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Mots-clés : Côte d Ivoire, aménagement du territoire, décentralisation, gestion, régions

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Academic year: 2022

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La région, un nouvel acteur du développement territorial en Côte d’Ivoire KOUADIO Adou François, Enseignant-Chercheur

Université Félix Houphouët Boigny, IGT, Abidjan (Côte d’Ivoire)

Résumé : Au cours de la décennie 1990, la région a occupé les devants de la scène des politiques publiques en Côte d’Ivoire. Elle a pris place parmi les réformes institutionnelles et territoriales de l’État. Passage de 10 à 31 régions entre 1991 et 2012, la nouvelle carte des régions vient consacrer un nouvel élan d’un processus de décentralisation entamé il y a plus de 40 ans. Il s’agit d’organiser un nouveau mode de gestion du pouvoir et des ressources publiques en tenant compte des spécificités des populations prises dans leurs aires régionales.

En quoi la région joue-t-elle un rôle dans le développement territorial en Côte d’Ivoire ? Cet article analyse le nouveau rôle de la région au sein de l’échiquier ivoirien. L’approche méthodologique adoptée s’appuie sur une recherche bibliographique complétée par des entretiens. Les résultats montrent que la région ivoirienne est d’abord au cœur de la construction territoriale et institutionnelle, ensuite elle est tiraillée entre jeux politique et enjeux territoriaux. Enfin, la région porte des habits de réformes et de pouvoirs.

Mots-clés : Côte d’Ivoire, aménagement du territoire, décentralisation, gestion, régions

Abstract: During the 1990s, the region took center stage in public policy in Côte d'Ivoire. It has taken its place among the institutional and territorial reforms of the state. Passing from 10 to 31 regions between 1991 and 2012, the new map of regions gives new impetus to a decentralization process that began more than 40 years ago. This involves organizing a new way of managing power and public resources, taking into account the specificities of the populations in their regional areas. How does the region play a role in territorial development in Côte d’Ivoire? This article analyzes the new role of the region within the Ivorian chessboard. The methodological approach adopted is based on bibliographic research supplemented by interviews. The results show that the Ivorian region is first of all at the heart of territorial and institutional construction, then it is torn between political games and territorial issues. Finally, the region wears the clothes of reforms and powers.

Keywords: Côte d’Ivoire, regional planning, decentralization, management, regions

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Introduction

Depuis le début des années 1990, poussée par un vent de démocratisation, la régionalisation est au cœur du développement local en Côte d’Ivoire (Zoukou, 1990, p. 9 ; Atta, 1998, 1998, p. 24). Le processus d’implémentation d’entités administratives régionales a été officiellement mise en œuvre le 16 janvier 1991 par la création de 10 régions. Tous les régimes qui se succèdent, de Henri Konan Bédié à Laurent Gbagbo en passant par Robert Guéi, à la tête de l’État, ne remettront pas en cause le fait régional. Bien au contraire, ils font de la région un enjeu politique de développement. L’émiettement régional est en constante évolution avec la création de neuf régions administratives entre 1996 et 2000 ramenant le pays à 19 régions.

L’année 2011 marque une étape nouvelle dans l’histoire de la régionalisation ivoirienne. Dès le 28 septembre, Alassane Ouattara, Président de la République, en poste depuis mai 2011, crée onze régions puis une en juillet 2012, élargissant ainsi le champ de l’action régionale à 31 régions.

Avec la création de nouvelles régions d’un côté, de nouveaux pouvoirs et compétences accordés à celles-ci de l’autre et enfin la suppression des conseils généraux au profit des conseils régionaux en 2013, la région devient un nouvel acteur du bouleversement territorial que connaît le pays depuis une trentaine d’années. Dans un contexte de désengagement de l’État, le niveau régional semble être l’échelon pertinent de mise en œuvre des politiques de développement local.

Les régions sont devenues, avec les lois de la décentralisation, des acteurs de la politique publique (A. F., Kouadio, 2011, p. 167 ; M. Soumahoro, 2015). Ainsi la promotion du développement socio-économique, sanitaire, culturel et éducatif, et de l’aménagement du territoire est confiée aux régions. Reconnues comme niveau de gestion politique et administrative, comme niveau de proximité, à la fois géré et aménagé, et comme territoire de référence des identités et des appartenances vécues, les régions deviennent un enjeu géopolitique fort qui font l’objet de débat (L. Carroué, 2017, p. 5). Avec l’avènement de la décentralisation en 1980, le territoire communal fut base des pouvoirs en même temps que cadre de la démocratie participative. Un second échelon apparaîtra en 2002 avec les départements dont l’expérience fut courte (2002 à 2013). La question se pose aujourd’hui de savoir dans quelle mesure la région peut s’imposer comme un nouvel territoire de référence.

