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GÉRARD AUGUSTIN VIES NOUVELLES DIGRAPHE FLAMMARION

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Texte intégral

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VIES

NOUVELLES

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GÉRARD AUGUSTIN

VIES NOUVELLES

DIGRAPHE

FLAMMARION

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ISBN 2-08-062509-8

© 1979, FLAMMARION, Paris, Printed in France

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Rubrique

Et recommence

Le texte du crime la main portée sur la lumière le gant vert de l'aube retourné

déplace-toi lentement

il rêve d'une époque de magnanime et tremblante civili- sation

tu dois être la lumière au sommet de sa chaîne les mail- lons se jouant l'extase la ville n'était pas écrite de la même façon le corps tournait entre deux jardins lauriers vitres rouges et le regard ouvre le temps enclos la maison originelle lèvres la chaleur des plantes et tapisserie des hauts faits de l'enfant le bâton du vent tu parles de ce pèlerinage de ce chemin du corps des fleurs des petits billets entre les doigts à la place d'anciennes habitudes il ne commenterait pas il exilerait simplement tes mots aux limites naïfs anxieux astres obliques tu aimerais par- dessus tout les vignobles bleus la morsure répétée la col- line glissant dans ta phrase suffoquant ce silence l'ouvrage des paupières la nuit là brisée dans son four- reau étendue tu masses la pierre échappée le miroir virant sur la dernière lettre tu t'enfonces tu crains l'éclair et lui venant si vite vers toi qu'à voir la mer s'enfermer en si peu en si peu de mains de sens tu t'arrêtes tu pleures muqueuse tendue sexe tambour il enseigne le passage d'un oiseau ou la colline joue la glace neuve dans le fichu le châle noir le tintement du sourire sur

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chaque lèvre le rêve douce moisissure le feu le hasard passe de lui à toi un brin de basilic fend ta pupille et la ville s'unit un instant il t'accompagne sur le lit d'algues te revêt d'innocence le passage de la nuit ou l'oiseau posé sur ton ventre tu vas sur le pont sur la poutre gué- rissant le solitaire l'usage des pierres et d'un arbre tissé rapides panneaux rouges de la mémoire à nouveau mais rien pour te perdre vendange vers la nuit abritée par ses feuilles seulement l'attente

la lumière ne monte plus l'audience à son seuil fondante tu ramènes tes bras figure sculptée recouvrement du sable jusqu'aux grains à nouveau puérils et vague

6 février 73

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(Processus graduel)

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Tu viens tu viens

et ma rencontre dans l'eau un matin ton corps sur l'autre corps naissant donc

ne serais-je oui que cette image et Je m'oblige à rire image : cet homme proche du rêve sur un petit chariot un pied et de l'autre libre se pousse inégal distrait roule tu cherches une pente une colline dis ah il se surprend balançoire

enfant bel enfant sans s'inquiéter parole puis silence « le feu sous la terre »

image : cette promenade dans la ville les étalages les chiens sortis en toute hâte une lettre peut manquer et la peur ah le corps ne s'habitue pas

tu dis nous regardions la mer de l'autre côté des fleurs ce qui nous avait amenés ici la lumière la cendre

cependant nous connaissions la ville depuis toujours invertie elle penchait et les rues ne sont pas encore tra- cées imaginées seulement dans le sourire peut-être de quelque dieu les fenêtres les portes

comment savoir accumulées dans une mémoire si vieille si exténuée dis-le immobiles faute d'amour le voilà image aussi un enfant un panier de coquillages enfin autour des mains enfouies la couronne des algues et

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brusquement tu tends au centre la cargaison brune éton- namment légère les coquilles seraient-elles vides

les marges les douces marges ni entrée ni dessert

et l'image rejetée les bateaux contre le quai ? ils ne s'appuient plus trop de sommeil trop d'indulgence maintenant oui entre la pierre sombre et le bois repeint le nom candide

le chiffre de ses transformations

encore l'huile les échardes la poussière des bateaux morts mais

midi bien plus de gestes de peau qu'il n'en pouvait une histoire commençait au coude au bout de l'index les genoux pliant et tu finis par trouver la douce paroi si près l'île l'œil tu ne peux le secourir

