1998, pp. 155-410 ; J. Kammerhofer, « Uncertainty in the Formal Sources of International Law: Customary International Law and Some of its Problems », EJIL, vol. 15, 2004, n° 3, pp. 523-553 ; R. Baker, « Customary International Law in the 21st Century: Old Challenges and New Debates », EJIL, vol. 21, 2010, n° 1, pp. 173-204.

5 Pour un résumé de l’évolution de la règle, v. par ex., M.-H. Renaut, Histoire du droit international public, Paris,

Ellipses, 2007, pp. 39-40 ; M. Lafourcade (dir.), La frontière des origines à nos jours, Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 1997, pp. 30-42 ; J.-P. Pancracio, Droit de la mer, Paris, Dalloz, 2010, pp. 150-155 ; F. Latty, « Du droit coutumier aux premières tentatives de codification », in M. Forteau, J.-M. Thouvenin (dir.), Traité de droit international de la mer, Paris, Pedone, 2017, spéc. pp. 37-39.

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va ainsi de la signature, de l’échange d’instruments constituant un traité, de l’acceptation, de l’approbation ou de l’adhésion, de la ratification et enfin de la dénonciation ou du retrait6.

Cependant, ils ne sont traités comme tels ni par la doctrine, ni en pratique, dès lors qu’ils sont les éléments d’une procédure complexe et pluripartite de formation d’un acte collectif, dont la condition essentielle d’existence réside dans un échange de volontés, et que leur régime dépend à ce titre directement du droit conventionnel. À côté de ces comportements, d’autres sont également rattachés aux traités en ce qu’ils conditionnent la portée de leur contenu matériel. Ceux-ci constituent néanmoins des actes considérés comme unilatéraux, par le droit conventionnel lui-même, leur fonction consistant à tisser dans le cadre du traité dont ils relèvent des rapports normatifs individualisés entre ses différentes parties. Il s’agit des réserves et des déclarations interprétatives ainsi que des acceptations ou objections dont les premières font l’objet en retour7. La seconde situation illustrant les effets des comportements unilatéraux

dans le cadre spécifique du droit des traités a trait au fait qu’ils sont susceptibles, selon un processus analogue à celui de l’évolution des coutumes, d’en préciser sinon d’en transformer le contenu. Comme l’a souligné D. Alland, « la conclusion définitive du traité ne signe pas la fin de l’histoire mais son début : son application et son interprétation unilatérales sont, sous certaines conditions, appelées à le modifier au cours du temps »8. La pratique subséquente à

l’adoption d’un traité peut ainsi devenir par la force des choses une pratique dérogatoire consacrant une règle nouvelle et détruisant l’ancienne. L’exemple le plus célèbre est certainement celui de la modification de l’article 27, § 3 de la Charte des Nations Unies, la Cour internationale de Justice (CIJ) ayant reconnu qu’en pratique, contrairement aux

6 Les modes d’expression du consentement à être lié sont énumérés à l’article 11 de la Convention de

Vienne de 1969 sur le droit des traités, qui évoque aussi, in fine, « tout autre moyen convenu ». La dénonciation ou le retrait sont évoqués aux articles 54 et 56. Ils sont possibles si le traité les prévoit ou peut être interprété comme tel. Mais l’article 54 précise également que l’extinction peut être convenue « par consentement de toutes les parties ».

7 Aux termes de l’article 2, § 1 d) de la Convention de Vienne, « l’expression « réserve » s’entend d’une

déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un État quand il signe, ratifie, accepte ou approuve un traité ou y adhère, par laquelle il vise à exclure ou à modifier l’effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur application à cet État ». Leur régime ainsi que celui des acceptations et objections dont elles font l’objet est prévu aux articles 19 à 23. Le phénomène des déclarations interprétatives fut ignoré à l’époque de la rédaction de la Convention. Toutefois, la lacune a été récemment comblée par le « Guide de la pratique sur les réserves aux traités » adopté par la CDI en 2011, qui y consacre de nombreuses dispositions. Selon la directive 1.2, la déclaration interprétative se définit comme « une déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un État ou par une organisation internationale, par laquelle cet État ou cette organisation vise à préciser ou à clarifier le sens ou la portée d’un traité ou de certaines de ses dispositions ». Le texte du Guide et ses commentaires sont reproduits dans le « Rapport de la Commission du droit international, Soixante-troisième session, 26 avril-3 juin et 4 juillet-12 août 2011 », doc. A/66/10/add.1.

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indications du texte, l’abstention d’un membre permanent du Conseil de sécurité ne pouvait faire obstacle à l’adoption d’une résolution9.

6. Application du droit coutumier et conventionnel – Pertinents pour l’élaboration et l’évolution des règles coutumières et conventionnelles, les comportements unilatéraux le sont également lorsqu’ils sont adoptés sur leur fondement. En ce sens, ils constituent des actes d’application du droit international. En pratique, soit les États se reconnaissent mutuellement le droit de réaliser certaines actions. C’est notamment le cas lorsqu’ils délimitent en vertu des règles en vigueur du droit de la mer les différentes zones maritimes au sein desquelles s’exerceront leurs compétences ou encore lorsqu’ils interviennent exceptionnellement sur des navires étrangers situés en haute mer10. Soit le droit coutumier ou conventionnel érige leurs

comportements en actes-conditions dont l’objet est de déclencher l’application d’un régime prédéterminé. Il en va ainsi lorsqu’un État décide d’octroyer sa nationalité, d’immatriculer un navire, un aéronef ou un engin spatial, lorsqu’il occupe une terre sans maître dans le but de rendre son acquisition opposable aux autres États ou encore lorsqu’il émet une demande d’extradition sur le fondement d’un traité en vertu duquel l’État requis, si les conditions prévues sont satisfaites, sera tenu d’y procéder. Dans tous ces cas, les comportements unilatéraux des États s’analysent sous l’angle et selon les problématiques des compétences que le droit international leur reconnaît. Toutefois, chaque comportement fondé sur une règle peut également être considéré comme pertinent pour la confirmation, l’interprétation ou la modification de celle-ci, selon le schéma précédemment évoqué. C’est donc leur valeur en tant qu’actes d’application et comme actes influençant les rapports normatifs qui permet d’illustrer leurs effets juridiques potentiels.