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Cette contribution pose la question de l’acteur régional en Côte d’Ivoire dans le cadre de la reconstruction du local. Le texte a pour objet d’analyser le nouveau rôle des régions au sein de l’échiquier territorial ivoirien après la réforme régionale de 2011 qui signe un nouvel ordre de la décentralisation ivoirienne. Il est structuré en trois parties : d’une part, la construction politique et institutionnelle de la région, et de l’autre, la région entre jeu politique et enjeux de développement territorial et enfin, de nouveaux compétences et pouvoirs financiers accordés aux entités régionales.

Méthodologie

Afin d’atteindre l’objectif énoncé, l’étude a eu recours aux recherches documentaires pour revisiter la mise en œuvre de la décentralisation ivoirienne afin de mieux appréhender la politique de régionalisation en Côte d’Ivoire. Des travaux sur la question du fait régional ont été convoqués pour la circonstance (L.N. Zoukou, 1990, Institut de Géographie Tropicale, 1998, A.A.Hauhouot, 2002). Cette recherche documentaire a permis de connaître l’évolution des régions en Côte d’Ivoire ainsi que leur compétence dans le cadre de la politique de décentralisation. Auprès de la Direction Générale de la Décentralisation et du Développement Local (DGDDL) du ministère de l’intérieur, nous avons exploité les différents budgets annuels ainsi que les comptes administratifs où sont consignées les actions de développement des régions. Cette première étape a été complétée par des entretiens auprès de responsables de la DGDDL et de l’Assemblé des Régions et Districts de Côte d’Ivoires (ARDCI) aux fins de cerner la vision, les programmes de développement, les attentes et les besoins des élites régionaux. Ces méthodes ont permis de restituer les résultats de nos recherches sur la construction politique et institutionnelle de la région en Côte d’Ivoire.

I- La Région dans la construction territoriale et institutionnelle en Côte d’Ivoire 1-Les régions en Côte d’Ivoire : une naissance récente, une évolution dans le temps Pour des motivations historiques, la Côte d’Ivoire se dote d’un échelon régional seulement trois décennies après l’indépendance. C’est à partir de 1990 que l’idée germa des gouvernants.

En effet, la reconduction des départements en 1960 sous les reliques des cercles de la période coloniale, pave le territoire de circonscriptions administratives afin d’unifier le pays tout en conservant l’organisation administrative mise en place pendant l’occupation française. La conception du territoire national, source de légitimité pour le pouvoir, a été récupérée par les gouvernants, dans la mesure où, pour les Etats naissants, le problème était de régler la

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question de l’identité nationale. Roland Pourtier (1994, p. 337) pose la nécessité pour les nouvelles élites politiques de pérenniser les découpages coloniaux : « A défaut de puissantes racines historiques, c’est dans le territoire que les futurs Etats ont été amarrés. L’histoire, ensuite, a fait son œuvre donnant sens à la communauté de destin peu à peu issue du cadre géographique préétabli. La durée aidant, les identités nationales nées des discontinuités spatiales se confortent : elles s’enracinent désormais doublement dans le territoire et dans la mémoire » (R. Pourtier, 1994, p. 337). Et ce, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle locale.

Au niveau régional, de 10 régions administratives en 1991, la Côte d’Ivoire est passée à 16 régions en 1997, puis à 19 en 2000 et 31 régions en 2012 (tableau 1). Le découpage successif du territoire en unités administratives régionales montre la volonté de l’État d’affiner le maillage spatial d’exercice du pouvoir.

Tableau 1 : Évolution du pavage régional en Côte d’Ivoire

Date de création Nombre de

régions 16 janvier 1991 10

28 août 1996 12

19997 16

2000 19

28 septembre 2011 30 04 juillet 2012 31

Source : Ministère de l’intérieur, 2020

Ces entités régionales sont les dernières constructions de la pyramide institutionnelle, interface entre l’Etat et le département. Les difficultés économiques qui débutent à la fin de la décennie 1980 incitent l’Etat à se décharger de tâches qu’il n’a plus les moyens de mener à bien. La période de la toute-puissance de l’Etat aménageur est désormais révolue.