à cette table tu dis appuyés à l'air vide au balcon de marbre et tu vois l'anxieuse inclinaison des mots l'envie de se retourner la tête toujours consolée à la dernière minute

par l'image l'acacia autre masque d'ampoules rouges blanches douloureuse un exemple soudain tu prends ostensiblement la parole croyant que tu veux nous ense- velir que tu ne te résignes pas électre trace d'électre mais prise toujours dans ta photographie tu nous vois ainsi démunis livrés aux outrages aux corbeaux du mythe lui se lève le plus jeune en souriant comme si nous réclamions une carafe de vin des explications sur un pas- sage incompris quelques pas vers la fontaine vers le texte il hésite revient tâtonnement moutonne dans la nuit de ses lèvres et de son sourire encouragé répand sur la terre notre sang

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il retourne à une plus ancienne image sous les pins l'enfant malade comment l'appeler la danse des pierres tu dirais l'initié à sa bouche la bouche la douce résine et l'écorce noire poisseuse arrachée tu ajoutes le vestige des enfers nous descendons près de lui une chèvre symbole par moments dorée le gardien de la naissance tu ajour- nerais

le droit à son erreur le mot n'est pas à confesse cepen- dant l'image est là qui attend le corps torturé mot à mot montre-moi d'abord le soleil l'image tourne le poème d'ulysse la flotte pliée dépliée déballée marchan- dise invendable circé calypso deux positions différentes des cuisses deux stations de l'image et là sur le marché ulysse assommé poulpe ah la volonté éveillée et le roman laissons-le faire un instant

un échiquier avec un morceau de carton nous rompons les cases une à une à l'ombre du mur nous avançons nous mélangeons les territoires

mais où te situer la page flotte chevalerie de bouts de bois claudas traître et seigneur ne sait qui choisir lance- lot devient galaad et inversement et ta main fille des mains innombrables toutes inventées fatigue le temps le soir nous ramènerait à la chambre abandonnée les jours bien rangés sur l'étagère

et l'image au-dessus du port une patte tranquille mais tu laisseras ce blanc à la mer

œuf entre les môles elle seule continue de creuser jarre ruisselante et n'est-elle pas le cercle de la vie tu ne t y tromperas pas

tu peux très bien voyager maintenant Rhodes l 'Ariane la Vieille Darse nouveaux vaisseaux neufs de mille ravauda- g plus tard les ouvriers sortiront de l'arsenal et le vent daigne descendre des collines il semble qu 'à travers la

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ville une mouette lentement agite et déploie l'aile phé- nix

les poissons sur la table déjà la branche de fenouil tu découpes les parts et la rose apparaît

regardons bien sur la pulpe d'un doigt la mousse noire tu peux sourire compréhension patiente

derrière nous les pins leur dieu intermittent comment entends-tu le passé cette crécelle nous arborions des plu- mes de papier une dernière douceur un peu avant un peu après nous cueillions sur les terrasses des géraniums identifiés enfants veloutés et noueux

tu me nourris dans l'ombre joyeuse tes doigts sur le Faron l'acropole et plus bas la route blanche ossement plus bas encore le fort Sainte-Catherine musée vide cyclope roulant la faim le temps se déplace à nouveau quelques maisons un peu hébétées des hlm et sans effort le même olivier à Lindos un âne urine sur la marche pri- sonnière

« le feu sous la terre » écoute prépare-toi la sandale d'empédocle ne cesse de retomber obéissante féconde ouvrant à tous battants le jour méditerranéen

février 1973

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2

( P o è m e initial)

Douce la terre comme cet autre visage, si différent

— que les mains joignent et déchiffrent — comme ce visage qui est peu à peu le mien, qui me rafraîchit.

Cette mer où aucun oiseau ne vole plus ?

Les mouettes, sur les rochers, effrangent le silence et limitent la mer inentendue

— rien ne doit la troubler.

Des éclats de plumes et une pluie légère au-dessus des coupes dans le granit rouge,

et l'on croirait que ce sont des mots, de fragiles et pré- caires syllabes, s'échappant ainsi de la bouche usée et tranquille.

Derrière le frémissement, l'haleine de cette côte, avec son masque d'oiseaux et de poussière rouge,

la mer, la fileuse de barques, la grande soupçonneuse, l'inapaisée, la mer oublie et attend

sous la voile claire, indéchirée,

la mer se réconcilie avec ses rêves d'arbres nains, de poissons séchés, de cordes et d'anneaux,

avec l'ossuaire des heures sur la plage.

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Au moment de regagner le lieu précoce, la terre jonchée d'aiguilles sèches (parfois de bouquets d'aiguilles, insé- parables) ,

j'emporte dans une main un peu de l'eau

comme la transparence difficile où s'efface la trame d'un rêve,

les heures innommées et anciennes, les haltes du veil- leur, du douanier sur le sentier

— racines des pins, odeur des lauriers —,

la chaîne des tours sarrasines, génoises, sceptiques.

Images de la mer !

Et me penchant sur cette eau et haussant la main, je ne vois que la lumière tressaillant aux accidents de la peau, lumière livrant un visage, quelque chose d'aussi simple que la mer.

Maintenant le vent recouvre l'île d'une chevelure affolée.

Le vent brise la douce région des sens et les mains tombent comme coupes vides.

Un grand pin mouline une poussière blanche, un rire anguleux, mica et cristaux dispersés,

et sur la crête du regard, les tessons d'un miroir assom- bri.

Pourquoi trembler ? Celui qui s'oppose au vent

n'est-il pas déjà ce mica, ce sable réfugié et rougissant la caverne de l'œil ?

Un peu d'eau glisse de la paupière et raconte, sans même rassurer, un épisode de la mer,

courte histoire dont un homme a la charge.

Et la pupille, élargie, reprend le sacrifice, ouvre les ima- ges d'un couteau clair, les choses passantes

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là même où elles naissent, dans l'utérus transparent.

Scribes, les yeux patients repassent sur les inscriptions du sang

et dans la nuit symbolique,

dans la giration, dans le silence de l'orbite,

tracent maladroitement les limites du jour, monotone et rond.

Celui-là examine sa vie et se fait plus certain que la source.

L'homme s'est endormi, la tête sous un hibiscus, et la flamme du vent monte de son sommeil.

Il lui semble qu'au-dessus de son corps ébloui parlent des êtres inconnus, peut-être aimés,

et ces paroles imprécises, si humbles, qui brûlent dans l'air du matin comme une fleur,

disent la durée, la continuité soucieuse.

Quand il se réveille, c'est l'île entière qui glisse de ses yeux, et l'eau vierge rejaillit dans la vasque dure, marte- lée, de son désir.

A la lisière du sable, les chevilles lavées par l'écume, l'adolescent attend et s'effraie de la mer.

Il est l'approche.

Il rêve de conserver à ses doigts les bagues de l'écume, de garder à son corps la pierre caressée ou l'envol des mouettes,

et les lumières fugaces qui peuplent la mer.

Lui que la lumière fatigue, se prépare à la protéger.

Un enseignement difficile se noue ;

mêlé aux gestes du bain, l'homme vient à la rencontre, des mains crispées dans le jour blanc,

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des cheveux ivres, complices du sel,

des genoux inquiets sur l'arc de la jambe, au lieu où manque la flèche.

Il franchit le cercle des mots inaudibles

et défait sur la tête farouche la couronne de serpents.

Les os pensent fondre sous tant de lumière.

L'adolescent se tourne et croit qu'on l'appelle.

La main se tend pour recevoir une fois encore la vie, mais les plantes arides lui cachent seulement un rire, la bouche abandonnée et la danse lente

de corps lointains, semblables et imparfaits mystères.

Revenant à son rêve, il se lève et marche vers la mer.

Là, il s'accouple avec la bête immortelle

et ses yeux se ferment un instant sur ce double d'algues et de colère.

Pourquoi trembler ? Le rêve s'éloigne et les lèvres ger- cées par le sel à nouveau se rejoignent.

Nous pouvons nous asseoir à la table grise, à peine abri- tée par la tonnelle de cannes,

nous pouvons nous approcher l'un de l'autre et ne rien craindre de l'avenir.

Nos épaules légères se touchent

et nos visages, sans se confondre, s'imitent avec une douce ironie, se mesurent,

comme la mémoire avec l'oubli.

Je sais que tu es inépuisable, que tu ne te lasses pas de m'instruire,

que nous sommes tour à tour les deux versants, le souffle qui s'essaie, la parole qui finit,

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la terre accueillante et cette eau qui sourd, qui gémit parmi les premières feuilles, soudain s'enroule

et court sur toute chose : l'indécente voix.

Nous bavardons, le jour s'apaise,

un rai de lumière sépare ma main de l'ombre.

Je n'ai qu'à m'avancer,

fidèle au vent qui lisse tes yeux, qui semble prévenir l'hésitation des cils,

qui t'accompagne,

et l'erreur facilement se répare.

18 janvier 73

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encore un peu âpre où le café nous reçoit en vieilles connaissances et la fille remonte sur son vélo avec un petit enfant derrière elle

25 octobre 1977

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Voix derrière la fenêtre le plus clair

t'entendre pour la première fois et sur le sol les parures les sons dispersés prévois-tu ce passé où la barque des- cend roulant sur les corps sans cesse déplacés la nuit cherchait à t'en débarrasser et maintenant l'amour te lie à cet abandon

les mains crispées sur l'eau presque incolore par quoi ta voix se casse chante et les Iles les terres légèrement de côté portent tous les noms l'origine fait figure bouffonne moindre faute ce parasol fermé sur la terrasse le corps recomposé comment le verrais-tu

le corail posé sous l'oreille accroché au soleil tournant le continent dérive et les dernières syllabes seules restent j'appelle autant de fois le timbre ne suffit pas tu t'es tue la roche s'effrite les couleurs séparées simples idées errant parmi nous quand ta voix a repris le verre était plein de sable le vin sur les draps nous habille un ins- tant sortis de ce voyage de ce syllabaire nous apprenons et nous partageons les sirènes oh si humblement atta- chées à nos langues qu'une attente une phrase trop lente les déferait milieu de la mer par le travers rapide nous et la côte à peine tendue huilant la serrure superflue de notre chambre tu penses achever ce mot mais autre chose qu'un jeu méditerranée au bord du lit ouvert deux pliures si douces et ton sang rabattu l'intervalle la peur même qu'elle dise non que sa bouche s'applique à mon oreille jouissant des noms qui te reviennent mais j'entends cette mer tombant dans ta voix oui affleurent une colline la maison avec un escalier trop haut à moins que ton pied nu déjà ne froisse le sol et l'ensemence

4 novembre 1977

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Marins encombrant les terres et l'amour a les feuilles des genêts des oliviers pour s'éveiller mon sort est plus ten- dre que l'aube ne vois-tu ces couleurs portées sur les visages tombées des carènes aux jours où tu enfantes plusieurs ciels différents te voici qui tords les fils la main presque menace jette le corps de chaque côté

rythme ? grotte de la ville pendent le jambon le lard et à travers la rue vide comment te tendre l'héritage cette grappe oubliée sur le comptoir ton sourire commençait à Rome les colonnes déplacées et traînées derrière les colli- nes là-bas le corps attendait un taxi une sorte d'inno- cence ou les heures d'après-midi se mirant en celles du matin

remontant l'amour mouflons au bord d'une décharge bête enfantine à peine venons-nous d'un pays caves s'exhibant et s'enroulant bouches des morts rien aucun vin ne suffirait oui le plus difficile revenir sur ces lieux que nous ne connaissons pas l'étreinte rêverait chaque membre hésitant dans l'attirance du corps il te faut cependant esquisser cette femme entendue à l'autre bout de la danse quelques pins l'écho des fleurs les cils dessi- nés sur la pierre ton œil nul double

pourtant se multipliant nous buvons à une fontaine puis dans ce panier où dort la terre attablés comme l'anse légèrement brûlée jouissons encore d'une bière d'une industrie de mouches et ce petit tas de poussière que nous déposons avec la monnaie ah ceux incroyables arrê- tés contre la route hâtent ce silence nous cherche le dos tourné et d'un doigt nouveau le relevons en poursuivant

