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Doctrine. en dehors du régime de la loi de entre les parties et vis-à-vis des tiers. A. Droit applicable et juridiction compétente

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Doctrine

i. introduCtion

La loi du 23 juillet 1991 ayant pour objet de réglementer les activités de sous-traitance (la « loi de 1991 »)1 a pour finalité « la protection des sous-traitants en cas d’entre- prise générale »2. elle prévoit, sous réserve de l’agrément par le maître de l’ouvrage du sous-traitant et de ses conditions de paiement, le paiement direct obligatoire du sous-traitant par le maître de l’ouvrage, même et surtout si l’entreprise principale est en état de faillite.

La Loi de 1991 découle du projet de loi n° 32513 déposé en date du 2 septembre 1988 (le « Projet de loi »). Les consi- dérations générales du Projet de Loi expliquent que, tel que mentionné ci-avant, le projet a pour objet la protection du sous-traitant en cas d’entreprise principale, et que suite à la faillite d’une grande entreprise luxembourgeoise « il y a quelques années », la chambre des députés avait voté en date du 19 février 1981 une motion dans laquelle elle récla- mait une protection accrue pour les sous-traitants. il est ex- pressément fait référence à la loi française du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance4 comme source d’inspira- tion, voire comme modèle. Le législateur luxembourgeois a cependant choisi certaines solutions originales, qui n’ont pas manqué de susciter la critique du Conseil d’état5. La loi française a été modifiée à maintes reprises, alors que la loi luxembourgeoise n’a connu aucune mise à jour depuis son adoption.

en lui concédant un paiement direct en tant que protec- tion contre une défaillance de l’entreprise principale, le but principal voire exclusif de la Loi de 1991 était de mettre sur pied d’égalité le sous-traitant avec l’entreprise principale.

La Loi de 1991 n’avait en revanche pas pour but de régler de manière générale le mécanisme de la sous-traitance, notamment en ce qui concerne la responsabilité des dif- férents intervenants, et par conséquent elle n’offre pas de solutions aux questions qui peuvent être posées dans ce contexte. Le Conseil d’état avait estimé que  : «  Ces quelques références à la jurisprudence et à la doctrine françaises conduisent à la conclusion que la matière du contrat de sous-traitance présente des aspects juridiques extrêmement complexes6. »

La présente analyse vise à donner une vue d’ensemble sur la jurisprudence luxembourgeoise existante par rapport aux questions d’application pratique des dispositions lé- gales et contractuelles aux relations de sous-traitance, avec à certains endroits des références aux jurisprudences et doctrines françaises et belges. il n’y sera pas question des spécificités attenantes aux marchés publics, et elle ne traitera pas du paiement direct, lequel fait l’objet d’une analyse dans un autre article publié dans le présent nu- méro de la Revue luxembourgeoise de droit immobilier, au- quel il est renvoyé7, et se limitera à des situations où les parties en cause sont domiciliées dans un état membre de l’Union européenne.

ii. Conditions de l’aPPliCation de la loi de 1991

A. Droit applicable et juridiction compétente

1. Droit applicable au contrat principal et au contrat de sous-traitance

Dans la majeure partie des cas, un contrat de construc- tion, y compris un contrat de sous-traitance, contiendra

sous-traitanCe sous le régime et en dehors du régime de la loi de 1991 – Périmètre d’aPPliCation de la loi du 23 Juillet 1991, agrément du sous-traitant et relations entre les Parties et vis-à-vis des tiers

Panorama de la JurisPrudenCe luXemBourgeoise

1. Mém. A, n° 52, 8 août 1991, p. 1037.

2. exposé des motifs, considérations générales, 2 septembre 1988, projet de loi n° 3251 (1), p. 3.

3. Doc. parl., 3251  ; sess. ord. 1987-1988, 1989-1990 et 1990-1991, https://

chd.lu/wps/portal/public/Accueil/TravailALaChambre/recherche/re- chercheArchives?lqs_fmid=&lqs_dpid=3251.

4. Loi n°  75-1334 du 31  décembre 1975, JOrf du 3  janvier 1976, p.  148, https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=

JOrfTeXT000000889241&dateTexte=20191027.

5. Avis du Conseil d’état du 14 juillet 1988, projet de loi n° 3251 (1), p. 10 et ss. : « Malgré les imperfections signalées de la loi française, le Conseil d’État estime qu’il vaut mieux en suivre la démarche et adopter l’interprétation doctrinale et jurisprudentielle que d’innover en la matière sans l’acquis de la certitude d’une plus grande efficacité juridique. »

6. Avis complémentaire du Conseil d’état du 16 octobre 1990, projet de loi n° 3251 (2), p. 5.

7. Paulo Lopes Da Silva, « Le régime juridique du paiement direct », Revue luxembourgeoise du droit immobilier, n° 4, 2020.

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une disposition relative à la loi applicable. Néanmoins, si une telle clause fait défaut, il y a lieu de déterminer le droit applicable au contrat au vu des dispositions légales et du droit international privé8.

Ainsi, il a été décidé par la jurisprudence luxembourgeoise à l’époque de la Convention de rome de 1980 sur la loi ap- plicable aux obligations contractuelles (la « Convention de rome ») que bien que la Convention de rome établisse une présomption réfragable par laquelle les liens les plus étroits sont supposés exister avec le pays où le débiteur de la pres- tation caractéristique possède sa résidence ou son établis- sement principal9, si le contrat a été signé au Grand-Duché de Luxembourg, s’il prévoit la construction d’un immeuble sur le territoire luxembourgeois, et s’il attribue, en cas de litige, compétence aux juridictions luxembourgeoises, le contrat présente des liens plus étroits avec le Luxembourg10. À noter que l’action du maître de l’ouvrage contre un four- nisseur d’un sous-traitant (non agréé dans ce cas) est dé- lictuelle et non contractuelle et ne relève donc pas de la compétence spéciale en matière contractuelle11.

2. Droit applicable en cas d’agrément du sous-traitant et de ses conditions de paiement

il peut y avoir des situations où le contrat de construction entre le maître de l’ouvrage et l’entreprise principale, et/ou le contrat de sous-traitance sont soumis, par la convention des parties, à un droit étranger. La Loi de 1991 est d’ordre public et constitue une loi de police au sens de l’article 7 de la Convention de rome12, respectivement de l’article 9 du règlement rome i. L’article 13 de la Loi de 1991 dispose en effet que «  Sont nuls et sans effet, qu’elle qu’en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui au- raient pour effet de faire échec aux dispositions de la pré- sente loi », et son article 8 précise que «Toute renonciation au paiement direct est réputée non écrite ».

il en résulte que si le marché objet des contrats a, au re- gard de l’objectif de protection des sous-traitants, un lien de rattachement avec le Luxembourg, les disposi- tions de la Loi de 1991, et notamment le paiement direct du sous-traitant par le maître de l’ouvrage, s’applique- ront indépendamment du droit choisi par les parties. Un lien de rattachement suffisant sera certainement à re- connaître si le lieu d’exécution d’un chantier est situé sur le territoire luxembourgeois, alors que la situation sur le

territoire national du siège social de l’entreprise princi- pale ne constituera en principe pas à elle seule un critère suffisant13. Bien entendu, l’application de la Loi de 1991 sera soumise à la condition de l’agrément du sous-trai- tant et de ses conditions de paiement14.

3. Tribunaux compétents

À défaut d’une clause d’attribution de juridiction, et notamment en ce qui concerne le paiement direct du sous-traitant par le maître de l’ouvrage, qui n’est en gé- néral pas assorti d’une convention écrite spécifique15, la détermination du juge compétent dans des situations de sous-traitance peut donner lieu à interrogation. D’une manière générale, la compétence sera celle du juge do- micile du défendeur domicilié sur le territoire d’un état membre,16 sinon le juge du lieu de l’exécution de l’obliga- tion à la base de la demande17. en matière délictuelle et quasi délictuelle, le juge compétent est celui du lieu où le fait dommageable s’est produit au risque de se produire18. il a été décidé que les tribunaux luxembourgeois ne sont en principe pas compétents pour l’action en paiement d’un sous-traitant contre une entreprise principale établie à l’étranger, alors qu’il résulte de la combinaison des ar- ticles 1247 et 1895 du Code civil que les dettes d’argent sont, sauf stipulation contraire, payables au domicile du débiteur19.

B. Périmètre d’application de la Loi de 1991

1. Contrat d’entreprise ou marché public

L’article 1 de la Loi de 1991 prévoit qu’« Au sens de la pré- sente loi, la sous-traitance est l’opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa respon- sabilité, à une autre personne appelée sous-traitant tout ou partie de l’exécution du contrat d’entreprise ou du mar- ché public conclu avec le maître de l’ouvrage ».

Le Code civil ne définit pas la notion de «  contrat d’en- treprise », mais fait référence à l’article 1779 au « louage d’ouvrage et d’industrie  », pour faire référence à «  celui des architectes, entrepreneurs d’ouvrage et techniciens par suite d’études, devis ou marchés ».

Le contrat d’entreprise immobilière peut encore être défini comme « la convention par laquelle une personne s’oblige

8. Georges ravarani, La responsabilité civile des personnes publiques ou pri- vées, 3e  éd., Luxembourg, Pasicrisie luxembourgeoise, 2014, n°  615  ; ver van Houtte, rony vermeersch et Patrick Wautelet, « La sous-traitance internationale : questions choisies », in La sous-traitance, séminaire orga- nisé à Liège le 18 avril 2002, Bruxelles, Bruylant, 2003.

9. Article 4, § 2, de la Convention de rome.

10. Trib. adm. Luxembourg, 8 octobre 1997, n° 53265, 59543 et 794/97 du rôle ; cette solution devrait rester la même sous l’empire de l’article 9 du règle- ment (Ce) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (rome i) (le « rè- glement rome i »)

11. De l’article 5, point 1, de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 ; aujourd’hui article 7, point 1, du règlement n° (Ue) 1215/2012 (« Bruxelles i refondu ») ; voy. CJCe, 17 juin 1992, C-26/91.

12. Cour de cassation française, chambre mixte, 30 novembre 2007, n° 06- 14006, publié au Bull. On notera que cette décision semble avoir retenu une qualification contractuelle de l’action directe en se référant à l’ar- ticle 7 de la Convention de rome.

13. Cour de cassation française, Cass. Com., 20 avril 2017, Urmet iii, n° 15- 16.922, publié au Bull.

14. voy. infra sous 2.3.

15. voy. infra sous 5.2.

16. règlement n° (Ue) 1215/2012 (« Bruxelles i refondu »), art. 4 et 6 ; voy. TA Luxembourg du 28 février 2002, nos 66947, 66996 et 71013 du rôle.

17. règlement n° (Ue) 1215/2012 (« Bruxelles i refondu »), art. 7, 1).

18. règlement n° (Ue) 1215/2012 (« Bruxelles i refondu »), art. 7, 2).

19. Trib. arr. de Luxembourg, 1er juin 2005, n° 91269 ; 554/05 du rôle.

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à l’égard d’une autre, en contrepartie d’un prix et sans lien de subordination, à réaliser, mettre en œuvre, modifier ou réparer, sur le site, un bâtiment, un ouvrage ou partie d’un ouvrage quelconque »20.

La Loi de 1991 trouverait donc application à cette catégo- rie de louage d’ouvrage.

est-ce que la loi sur la sous-traitance s’applique à d’autres secteurs d’activité ?

L’objet du contrat de sous-traitance n’étant pas clai- rement circonscrit par la Loi de 1991, on pourrait es- timer qu’il suffit que le contrat dont tout ou partie est sous-traité peut être qualifié de contrat d’entreprise, la loi ne délimitant pas autrement son objet21. Cependant, cette question ne semble pas avoir fait l’objet d’affaires portées devant la jurisprudence luxembourgeoise.

2. Vente

Le contrat de vente n’est pas susceptible de sous-trai- tance au sens de la Loi de 1991.

Pour la difficile délimitation de la vente du louage d’ou- vrage, la jurisprudence retient qu’il y a louage d’ouvrage

« lorsque l’entrepreneur doit effectuer un travail spécifique en vertu d’indications particulières rendant impossible de substituer au produit commandé un autre équivalent », et

«  dès lors que le professionnel est chargé de réaliser un travail spécifique en vertu d’indications particulières ce qui exclut toute possibilité de produire en série », l’élément déterminant étant l’intention des parties22.

3. Mise à disposition et location

il a également été décidé que ne relève pas de la sous-trai- tance une mise à disposition temporaire d’autrui d’un ma- tériel respectivement un contrat de location de chose avec prêt de main-d’œuvre nécessaire à son fonctionnement23. 4. Sous-traitance industrielle

est également à distinguer de la « véritable » sous-trai- tance, ou «  sous-traitance de marché  », la «  sous-trai- tance industrielle », qui lie un donneur d’ordre et un pres- tataire pour la réalisation d’une prestation déterminée et se limite à une relation bipartite.

5. Commande directe de la part du maître de l’ouvrage Si une entreprise a reçu une commande directe de la part du maître de l’ouvrage, la Loi de 1991 ne s’appliquera pas, à défaut de relations contractuelles entre cette entreprise et les autres entreprises chargées par le maître de l’ou- vrage, et ce même si l’une de ces entreprises surveille les travaux des autres24.

6. Cession du contrat d’entreprise

est à distinguer du contrat de sous-traitance la cession totale ou partielle du contrat d’entreprise par l’entreprise principale à une autre entreprise. Une telle cession n’est opposable au maître de l’ouvrage que s’il a marqué son accord en renonçant au droit qu’il pouvait avoir contre son premier cocontractant. Cette renonciation peut im- plicitement résulter des termes dans lesquels le maître de l’ouvrage a exprimé son consentement avec la cession25. 7. Seuil d’application

L’article 2 de la Loi de 1991 prévoit que « la loi s’applique aux contrats de sous-traitance, conclus dans le cadre d’un marché public ou d’un contrat d’entreprise privé, à condi- tion qu’ils dépassent les seuils prévus par le règlement grand-ducal pris en exécution de l’article 36 sous 2a) de la loi du 27 juillet 1936 concernant la comptabilité de l’état, tel que cet article a été modifié par la loi du 4 avril 1974 concernant le régime des marchés publics de travaux et de fournitures ».

L’article  161 du règlement grand-ducal du 3  août 2009 portant exécution de la loi du 25  juin 2009 sur les mar- chés publics dispose que « les marchés publics de travaux, de fournitures et de services peuvent être passés soit par procédure restreinte sans publication d’avis, soit par pro- cédure négociée, lorsque le montant total du marché n’ex- cède pas 55.000 euros ».

Ce seuil n’a pas connu de modification depuis l’adoption du règlement grand-ducal du 3 août 2009.

Au vu de l’article 36 sous 2a) de la loi modifiée du 27 juillet 1936 concernant la comptabilité de l’état, s’il s’agit de dé- penses à effectuer au cours d’une même année et que ces dépenses aient été prévisibles, il devra être tenu compte de l’ensemble des dépenses portant sur des travaux, four-

20. Luxembourg, 18 février 2004, n° 84212 du rôle.

21. voy. par rapport à l’application de la loi française de 1975 sur la sous-traitance au secteur des transports et son incompatibilité avec certaines particularités de la sous-traitance en matière de transport  : L. Guignard, Sous-traitance et transport, Paris, Litec, 2001, n° 33 et ss.

en ce qui concerne le secteur des transports, on peut noter qu’en france, l’article L1432-13 du Code des transports prévoit que les dispositions de la loi française de 1975 relative à la sous-traitance sont applicables aux opérations de transport, et que « dans ce cas, le donneur d’ordre initial est assimilé au maître de l’ouvrage et le transporteur qui fait appel à un transporteur sous-traitant est assimilé à l’entrepreneur principal  ». Au Luxembourg, une telle disposition fait défaut. Ceci pourrait être un ar- gument a contrario, ou alors simplement une confirmation d’un principe déjà acquis. il ne semble y avoir de précédent en jurisprudence luxembour-

geoise. À noter aussi qu’en france l’article L132-8 du Code de commerce français prévoit une action directe d’ordre public du voiturier en paie- ment de ses prestations à l’encontre de l’expéditeur et du destinataire.

À Luxembourg, l’article 101 du Code de commerce n’a pas reçu le même complément.

22. TA Luxembourg du 25  septembre 2003, n°  74036 du rôle  ; TA Diekirch du 11  juillet 2017, n°  19385 et 19856 du rôle  ; Jurisclasseur, article 1787, fasc. 10 ; Cour de cassation française, comm. du 4 juillet 1989, Semaine juridique, 1990, i, 21515 ; CA, 1er décembre 1999, n° 21800 et 22670 du rôle ; Georges ravarani, La responsabilité civile des personnes publiques ou pri- vées, 3e éd., Pasicrisie, 2014, n° 613.

23. CA du 31 janvier 2002, n° 24788 et 25523 du rôle.

24. TA Diekirch du 11 juillet 2017, n° 129/2017 du rôle.

25. TA Luxembourg du 21 juin 1984, n° 98404930 JUDOC.

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nitures et services de nature identique ou similaire com- mandés à un même entrepreneur ou fournisseur.

La Loi de 1991 ne s’appliquera donc qu’à la condition que le contrat de sous-traitance dépasse le seuil précité de 55.000 euros, qui est à comprendre hors TvA26.

Si le montant réclamé par la suite par le sous-traitant dé- passe ce seuil, cela restera sans incidence par rapport à l’applicabilité de la Loi de 1991, s’il n’est pas établi que l’en- treprise principale et le sous-traitant se soient accordés sur un montant excédant le seuil27.

B. Acceptation du sous-traitant et de ses conditions de paiement

1. Principes

Aux termes de l’article 4, alinéa 1er, de la Loi de 1991, « l’en- trepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au mo- ment de la remise de l’offre ou de la conclusion du contrat et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l’ouvrage ».

De l’autre côté, l’article  6 de la Loi de 1991 prévoit que

«  lorsque le sous-traitant n’aura pas été accepté ni les conditions de paiement agréées par le maître de l’ouvrage dans les conditions prévues aux articles 4, alinéa 4, ou 5, alinéa 1er, la présente loi ne trouve pas application ».

La loi prévoit donc que l’entreprise principale doit faire agréer le sous-traitant, mais ne prévoit aucune sanction si cela n’est pas mis en œuvre. Bien au contraire, à défaut d’un agrément par le maître de l’ouvrage, elle ne s’appli- quera tout simplement pas.

D’après la jurisprudence, on ne saurait effectivement dé- duire des dispositions précitées une quelconque obligation pour le maître de l’ouvrage d’agréer un sous-traitant ; l’ac- ceptation est un acte discrétionnaire28. il en résulte que le fait de ne pas accepter un sous-traitant ne relève pas d’un comportement fautif engageant la responsabilité du maître de l’ouvrage envers le sous-traitant29. L'accepta- tion du sous-traitant peut être soumise, par le maître de l'ouvrage, à des conditions30, tout en prenant au compte Art. 13 de la Loi de 199131.

La Loi de 1991 ne connaît donc pas, de facto, d’application de plein droit.

Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’article 2, alinéa 2, de la Loi de 1991 suivant lequel « le sous-traitant peut, par déclaration expresse, à consigner en bas du contrat de sous-traitance au moment de la conclusion de celui-ci, opter pour que le contrat de sous-traitance soit soumis au droit commun  », puisque l’exercice de telles options par le sous-traitant requiert tout d’abord que le contrat soit soumis au régime de la loi, ce qui n’est pas le cas s’il n’y a pas eu agrément par le maître de l’ouvrage32. L’article 5, alinéa 1er, de la Loi de 1991 prévoit que « si l’en- trepreneur omet de se conformer à l’article 4, alinéa 1er, le sous-traitant peut se faire connaître lui-même au maître de l’ouvrage, pendant toute la durée du contrat ou du marché, pour qu’il soit accepté et ses conditions de paie- ment agréées »33.

Là encore, le maître de l’ouvrage a la simple faculté d’accepter le sous-traitant, mais ce dernier ne peut l’y contraindre. De même, le maître de l’ouvrage peut sou- mettre un agrément à certaines conditions34.

en même temps, l’entreprise principale ne peut pas em- pêcher le maître de l’ouvrage d’accepter le sous-traitant, une opposition de sa part étant sans incidence.

2. Forme et teneur de l’agrément du sous-traitant et de ses conditions de paiement

La Loi de 1991 dispose dans son article 6 que « la présente loi ne trouve pas application » « lorsque le sous-traitant n’aura pas été accepté ni les conditions de paiement agréées par le maître de l’ouvrage ».

L’agrément doit donc porter tant sur la personne du sous-traitant que sur ses conditions de paiement  ; l’ac- ceptation du sous-traitant et l’agrément des conditions de paiement constituant deux formalités indissociables et obligatoires, mais autonomes35.

L’agrément peut être exprès ou implicite. Un agrément implicite devra ressortir « d’actes du maître de l’ouvrage manifestant sans équivoque sa volonté de ce dernier d’accepter la personne du sous-traitant et les conditions du sous-traité » ; un simple silence ou une tolérance purement passive ne suffisent pas36.

26. CA du 18 octobre 2017, n° 40132 du rôle.

27. CA du 18 octobre 2017, n° 40132 du rôle.

28. TA Luxembourg du 28 février 2002, n° 66947, 66996, 71013 du rôle ; confir- mé par CA du 12 mai 2005, n° 27155 du rôle ; TA Luxembourg du 28 février 2002, nos 66947, 66996 et 71013 du rôle.

29. Ibidem.

30. TA Luxembourg du 28 février 2002, nos 66947, 66996 et 71013 du rôle.

31. voy. supra 2.2.

32. TA Luxembourg, 11e chambre, du 1er avril 2004, n° 78174 du rôle.

33. À noter que cette disposition n’existe pas en droit français.

34. TA Luxembourg du 28 février 2002, n° 66947, 66996, 71013 du rôle ; confir- mé par CA du 12 mai 2005, n° 27155 du rôle.

35. TA Luxembourg du 15 mars 2006, n° 93667 ; 83/2006 du rôle, avec renvoi à J.-Cl. administratif, fasc.  651, verbo sous-traitance, n°  59 et jurispru- dence citée.

36. CA du 17 décembre 2003, n° 27596 du rôle ; CA du 15 février 2012, n° 36619 du rôle ; CA du 9 juillet 2015, n° 40010 et 40117 du rôle ; TA Luxembourg du 1er avril 2004, n° 78174 du rôle ; TA Luxembourg du 4 juin 2010, n° 115581, 117880, 118231 du rôle  ; TA Luxembourg du 17  janvier 2007, n°  82065  ; 34/2007 du rôle.

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Ainsi, la simple connaissance par le maître de l’ouvrage de la présence du sous-traitant sur le chantier est insuffisante pour établir une acceptation du sous-traitant, et cela même si le maître de l’ouvrage dirige le chantier et donne des instructions au sous-traitant37, s’il participe à des réunions de chantier en présence de ou échange des correspondances avec le sous-traitant, s’il prend connaissance de factures du sous-traitant adressées à l’entreprise principale, s’il y a absence de contestation par rapport à de telles factures, etc.

De même, les instructions données par le maître de l’ouvrage à un sous-traitant et la participation du maître de l’ouvrage à des opérations de réception des travaux et en présence du sous-traitant ne vaudront pas non plus agrément de ce dernier, la réception étant une obligation du maître de l’ouvrage vis-à-vis de l’entreprise principale et non du sous-traitant38.

L’agrément doit en principe être fait pour chaque contrat de sous-traitance individuellement, au fur et à mesure de la conclusion de ces contrats. il a en ce sens été décidé qu’un agrément global des futurs contrats de sous- traitance n’est pas valable, même si le maître de l’ouvrage s’est réservé la faculté de déterminer des sous-traitants qu’il n’acceptera pas39. Cette solution peut paraître discutable dans la mesure où le but de la Loi de 1991 est la protection du sous-traitant et qu’un agrément peut être même tacite, de sorte que le sous-traitant devrait pouvoir se prévaloir d’un tel « agrément global ».

L’agrément peut émaner du maître de l’ouvrage ou d’un mandataire de celui-ci ayant reçu mission de maître d’œuvre40.

Dans le même ordre d’idées, et alors qu’il peut être tenu de payer directement le sous-traitant, le maître de l’ouvrage doit avoir expressément ou implicitement agréé les conditions de paiement du sous-traitant. La connaissance du maître de l’ouvrage de la facturation adressée à l’entreprise principale, même en absence de contestation à cet égard, ne saurait signifier l’acceptation des conditions de paiement du sous-traitant. Par ailleurs, le maître de l’ouvrage ne saurait se voir opposer l’acceptation de factures qui ne lui sont pas adressées, puisqu’adressées à l’entreprise principale.

L’acceptation des modalités de paiement par le maître de l’ouvrage doit avoir lieu avant l’envoi des factures qui lui sont réclamées41.

en ce qui concerne l’agrément des conditions de paiement, il a été décidé qu’il ressort des travaux parlementaires

relatifs à la Loi de 1991 que cet agrément concerne les modalités de calcul et de versement des avances, des révisions de prix, des pénalités, des primes ainsi que la date d’établissement des prix. L’agrément des conditions de paiement donne entre autres au maître de l’ouvrage

« le moyen de vérifier le montant du marché sous-traité et les modalités de règlement, à savoir de vérifier s’il n’existe pas un écart manifestement injustifié entre les conditions faites par le maître de l’ouvrage au titulaire et celles figurant dans le sous-traité »42.

Tel que mentionné précédemment, conformément à l’article 5 de la Loi de 1991, le sous-traitant a lui-même la possibilité de demander au maître de l’ouvrage de l’agréer, ainsi que ses conditions de paiement, pendant toute la durée du contrat43.

il devra cependant veiller à une possible interdiction de ce faire prévue dans le contrat de sous-traitance. Si le sous-traitant qui s’est engagé vis-à-vis de l’entreprise principale de ne pas contracter directement avec le maître de l’ouvrage passe outre cet engagement et effectue des travaux en direct pour le maître de l’ouvrage, tel engagement n’est pas opposable au maître de l’ouvrage qui n’en avait pas connaissance44. Cependant, la responsabilité contractuelle du sous-traitant vis-à-vis de l’entreprise principale pourrait être engagée, entreprise principale devant prouver un préjudice qui lui en serait né.

Si le sous-traitant allègue que le maître de l’ouvrage l’aurait agréé, ainsi que ses conditions de paiement, la charge de la preuve lui incombe. il doit ainsi « rapporter la preuve positive, et de l’acceptation de sa personne par le maître de l’ouvrage, et de ses conditions de paiement par ce dernier, et non pas au maître de l’ouvrage de rapporter la preuve négative du refus d’acceptation »45.

3. Le refus du sous-traitant par le maître de l’ouvrage Le refus d’agrément d’un sous-traitant conformément à l’article 6 de la Loi de 1991 par le maître de l’ouvrage n’aura en principe d’impact ni sur le contrat entre le maître de l’ouvrage et l’entreprise principale, ni sur celui entre l’en- treprise principale et le sous-traitant. il importe peu, dans ce contexte, si la demande d’agrément émane de l’entre- prise principale ou du sous-traitant lui-même.

Le maître de l’ouvrage n’étant nullement tenu d’agréer un sous-traitant, il n’a aucune obligation de justifier de son choix de refuser l’agrément.

Comme il a déjà été exposé, la sanction prévue par l’ar- ticle 6 de la Loi de 1991 d’un refus d’agrément est tout sim- plement la non-application de la Loi de 1991, de sorte que

37. TA Luxembourg, 11e chambre, du 1er avril 2004, n° 78174 du rôle.

38. CA du 6 juillet 2006, n° 29062 du rôle.

39. CA du 17 décembre 2003, n° 27596 du rôle.

40. CA du 9 juillet 2015, n° 40010 et 40117 du rôle.

41. TA Luxembourg du 4 juin 2010, n° 115581, 117880, 118231 du rôle.

42. Tribunal arrondissement de Luxembourg du 15  mars 2006, n°  93667  ;

83/2006 du rôle  ; doc. parl., n°  3251, session ordinaire 1987-1988, p.  6, commentaire des articles.

43. CA du 17 décembre 2003, n° 27596 du rôle ; TA Luxembourg du 23 mai 2003, n° 67580 du rôle.

44. TA Luxembourg du 15 mars 2001, n° 50349 du rôle.

45. CA du 6 juillet 2006, n° 29062 du rôle.

(6)

c’est le droit commun qui régit alors d’un côté les relations entre le maître de l’ouvrage et l’entreprise principale, et de l’autre côté celles qui existent entre cette dernière et le sous-traitant46.

4. Le refus du sous-traitant de l’application de la Loi de 1991 L’article 2 de l’alinéa 2 de la Loi de 1991 prévoit que « Lors- qu’il s’agit d’un contrat d’entreprise privé, le sous-traitant peut, par déclaration expresse, à consigner en bas du contrat de sous-traitance au moment de la conclusion de celui-ci, opter pour que le contrat de sous-traitance soit soumis au droit commun ». Cette disposition n’existe pas en droit français.

Le sous-traitant aura donc, au moment de la conclusion du contrat de sous-traitance, la possibilité d’exclure uni- latéralement l’application de la Loi de 1991. il n’aura plus cette faculté par après. il faut cependant estimer qu’une stipulation conclue de commun accord après la conclusion du contrat de sous-traitance avec l’entreprise principale devrait avoir le même effet.

À défaut d’une telle déclaration ou convention en temps utile, une éventuelle opposition du sous-traitant à son agrément et celui de ses conditions de paiement par le maître de l’ouvrage sera dépourvue d’effet.

Aussi, il n’est pas requis que le sous-traitant accepte les conditions du marché conclu entre le maître de l’ouvrage et l’entreprise principale47.

iii. la relation entre l’entrePrise PrinCiPale et le maître de l’ouvrage

A. La faculté pour l’entreprise principale de recourir à des sous-traitants

en principe, et aussi longtemps que le contrat entre le maître de l’ouvrage et l’entreprise principale ne contient pas de stipulations contraires, l’entreprise principale peut faire exécuter partie ou même l’intégralité des prestations liées à l’exécution d’un marché par un ou plusieurs sous-traitants48. Dans ce contexte la pratique allemande fait la distinction entre

• le «  Generalunternehmer  », c’est-à-dire l’entreprise principale qui exécute elle-même une partie plus ou moins importante du marché, mais n’a pas la charge la planification des architectes et des ingénieurs, et qui a recours à des sous-traitants spécialisés notamment pour les techniques spéciales et les travaux de parachèvement, et

• le « Generalübernehmer », qui prend en charge pour le maître de l’ouvrage tous les services liés à l’exécution d’un marché, y compris la planification.

Le Generalübernehmer sous-traite l’intégralité des prestations de construction et de planification et ne fait que coordonner la construction.

en langue française, dans les deux cas de figure on dé- signera le cocontractant direct du maître de l’ouvrage comme entreprise principale.

Cependant, alors qu’il faudra reconnaître que pour le maître de l’ouvrage le contrat d’entreprise est conclu in- tuitu personae, c’est-à-dire en considération de la per- sonne du cocontractant49, cette distinction peut avoir son importance, alors que le maître de l’ouvrage pourrait s’op- poser à une délégation trop importante par l’entreprise principale des travaux liés au marché contracté à des sous-traitants.

en tout état de cause, en cas de recours à des sous-trai- tants l’entreprise principale doit conserver la direction des travaux à effectuer50.

Le maître de l’ouvrage tout comme l’entreprise principale prendront donc soin de prévoir dans le contrat d’entreprise des stipulations réglant de façon claire et non équivoque la faculté de l’entreprise principale de recourir à des sous-trai- tants, ainsi que les conditions encadrant leur engagement.

Le contrat entre le maître de l’ouvrage et l’entreprise prin- cipale pourra prévoir la faculté du maître de l’ouvrage d’interdire à l’entreprise principale d’engager un sous-trai- tant, respectivement lui permet de donner instruction à l’entreprise principale de mettre un terme à l’intervention sur le chantier d’un sous-traitant déterminé.

L’entreprise principale aura donc intérêt à prévoir explicite- ment dans les contrats de sous-traitance qu’une telle déci- sion du maître de l’ouvrage permettra à l’entreprise princi- pale de mettre un terme au contrat de sous-traitance.

B. La responsabilité de l’entreprise principale pour le fait du sous-traitant

1. Principes

La responsabilité de l’entreprise principale envers le maître de l’ouvrage pour le fait du sous-traitant est une respon- sabilité contractuelle de droit commun51 découlant des articles 1142 et suivants et notamment de l’article 1147 du Code civil52 et, en ce qui concerne les travaux de construc- tion proprement dits53, de l’article 1797 du Code civil qui

46. CA du 6 juillet 2006, n° 29062 du rôle ; TA Luxembourg du 28 février 2002, n° 66947, 66996, 71013 du rôle ; confirmé par CA du 12 mai 2005, n° 27155 du rôle ; TA Luxembourg du 28 février 2002, n° 66947 du rôle.

47. TA Luxembourg du 23 mai 2003, n° 67580 du rôle.

48. TA Luxembourg du 21 juin 1984, n° 98404930 JUDOC.

49. TA Luxembourg du 6 novembre 1987, n° 37 449 du rôle.

50. TA Luxembourg du 6 novembre 1987, n° 37449 du rôle.

51. CA, arrêt du 14 janvier 1988, n° 9417 du rôle.

52. TA Diekirch du 11 juillet 2017, n° 19385 et 19856 du rôle ; Cour de cassation française, arrêt du 13 mars 1991, n° 89-13.833, Bull., 1991, iii, n° 91, p. 54.

53. TA Diekirch du 11 juillet 2017, qui exclut l’application du régime spécifique de responsabilité des articles 1792 et suivants du Code civil, puisqu’il ne s’agirait pas, par rapport à des travaux d’installation de chauffage, de prestations de construction immobilière.

(7)

énonce que « L’entrepreneur répond du fait des personnes qu’il emploie ».

Le champ d’application de l’article 1797 du Code civil est plus large que celui de l’article 1384, alinéa  3, du Code civil, en ce sens que l’entrepreneur répond du fait de toute personne participant à l’exécution du marché, même si elle n’a pas la qualité de préposé de l’entrepreneur. L’en- treprise principale ne peut donc alléguer l’existence du contrat de sous-traitance pour échapper à sa responsa- bilité contractuelle ; elle est responsable envers le maître de l’ouvrage dans les mêmes conditions que si elle avait exécuté le travail elle-même54.

2. Effet de l’agrément du sous-traitant

Un agrément du sous-traitant par le maître de l’ouvrage ne décharge pas l’entreprise principale de sa responsabili- té contractuelle, l’entreprise principale restant le débiteur de la garantie vis-à-vis du maître de l’ouvrage de la bonne exécution par ses sous-traitants. elle ne peut partant se décharger de sa présomption de responsabilité sur son sous-traitant55.

3. La charge de la preuve

Alors que l’entrepreneur de construction est généralement tenu d’une obligation de résultat, le maître de l’ouvrage pourra se contenter d’établir que le résultat contractuelle- ment promis, c’est-à-dire la réalisation d’une construction sans vices, n’est pas atteint56.

Si cependant l’obligation sous-traitée est une obligation de moyens, le maître de l’ouvrage devra rapporter la preuve d’une faute de l’entreprise principale ou de son sous-traitant.

4. Le sous-traitant imposé

La responsabilité de l’entreprise principale pour les fautes imputables au sous-traitant peut-être atténuée ou même exclue si le sous-traitant en question a été imposé à l’en- treprise principale par le maître de l’ouvrage, puisque dans un tel cas « il ne peut en tout cas être considéré qu’il y a engagement procédant de la pleine liberté contractuelle qui fonde le principe de la responsabilité du fait d’autrui par application de l’article 1797 du Code civil ».

Une telle atténuation peut sous certaines conditions et dans certaines limites être mise à néant par des sti- pulations contractuelles acceptées en connaissance de

cause par l’entreprise principale, qui prévoit que le choix du sous-traitant est agréé par l’entreprise générale et que celle-ci reste entièrement responsable pour l’ensemble des prestations du sous-traitant.

Une exclusion de la responsabilité de l’entreprise princi- pale ne pourra cependant pas être un automatisme, mais des réserves émises par l’entreprise principale quant à la compétence du sous-traitant soulagent l’entreprise gé- nérale de la présomption de responsabilité du fait de ce sous-traitant et opèrent un renversement de la charge de la preuve, et cela même en présence de telles stipula- tions contractuelles. il s’ensuit qu’il appartient au maître de l’ouvrage de prouver que les manquements en question sont le fait de l’entreprise générale, et non du sous-trai- tant imposé57.

C. Faillite de l’entreprise principale

en cas de faillite de l’entreprise principale58, et à moins que le curateur ait avec l’aval du tribunal continué les travaux tel que prévu par l’article  475 du Code de com- merce, le maître de l’ouvrage ne peut imposer au curateur de cette faillite l’achèvement des travaux ni obtenir la ré- paration matérielle de malfaçons relatives aux contrats passés antérieurement à la faillite. il a été décidé que le maître de l’ouvrage ne pourra également pas obtenir rem- boursement des frais des travaux de remise en état par des tiers entrepreneurs, le principe de l’égalité entre tous les créanciers s’opposant à une telle créance59. Le maître de l’ouvrage ne pourra ainsi pas demander une indemni- sation en direct ; rien ne devrait cependant s’opposer à ce qu’il dépose une déclaration de créance de ce chef.

Aussi, le maître de l’ouvrage pourra opposer, à l’encontre des prétentions financières d’une partie faillie, sans qu’il ne soit nécessaire d’opérer une compensation et sans qu’il ne soit nécessaire d’effectuer une déclaration de créance, l’exception de la mauvaise exécution des travaux60. Le failli se trouvant donc dans l’impossibilité de continuer l’exécution de ses travaux, le contrat principal pourra donc être résilié, ou, pour autant qu’on veuille reconnaître que la faillite est un cas de force majeure61, sera caduc62. est- ce que sous ces conditions le maître de l’ouvrage pourrait continuer à travailler avec des sous-traitants agréés, vu qu’ils disposent d’un paiement direct63 ? Cela est douteux, alors que si les sous-traitants sont protégés par le méca- nisme du paiement direct, l’entreprise principale conserve en général la direction du chantier et doit vérifier, au vœu

54. CA du 26 avril 2006, n° 28955 du rôle ; CA du 14 janvier 1988, n° 9417 du rôle  ; Tribunal d’arrondissement du 6  novembre 1987, n°  37449 du rôle, avec référence au J.-Cl. civil, art. 1795 à 1799 : Louage d’ouvrage, fasc. J, n°  36-40  ; Tribunal arrondissement de Luxembourg du 7  janvier 1999, n° 47588, 48153, 48261 et 62261 du rôle ; TA Luxembourg du  octobre 1998, n° 46807 et 48394 du rôle.

55. TA Luxembourg du 2 décembre 2005, n° 84047 ; 283/05 du rôle.

56. CA du 30 janvier 2008, n° 31 519 du rôle ; TA Diekirch du 11 juillet 2017.

57. TA Luxembourg du 17 novembre 2016, n° 130651, 130748 et 138212 du rôle, avec de nombreuses références à la jurisprudence et à la doctrine belges.

58. Par rapport aux effets d'une procédure de redressement judiciaire à l'étranger voy. TA Luxembourg du 28 février 2002, nos 66947, 66996 et 71013 du rôle.

59. Tribunal d’arrondissement du 25 mars 1993, n° 40 616 du rôle.

60. CA du 21 mars 2002, n° 24977 du rôle.

61. en dehors du cadre des contrats de travail, à défaut d’une disposition légale spécifique, il est communément admis que les contrats qui sont conclus par le failli avant le jugement de faillite restent en vigueur après la faillite.

62. CA du 23 mai 2001, n° 22240 et 25442 du rôle.

63. voy. infra 5.2.1

(8)

de l’article 9 de la Loi de 1991, les factures du sous-trai- tant. Dans la pratique, le maître de l’ouvrage recherchera souvent une relation directe avec les sous-traitants en- core actifs dans le cadre du marché, en dehors du cadre légal de la Loi de 1991.

D. La recevabilité des actions en paiement de l’entreprise principale pour les travaux effectués par le sous-traitant

L’entreprise principale qui s’engage vis-à-vis du maître de l’ouvrage à effectuer des travaux pour lesquels elle n’est pas elle-même inscrite au registre de commerce et des sociétés, mais qui les sous-traite, peut être confrontée au problème particulier de la recevabilité d’une action en paiement contre le maître de l’ouvrage pour ces travaux.

Ainsi, la cour d’appel a relevé que l’article  22, para- graphe 1er, de la loi modifiée du 19 décembre 2002 sur le registre du commerce et des sociétés dispose  : «  est ir- recevable toute action principale, reconventionnelle ou en intervention qui trouve sa cause dans une activité com- merciale pour laquelle le requérant n’était pas immatricu- lé lors de l’introduction de l’action. » La Cour en a déduit que si l’entreprise principale a sous-traité des travaux qui sont étrangers à l’activité pour laquelle elle est inscrite au registre de commerce et des sociétés, elle a néanmoins, en facturant ces travaux au maître de l’ouvrage, exercé une activité commerciale vis-à-vis du maître de l’ouvrage, et sa demande en paiement dirigée contre le maître de l’ouvrage pour ces travaux est irrecevable64.

il peut être estimé que la solution ne devrait pas être la même si ces travaux ne constituent qu’un accessoire de l’activité pour laquelle l’entreprise principale est bien ins- crite au registre de commerce et des sociétés. en tout état de cause, l’entreprise principale aura intérêt à veiller à ce que l’intégralité des activités qu’elle sous-traite soit également couverte par son objet social.

On peut dans ce contexte se poser la question de savoir dans quelle mesure l’entreprise principale devra égale- ment être titulaire d’une autorisation d’établissement conformément à la loi du 2  septembre 2011 réglemen- tant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales pour chacune des activités sous-traitées autorisation. en prin- cipe, alors que la loi du 2 septembre 2011 ne prévoit pas de dérogation à ce sujet, l’entreprise principale devra en principe disposer de toutes les autorisations requises pour réaliser l’ensemble des travaux, même s’ils sont sous-trai- tés. Dans ce contexte, le promoteur immobilier ne sera,

notamment dans le cadre d’une vente en l’état futur d’achèvement, considéré comme entreprise principale, mais comme maître de l’ouvrage, et ne devra donc pas être titulaire d’autorisations autres que celle en matière de promotion immobilière.

iv. la relation entre le sous-traitant et l’entrePrise PrinCiPale

A. La responsabilité du sous-traitant vis-à-vis de l’entreprise principale

1. Fondement légal

Le sous-traitant est tenu, vis-à-vis de l’entreprise princi- pale, d’une obligation de résultat sur le fondement des articles 1142 et suivants du Code civil65.

Le régime des articles 1792 et 2270 du Code civil ne s’ap- plique pas à la relation entre l’entreprise principale et le sous-traitant, le sous-traitant étant tenu par les règles de la responsabilité de droit commun, et ce même si l’action en garantie contre le sous-traitant est engagée plus de dix ans après la réception sans réserve des ouvrages en question66. Si l’entreprise principale est subrogée, légalement ou conventionnellement, dans les droits du maître de l’ou- vrage vis-à-vis d’un fournisseur ou sous-traitant de l’en- treprise principale, le principe du non-cumul des responsa- bilités contractuelles et délictuelles impose à l’entreprise principale d’exercer son recours sur la base contractuelle, endéans le délai d’agir applicable, à l’exclusion de l’action subrogatoire délictuelle67.

L’entreprise principale « conserve toujours le droit de se retourner contre le sous-traitant s'il estime que la respon- sabilité de ce dernier est engagée dans la survenance de vices et malfaçons. L’accord de l’entreprise générale vis- à-vis du maître de l’ouvrage de réparer des vices ou mal- façons constatées par ce dernier ne saurait entraîner la forclusion du droit d’agir de l’entreprise principale contre le sous-traitant »68.

2. Étendue de la responsabilité

Le sous-traitant est tenu, vis-à-vis de l’entreprise princi- pale, d’une obligation de résultat, et est tenu de toutes les obligations d’une entreprise vis-à-vis de son client. Pour invoquer la responsabilité du sous-traitant, il faut et il suf- fit de prouver la mission confiée au sous-traitant et les désordres affectant ses travaux ou les défectuosités des matériaux employés.

64. CA du 15  juillet 2010, n°  34118 et 34925 du rôle  ; CA du 10  mai 2000, n° 22295 du rôle.

65. TA Luxembourg du 5 novembre 2010, n° 196 /10, n° 99460, 101455, 109184, 110291, 110443 et 110444 du rôle ; CA du 12 mars 1997, n° 18355 et 18401 du rôle ; TA Luxembourg du 1er juin 2007, n° 164/07 du rôle ; TA Diekirch du 11 juillet 2017, n° 129/2017 du rôle ; Georges ravarani, La responsabilité civile des personnes publiques ou privées, 3e  éd., Luxembourg, Pasicrisie luxembourgeoise, 2014, n° 613.

66. CA du 5 octobre 2005, n° 27966 du rôle ; CA du 11 janvier 2006, n° 29699 et 29711 du rôle ; CA du 8 avril 1998, n° 19859, 19912 et 211589 du rôle ; TA Luxembourg du 12 février 2003, n° 50459 et 50460 du rôle.

67. CA Luxembourg du 28 mai 2003, n° 26 916 du rôle, avec référence à Cass.

Civ. française du 24 mars 1999, Bulletin 1999 iii N° 74, p. 51 ; r.T.D.C. 1999, p.

640,9 ; TA Luxembourg du 20 janvier 1995, n° 48 606 du rôle.

68. TA Luxembourg du 22 mars 1995, nos 47 687, 48 354 et 48 532 du rôle.

(9)

Cependant, le sous-traitant n’est responsable que des manquements à ses propres obligations contractuelles, de sorte que l’imputabilité des désordres à l’intervention du sous-traitant doit être établie. Le sous-traitant peut s’exonérer totalement ou partiellement s’il établit l’exis- tence d’un cas de force majeure ou d’une cause étrangère imprévisible et inévitable, comme une faute de l’entreprise principale ou du maître de l’ouvrage69.

Le sous-traitant doit respecter non seulement les condi- tions du contrat de sous-traitance, mais en tout état de cause également les règles de i’art. Ainsi, « il répond vis- à-vis de i’entrepreneur principal des malfaçons qu’il a pu commettre jusqu’ à la réception définitive et il est tenu de garantir i’ entrepreneur principal si celui-ci est lui-même actionné par le maître de i’ouvrage »70.

Le sous-traitant doit tenir quitter indemne l’entreprise principale et ne saurait pas s’exonérer de sa responsabi- lité en affirmant s’être acquitté de son travail conformé- ment au cahier des charges, alors qu’il est à considérer comme le spécialiste en la matière qui doit en tout état de cause effectuer son travail conformément aux règles de l’art71. Ainsi, le sous-traitant doit pour autant que de be- soin conseiller l’entreprise principale dont les instructions sont incomplètes ou contraires aux règles de l’art72. il doit, par rapport à toute mission supplémentaire, non prévue dans le cahier des charges et même conférée oralement, appliquer les mêmes soins et les mêmes conditions de sé- curité que pour l’ensemble des autres travaux qui lui sont confiés73.

3. Existence d’un préjudice et intérêt d’agir

La mise en œuvre de la responsabilité du sous-traitant par l’entreprise principale requiert l’existence d’un préju- dice, la charge de la preuve de celui-ci incombant à l’en- treprise principale.

Même s’il est établi que le travail du sous-traitant est dé- fectueux, l’intérêt d’agir de l’entreprise principale «  doit être direct et personnel, ainsi que né et actuel. L’intérêt est né et actuel lorsque le préjudice est déjà réalisé, respecti- vement lorsque l’existence d’un préjudice apparaît comme la conséquence inéluctable d’une situation déterminée ».