L’avènement du multipartisme en 1990 reconfigure le paysage politique et place la question de la région au cœur du débat politique ivoirien. Deux écoles s’affrontent. D’un côté, la

« conception départementaliste et gestionnaire » qui voit dans la région un relais du pouvoir d’Etat et donc une décentralisation du commandement tout en y mettant un contenu, au plan du développement. De l’autre, la « vision démocratique » s’appuyant sur la région pour élargir le dialogue politique. En réalité, les choses ne sauraient se poser en termes de

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tendances mais vers la complémentarité. Sur cette idée, Asseypo Hauhouot écrit « car l’on ne saurait imaginer qu’une option ne contienne pas un peu de l’autre (Hauhouot, 2002, p. 329).

L’arrivée du Président Alassane Ouattara au pouvoir en 2011 favorise une dynamique au niveau des régions. En effet, il dote la région d’un statut de collectivité territoriale de plein exercice, avec un conseil élu au suffrage universel direct. Les premières et deuxièmes élections régionales ivoiriennes ont eu lieu respectivement en 2013 et 2018. Dorénavant, la Côte d’Ivoire dispose de deux niveaux de décentralisations : la commune et la région. En réalité, les régions remplacent les départements qui ont constitué le second échelon de la décentralisation de 2002 à 2011. Son avènement en Côte d’Ivoire a des conséquences contradictoires : il a freiné la décentralisation sur le plan législatif, mais l’a accéléré sur le terrain. En effet, les élections régionales ont mis en scène des exécutifs régionaux, qui sont désormais maîtres de la gestion territoriale et s’affirment comme des animateurs de l’aménagement de leur territoire.

2-Les régions au sein des collectivités territoriales ouest-africaines et ivoiriennes

Par un jeu de comparaison, la Côte d’Ivoire se trouve en position fragile en Afrique entre d’un côté des « bons élèves » de la démocratie (Ghana, Sénégal) ou mauvais élèves (Guinée, Niger, Togo) et de l’autre des Etats assez centralisés qui sont de loin les plus nombreux (Mali, Burkina Faso, Guinée Bissau). Si la France, ex puissance coloniale, sert souvent de référence dans les débats ivoiriens concernant les dynamiques de l’échelon régional, il convient de souligner que, paradoxalement, ce pays est passé de 22 à 13 régions en 2015. Quant aux Sénégal et Ghana, ils ont respectivement 14 et 16 régions. Avec ses 31 entités territoriales, la Côte d’Ivoire est de loin le pays qui vient en tête du l’émiettement régional (tableau 2). La taille moyenne des régions ivoiriennes, en nombre d’habitants, est plus ou moins le double des régions Burkinabés ou guinéennes et ghanéennes. Cette taille moyenne représente plus du triple des régions nigériennes. Mais elle est comparable à celles des régions maliennes.

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Tableau 2 : Structuration régionale de pays de l’Afrique de l’Ouest Pays Superficie en

km²

Population en millions

Nombre de régions

Densité (hab/km²)

Taille

moyenne des régions en millions

Niger 1 267 000 22,44 8 17,01 2,80

Mali 1 240 190 19,08 20 16,79 0,954

Côte d’Ivoire 322 462 26,49 31 82,16 0,855

Burkina Faso 274 000 19,75 13 79,44 1,52

Guinée 245 857 12,41 8 51,09 1,55

Ghana 238 553 30,28 16 126,94 1,893

Sénégal 196 712 15,85 14 82,40 1,132

Source : Banque Mondiale, CEDEAO, 2018, 2020

De plus, au niveau national, la Côte d’Ivoire présente une construction bien plus hétérogène.

Ainsi au plan démographique, le rapport entre la région la moins et la plus peuplée (le Bafing et le Haut-Sassandra) est de 1 à 7,8. Dans ce contexte, l’idée consistant à vouloir « faire les régions ivoiriennes d’une taille critique qui leur permette d’exercer à la bonne échelle les compétences nécessaires qui leurs sont attribuées et de rivaliser avec les collectivités comparable en Afrique de l’Ouest » doit être nuancée et sert assurément de propagande.

Il convient en effet de réinscrire la réforme régionale de 2011 dans le champ beaucoup plus large de la mutation territoriale que connaît le pays depuis l’avènement du Président Alassane Ouattara au pouvoir et qui se traduit tout particulièrement par la suppression de 1 126 communes créées sous Laurent Gbagbo entre 2005 et 2010. En réalité, les communes ainsi supprimées n’étaient pas fonctionnelles et n’existaient que de nom, car aucune élection n’a eu lieu pour choisir les conseillers appelés à gérer ces entités territoriales. Parallèlement, les conseils de départements (conseils généraux) disparaissent.