9 CIJ, avis consultatif du 21 juin 1971, Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, Rec., § 22.

10 Les exceptions coutumières à la compétence exclusive de l’État du pavillon sont : le droit de poursuite

par l’État côtier (article 111 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982), le droit de visite sur des navires marchands par tout navire ou aéronef d’État en cas de soupçon de certaines infractions (article 110), la répression de la piraterie (article 100), l’intervention en cas d’abordage ou tout autre incident de navigation maritime (article 97). D’autres conventions peuvent prévoir un droit d’intervention visant à assurer les finalités spécifiques prévues par chacune d’elle (contrôle des stocks de pêche, répression de certains trafics, etc.). V. H. J. Kim, « La haute mer », in M. Forteau, J.-M. Thouvenin (dir.), Traité de droit international de la mer, op. cit., spéc. pp. 428-430.

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2. Les effets des comportements unilatéraux dans les rapports de droit ni manifestement coutumiers ni manifestement conventionnels

7. Caractère non formaliste du droit international – Dans le cadre d’une analyse de ses procédés de production, il est reconnu que le droit international n’est pas formaliste. Les États peuvent s’engager mutuellement sans nécessairement établir entre eux de traités qui seraient qualifiés comme tels uniquement au terme d’un parcours procédural normalisé dont on trouve l’expression la plus aboutie dans la Convention de Vienne de 1969. Ils n’ont pas non plus à attendre ni à invoquer formellement la cristallisation d’une coutume, dont la valeur découle d’un processus indéterminé. C’est dans cet interstice flou, situé entre le traité comme acte juridique type et la coutume, que les comportements unilatéraux étatiques jouent depuis longtemps un rôle aussi remarqué qu’incertain.

8. Vigilance historique des États dans leur pratique diplomatique – La pratique étatique en livre des illustrations relativement anciennes. Celles-ci démontrent l’attention traditionnellement portée par les autorités étatiques aux conséquences potentielles que leurs conduites pourraient entraîner sur le plan du droit. Sans nécessairement aller jusqu’à considérer qu’elles se sentaient tenues par des règles, leurs actions étaient à tout le moins dirigées par une détermination à s’assurer de la consistance et de la clarté de leurs positions juridiques, en accord avec leurs intérêts. Il en existe des traces variées dans le Répertoire de la pratique française en matière de droit international public. D’un côté, les documents reproduits révèlent une certaine frilosité de la part des autorités françaises au moment de reconnaître la valeur des promesses formulées par d’autres États11. De l’autre, les actes de reconnaissance

semblaient ne soulever aucun débat quant à leur valeur juridique12. Entre ces deux extrêmes,

il fut néanmoins admis que des comportements tels que les acquiescements, les protestations ou les renonciations étaient susceptibles d’emporter de véritables conséquences sur la scène juridique. Ainsi, à propos des premiers, les autorités françaises ont pu considérer que les Puissances parties au Traité de Berlin de 1878 et ayant par la suite pris part à la rédaction de

11 Par ex., à propos de la déclaration égyptienne du 24 avril 1957 relative au canal de Suez, M.

Georges-Picot, représentant de la France au Nations Unies, déclarait lors de la séance du 26 avril 1957 du Conseil de sécurité : « [o]n nous dit qu’elle constitue un instrument international qui sera déposé et enregistré au Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies. Mais une déclaration unilatérale, même enregistrée, ne peut très évidemment avoir d’autre portée que celle d’un acte unilatéral, (…) décrétée unilatéralement, la déclaration peut être modifiée ou annulée de la même façon », A.-C. Kiss, Répertoire de la pratique française en

matière de droit international public, Paris, Éditions CNRS, 1962, tome 1, pp. 617-618, n° 1181.

12 V. la multitude d’exemples évoqués sous cette appellation au troisième tome du même Répertoire de la pratique française en matière de droit international public, Paris, Éditions CNRS, 1972, pp. 3-118.

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la Constitution de la Bulgarie avaient donné leur consentement silencieux à la remise en cause de l’une de ses dispositions :

« [q]ue les législateurs de Tirnovo aient perdu de vue le traité de Berlin en transformant une couronne élective en une couronne héréditaire, cela paraît incontestable. Mais il faut reconnaître aussi que l’Europe a ratifié par son assentiment tacite le fait accompli et que la Bulgarie est fondée à invoquer le bénéfice de la prescription »13.

Les protestations étaient également vues comme susceptibles d’emporter des effets juridiques. Ainsi, les États présents au Congrès de Vienne de 1815, notamment la France et le Royaume-Uni, considéraient qu’un tel comportement leur permettait d’assurer la conservation de leurs droits face aux violations des traités par la Russie. Il fut déclaré en ce sens que :

« si, dans une négociation européenne ayant pour but le rétablissement de la paix avec la Russie, il n’était nullement fait mention de l’infraction aux traités dont le gouvernement russe s’était rendu coupable en assimilant le royaume de Pologne à l’empire de Russie, infraction contre laquelle nous avions protesté, on pourrait considérer notre silence comme une sanction implicite et comme une renonciation à nos protestations précédentes (…) il serait désirable de faire quelque démarche de nature à corroborer l’opinion exprimée »14.

La possibilité de renoncer unilatéralement à un droit fut envisagée de façon tout aussi explicite. Par exemple, trois des puissances victorieuses de la Seconde guerre mondiale (les États-Unis d’Amérique, la France et le Royaume-Uni) ont déclaré abandonner le bénéfice de certaines des dispositions du Traité de paix de Paris de 1947 qui soumettaient l’Italie à diverses sanctions et restrictions militaires :

« [c]hacun des trois gouvernements, en ce qui concerne ses propres relations avec l’Italie, et sous réserve des droits acquis par les tiers, déclare donc qu’il accordera une attention favorable à une requête du gouvernement italien tendant à faire disparaître les restrictions et discriminations permanentes existant actuellement qui sont dépassées par

13 « M. Decrais, ambassadeur de France à Vienne, à M. Develle, ministre des Affaires étrangères, le 21 mars

1893 », in A.-C. Kiss, Répertoire de la pratique française en matière de droit international public, op. cit., t. 1, p. 634, n° 1211. Plus généralement, sur le silence étatique, v. A. Marie, Le silence de l’État comme manifestation de sa

volonté, Thèse, Paris II, 2013, 711 p., et pour la version publiée, v. Paris, Pedone, 2018, 720 p. Dans la suite

de cette étude, on se réfère uniquement à la thèse dactylographiée.

14 « Le Comte Walewski, ambassadeur de Sa Majesté à Londres, au ministre des Affaires étrangères, le 28

mars 1855 », A.-C. Kiss, Répertoire de la pratique française en matière de droit international public, op. cit., t. 1, p. 640, n° 1219. Dans le même ordre d’idée, on peut se référer à la protestation britannique du 9 décembre 1912 dirigée contre l’adoption par les États-Unis d’Amérique du Panama Canal Act de la même année. Le Secrétaire aux relations extérieures du Royaume-Uni, Sir Edward Frey, justifiait cette réaction dans la mesure où son gouvernement était « unwilling to give ground for an assertion that their silence had been taken for

consent », cité par I. C. MacGibbon, « Some Observations on the Part of Protest in International Law », BYIL, vol. 30, 1953, p. 299.

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les événements ou injustifiées dans les circonstances présentes, ou qui affectent son pouvoir d’assurer sa propre défense »15.

Dont acte, quelques mois plus tard, le Ministre français des affaires étrangères déclarait alors dans une lettre adressée à l’ambassadeur d’Italie en France :

« [j]e suis heureux de faire savoir à Votre Excellence que, en conformité avec les termes de la déclaration publiée le 26 septembre par les Gouvernements français, américain et britannique, le Gouvernement français accueille favorablement les propositions du Gouvernement italien »16.

9. Positions incertaines des gouvernements sur la valeur juridique des comportements unilatéraux– Plus récemment, dans le cadre des travaux de la Commission du droit international (CDI) relatifs aux actes unilatéraux des États, certains gouvernements ont formulé des opinions générales17. Ceux-ci reconnaissent la valeur juridique des actes

unilatéraux dans les hypothèses où la volonté des États auteurs apparaît suffisamment claire. Cependant, il en ressort surtout de grandes difficultés à déterminer la logique de leur fonctionnement. Ces difficultés sont manifestes sur au moins trois points. D’abord, la diversité des comportements concernés entraîne des interrogations relatives à l’homogénéité de leur(s) régime(s) et à la possibilité d’en proposer une systématisation. En ce sens, les Pays-Bas ont déclaré qu’ils :

« reconnaissent l’importance des actes unilatéraux à l’échelle internationale, mais constatent dans le même temps qu’il est difficile, en raison de la grande diversité des types d’actes unilatéraux, d’identifier les effets juridiques communs et de donner des réponses précises aux questions posées »18.

Ensuite, il apparaît certaines incertitudes ou réticences relatives à l’étendue de leurs effets par rapport à d’autres modes de formation du droit international comme les traités. À cet égard, la remarque de l’Italie est assez sibylline, voire contradictoire :

« [i]l est évident que l’objet de l’acte varie selon les cas, de même que les effets juridiques qui en découlent. Certains actes unilatéraux produisent des effets juridiques immédiats, d’autres créent des attentes, souvent indépendamment de l’intention réelle du sujet qui a promu l’acte. En tout cas, les effets des actes unilatéraux ne peuvent jamais être analogues à des traités, ceci pour éviter de compromettre la sécurité des relations

15 « Déclaration des Gouvernements américain, britannique et français au sujet des relations avec l’Italie,

le 26 septembre 1951 », A.-C. Kiss, Répertoire de la pratique française en matière de droit international public, op. cit., p. 357, n° 719.

16« M. Robert Schuman, ministre des Affaires étrangères, à M. Pietro Quaroni, ambassadeur d’Italie à

Paris, le 21 décembre 1951 », ibid.

17 V. CDI, « Actes unilatéraux – Réponses des gouvernements au questionnaire », 6 juillet 2000, doc.

A/CN.4/511, 22 p. et « Actes unilatéraux – Réponses des gouvernements au questionnaire », 18 avril 2002, doc. A/CN.4/524, 7 p. Pour une présentation des travaux de la CDI et les références associées, v. infra, §§ 17 et s.

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internationales. Certes, les attentes légitimes des parties doivent être sauvegardées, mais pas jusqu’au point de créer une nouvelle catégorie d’accords »19.

Enfin, certaines déclarations interrogent et peuvent laisser perplexe quant au fondement de leur caractère obligatoire. À ce propos, selon la Finlande :

« [u]n acte unilatéral a non seulement le caractère contraignant que l’État qui l’a formulé entend lui donner, mais aussi dans la mesure où il crée des attentes. Par conséquent, il peut devenir contraignant indépendamment de l’intention de son auteur »20.

10. Développements de la jurisprudence internationale – À côté des opinions délivrées par les autorités diplomatiques, la pratique contentieuse révèle également la pertinence historique des conduites unilatérales des États dans la définition de leurs rapports normatifs. Or, en la matière, si les juges ni ne s’appuient sur la figure de l’accord, ni ne constatent explicitement l’existence d’une coutume (éventuellement valable entre les seules parties à l’instance), l’attribution d’effets juridiques aux comportements unilatéraux dont il est question doit permette d’inférer l’existence logique d’une ou plusieurs règles non écrites qui en dicteraient la portée. L’identification des constantes de la jurisprudence internationale devrait alors contribuer à leur systématisation. Toutefois, s’il existe une multitude de cas dans lesquels des comportements unilatéraux étatiques se sont vu attribuer des effets au titre d’un « processus » non identifié de production du droit, la rareté des considérants de principe qui en décriraient la nature et le fonctionnement en des termes qui transcenderaient les cas d’espèce doit aussi être soulignée.

Seules quelques affaires ont offert l’occasion aux juges de formuler des remarques générales. Néanmoins, c’est toujours à propos d’une certaine catégorie de comportements. Ainsi, par exemple, les actes internes d’un État peuvent être juridiquement pertinents vis-à-vis des rapports que celui-ci entretient avec les tiers. S’ils interviennent dans un domaine régi par le droit international, alors leur opposabilité dépend des conditions posées par les règles qui en relèvent. En ce sens, à propos d’un acte de délimitation, la CIJ affirma dans l’Affaire des pêcheries (Royaume-Uni c. Norvège) de 1951 que :

« [l]a délimitation des espaces maritimes a toujours un aspect international ; elle ne saurait dépendre de la seule volonté de l’État riverain telle qu’elle s’exprime dans son droit interne. S’il est vrai que l’acte de délimitation est nécessairement un acte unilatéral, parce que l’État riverain a seul qualité pour y procéder, en revanche la validité de la délimitation à l’égard des États tiers relève du droit international »21.

19 Ibid., p. 16. 20 Ibid.

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C’est par ailleurs à propos des promesses que la Cour de La Haye a formulé son obiter le plus célèbre en matière de comportements unilatéraux. Dans ses deux arrêts rendus le 20 décembre 1974 en l’affaire des Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France) et (Australie c. France), elle reconnut la valeur contraignante des déclarations formulées par les autorités françaises à propos de la fin des essais opérés en atmosphère. Dans la mesure où il s’agissait là de l’objectif recherché par les deux États demandeurs, la Cour les a soumises à une analyse approfondie avant d’annoncer que le différend était en conséquence devenu sans objet. À cette occasion, elle énonça le principe suivant :

« [i]l est reconnu que des déclarations revêtant la forme d’actes unilatéraux et concernant des situations de droit ou de fait peuvent avoir pour effet de créer des obligations juridiques. (…) Quand l’État auteur de la déclaration entend être lié conformément à ses termes, cette intention confère à sa prise de position le caractère d’un engagement juridique, l’État intéressé étant désormais tenu en droit de suivre une ligne de conduite conforme à sa déclaration. Un engagement de cette nature, exprimé publiquement et dans l’intention de se lier, même hors du cadre de négociations internationales, a un effet obligatoire. Dans ces conditions, aucune contrepartie n’est nécessaire pour que la déclaration prenne effet, non plus qu’une acceptation ultérieure ni même une réplique ou une réaction d’autres États, car cela serait incompatible avec la nature strictement unilatérale de l’acte juridique par lequel l’État s’est prononcé »22.

La Cour poursuivit en précisant qu’une interprétation restrictive de ce genre de déclarations s’imposait et que leur forme n’était pas déterminante23. Par ailleurs, elle en fonda explicitement

le caractère obligatoire sur la bonne foi :

« [l]a confiance réciproque est une condition inhérente de la coopération internationale, surtout à une époque où, dans bien des domaines, cette coopération est de plus en plus indispensable. Tout comme la règle du droit des traités pacta sunt servanda elle-même, le caractère obligatoire d’un engagement international assumé par déclaration unilatérale repose sur la bonne foi. Les États intéressés peuvent donc tenir compte des déclarations unilatérales et tabler sur elles ; ils sont fondés à exiger que l’obligation ainsi créée soit respectée »24.

Les juges dégagèrent ainsi de la pratique des États la possibilité pour eux d’adopter un véritable engagement juridique unilatéral, assorti d’un régime propre et d’un principe général fondant son caractère obligatoire.

Dans un tout autre domaine, celui du silence, la pratique contentieuse offre également quelques développements visant à en expliquer la portée en des termes généraux. Ainsi, dans le contexte de la modification d’un traité par la pratique subséquente des parties, la sentence

22 CIJ, arrêts du 20 décembre 1974, Affaire des essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France), Rec., § 46 et (Australie c. France), Rec. § 43. On ne se réfèrera en général qu’à l’arrêt concernant la Nouvelle-Zélande.

23 Ibid., §§ 47-48. 24 Ibid., § 49.

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rendue en 2002 dans l’affaire de la Délimitation de la frontière entre l’Érythrée et l’Éthiopie (Érythrée/Éthiopie) permit à la Commission présidée par Sir Elihu Lauterpacht, de formuler l’idée suivante :

« [t]his process has been varisouly described by such terms, amongst others, as estoppel, preclusion, acquiescence or implied or tacit agreement. But in each case the ingredients are the same: an act, course of conduct or omission by or under the authority of one party indicative of its view of the content of the applicable legal rule – whether of treaty or customary origin; the knowledge, actual or reasonably to be inferred, of the other party, of such conduct or omission; and a failure by the latter party within a reasonable time to reject, or dissociate itself, the position taken by the first »25.

La CIJ énonça elle aussi un principe similaire, en des termes généraux, dans l’affaire Pedra Branca (Malaisie/Singapour) tranchée en 2008. En l’espèce, les juges ont considéré que le transfert d’un titre territorial au profit de la Malaisie était réalisé en raison de ses manifestations régulières de souveraineté non contestées par Singapour :

« [d]e telles manifestations peuvent appeler une réponse, en l’absence de laquelle elles deviennent opposables à l’État en question. L’absence de réaction peut tout à fait valoir acquiescement. (…) Autrement dit, un silence peut aussi être éloquent, mais seulement si le comportement de l’autre État appelle une réponse »26.

À l’inverse de l’exemple de l’acquiescement, la protestation a pu être décrite dans l’affaire El Chamizal, qui opposait en 1911 le Mexique aux États-Unis d’Amérique, comme un acte nécessaire et éventuellement suffisant, selon les cas, à l’interruption d’une éventuelle prescription acquisitive (peu important, selon la Commission, que le principe soit admis ou non en droit international). Ainsi, après avoir constaté que le Mexique avait régulièrement protesté par la voie des agents diplomatiques contre la présence de citoyens états-uniens et les actes des gouvernements local et fédéral sur le territoire disputé, la Commission précisa que : « [i]n private law, the interruption of prescription is effected by a suit, in dealings between nations this is of course impossible, unless and until an international tribunal is established for such purpose. In the present case, the Mexican claim was asserted before the International Boundary Commission within a reasonable time after it commenced to exercise its functions, and priori to that date the Mexican Government had done all that could be reasonably required of it by way of protest against the alleged encroachment »27.

25 SA du 13 avril 2002, RSA, vol. XXV, § 3.9.

26 CIJ, arrêt du 23 mai 2008, Souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge (Malaisie/Singapour), Rec., § 121.

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En somme, il est très largement admis qu’une certaine valeur juridique puisse être attribuée aux comportements unilatéraux des États sans pour autant qu’ils apparaissent manifestement rattachables à un « processus » conventionnel ou coutumier28.

3. L’accroissement des effets potentiels des comportements unilatéraux dans la pratique contemporaine

11. Conséquences des mutations de la société internationale – Les différentes assertions diplomatiques et surtout juridictionnelles évoquées méritent d’être mises en perspective à l’aune d’une pratique contemporaine susceptible de leur octroyer une portée considérable dans la société internationale du 21ème siècle. Cela renouvelle, par la même

occasion, les intérêts d’une étude approfondie des comportements unilatéraux des États et de leurs rôles dans la définition de leurs rapports de droit. La mondialisation est la source (en même temps que le résultat) de différentes évolutions de la société internationale dont il faut faire état et tenir compte. Le terme renvoie généralement à l’accroissement des communications et des flux transfrontières ainsi qu’à l’intensification des interdépendances et solidarités dans tous les domaines de la vie sociale observés pour l’essentiel et en raison des progrès technologiques durant les deux dernières décennies du 20ème siècle et jusqu’à nos

jours29. Or, ces mutations constitutives d’un « village-global » entrainent au moins trois types

de conséquences sur les relations internationales qui élèvent à divers titres le degré de pertinence des conduites unilatérales étatiques vis-à-vis de la formation et de l’évolution du droit international.

La première est un approfondissement et une accélération des relations internationales. Approfondissement, d’une part, dans la mesure où la coopération entre les États est plus fréquente et plus poussée à la fois. Dans des domaines variés, le droit international est donc en expansion. Or, la multiplication des traités et coutumes augmente considérablement la probabilité que la pratique unilatérale des États influence leurs évolutions potentielles. Accélération, d’autre part, car comme l’a souligné la CDI à l’aube de ses travaux sur les actes unilatéraux, leur fréquence ne cesse de grandir en raison des « transformations politiques, économiques et technologiques rapides que connaît actuellement la communauté

28 Sur la problématique de l’autonomie des actes unilatéraux des États vis-à-vis d’autres « sources »

traditionnelles du droit international, v. infra, §§ 15 et s.

29 V. pour une définition, G. Hermet, B. Badie, P. Birnbaum, P. Braud, Dictionnaire de la science politique et des institutions politiques, Paris, Armand Colin, 2015, p. 198 ; C. Ghorra-Gobin (dir.), Dictionnaire critique de la mondialisation, Paris, Armand Colin, 2012, p. 429.

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internationale et, en particulier, avec le développement remarquable des moyens d’expression et de transmission de l’attitude et de la conduite des États »30. Pour toutes ces raisons, les États

sont aujourd’hui soumis à une obligation accrue de vigilance s’ils ne veulent pas, le cas échéant, « subir » le développement du droit international en conséquence de l’effet attribué à l’absence de protestation contre telle ou telle prétention d’un tiers ou contre telle ou telle coutume en formation.

La deuxième conséquence concerne la relativisation du principe territorial qui fonde la société internationale traditionnelle, relativisation qui ne traduit pas un dépérissement de l’État et de ses compétences, loin s’en faut, mais une transformation des limites physiques tracées à celles-ci. En tant qu’invention relativement récente, exportée hors d’Europe depuis la fin du 17ème

siècle, le principe territorial structure le droit international classique. Cependant, comme l’a notamment démontré B. Badie, il n’a rien d’immuable. D’une part, il n’est pas parfaitement accepté dans toutes les régions du monde et, d’autre part, il tend à évoluer, sinon en partie à s’effacer, au profit de solidarités nouvelles facilitées par les progrès technologiques31. Cette

relativisation est le résultat d’un « dédoublement du monde », selon l’expression et le tableau schématique proposés par R.-J. Dupuy, entre les sujets primaires du droit international titulaires de la souveraineté d’un côté et un univers transnational composé d’acteurs privés de l’autre, ne tenant compte des premiers et de leurs puissances normatives que comme une donnée parmi d’autres dans le cadre de la réalisation de leurs activités32. Afin de les

réglementer, les États peuvent alors être tentés de les soumettre à des législations de portée extraterritoriale, légitimées par des interprétations de plus en plus extensives des titres de compétences traditionnels que le droit international leur reconnaît33. Dans ce cadre déjà

30 CDI, « Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa quarante-neuvième session,

12 mai – 18 juillet 1997 », doc. A/52/10, p. 65, § 196. Le constat est partagé par certains, not. P.-M. Dupuy, Y. Kerbrat, Droit international public, Paris, Dalloz, 13ème éd., 2016, p. 380. Par ailleurs, d’autres ont pu poser

la question, en apparence triviale, de savoir quelle valeur attribuer à un « tweet », V. Ndior, « Un tweet peut-il engager juridiquement un État en droit international ? Brèves élucubrations », 11 avril 2014, disponible en ligne : http://www.unpeudedroit.fr/droit-des-nouvelles-technologies/un-tweet-peut-il-engager-juridiqueme nt-un-etat-en-droit-international-breves-elucubrations/. Il faut dans le même sens souligner l’intérêt grandissant de certains pour les conséquences diplomatiques de l’usage des réseaux sociaux, v. not. le site internet consacré à ce sujet par l’agence de communication Burson-Marsteller : http://twiplomacy.com. Et sur les enjeux soulevés par l’utilisation des réseaux sociaux, v. not. V. Ndior, « Le réseau social : essai d’identification et de qualification », in V. Ndior (dir.), Droit et réseaux sociaux, Cergy Pontoise-Paris, LEJEP Lextenso éditions, 2015, spéc. pp. 31-35.

31 B. Badie, La fin des territoires, Paris, CNRS éditions, 2013, 278 p. Également, J.-D. Mouton, « La

mondialisation et la notion d’État », in SFDI, L’État dans la mondialisation. Colloque de Nancy, Paris, Pedone, 2013, spéc. pp. 18-23.

32 R.-J. Dupuy, « Le dédoublement du monde », RGDIP, vol. 100, 1996, n° 2, pp. 313-321.

33 Pour une condamnation des législations de portée extraterritoriale et la promotion d’une vision

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complexe, la dématérialisation des moyens de communication, qu’il s’agisse en général de l’Internet ou plus spécifiquement, par exemple, de l’imbrication des systèmes bancaires et financiers, crée de nouveaux vecteurs pour la projection instantanée des compétences (et valeurs) nationales vers l’extérieur. En ce sens, une régulation théoriquement territoriale des contenus de certains sites internet peut aisément emporter des conséquences directes à l’étranger si elle est exercée à l’égard de serveurs situés sur le territoire d’autres États34. Dans

la même veine, l’utilisation de chambres de compensations situées aux États-Unis d’Amérique par lesquelles transitent des opérations libellées en dollars états-uniens peut inciter les autorités de l’État émetteur de ladite monnaie à sanctionner diverses banques européennes pour avoir opéré des transferts de fonds depuis l’Europe vers l’Iran et Cuba, contrairement à l’embargo prescrit par une loi nationale35. La mise en concurrence déterritorialisée des compétences

étatiques fait ainsi le jeu des puissances car, dans ce genre de cas, l’effectivité de l’exercice de leurs compétences tend à supplanter les conditions éventuelles d’opposabilité de tels comportements, incitant en conséquence les États tiers à réagir formellement. Or, à défaut, la tolérance ou l’absence de réaction de ces derniers peuvent être réputées consolider un fondement juridique dont l’existence est a priori contestable. La situation rend d’autant plus difficile (mais aussi nécessaire) une protestation sur le terrain du droit – ce que la France n’a pas fait en l’espèce – que l’ensemble des ramifications de l’entreprise sur de nombreux territoires et dans différents secteurs d’activité fait qu’elle n’échappera pas, d’une manière ou d’une autre, à un exercice de compétence étatique potentiellement tentaculaire, qui trouvera ici ou là un lien de rattachement interprété unilatéralement comme suffisant pour en légitimer la cause.

de Chine sur la promotion du droit international du 25 juin 2016, disponible not. sur le site du Ministère des affaires étrangères russe : http://www.mid.ru/en/foreign_policy/news/-/asset_publisher/cKNonkJE02B w/content/id/2331698. Plus généralement, sur la question des effets de la mondialisation sur la définition des titres de compétences que les États se reconnaissent, v. not. G. Cahin, « Rapport » sur les notions, in SFDI, Les compétences de l’État en droit international, Paris, Pedone, 2006, pp. 43-44 ; dans le même ouvrage, E. Lagrange, « Rapport » sur les titres de compétence, contribution à laquelle on peut pour l’instant renvoyer en intégralité, pp. 97-132.

34 V. sur ce point les affaires évoquées par J. Bourguignon, « La recherche de preuves informatiques et

l’exercice extraterritorial des compétences de l’État », in SFDI, Internet et le droit international. Colloque de Rouen, Paris, Pedone, 2014, pp. 357-372.

35 M. Audit, R. Bismuth, A. Mignon-Colombet, « Sanctions et extraterritorialité du droit américain : quelles

réponses pour les entreprises françaises ? », JCP(G) – La semaine juridique, 2015, n° 1-2, pp. 64-65 ; R. Bismuth, « BNP Paribas : derrière les 10 milliards, l’extraterritorialité américaine », Liberation.fr, 5 juin 2014 ; R. Bismuth, « Pour une appréhension nuancée de l’extraterritorialité du droit américain – Quelques réflexions autour des procédures et sanctions visant Alstom et BNP Paribas », AFDI, vol. 61, 2015, pp. 785-807.

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La troisième conséquence, qui n’est autre que le revers de la précédente, concerne l’émergence dans les relations internationales de nouveaux acteurs privés transnationaux susceptibles eux-aussi de revendiquer le bénéfice des comportements unilatéraux étatiques. À ce propos, aucune des études récentes consacrées aux actes unilatéraux des États ne se penche sur les enjeux relatifs à leur valeur à l’égard des personnes privées. Il faut pour cela explorer les recherches consacrées à des domaines techniques comme le droit des investissements. Dans la mesure où il se compose à la fois de règles internationales (la myriade de traités bilatéraux d’investissements (TBI)) et internes, et dès lors que les législations nationales en la matière sont élaborées pour attirer et protéger sur le territoire de l’État des investisseurs étrangers, il arrive que ces derniers cherchent à faire valoir dans un cadre contentieux les engagements qui y seraient inclus. La loi et d’autres actes internes de l’État peuvent en ce sens être vus comme des actes unilatéraux qui l’engagent dans un rapport de droit avec les investisseurs concernés36. Ainsi, par exemple,

soit ils contiennent une offre d’arbitrage susceptible de leur permettre de saisir un tribunal ad hoc37, soit ils ont généré chez eux des attentes légitimes que les TBI protègent en imposant aux

États hôtes le respect d’un standard de traitement juste et équitable dont la jurisprudence arbitrale a élargi la portée38. Des rapports juridiques de cette nature peuvent en outre se

retrouver en dehors des seules relations entre États et investisseurs, par exemple lorsque des États s’engagent dans divers domaines (fiscalité, facilités d’accès au territoire, etc.) envers des fédérations sportives internationales dans le but d’attirer l’organisation de compétitions comme les Jeux olympiques ou la Coupe du monde de football39.

36 Dans son cours à l’Académie, P. Juillard a évoqué la possibilité que les codes nationaux d’investissement

puissent être considérés comme des actes unilatéraux internationalement pertinents, en leur appliquant notamment le principe dégagé par la CIJ dans l’affaire des Essais nucléaires, « L’évolution des sources du droit des investissements », RCADI, vol. 250, 1994, spéc. pp. 59-74.

37 V. par ex. les affaires CIRDI Southern Pacific Properties (SPP) c. Égypte, décision sur la compétence du 14

avril 1988, n° ARB/84/3, ILR, vol. 106, p. 532 ; et plus récemment Tidewater inc. c. Venezuela, décision sur la compétence du 8 février 2013, n° ARB/10/5, §§ 75-141, même si le tribunal rejette en l’espèce l’hypothèse du consentement inclus dans la loi vénézuélienne. V. aussi not. M. Mbengue, « National Legislation and Unilateral Acts of States », in T. Gazzini, E. de Brabandère (eds), International Investment

Law: the Sources of Rights and Obligations, Leiden, Martinus Nijhoff Publishers, 2012, pp. 183-216.

38 V. par ex. les affaires Sempra Energy International c. Argentine, sentence du 28 septembre 2007, CIRDI

n° ARB/02/16, § 303 ; Total S.A. c. Argentine, sentence sur la responsabilité du 27 septembre 2010, CIRDI n° ARB/04/01, § 131 ; El Paso Energy International Company c. Argentine, sentence du 31 octobre 2011, CIRDI n° ARB/03/15, § 376-377. Toutes les décisions arbitrales du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) sont disponibles en ligne à l’adresse : www.italaw.com.

39V. les exemples et l’analyse de la valeur de ces engagements unilatéraux présentés par F. Latty, La lex

sportiva. Recherche sur le droit transnational, Leiden-Boston, Martinus Nijhoff Publishers, 2007, spéc. pp. 583-601. Sachant qu’une compétition internationale pourrait éventuellement être qualifiée d’investissement, les fédérations organisatrices pourraient, le cas échéant, bénéficier de la protection des TBI pertinents, v. F. Latty, « Compétition sportive et droit international des investissements. Quelques élucubrations juridiques à l‘approche de la Coupe du monde de football au Brésil et des Jeux olympiques de Rio de Janeiro »,

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Ainsi, d’un côté, les comportements unilatéraux des États sont susceptibles de déployer des effets dans tout domaine matériel du droit international. De l’autre, ils interviennent de diverses manières dans l’ensemble des processus relatifs sa formation et à son évolution. L’un des enjeux majeurs de cette étude consiste à envisager une représentation théorique commune à l’ensemble de ces phénomènes.

B. Les comportements unilatéraux des États et les rapports de droit en doctrine 12. Il faut reconnaître que la tâche consistant à développer, dans un effort didactique, une approche générale de la valeur des comportements unilatéraux étatiques ne revient pas nécessairement aux juges. Bien que ces derniers se réfèrent aux éventuels précédents pertinents, le rôle consistant à dégager la portée d’une véritable « jurisprudence » revient plutôt à la doctrine40. L’appréhension des comportements unilatéraux des États par les auteurs

internationalistes s’étale, pour l’essentiel, sur les deux derniers tiers du 20ème et le début du

21ème siècles, l’affaire des Essais nucléaires (1974) ayant dans ce cheminement accentué

l’élaboration et la diffusion d’une théorie des sources formelles du droit international incluant les actes unilatéraux. À cet égard, deux débats, historiquement et logiquement dépendants, peuvent être distingués. Le premier, le plus ancien, porte sur l’aptitude des comportements unilatéraux à générer de manière autonome des droits et obligations. Autrement dit, il s’agit de la question de savoir s’ils revêtent un caractère obligatoire ou non et, le cas échéant, de déterminer le fondement de celui-ci (1). Le second débat – qui est un prolongement du premier – est consubstantiel à l’élaboration d’une théorie générale des actes juridiques en droit international et porte sur la construction et la délimitation, plus ou moins stricte, d’une catégorie légale assortie d’un régime juridique (2). Pensant alors pouvoir, in fine, dégager un certain nombre de constantes, la CDI s’est engagée dans une opération de codification d’un « droit des actes unilatéraux des États ». Celle-ci s’est toutefois révélée infructueuse (3).

40 V. par ex. les réflexions transposables au droit international de M. Deguergue, « Jurisprudence », Droits,

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1. Le débat relatif à l’autonomie et à la force obligatoire des comportements unilatéraux

13. Reconnaissance de leur autonomie potentielle à l’égard des traités et coutumes en tant que modes de production du droit – La question de l’aptitude des conduites unilatérales des États à générer des droits et obligations (et en particulier celle de la force obligatoire des promesses) fut sans doute l’une des plus controversées parmi les auteurs du 20ème siècle. Analysant un nombre limité de cas, ils adoptèrent pourtant des positions

diamétralement opposées. Deux groupes peuvent ainsi être distingués, sur la base de considérations tant chronologiques que logiques. Les premiers refusent, d’une manière ou d’une autre, toute autonomie juridique aux comportements unilatéraux, qui ne peuvent donc en eux-mêmes revêtir une force obligatoire. Leur nombre a progressivement diminué après-guerre mais on en trouve encore quelques représentants aujourd’hui. Les seconds reconnaissent quant à eux que certains comportements peuvent emporter des effets juridiques propres ; ils sont devenus nettement majoritaires à la suite des arrêts de la CIJ de 1974 rendus en l’affaire des Essais nucléaires.

Parmi les auteurs du premier groupe, certains niaient, purement et simplement, tout statut juridique aux comportements unilatéraux étatiques, considérant dès lors qu’ils n’avaient qu’une valeur politique ou morale41. Cette thèse ne trouve de nos jours plus aucun soutien

doctrinal tant elle manifesterait une ignorance de la pratique contemporaine. Les autres auteurs du même groupe ne leur attribuent des effets de droit qu’en tant qu’ils prennent part à un processus conventionnel plus ou moins largement envisagé. Par exemple, suivant une approche relativement stricte et en s’appuyant sur les écrits de Grotius et Pufendorf, R. Quadri s’efforça, dans son cours général à l’Académie publié en 1964, de ramener tous les éléments de pratique de l’époque à un schéma mêlant offres et acceptations (ou au fait que certaines promesses n’étaient que confirmatives d’une obligation préexistante)42. D’autres proposent

une vision plus souple, comme J. L Brierly, P. Reuter ou A. Gigante, en reconnaissant que

41 V. par ex. P. Ziccardi, La costituzione dell’ordinamento internazionale, Milan, Giuffrè, 1943, pp. 418-419 ; G.

Biscottini, Contributo alla teoria degli atti unilaterali nel diritto internazionale, Milan, Giuffrè, 1951, p. 518 ; G. Canzacchi, Istituzioni di diritto internazionale, Turin, Giapichelli, 5ème éd., 1963, p. 216. Ces trois références

sont citées par S. Carbone, « Promise in International Law: a Confirmation of its Binding Force », Italian

Yearbook of International Law, vol. 1, 1975, p. 167. Pour des éléments de pratique, v. l’affaire de l’Île de Lamu (Allemagne/Royaume-Uni), SA du 17 août 1889, RSA, vol. XXVIII, pp. 237-248, et l’affaire Emeric Kulin père c. État roumain, SA du tribunal mixte hongro-roumain du 10 janvier 1927, Recueil des décisions des tribunaux arbitraux mixtes institués par les traités de paix, vol. 7, 1928, p. 138.

42 R. Quadri, « Cours général de droit international public », RCADI, vol. 113, 1964, pp. 363-372 ; du même

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