Si des années après la réception de l’ouvrage il n’y a pas eu de revendication, voire d’assignation de l’entreprise princi- pale par le maître de l’ouvrage, l’entreprise principale ne justifie pas d’un tel intérêt, qui est à apprécier au moment de l’introduction de la demande, et sa demande en ce sens est irrecevable. Dans l’affaire en question, il a également

été retenu qu’un référé probatoire ne présage pas forcé- ment l’introduction d’une action au fond74.

Dans une autre décision, la Cour d’appel a adopté une po- sition plus nuancée de la notion de « préjudice personnel », en estimant qu’il suffit que le préjudice de l’entreprise principale soit probable alors qu’une action en garantie décennale exercée par le maître de l’ouvrage contre l’en- treprise principale serait probable, de sorte qu’il n’est pas indispensable que l’entreprise principale ait été préalable- ment assignée par le maître de l’ouvrage75.

Le point de départ du délai d’action d’un appel en garantie vis-à-vis du sous-traitant est le jour où l’entreprise princi- pale est elle-même assignée par le maître de l’ouvrage ou la personne subrogée dans ses droits76.

4. La faillite du sous-traitant

en cas de faillite du sous-traitant, le contrat conclu avec l’entreprise principale prend fin de plein droit77, et l’entre- prise principale est en droit de remplacer le sous-traitant tombé en faillite sans que ce dernier puisse faire valoir que le contrat de sous-traitance aurait perduré au-delà de la faillite. en effet, sauf pour le cas où le curateur a deman- dé au juge commissaire l’autorisation de continuer l’exé- cution du contrat de sous-traitance, le failli se trouve dans l’impossibilité de continuer l’exécution de ses travaux78. Si l’entreprise principale envisage de demander aux garants du failli la couverture des frais de remplacement, elle peut avoir un intérêt de faire dresser un constat contradictoire sur l’avancement des travaux79.

5. Le sous-traitant de second rang

La responsabilité du sous-traitant de second rang (ou d’un autre sous-traitant de rang inférieur dans une chaîne de contrats) vis-à-vis du maître de l’ouvrage et de l’en- treprise principale sera uniquement de nature délictuelle ou quasi délictuelle80. il peut être rappelé qu’au vœu de l’article 3 de la Loi de 1991, « le sous-traitant est considéré comme l’entrepreneur principal à l’égard de ses propres sous-traitants », et « le maître de l’ouvrage reste toujours le même, quelle que soit la succession des sous-traitants ».

vis-à-vis de son commettant direct, le sous-traitant de rang inférieur est tenu par principe, dans le cadre de sa responsabilité contractuelle de droit commun des articles 1142 et suivants du Code civil, à toutes les obligations d’un sous-traitant, peu importe s’il a été accepté par le maître de l’ouvrage ou pas81.

69. CA du 3 février 2005, n° 27004, 27010, 27011 et 28402 du rôle ; TA Diekirch du 11 juillet 2017, n° 129/2017 du rôle ; voy. aussi TA Luxembourg du 22 jan- vier 1987, n° 37/87 du rôle.

70. CA du 21 janvier 1983, n° 5922 du rôle.

71. Justice de paix de Luxembourg du 7 novembre 2002, n° 4805/2002 du rôle.

72. CA du 23 janvier 2002, n° 25179 du rôle.

73. CA du 12 octobre 2011, n° 32178, 32187 et 34371 du rôle.

74. CA du 23 février 2011, n° 35204 et 35688 du rôle ; TA Luxembourg du 14 dé- cembre 2007, n° 107017 ; 1517/07 du rôle ; Cour de cassation française, 3e civile, du 31 octobre 1989, Bull. civ., n° 88-13.340 ; JCP, 1989, iv, p. 422.

75. CA du 21 décembre 2005, n° 29275 du rôle.

76. TA Luxembourg du 14 décembre 2007, n° 107017 ; 1517/07 du rôle ; Cour de cassation française, cassation civile 3e du 10 mai 2007, n° 06-13836.

77. il faudra alors reconnaître à la faillite un caractère de force majeure, voy.

supra 3.3.

78. CA du 23 mai 2001, n° 22240 et 25442 du rôle.

79. CA du 23 mai 2001, n° 22240 et 25442 du rôle.

80. TA Luxembourg du 16 janvier 1997, n° 42911, 44192,441524 et 45243 du rôle.

81. TA Luxembourg du 5 novembre 2010, n° 196/10, n° 99460, 101455, 109184, 110291, 110443 et 110444 du rôle.

(10)

A. La responsabilité de l’entreprise principale envers le sous-traitant

1. Action en paiement du sous-traitant contre l’entreprise principale

a) Sous-traitant non agréé

Si le sous-traitant n’a pas été agréé, ainsi que ses condi- tions de paiement, par le maître de l’ouvrage, la simple possibilité de se faire connaître au maître de l’ouvrage et de demander l’agrément n’a pas d’impact sur les créances du sous-traitant envers l’entreprise principale. effective- ment, « L’instauration de la procédure de paiement direct par la Loi de 1991 n’a pas pour effet de décharger l’en- trepreneur principal  », et «  faute de bénéficier du paie- ment direct, notamment à la suite d’un défaut agrément ou lorsque cette procédure n’assure pas son paiement intégral, le sous-traitant a la faculté de demander le paiement à son cocontractant sur le fondement du lien contractuel »82.

a) Sous-traitant agréé

La Loi de 1991 se borne à son article 7 à énoncer que « Le sous-traitant est payé directement par le maître de l’ou- vrage pour la part du marché ou du contrat dont il assure l’exécution ».

il a été décidé par le Tribunal d’arrondissement de Luxem- bourg que « l’action directe » dont dispose le sous-traitant agréé à l’encontre du maître de l’ouvrage est exclusive de tout recours contre l’entreprise principale, et le sous-trai- tant n’a plus le droit de réclamer le paiement de ses fac- tures à l’entreprise principale, même si le sous-traitant estime que le maître de l’ouvrage ne respecte pas les condi- tions de paiement du sous-traitant, pourtant acceptées83. À l’appui de sa décision, le tribunal renvoie aux documents parlementaires de la Loi de 1991 pour dire que l’entreprise principale et le sous-traitant ne seraient pas sur un strict pied d’égalité si on accordait au sous-traitant, en dehors du paiement direct par le maître de l’ouvrage, un recours contre l’entrepreneur principal alors que ce dernier ne dis- posait que d’un seul recours contre le maître de l’ouvrage et serait partant désavantagé84. L’exposé des motifs du pro- jet de loi énonce que le but du projet serait, en effet, « de prévenir le sous-traitant contre la faillite de l’entrepreneur principal et non contre celle du maître de l’ouvrage »85. Cette position est cependant contredite par des décisions de la cour d’appel qui a estimé que le sous-traitant, faute de bénéficier du paiement direct, a la faculté de demander

le paiement à l’entreprise principale sur le fondement du lien contractuel, non seulement en cas de défaut agrément, mais aussi « lorsque cette procédure n’assure pas son paie- ment intégral »86. La Cour de cassation française a dans le même sens décidé « que l’acceptation du sous-traitant et l’agrément de ses conditions de paiement par l’Adminis- tration qui font naître à son profit un droit au paiement direct ne libèrent pas l’entrepreneur principal de ses obliga- tions envers le sous-traitant » et que « le paiement direct, mécanisme légal, ne constitue pas un lien de droit nouveau qui résulterait de l’engagement du maître de l’ouvrage dé- légué, envers le sous-traitant délégataire »87. Une autre dé- cision de la cour d’appel en matière de référé a cependant décidé que « […] l’obligation du maître de l’ouvrage à l’égard du sous-traitant n’est pas limitée par la créance de l’entre- preneur principal parce que constitutive d’une obligation nouvelle et autonome pour le maître de l’ouvrage, sans ré- férence au contrat de base »88.

il ne paraît pas opportun d’exclure la possibilité, pour le sous- traitant agréé, de se retourner vers l’entreprise principale.

Le maître de l’ouvrage ne sera pas privé, par l’acceptation du sous-traitant, de son droit de s’opposer au paiement de montants qui lui sont réclamés en cas de dépassement de prix, si un tel dépassement n’a pas été accordé entre lui-même et l’entreprise principale. Si tel dépassement a cependant été valablement convenu entre le sous-trai- tant et l’entreprise principale, le sous-traitant doit pou- voir le réclamer à l’entreprise principale. Ainsi, le paiement direct sera limité à ce que le maître d’ouvrage devra à l’entreprise principale en ce qui concerne l’exécution du sous-traité89, abstraction faite des autres exceptions dé- coulant de la relation spécifique entre le maître de l’ou- vrage l’entreprise principale.

Cependant, en cas de délégation parfaite, «  qui a pour effet de créer entre le délégué et le délégataire un lien de droit nouveau qui résulte de l’engagement pris par le délégué envers le délégataire  », le sous-traitant n’aura de recours plus que contre le maître de l’ouvrage90. Cette décision semble donc partir du principe que le paiement direct ne repose pas de plein droit sur une délégation par- faite, mais qu’il faudra une stipulation contractuelle ou une affirmation de la volonté expresse du sous-traitant de décharger l’entreprise principale pour le priver de son recours contre cette dernière.

2. Obligations accessoires de l’entreprise principale L’objet du contrat conclu entre l’entreprise principale et le sous-traitant est l’exécution par le sous-traitant des

82. CA du 22 décembre 2010, n° 35319 et 35640 du rôle ; CA du 15 février 2012, n° 36619 du rôle.

83. TA Luxembourg du 23 mai 2003, n° 67580 du rôle ; exposé des motifs, considérations générales, 2 septembre 1988, projet de loi n° 3251 (1), p. 3.

84. Ibidem.

85. exposé des motifs, considérations générales, 2 septembre 1988, projet de loi n° 3251 (1), p. 4.

86. CA du 22 décembre 2010, n° 35319 et 35640 du rôle ; CA du 15 février 2012, n° 36619 du rôle ; CA, 25 février 2015, n° 3981 du rôle.

87. Cour de cassation française, 3e civ., 15 décembre 1993, n° 92-10689, Bull.

civ., iii, n° 169.

88. CA (référé) du 14 décembre 2011, P.35, p. 736.

89. voy. Cass. fr., 3e civ., 13 mai 1992, n° 90-13811, Bull. civ., iii, n° 149.

90. Cour de cassation française, 3e civ., 15 décembre 1993, n° 92-10689, Bull.

civ., iii, n° 169.

(11)

prestations qui lui sont confiées par l’entreprise princi- pale dans le cadre de l’exécution du marché conclu avec le maître de l’ouvrage.

en général, les obligations de l’entreprise principale vis- à-vis du sous-traitant sont énoncées dans le contrat de sous-traitance, et consistent surtout dans le paiement de la rémunération convenue, ainsi que dans la mise à disposition des informations et de la documentation né- cessaires pour la réalisation des prestations du sous-trai- tant. Le contrat de sous-traitance peut également prévoir d’autres obligations à charge de l’entreprise principale, comme la mise à disposition de surfaces de stockage ou de containers de chantier, la conclusion d’assurances ou l’organisation d’une surveillance de chantier. en cas de non-respect de ses obligations par l’entreprise princi- pale, le sous-traitant pourra rechercher la responsabilité contractuelle de l’entreprise principale.

Sous certaines conditions, le contrat de sous-traitance peut créer, à la charge de l’entreprise principale, et même en l’absence de toute stipulation contractuelle expresse, une obligation contractuelle et accessoire de sécurité en faveur du sous-traitant. Une telle obligation peut être dé- duite de l’article 1135 du Code civil, qui prévoit que « Les conventions obligent non seulement à ce qui y est expri- mé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature ». L’entre- prise principale et le sous-traitant devant en principe cha- cun répondre de sa part de l’exécution du marché, cette obligation devra cependant s’analyser en une simple obli- gation de moyens, et non de résultat, et le sous-traitant invoquant une responsabilité de l’entreprise principale pour un sinistre qui lui aurait porté préjudice devra donc prouver une faute de l’entreprise principale91.

3. Le sous-traitant de second rang

Alors que le deuxième alinéa de l’article  3 de la Loi de 1991 prévoit que « Le maître de l’ouvrage reste toujours le même », une acceptation du sous-traitant de second rang par l’entreprise principale ne crée pas de créance de paie- ment direct du sous-traitant de second rang vis-à-vis de l’entreprise principale, et pas de relations contractuelles entre ces intervenants.

v. la relation entre le sous-traitant et le maître de l’ouvrage

A. Sous-traitant non agréé

1. Principes – l’effet relatif des contrats

Par rapport à la responsabilité du sous-traitant vis-à-vis du maître de l’ouvrage, la jurisprudence luxembourgeoise suit la jurisprudence française récente qui repose sur l’ef- fet relatif des contrats. Le sous-traitant est un tiers vis-à- vis du maître de l’ouvrage et vice-versa. Le sous-traitant n’ayant pas traité avec le maître de l’ouvrage ne peut être actionné directement par celui-ci et n’a pas de créance ni d’action directe contre lui92.

il en résulte que, dans un contrat de sous-traitance, l’action du maître de l’ouvrage contre le sous-traitant ne peut, en l’absence d’une relation contractuelle directe, être fondée que sur la responsabilité délictuelle. Ainsi, la Cour de cas- sation luxembourgeoise a décidé dans son arrêt du 11 jan- vier 1990 que « L’obligation de résultat d’exécuter des tra- vaux exempts de vices, à laquelle le sous-traitant est tenu vis-à-vis de l’entrepreneur principal, a pour seul fondement les rapports contractuels et personnels existant entre eux et ne peut être invoqué par le maître de l’ouvrage, qui est étranger à la convention de sous-traitance »93.

La Loi de 1991 n’a pas, par rapport au sous-traitant non agréé, remis en cause ce principe. Si l’article 10, alinéa 2, de la Loi de 1991 prévoit que « Les relations entre le maître de l’ouvrage et le sous-traitant sont de nature contrac- tuelle », cela ne vaudra que dans les cas où la Loi de 1991 trouvera application, à savoir par rapport à sous-traitant qui a été agréé, ainsi que ses conditions de paiement, par le maître de l’ouvrage94.

Si dans le cadre d’une procédure judiciaire engagée contre le sous-traitant par le maître de l’ouvrage celui-ci a in- voqué la seule responsabilité contractuelle le tribunal ne peut d’office, sans modifier la nature du litige, appliquer les des règles de la responsabilité délictuelle95.

2. Les groupes de contrats – la théorie de la chaîne de contrats

en ce qui concerne la livraison de fournitures, dans le cas de chaînes de contrats translatifs de propriété, l’action en responsabilité entre les membres du groupe est de nature contractuelle et est transmise accessoirement à la chose96. Cependant, si dans une situation de sous-traitance les différentes parties sont liées par des contrats d’entreprise non translatifs de propriété, il n’y a pas d’extension de la

91. Tribunal d’arrondissement du 19 octobre 1994, n° 47821 du rôle.

92. Tribunal d’arrondissement Luxembourg du 21 juin 1984, n° 98404930 JUDOC.

93. Cour de cassation, arrêt du 11 janvier 1990, n° 856 du rôle ; Cour de Cassa- tion française, Assemblée plénière, 12 juillet 1991, 90-13.602 ; CA, 15 janvier 2008, n° 31546 du rôle ; CA du 18 octobre 2017, n° 40132 du rôle ; CA du 25 oc- tobre 2017, n° 40026 du rôle ; CA du 10 novembre 2004, n° 27171 et 27678 du rôle ; Justice de paix Diekirch du 18 octobre 1984, n° 98406069 JUDOC.

94. Marc elvinger, « La responsabilité civile des constructeurs dans les légis- lation et jurisprudence luxembourgeoises », Pas., 28, p. 454.

95. TA Luxembourg du 1er juin 2007, no 99029 du rôle.

96. CA du 12 juin 1996, n° 18459 du rôle ; Georges ravarani, La responsabili- té civile des personnes publiques ou privées, 3e éd., Luxembourg, Pasicrisie luxembourgeoise, 2014, n° 496.

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