II-Les nouvelles régions ivoiriennes entre jeu politique et enjeux territoriaux 1-Le jeu politique de la nouvelle réforme

Alors que la coalition au pouvoir, le Rassemblement des Houphouetistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP) est au pouvoir, depuis mai 2005, suite à une crise post-électorale, le

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Président Alassane Ouattara décide de lancer une réforme de l’encadrement régional du pays qui débouche sur l’ordonnance n° 2011-262 du 28 septembre 2011. Il propose alors un nouveau découpage régional avec un nombre de régions augmenté quasiment du tiers passant de 19 à 31.

Avec les réformes des champs économiques et sociaux, la reforme territoriale est alors analysée comme l’un des grands piliers de la politique réformatrice gouvernementale et comme un acte majeur de la reterritorialisation du pays, tout en ayant comme inconvénient de coûter cher aux finances publiques. Les objectifs affirmés sont alors triples : faciliter les complémentarités de l’espace national pour façonner des entités homogènes, augmenter les moyens publics dans les dépenses des entités régionales et, enfin doter de régions à l’ivoirienne. Afin de réduire le nombre de conseillers régionaux, leur nombre est fixé sur l’assise démographique de la région. C’est ainsi que l’État proposa le nombre de conseillers régionaux en fonction de l’importance de la population régionale. D’où une variation de la composition des conseils d’une région à l’autre. Plus la région est peuplée, plus le nombre de conseillers régionaux chargés de l’administrer est élevé. Les données du tableau 3 montre que la représentation des populations régionales n’est, en rien, la même d’une région à l’autre. Le ratio, conseiller régional par habitant est inversement proportionnel à l’importance de la population régionale. On passe d’un rapport de représentation d’un conseiller pour 4000 habitants dans les régions de moins de 100 000 habitants (région du Folon), à un conseiller pour plus de 15 833 habitants dans les régions de plus de 950 000 habitants (le Haut- Sassandra, la Nawa, le Gbeké ou le Tonkpi).

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Tableau 3 : Répartition des conseillers régionaux par population régionale

Population Nombre de conseillers Ratio conseiller/habitants

Moins de 100 000 25 1/4 000

100 001 à 150 000 27 1/4 630

150 001 à 200 000 29 1/6 035

200 001 à 250 000 31 1/ 7 258

250 001 à 300 000 33 1/8 333

300 001 à 350 000 35 1/9 286

350 001 à 400 000 37 1/10 135

400 001 à 450 000 39 1/10 898

450 001 à 500 000 41 1/12 134

500 001 à 550 000 43 1/12 209

550 001 à 600 000 45 1/12 778

600 001 à 650 000 47 1/13 298

650 001 à 700 000 49 1/13 803

700 001 à 750 000 51 1/14 216

750 001 à 800 000 53 1/14 623

800 001 à 850 000 55 1/15 000

850 001 à 900 000 57 1/15 351

900 001 à 950 000 59 1/15 678

Plus de 950 000 60 1/15 833

Source : Ministère de l’intérieur, 2020

En combinant les données du tableau 3, l’on peut arriver à la conclusion que plus la population d’une région est importante, moins elle est représentée au conseil régional.

Préparée de manière verticale, la réforme régionale portée par un Président de la République apparaît alors aux yeux des Ivoiriens comme une opération pour marquer le territoire. Cette réforme pose en effet des questions à la fois géographiques et géopolitiques.

2-Les enjeux géopolitiques sur le découpage et l’émiettement des nouvelles régions Au final, le décret n° 2013 du 02 mai 2013 conduit à l’augmentation de 19 à 31 du nombre de régions : on assiste à la création par émiettement de douze nouveaux ensembles régionaux alors que six régions demeurent inchangées. Les entités régionales sont opérationnelles après les élections locales d’avril 2013 qui voit la coalition RHDP en prendre largement le contrôle face à des candidats indépendants et à un FPI de la branche « légitime » de l’aile de l’ancien Président Laurent Gbagbo qui opta pour un boycott des élections. Durant cette période, le processus politique se caractérisa par des enjeux majeurs. D’abord, Alassane Ouattara, dans sa volonté de réformer l’entité régionale, est dans la continuité d’un éventuel éclatement des régions existantes sur une base départementale pour reconstruire un nouveau redécoupage régional différent. Répartir des découpages départementaux aurait été une occasion historique de reconsidérer les découpages régionaux fixés dans les années 1991 en réfléchissant à un

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autre redécoupage régional ayant pour finalité la meilleure adéquation possible de l’échelon régional aux nouvelles réalités politiques, économiques, ethnoculturelles et urbaines de la Côte d’Ivoire. Mais l’option du pouvoir a eu pour inconvénient majeur de s’éloigner d’un consensus entre les différentes forces politiques majeures du pays (RDR, PDCI, FPI, UDPCI).

Ensuite, la voie utilisée dans le choix des nouveaux découpages régionaux témoigne d’un exercice solitaire du pouvoir sur un sujet éminemment important. Rarement un tel niveau de présidentialisation n’avait été atteint dans le fonctionnement des institutions. Il n’y a pas eu de débats ni au parlement ni auprès des forces sociales pour recueillir des avis. Il en résulta un déséquilibre au niveau des entités régionales. Le Nord-Ouest du territoire national passe, par exemple, de 4 à 9 régions contre 1 à 2 régions pour le Nord-Est. Enfin, la réforme régionale fait l’impasse sur la consolidation des identités régionales qui se sont constituées progressivement depuis l’indépendance. En effet, les fondements d’une région reposent à la fois sur des ressources objectives (la répartition et la densité de la population, les ensembles et sous-ensembles ethno-linguistiques, le niveau d’urbanisation des localités et l’encadrement urbain, le système et potentiel productifs, etc.), sur des choix stratégiques (la densité des équipements socio-collectifs, le niveau de polarisation de l’espace économique et la répartition des aires d’influence des capitales régionale, etc.) et, tout autant sur des ressources subjectives (l’identification sociale, où se combinent les modes et cadres de vie, les liens de patrimoine, de mémoire, d’enracinement, de cultures et de projets) créant ce que Hauhouot Asseypo Antoine dénomme des supports spatiaux suffisamment cohérents pour garantir l’efficacité de l’action (A.A.Hauhouot, 2002, p. 322).

Il est bon de rappeler que la logique technocratique s’est bornée uniquement à redessiner des frontières et des entités nouvelles en faisant largement l’impasse sur la définition des compétences des instances régionales. Il aurait pourtant été plus que nécessaire de débattre et de dire à quoi sert une région dans la Côte d’Ivoire actuelle dans le cadre d’une démocratie territoriale renouvelée et quelles en sont les missions. Comment financer la réforme régionale ? L’origine des ressources ne peut plus être seulement une redistribution du budget central. La collectivité régionale doit faire la preuve de sa responsabilité d’autogestion et être à même de trouver des fonds propres. Or la mise en acte de telles procédures n’est pas chose aisée dans la mesure où elle oblige à des identifications de ressources que l’on n’avait pas l’habitude de considérer comme telles. Comment faire accepter le paiement de l’eau ? Comment instaurer une solide fiscalité foncière régionale, qui tienne compte de la valeur

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actuelle des biens immobiliers ? Le tableau rose du processus de démocratisation régionale peut être « scié » par le tableau gris des blocages des processus de financements.

Malheureusement, ce débat de fond ne fut jamais abordé. La réforme consacra des régions hétérogènes.

3-Les limites et questions posées par les nouveaux découpages

Avec la dernière main qui a été portée au redécoupage de juillet 2012, dix régions restent quasiment inchangées : Bafing, Sud Comoé, Marahoué, Sud Bandama (Lôh-Djiboua), Moyen Comoé (Indénié-Djuablin), Lacs (Belier), Lagunes (Grands-Ponts), Fromager (Gôh), Haut- Sassandra et 18 Montagnes (Tonkpi). Et douze nouvelles régions sont créées par fractionnement de régions existantes : Bounkani, Gontougo (Zanzan), Minignan, Kabadougou (Denguélé), Bagoué, Poro, Tchologo (Savanes), Worodougou, Béré (Worodougou), Gbêké, Hambol (Vallée du Bandama), Iffou, N’Zi, Moronou (N’zi Comoé), Agneby-Tiassa, La-Me (Agnéby), San-Pédro, Nawa, Gbôkle (Bas Sassandra), Cavally, Guémon (Moyen Cavally).

Le choix de la dénomination des régions témoigne de situations régionales contrastées qui renvoient à d’importantes questions d’identités. