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Projet, programme, image. Affichage urbain et promotion immobilière.

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Academic year: 2022

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HAL Id: hal-03511481

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03511481

Submitted on 17 Mar 2022

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

Projet, programme, image. Affichage urbain et promotion immobilière.

Alexandra Pignol, Stéphane Mroczkowski

To cite this version:

Alexandra Pignol, Stéphane Mroczkowski. Projet, programme, image. Affichage urbain et promotion immobilière.. Revue des Sciences sociales, Presses Universitaires de Strasbourg, 2017, Projection(s) urbaine(s), pp.122-127. �hal-03511481�

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HAL Id: hal-03511481

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03511481

Submitted on 17 Mar 2022

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Projet, programme, image. Affichage urbain et promotion immobilière.

Stéphane Mroczkowski, Alexandra Pignol

To cite this version:

Stéphane Mroczkowski, Alexandra Pignol. Projet, programme, image. Affichage urbain et promotion immobilière.. Revue des Sciences sociales, Presses Universitaires de Strasbourg, 2017. �hal-03511481�

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4

FLORENCE RUDOLF BARBARA MOROVICH CATHY BLANC-REIBEL Essor de la ville en projet.

Pratiques professionnelles et habitantes en

rétrospective

52

FLORENCE RUDOLF GHADA HASSAN FAROUK

Derrière les ashwaeyat : la ville des promoteurs. Retour de terrain à Alexandrie et au Caire 64

NIHAL DURMAZ

Prévention des risques par la maîtrise de l’urbanisation.

Le cas d’Istanbul 76

BARBARA MOROVICH JAVIER FERNÁNDEZ CASTRO Mémoire et mobilisation.

Un projet d’urbanisation de la Villa 31 à Buenos Aires 86

GILLES VODOUHE

La participation à Strasbourg–

Hautepierre. Une approche par les capabilités

94

CATHERINE DELCROIX ELSA LAGIER

La démocratie locale en tension dans un contexte d’intercommu- nalité en region parisienne PRATIQUES

PROFESSIONNELLES

PRÉSENTATION DES PROJETS EN PRATIQUE

14

MARIE-NOËLE DENIS Urbanisme de guerre. La reconstruction des villages alsaciens après la IIe Guerre mondiale (1941-1958) 22

FRANÇOIS NOWAKOWSKI Co-produire la ville. Impératifs techniques et démocratisation des processus de projet urbain

30

SANDRA PARVU

Le rarement dessinable.

La culture visuelle des paysagistes et sa contribution au projet urbain

42

DIDIER TAVERNE

Quels projets pour la ville et ses quartiers ?

SOMMAIRE

2017

57

RSS57.indb 2 22/05/17 14:29

(4)

104

CATHY BLANC-REIBEL

La Neustadt de Strasbourg.

L’exemple de co-construction d’un patrimoine urbain

112

HÉLÈNE VEIGA GOMES

Changer l’image de la ville. Le projet de la place d’Intendente à Lisbonne

122

ALEXANDRA PIGNOL- MROCZKOWSKI

STÉPHANE MROCZKOWSKI Affichage urbain et promotion immobilière

128

BRUNO STEINER

Paysager la ville : vers une démocratie d’interaction et d’émotion

136

GILLES NOEPPEL PATRICK SCHMOLL

La ville en jeu. Projections urbaines

des concepteurs de jeu vidéo CHANGER L'IMAGE

DE LA VILLE CHANTIERS

DE RECHERCHE

152

ABDOULAYE NGOM

Les tentatives d’émigration par la mer de jeunes Sénégalais de Casamance

160

MAHMOUD CHAHDI

Réinventer le public marocain dans un contexte de gratuité 166

GUILLAUME CHRISTEN PIERRE DIAS

MURIEL DUDT LYES LAIFA WISSAL SELMI

Vue(s) et point(s) de vue de Strasbourg : les frontières de l’espace urbain

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122

Projet,

programme, image

Affichage urbain et promotion immobilière

alexandra PiGnol-Mroczkowski

Philosophe

ENSAS, laboratoire AMUP (INSAENSAS), Université de Strasbourg

stéPhane Mroczkowski

Maître de conférences en arts plastiques et artiste, ESPE, ACCRA Université de Strasbourg

À

la fin des années 1950 et dans les années 1960, dans le contexte particulier des « trente glorieuses », Roland Barthes a posé les jalons d’une analyse des mythes populaires et de leurs manifestations visuelles, notamment dans la publicité.

Barthes a donné à voir la structure des images, il en a fait comprendre la com- plexité, contre une lecture « naïve ». Il a remis en question l’image des mythes modernes, pour qu’ils ne restent pas

« paroles dépolitisées », des images

« naturelles ». Dans les années 1980, et dans un tout autre contexte, celui de la montée en puissance des revendica- tions des minorités dans l’Amérique de Reagan et de Bush, un penseur comme W. J. T. Mitchell a su mettre en évidence que toute image est une manifestation où se jouent des inte- ractions sociales, voire des luttes de pouvoir, des conflits sociaux et poli- tiques. L’analyse des images (de toutes les images, au-delà des cloisonnements de disciplines et de genres) représente un enjeu de culture visuelle en général.

Là où Barthes cherchait à montrer les mythes comme des « fabrications » et déconstruisait des images qui sem-

blaient faire l’unanimité, Mitchell quant à lui considère l’image comme enjeu de pouvoir et comme représen- tation du pouvoir. Sans toutefois nous engager dans un débat sur les images

« qui font (ou veulent) le mal » (« What we need is a critique of visual culture that is alert to the power of images for good and evil… » Mitchell, 1995), nous tenterons de croiser les disci- plines (architecture, philosophie, arts visuels, anthropologie) afin de mieux comprendre les images qui nous inté- ressent pour le présent article.

Notre objet d’étude, l’affichage de projets urbains par les grands groupes de promotion immobilière, est la manifestation visuelle de certaines oppositions dans la ville aujourd’hui, et questionne la manière dont s’affiche le projet architectural en ville. Entre ancien et neuf, public et privé, image et réalité. Nous verrons que ces images de grand format, à l’ère de la pro- duction informatisée des images de projet architectural, ne sont plus tant de l’ordre du projet, mais plutôt de l’ordre du programme (Déotte, 2013), tout comme elles sont des images dans l’image, elles sont le signe que la ville

se mue en décor. Nous proposons donc un début d’analyse esthétique, stylis- tique et sémantique de ce nouveau type de projection urbaine. En pri- vilégiant l’image que se donnent ces projections, nous en faisons une ana- lyse très limitée, mais il nous semble important d’en interpréter les effets sur le paysage urbain et les usagers.

L’image dans la ville

n

De quelle nature ?

De jolies résidences, 3 à 6 étages.

Du studio au 5 pièces duplex avec terrasse. Ecoquartier, aux portes de la ville, proximité transports en com- mun. Commerces en rez-de-chaus- sée, école à 5 minutes. Quel style ? Un bloc principal et des ruptures sur les niveaux supérieurs : un ou deux étages en retrait qui libèrent des ter- rasses. Les textures que l’on retrouve en priorité : brique (le plus souvent plaquée par panneaux entiers…), enduits lisses, blanc, gris, noir, ou pan- neaux de bois en lattis, de zinc ou autre

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A. Pignol-Mroczkowski, S. Mroczkowski Projet, programme, image matériau préparé ailleurs et assemblé

sur place… Des effets asymétriques, souvent avec des balcons. Parfois dif- férenciés par des couleurs vives, mais l’on retrouve le plus souvent du noir, du gris, du blanc, associés à des teintes

« naturelles », brique, bois.

Dans le présent article, nous nous intéressons à un certain type de pro- jets. Des projets qui semblent échap- per à la concertation avec les usagers, des projets qui s’affichent en grand format dans la ville. Des projets de promoteurs immobiliers qui parfois se présentent sur ces affiches géantes comme « la nouvelle ville », « de nou- veaux quartiers ». « Ici, (telle entre- prise) construit un nouveau quartier ».

La ville s’affiche ainsi comme un ensemble qui se conçoit dans les bureaux d’entreprise, et se construit au nom de ces entreprises. Une ville

façonnée par les marques, par les logos et les représentations d’entreprises pri- vées.

Bien sûr il y a une planification à l’échelle des institutions et établisse- ments publics. Nous mettons volon- tairement l’accent sur les images qui se présentent en fin de projet, là où tout est décidé : le chantier a démarré, les images du bâti créées à l’ordina- teur complètent le chantier en lui don- nant sa part de communication. Tout autour du trou béant qui va accueillir les fondations, il faut annoncer, com- muniquer, rendre visible le projet.

La typologie des résidences d’habi- tation contemporaines telles que l’on peut les voir se développer massi- vement dans les quartiers des villes françaises notamment, correspond à un même modèle. Promu le plus souvent par de grandes entreprises de

construction, ayant acquis des terrains vendus par les villes. Uniformisation ? Architecture en kit ? Dématériali- sée, comme le dénonce avec vigueur un architecte comme R. Ricciotti ? Un paysage bien matériel pourtant se dessine – pour longtemps – avec des éléments que l’on retrouve de La Courneuve à Strasbourg, en passant par Montpellier ou Marseille.

D’où viennent ces éléments ? Des débuts du modernisme ? Les angles droits, les toits plats, l’asymé- trie y feraient penser. Les matériaux semblent vouloir signifier aussi autre chose : une diversité qui serait l’image de ces nouveaux quartiers. Ils semblent conçus aux antipodes du logement collectif uniformisé et bon marché des années 1960 et 1970. Comme pour mieux signifier une architecture vivante et non pas reproductible…

Alexandra et Stéphane Mroczkowski, Projection, Liège, 2016, montage numérique.

(7)

Revue des Sciences Sociales, 2017, n° 57, « Projection(s) urbaine(s) : réflexivités croisées sur le projet » 124

Mais aussi à échelle humaine, qui

« préserve l’intimité »… Proche des usagers ? Démocratique ?

Les images de promotion telles que nous les croisons au quotidien en ville ou en proche périphérie urbaine, semblent sans contexte, sans popu- lation (ou alors un « échantillon » de personnes, qui semble comme un groupe d’acteurs sur une scène), sans usage (pas de vélos garés rapidement aux poteaux, pas de graffiti, pas de balcons encombrés…). C’est du neuf dans un monde neuf ; les sols sont immaculés, rien n’y laisse sa trace.

Le style architectural ainsi repré- senté se compose de blocs parallé- lépipédiques avec terrasses, le plus souvent en volumes irréguliers qui imitent les effets dus à la succession des constructions dans le temps, un semblant de variété architecturale. Les matériaux privilégiés sont la brique (de placage le plus souvent, avec une épaisseur de quelques centimètres…), du zinc comme habillage, des enduits blancs, gris, noirs, ou colorés, et régulièrement du bois qui recouvre du béton. Ces images montrent une architecture reproductible, conçue à l’ordinateur ; elle semble faite pour être assemblée sur place. Du béton massivement, recouvert ensuite de matériaux à la mode, collés, ou vissés sur des rails.

À qui s’adressent ces images ? Pas forcément aux futurs acquérants ou locataires. Elles s’adressent aussi aux passants qui doivent y voir une vision idéalisée de l’endroit (en chantier) qu’ils ont devant eux.

Ces images structurent aussi l’es- pace public. Elles font sens dans le pay- sage urbain. Que disent ces images ? Elles sont trop « belles » pour être vraies. Elles seront ensuite remplacées par la réalité, forcément décevante, du bâti terminé. Quel a alors été leur rôle ? Une action temporaire qu’il n’est pas inutile de regarder attentivement. Afin de saisir l’un des aspects de la concep- tion urbaine contemporaine.

Ces images sont-elles l’unique solution pour cacher ce que R. Ric- ciotti (2009) dénonce dans ce type de construction : perte d’épaisseur des façades, panneaux légers d’habillage standardisés ? L’architecte dénonce

les emplois délocalisés (les éléments sont fabriqués ailleurs et assemblés sur place), les savoirs et savoir-faire dispersés. Des constructions au service de la rentabilité financière.

Devant le langage de l’entreprise de promotion immobilière, nous devrions voir (si l’on en croit ces images) de nouveaux quartiers, donc des lieux insérés dans le tissu urbain existant, indissociables du contexte environnant. Des lieux qui existent en tant que lieu : avec une histoire, des usages, des centres (au sens d’espaces où s’exprime « la sociabilité collective » définie par Vanoni et Auclair, 2002) des liens avec d’autres quartiers et d’autres lieux, des rues, des axes, des places publiques. Des images idéali- sées pour faire oublier que ces espaces pourraient vite devenir des non-lieux (Augé, 1992) ? Sans histoire, sans usagers, des lieux de passage dans un réseau de communication, sans espace public (espace qui est celui de l’opi- nion publique, du débat, de la concer- tation, tel qu’il a pu être défini dans les textes de Jürgen Habermas). Pour faire oublier que ces espaces bâtis le sont avant tout pour correspondre à un modèle de rentabilité pensé a priori.

Comment fonctionnent ces images ? Une pancarte surdimensionnée, ou une image géante. Elle fait s’effon- drer tout l’espace réel autour d’elle.

La réalité de la ville telle qu’elle est, du quartier tel que nous le côtoyons, disparaît. Cette image requiert notre attention, elle nous absorbe entière- ment. Elle nous captive, nous rend captifs. Nous sommes dans la ville et un peu en dehors d’elle, dans un futur proche imagé.

Il faut dire que cette affiche de pro- motion immobilière a (parfois) qua- siment la taille du bâtiment dont elle fait la promotion. Dont elle se veut l’annonciatrice prometteuse. Nous avons en face de nous l’image d’un immeuble, d’un lotissement à venir : l’image est un bel aplat, c’est vraiment une image pour l’avenir, pour la ville en devenir. Et c’est ici.

Cette image nous dit quelque chose : elle nous promet qu’un quar- tier, ce quartier dans lequel nous nous

trouvons va recevoir, va construire, va voir s’ériger quelque chose : un ou plusieurs bâtiments, dont l’ensemble présente une cohérence sublimée, des logements, mais aussi des commerces en rez-de-chaussée, mais aussi des bureaux (quelquefois). La promesse est celle d’une qualité. Parfois même d’un ensemble de « standing ».

Nous voici arrivés à l’ère de l’archi- tecture complètement soumise à la reproductibilité. Des images sédui- santes d’architecture, semblables, reconnaissables, qui fonctionnent quel que soit le contexte. Avec le plus souvent les mêmes ingrédients. Des images séduisantes, simulations en trois dimensions, mais sur la surface iconique d’un imprimé publicitaire géant présentant notre avenir proche, notre devenir, notre ville.

L’architecture représentée est –  pour le dire vite – le plus souvent d’inspiration « moderniste ». Elle pré- sente des angles droits, des formes simples, épurées, le blanc semble être la couleur dominante. Mais c’est un modernisme adouci, édulcoré, appa- remment humanisé : l’austérité du blanc, trop froid, est relativisée par des touches de couleurs vives (le rouge, l’orange) ou des pastels tendres (vert, brun, beige, ou toutes nuances de gris).

L’arrogance de l’orthogonale moder- niste est cassée par des modules com- plexes, des asymétries avantageuses, des volumes qui se ressemblent mais ne se reproduisent pas à l’identique.

Le béton brut – et avec lui tout l’idéal de l’honnêteté du matériau de l’archi- tecture et du design moderniste – est vite recouvert pour le rendre invisible : le métal (zinc brut, aluminium mat ou autre métal peint), le verre, dialogue avec la pierre, la (fausse) brique, le bois (de basse qualité).

Notre regard désenchanté par la modernité (ou par ses prétentions d’universalisme ?) se voit réenchanté par une modernité bien plus promet- teuse, c’est-à-dire « une architecture très contemporaine ». La modernité déshumanisante du brutalisme (Ban- ham, 1955) des logements collectifs et des grands bâtiments institutionnels d’après 1945 est réinventée en habil- lant (et en appauvrissant) le béton.

Simplicité peut rimer avec harmonie

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A. Pignol-Mroczkowski, S. Mroczkowski Projet, programme, image des couleurs. La rigueur des formes

s’enjolive de son versant plus déco- ratif. Comme l’affirme une plaquette d’un projet type : « Une architecture vivante, rythmée par des niveaux variés et des ouvertures différentes.

Des lignes simples et claires mais jamais monotones. »

Ces architectures proposées par de grands groupes de promotion immo- bilière sont le plus souvent des mul- tiples : ce sont des produits efficaces, pensés par des professionnels compé- tents, et pour répondre à des besoins actuels, voire immédiats. Ils se déve- loppent à l’échelle d’un pays entier.

Les villes « promues » veulent devenir les villes à la mode, les villes qui se développent. Pas les villes en crise qui perdent leur population et leurs com- merces de proximité, qui voient se vider leur centre-ville. Les quartiers

« promus » deviennent les quartiers où l’on reconnaît un renouvellement (de population, de génération), « un cœur tout neuf ».

Ces bâtiments semblent venir combler un vide : c’est l’offre qui répond à une demande, c’est le bâti qui vient remplir l’espace construc- tible, vierge, vacant, ou à reconstruire.

Ces architectures viennent épauler le développement des centres et des espaces périurbains, des espaces péri- phériques, des villes en expansion.

L’image d’architecture qui se trouve en face de nous comble ainsi une attente (un espace vide, vague, est un espace qui doit être aménagé). Nous sommes loin de l’éloge du terrain vague de l’Europe de la reconstruction d’après la seconde guerre mondiale… Ces ter- rains de gravats réinvestis pour le jeu à Londres ou reconfigurés, avec les aires de jeu d’Aldo Van Eyck aux Pays-Bas.

Aujourd’hui la ville s’affaire à combler toute vacance… Cette image donne à voir en deux dimensions ce qui est promis à la réalisation dans un futur très proche (Banham, 1960). L’image est un système signifiant efficace et très cohérent : elle permet à chaque citoyen de se faire une idée apparemment pré- cise de l’avenir en construction. C’est donc aussi une image qui a vertu de pédagogie.

Elle signifie. C’est un système signi- fiant, mais qui ne signifie pas uni-

quement pour les spécialistes avertis.

Elle signifie pour tous. Aurait-elle une qualité démocratique indéniable ? Ou bien a-t-elle une force consensuelle qui annule tout débat démocratique justement ?

Elle renvoie en effet à un système de signes qui est reconnaissable. Qui est compréhensible, partagé (mais qui ne fait pas forcément l’unanimité). Un système qui fonctionne en lien avec la communication visuelle à laquelle nous sommes habitués, entre le monde de la publicité de produits et le monde de la promotion immobilière, de l’architecture et de la représentation urbaine. Avec une distinction qui fait entrer ces images d’architecture dans un paysage qui n’est plus à dis- cuter, à choisir. Ni à accepter ni à rejeter, comme le serait un produit de consommation courante. Ici, les appartements sont parfois déjà tous vendus au moment où s’affiche le projet dans la ville. L’image devant le chantier n’est alors plus que l’annonce de quelque chose qui se réalise déjà.

C’est la réalisation d’un programme.

Et le parallèle avec la réalisation d’un programme informatique nous per- met un autre point de vue sur ces architectures. Comme l’image numé- rique (à l’écran), ces architectures sont la matérialisation d’un programme invisible (le code). Comme le souligne J.-L. Déotte (2013),

ce qui se joue aujourd’hui, avec le numé- rique, c’est l’abandon du monde de la représentation, et donc du projet, pour celui du programme. […] La modernité peut se caractériser par cette capacité, collective et subjective, à faire des projets.

Plus rien de tel avec un programme, qui, quelle que soit la réalité qu’il détermine, doit nécessairement se réaliser : c’est sa dimension immédiatement pragmatique.

La réalisation d’un programme immobilier peut-elle s’apparenter à la réalisation d’un programme informa- tique ? L’image – numérique – qui se donne à voir devant le chantier est- elle le signe de la réalisation « prag- matique » du programme ? Ce qui est sûr, c’est que cette grande image n’est pas de l’ordre de l’esquisse, du projet, moderne. Elle est assurément d’une autre ère.

L’image dans l’image

(le décor)

n

L’image dit simplement avec un code compréhensible ce qui semble être la vérité de ce qui va être (construit). Mieux : elle est plus vraie que notre avenir en construction (elle est déjà là, notre avenir construit ne l’est pas encore), et elle est moins approximative. Bref, elle est plus vraie que nature.

L’image se substitue à la réalité du bâti. Grâce aux images de la ville en devenir, nous sommes en mesure de comprendre le caractère anticipé, pensé, réfléchi de ce qui nous semble le plus souvent ardu, difficile à com- prendre trop dense, et démesuré (puisque cela dépasse notre échelle du ressenti et du vécu quotidien). La même plaquette de promotion citée plus haut indique aussi en petits carac- tères, sur le bord de la page : « Textes et illustrations non contractuels à carac- tère d’ambiance. »

Ces images de projets de promo- teurs sont d’abord des images. En deux dimensions, sans la richesse de l’es- pace architectural et urbain. Ce sont de (trop) belles images, statiques (même si les simulations d’aujourd’hui peuvent être dynamiques). Elles sont d’abord conçues sur des écrans d’ordinateur.

Et sont conçues pour des écrans, des panneaux, des bâches imprimées. Ce sont des décors assez pauvres et stan- dardisés. Ce sont des « ambiances ».

Comme les images imprimées qui recouvrent de plus en plus les bâti- ments en chantier : ne surtout pas voir le chantier, mais voir une image fixe et idéale, une gravure de mode. Comme le relève J. Urban (2014), les restau- rations en cours d’immeubles histo- riques en Italie par exemple (Rome, Florence, Venise) sont recouvertes de gigantesques bâches imprimées. Elles montrent une image idéalisée de l’im- meuble, une sorte de trompe l’œil qui transforme l’image en architecture et l’architecture en image (touristique en l’occurrence).

Il nous vient aussi à l’esprit une œuvre déjà ancienne de l’artiste fran- çais Pierre Huyghe, Chantier – Barbès Rochechoir (1994), dans laquelle il pose

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Revue des Sciences Sociales, 2017, n° 57, « Projection(s) urbaine(s) : réflexivités croisées sur le projet » 126

dans un chantier de voirie un panneau 4 x 3 de type publicitaire, où il affiche une photographie qui semble repro- duire une scène du même chantier. Le panneau, avec sa taille et sa hauteur, rend le banal chantier immédiatement visible. L’image, une scène jouée sur le site même mais avec des acteurs, est une représentation, presque une fiction (les poses semblent figées, la scénographie préparée…).

Avec cette œuvre, Pierre Huyghe inverse la hiérarchie habituelle de l’espace urbain en travaux. Là où en général le chantier est caché voire remplacé par des images de grand for- mat, Huyghe le duplique et en fait une reconstitution iconographique. Image qui dédouble et décale le réel.

Pour revenir à nos projections urbaines de promoteurs, ce serait comme si les chantiers d’immeubles étaient dédoublés par des images de ces mêmes immeubles en construc- tion (structure et matériaux visibles, travailleurs mis en scène). À la place des habillages et des vues idéalisées nous verrions la nature même de la construction, et à la place du couple ou de la famille qui pose pour incarner les futurs occupants, nous verrions une équipe d’ouvriers au travail.

À propos de l’image dans la ville depuis les trentes glorieuses, nous pourrions aussi évoquer le constat que fait H. Geldzahler en 1963 à propos des « nouveaux peintres de paysage » que sont les artistes pop. Désormais l’image publicitaire a recouvert le pay- sage, l’image est devenue notre pay- sage urbain. « Eh bien, les panneaux publicitaires ne sont pas tombés et nos contemporains ne peuvent plus peindre d’arbres avec une très grande pertinence. Aussi peignent-ils des pan- neaux publicitaires. » Ou encore à la même époque les propos de H. Hollein (1966-1967), pour qui l’architecture est une communication :

Un bâtiment peut devenir entièrement information, son message pourrait tout aussi bien être perçu par les seuls moyens d’information (presse, télévision, etc.).

Il semble en effet presque sans impor- tance que l’Acropole ou les Pyramides, par exemple, existent vraiment, puisque la connaissance qu’en a la plus grande partie du public ne relève pas d’un usage,

de l’expérience, mais se constitue de façon autre, et que leur rôle repose justement sur leur effet d’information. Un bâtiment pourrait donc être simulé.

Il y autre chose encore qui se joue aujourd’hui avec ces chantiers à la communication standardisée.

Ce n’est pas une représentation du réel sur un site réel (Huyghe), mais plutôt une image dans l’image. Une image d’architecture qui sera elle- même image, décor où la façade joue un rôle primordial. Ce n’est pas non plus une architecture simulée (Hol- lein), une architecture-information, ou une architecture-document. C’est plutôt une simulation qui aura vite fait de se ternir, de se fissurer… Une

« ambiance », sans réalité physique.

Si l’image est très prometteuse, le résultat (c’est-à-dire la construc- tion) devra forcément être décevant.

L’image est complète, persuasive, pré- sente un niveau de véracité tel, que la construction ne pourra qu’être tri- viale : escaliers de secours, coursives, parkings, poubelles, et tellement d’autres détails qui viendront altérer la cohérence du tout et l’homogénéité du projet vu à l’image. L’image nous donne à voir une synthèse du réel à venir. La réalité nous donnera à res- sentir la trivialité de notre existence, de l’altération de la chose bâtie dès qu’elle est soumise aux intempéries, au vécu, aux appropriations diverses : occupation des balcons, remplis de vélos et autres emballages d’électromé- nager, rideaux dépareillés et ternis aux fenêtres, caractère hétérogène et dis- cordant de ce qui était prévu comme harmonieux à l’image.

L’image est de l’ordre de la promesse.

Elle est iconique (Mitchell, 1986). Si l’image répond à l’injonction de l’ico- nicité, la réalisation répond quant à elle à l’injonction de l’économie : rentabi- lité, économie de moyens, adéquation matériaux / volumes /coûts.

Devons-nous le regretter ? Devons- nous le dénoncer ? Non, simplement il est nécessaire de comprendre qu’il s’agit ici de deux régimes, de deux paradigmes différents (mais qui parlent de la même chose).

Pouvons-nous dire qu’il s’agit d’une

« architecture d’image » un peu comme il y eut une « architecture de papier » à

l’époque moderne, à laquelle se réfère volontiers, d’un point de vue formel, cette nouvelle forme architecturale si répandue ? Non plus. Car la dimen- sion d’image ici ne remplit plus du tout la même fonction qu’à l’époque moderne. Ici l’image n’est pas un outil de pensée et de projection, elle est un outil de promotion et de program- mation. Elle communique à propos d’un projet. Elle n’est pas le projet, l’esquisse, la pensée architecturale au travail. Elle n’est pas une « image de pensée » (Caraës, Marchand-Zanartu, 2011), elle est une image qui doit nous faire éviter de penser, comme beau- coup d’images publicitaires.

C’est paradoxalement une image a posteriori qui promet ce qui a priori n’est pas encore construit. On pour- rait la qualifier d’image postmoderne par excellence. Elle rassemble en son sein trois régimes : le passé, le présent, le futur.

Elle convoque en effet le passé : ces images nous renvoient à un ensemble connu de références que nous sommes censés maîtriser, ou que nous perce- vons sans le savoir. Mais elle invoque aussi le présent : l’image est là devant nous et se présente à nous comme évi- dence. Le chantier est là pour prouver et montrer son effectuation au pré- sent. L’image travaille avec sa réalisa- tion effective, elle incarne l’actualité, le moment, la mode. Sa présence est un présent tendu vers le futur, image annonciatrice de ce qui va devenir notre futur. C’est un futur au présent ou la présence d’un futur immédiat (Banham, 1960).

Façades

Que percevons-nous au juste de ces bâtiments qui s’apprêtent à nous ad-venir ? Nous en percevons l’image, l’image de la façade surtout (c’est le plus souvent les façades d’immeubles, leur alignement rigoureux et cohé- rent qui nous est présenté, rarement des vues intérieures, à part pour les réalisations « de standing »). Nous percevons désormais essentiellement l’architecture qui advient ici comme quelque chose qui se développe en deux dimensions, et non plus en trois dimensions. L’architecture se pré-

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A. Pignol-Mroczkowski, S. Mroczkowski Projet, programme, image sente à nous désormais dans sa bidi-

mensionnalité abstraite (mais mieux compréhensible) plutôt que dans une tri-dimensionnalité sensitive et sensible (l’architecture est un espace, voire un lieu qui s’habite, s’arpente par et à l’épreuve du corps).

Ces images privilégient la contem- plation à l’expérience architecturale.

Elles supposent un regard passif plutôt qu’une expérience active de la ville en construction.

La dimension de l’image ne doit pas être sous-estimée : elle va deve- nir le filtre (unique) par lequel nous apercevrons, nous percevrons et nous nous approprierons l’architecture qui va devenir. L’image devient le mode d’emploi, l’outil de lecture de ce qui est réel.

L’image va générer un régime de comparaison permanent entre ce qui est (ce qui est advenu, à partir de la promesse de l’image surdimension- née dans la ville de l’avenir proche en chantier) et de ce qui allait être (ce qui dans la promesse de la communication par le groupe de promotion immobi- lière se présentait à nous sous le régime de l’image pure, de « l’ambiance »).

Cela évidemment contribue à trans- former en profondeur notre usage de l’architecture, mais aussi notre com- préhension, et notre point de vue cri- tique à son sujet. D’un régime de la promesse (le projet est la promesse d’une rencontre avec la réalité qui sera forcément autre, d’une autre nature que le projet) nous sommes passés au régime de la promotion (commu- nication d’un étant-déjà-présent et censé être déjà connu donc rassurant de nous). Mais cela n’est pas le propre de l’architecture aujourd’hui…

Peut-on imaginer des affichages urbains de projets qui ne soient pas des visions « parfaites » ? Des images moins bien que le résultat final ? Cela semble pourtant la moindre des choses. Que le bâti réel soit plus beau, mieux fini, plus intéressant, plus fort de sens que le projet en images.

Enfin, plutôt qu’une contemplation passive des images de programmes immobiliers, peut-on vivre activement l’expérience de la ville en construction ? Il y a longtemps, des collectifs comme Archigram l’ont imaginé (Plug-in City,

1962-1964, Tuned Suburb, 1968). Des architectes comme Chanéac (Cellules Parasites, 1966-1968) ou Y. Friedman, qui dans des textes comme L’architec- ture de survie (1977) déclarent la fin de l’architecte-créateur, le « maître », pour voir souhaiter l’apparition d’ar- chitectes interprètes des projets des usagers (qui ont appris le « langage » tout de même…).

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Références

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