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si je te laisse un instant vers le soir c'est aller à la mer demander ce qui d'une image de toi te rendrait tout à fait probable mais cet instant ne m'attend pas déjà de retour je t'apporte à la fois l'œil et le doute de la mer

8 novembre 1977

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Conflit celle-ci m'apporte les nombres marins la mer en pleurs et le vent si fort l'enfant cette région se détache et nous croyons gouverner une maison faite de toujours gouvernons des éponges imbibées du ciel aimé oh écoute ces lettres passe-les benjoin ciste sur la peau apprenant à parler

là plus d'amour qu'il n'en faut pour allumer toutes les lampes des bateaux des cafés mesurant ton silence comme un jeu de mots trop rapide cette parole enfant chaque son fleur ou cheveu a son autonomie j'aimerais confondre ces plantes qui s'avancent vers la plage mais tes lèvres distinguent déjà du vent la courbe et le rêve des prochaines lèvres femme ce son qu'il y a à te repren- dre et composer les nuits en fragments de ta voix si l'amour là assis sur les marches cette femme me reste de toi dans le son presque imaginé

et de lui cet enfant je regarde à travers l'oreille du sexe le battement des allées et venues sur la place la mer der- rière les couleurs à peine atténuée maniérée peut-être de se promener aux feuilles des platanes tu vois l'enfant grandir et s'asseoir à côté de moi ma peur familière vient des mots comme s'il fallait te perdre mais j'adres- serai à l'enfant ces mots légers et le couronnerai de myrte

le tien de retour de ce décompte de la mer à travers la ville l'hôte même introuvable te voici de si loin visible malgré le peu de distance un rien ma naïveté te deman- derait de répéter oui ce temps bègue réclamé à la caisse

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du magasin mais maintenant l'enfant te reconnaît joue un instant avec la poussière des mots sur les marches même un parfum à ta rencontre

15 novembre 1977

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Nouveau commencement cette jalousie au seuil est-ce un jour ? corps d'amour histoire ce bruit de flûtes une machine étrange et démontée où je reproduisais des paroles divines carrosserie d'anges charroi aux heures feuilletées veines et entrelacs d'or presque dans la four- rure adolescente soudain la semence suspendue au milieu de l'air

retourner de méditerranée y crois-tu ? je me sers de ton nom pour commenter ce vin que nous avons bu sans rien attendre que ton nom et le jour incroyable encore ton sexe guetteur près du village nous avons la forêt en petits brins dans nos poches le rêve l'enseignement nous font défaut nous les voyons quitter furtivement la table prendre une lampe préparer la nuit viendras-tu ? tes jambes ouvertes sur la route puis cette figue sur la claie le même nuage entre dans le soleil et les baies dans ta vulve dans le cheminement nécessaire mon corps renversé trompés peut-être par l'ombre des prières des suppliques ne touchons qu'avec douceur aux gestes des hommes entre la terre noire et les eucalyptus vieilles doctrines de la souffrance et de l'amour retrouvées dans les rigoles d'irrigation et les pierres levées autour des tentes riant de notre égarement avec nos têtes poussées par ce qui persiste de la mer

crainte mélangée au sable à la poussière du soir comme si les montagnes allaient se recueillir dans le creux l'amphore de nos seules mains dettes et messages plus subtils vois-tu ce visage le tien de l'autre côté de l'image même du souvenir matin penché au-dessus du parapet Méduse tournée sur son sourire l'orbe incliné des pom- mettes tes yeux débordent des couleurs

22 novembre 1977

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La mère de l' œil et le coq de Senez :

Que peut bien signifier — écrire un « roman grec » ? Le

« Corps retranché », ce fragment d'un fragment : impos- sibilité de la fiction, comme pour Hölderlin déjà l'impossibilité de « l'exposé rigoureux d'un caractère bien déterminé », d'un développement psychologique en règle.

L'« exposition lumineuse », la simplicité, la sobriété : ce que nous désirons aussi. L'amour peut nous y aider.

Encore faut-il se débarrasser du « mort-vivant », du vivant retranché derrière la fiction, du moi ou du per- sonnage qui joue la consumation réciproque, mime — pour s'en sortir — l'entre-dévoration humaine.

Mais l'amour courtois et ses substituts ont fait faillite :

« tout le poids de notre amour » conduit Suzette Gon- tard au suicide et Hölderlin à la folie.

Au moment où l'homosexualité socratique tourne au préceptorat, à une variante d'œdipe ridicule et ventrilo- que.

L'intermédiaire entre enfance et vie humainement belle, la contradiction avec soi-même, c'est-à-dire l'état de fic- tion, ne peut être résolu par une mythologie exsangue, factice, même si elle recèle une grande angoisse. Non plus par un idéalisme, qui continue d'opposer structure et phrase, chaos et logique du je... « Mets-toi par libre choix en opposition harmonique avec une sphère exté- rieure... » C'est bien le problème de l'amour.

La « sphère extérieure », est-ce la femme ? Le ton pur informulé, l'esprit pur ou l'enthousiasme de Vigny, la chair divine de Snyder, cette chose si profonde, lors- qu'elle s'accomplit, ne prend plus le visage de Béatrice.

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Puisque de « r o m a n grec » il s'agit, le couple Dédale- Ariane, piste de danse et danseuse, la chaleur sexuelle enfermée dans u n taureau marin, la loi toute-disante de Minos ébouillantée dans sa baignoire, voilà des prémisses intéressantes.

La fiction reconstituerait le corps de Pasiphaé ; recoudre la blessure taurine, au b o u t de sept ans au moins, avec l'illumination sur l'Ida. Ida ou Etna, sandale ou taureau de bronze, cratère et s o m m e t , c o m p l é m e n t a r i t é déli- rante. D e D i o t i m e à Ariane, u n saut ? Snyder fait com- mencer l'histoire occidentale et sa misère à la destruction de Cnossos. Ariane n ' e s t plus la fille de Minos et de Pasiphaé ; Phèdre, la belle névrosée, se charge de cette filiation.

Nous nous délivrons de la fiction, d u « r o m a n grec » avec des figures qui h a n t e n t ce « r o m a n », qui ne sont pas grecques, qui n ' o n t de grec q u e le s u r n o m , le n o m d'exil et de sous-culture.

Toute l'histoire de l ' a m o u r r o m a n e s q u e ou courtois remise en question, l ' a m o u r fondé sur la séparation, la distance, l'illusion. Hôlderlin fait m o u r i r Diotima, et Suzette G o n t a r d se m e u r t d o u c e m e n t en croyant voir le visage d u poète derrière u n buisson, dans u n e allée. Le poète est un mort-vivant p o u r lui-même, u n e o m b r e p o u r l ' a i m é e . L ' a m o u r : u n secret, indéchiffrable.

L ' a m o u r courtois échoue. Parce q u e chez la f e m m e il n ' y a q u e la souffrance qui parle. Souffrance pliée et repliée par l'écriture d u poète, de l ' a m a n t . Dans l ' a m o u r cour- tois, le poète reproche à la f e m m e d'exister. Si D a n t e s'en est assez bien tiré, il a m o n t r é aussi q u e plus il racontait Béatrice, moins elle existait : à la fin de la Vita Nuova, et dans le Convivio, elle se fait ange, elle est la façon d ' ê t r e d u poème. Hôlderlin renonce à cette issue : le voilà hésitant entre les comptes de publication, le voyage et les apparitions de sa personne auprès de Suzette.

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Croire la f e m m e le tout vivant se révèle fort pernicieux : on est fidèle à q u e l q u ' u n qui ne pense à rien d ' a u t r e ou q u i ne pense plus.

Le vagissement de Suzette ou les cris de la comtesse de Die, écrits terribles. D ' a v o i r été si éloignées, si écartées, elles finissent par jaillir, ténèbres et larmes, d u ventre, d u ventre de la mère oubliée. Cette mère qui se m o q u e de la vie ou d u t o u t céleste mais hurle l ' é t o u f f e m e n t , le m u t i s m e , la perte de tout n o m .

H ô d e r l i n se r e n d c o m p t e q u ' i l tue Suzette avec ses poè- mes, q u a n d bien m ê m e elle ne les lirait qu'avec retard.

Le prix des poèmes, c'est l'absence, la postérité. Il s'en r e n d c o m p t e , l'extinction se fait trop lente pour que le contraire soit possible. La folie d u poète va venir de ne plus avoir de lectrice « éternelle », de Béatrice, d'avoir achevé celle qui s'est éclipsée q u e l q u e part à H a m b o u r g ou Francfort. Presque q u a r a n t e ans p o u r se relire. Le poète courtois pouvait encore échanger une f e m m e con- tre u n e autre, ou la Vierge, ou la musique.

Suzette serait-elle u n e n f a n t — à peu près le m ê m e âge q u e Sophie von K ü h n ? A c o m b i n e r des artifices pour éviter le soupçon, q u ' o n ne la trouve « étrange ».

Réduite à des idées et des plans, de la prudence et des m é n a g e m e n t s , ceux q u e les adultes a t t e n d e n t d'elle. A servir aussi et s e u l e m e n t de réceptacle à l'image « toute vivante » de l ' h o m m e , de l'aimé. L ' a m o u r porte-t-il, i n s u p p o r t a b l e , u n e telle contradiction ? D ' u n e f e m m e qui ne cesse de s'infantiliser et se prépare à disparaître, se résorber dans l'écrit d ' H ô l d e r l i n .

Et la p e u r de la révolution.

C o m m e n t tout ce qui a trait à l'éducation, l'enseigne- m e n t , s ' a p p u i e sur ce corps occulte, tourne autour de la f e m m e enfermée.

J'accepte difficilement la facilité avec laquelle Suzette recoud, refait à c h a q u e lettre, use et renouvelle l'androgyne. Voilà p o u r t a n t toute sa joie.

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Dans cet homme primordial que Suzette imagine et met au point, rien — rien durablement — ne peut la con- vaincre qu'il y a quelque chose d'elle — elle — qu'elle tait, prise entre le prosaïque et l'imagination, et que le poète répète ou rêve paradoxalement, tout en appelant ça Apollon. Prise entre deux enfantements : le poète est l'enfant de qui ? L'échec d'Hôlderlin, tout ce silence de Suzette, ce tumulte inaudible qui lui emplit la tête, cette langue qui n'est pas nécessairement l'allemand, qui est plutôt l'histoire.

Le silence de la femme, un bon moyen dont dispose la bourgeoisie pour fermer la bouche à ceux qui, ensei- gnant une étrange science, pourraient en dire un peu trop sur l'amour. Femme muette et poète fou, le capital y gagne.

L'amour, arrêté en chemin, même « suprême », sert à cacher, à préserver d'un chaos, à différer une révolution.

Femme et poète se prennent pour le monde, pour la splendeur de la nature. Ils n'ont tort qu'en ceci : leur impatience, le monde n'ayant que peu à voir encore avec la splendeur. Le calme de la beauté, notre drogue quand la femme n'est belle que dans un miroir.

Ce qu'Hôlderlin a compris quand il s'est laissé enfermer dans une tour, comme une femme.

Que Suzette se mette à écrire, la jouissance venant, elle libérerait Hôlderlin de sa mort-vivante, de sa folie. La poésie courtoise a-t-elle vraiment laissé de côté l'amitié garçonnière, la fraternité masculine ? Un poète comme Hôlderlin en est à rêver encore du banquet d'amour, de l'échange idéal, de cette nourriture de feu que les esprits doivent s'accorder en toute indifférence de sexe, comme si le souvenir ne lui rappelait aussitôt qu'un accord eut lieu entre lui et une femme, Suzette. Il y a ce poids de l'amitié, qui pèse toujours du côté de l'homme. Encou- ragée par Suzette elle-même.

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Contrairement à l'espoir formulé, l'homme n'habite pas sur terre en poète : Hôlderlin hante l'inhabitable, une chambre, qui finit par être celle de M. le Bibliothécaire

— chez le menuisier Zimmer. Et toujours cette croyance que l'on écrit ou qu'il faut écrire un roman ; cette fic- tion où Hôlderlin fera comme si Suzette était vraiment racontée ? Suzette ne s'en laisse pas conter : Hypérion est un poème, l'écriture — et l'échec — d'une vie — et d'une écriture.

Pas de roman, parce qu'il n'y a aucune chance de com- penser par la fiction l'errance matérielle. Aucune chance de compenser ou dépasser la femme, la femme muette, châtrée, livrée à la maladie, etc. La théosophie, la mysti- que n'y suffiraient pas.

Face au poète, toute l'obsession, toute l'énergie de la femme passe à communiquer, à trouver le biais d'une communication. Et le moyen de rompre ce fil terrible qui la lie à un livre et un fantôme. Fil de la séparation et de l'attachement, envers du fil d'Ariane. Fil rompu ou non : de toute manière, c'est l'engloutissement. Exilé de la femme, l'homme finit toujours comme revenant.

Suzette demande au poète de relire le Tasse. Avec rai- son.

juin 1978

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Dans la même collection, aux éditions Flammarion Danièle Sallenave

PAYSAGE DE RUINES AVEC PERSONNAGES LE VOYAGE D'AMSTERDAM

OU LES RÈGLES DE LA CONVERSATION Michel Falempin

L'ÉCRIT FAIT MASSE (prix Fénéon 1976) Mathieu Bénézet

DITS ET RÉCITS DU MORTEL

L'IMITATION DE MATHIEU BÉNÉZET (prix Fénéon 1978)

Francis Ponge

COMMENT UNE FIGUE DE PAROLES ET POURQUOI

Jean-Paul Goux

LE TRIOMPHE DU TEMPS Lucette Finas

LE BRUIT D'IRIS Jean Louis Schefer

L'ESPÈCE DE CHOSE MÉLANCOLIE A paraître :

Pier Paolo Pasolini LA DIVINE MIMESIS Danièle Sallenave

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Achevé d'imprimer sur les presses de L'IMPRIMERIE CHIRAT en février 1979

42540 Saint-Just-la-Pendue

Dépôt légal 1 trimestre 1979 : N° 2517, N° d'éditeur : 10 200 Printed in France

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collection

«DIGRAPHE»

(nouvelle série) dirigée par Jean Ristat

La collection Digraphe entend publier la littérature en train de se faire, sans souci académique des genres.

Tout ce que j'écris apparaît comme blessure. Le poème type="BWD"

le texte autobiographique et s'y engouffre. Quand j'avais h u i t ans, un gamin me crevait un œil d'une flèche d'osier. type="BWD"

ouverte, par où le monde s'écoulait. Dilapidé, offert. E n t r e mon image et moi, cette perte infinie : ce monde rouge, c e s figures de sang qui font irruption, rendent inutile leur hôte in-n volontaire. Il me faut alors aimer cette agression parfaite, c e t t e ivresse, sans y jeter à mesure, pour la nourrir, tous les é v é - nements qui lui succèdent et lui résistent. Cet événement p r e - mier me prive de tout alibi, de tout compromis, au moment où type=" BWD"

me revêt d'une innocence intenable.

Toute blessure exige l'autocritique. La vie devient transgres- sion de l'événement, le dépasse, le repousse. Elle ne type="BWD"

pas des lois antérieures, soudain mises à mal, elle établit, ellel s'efforce de produire des lois, une grammaire qui ramène l e corps à une certaine docilité. Elle ne cache pas ses artifices L'événement est infiniment désiré, parce qu'il est, et le corpsc qui le porte est aussi la loi qui le perpétue. Le corps l ' e m p ê c h e de retourner à l'univers qui l'a une fois donné, il l'oblige a s'arrêter à lui, pour y occuper un sens. N'est-ce pas cela m ê m e

l'écriture ?

Blesser et guérir. Bien plus tard, l'amour se présente à type="BWD"

découvert, et il me revient d'apprendre la langue qui me p e r - mettra de le reconnaître et de le parler. A travers la p o é s i e trobadoresque, la Vita Nuova... aujourd'hui. Les poèmes, type="BWD"

récit ne racontent pas Danielle, ils ne peuvent la raconter elle les dit, s'y découvre, elle en jouit.

La présence et la figure de l'amour ne sont pas a c h e v é e s elles se poursuivent, encore étranges, scandaleuses.

Gérard Augustin est né à Toulon, le 3 avril 1942.

Il a publié Sans Intention (1970) et Ariane (1974).

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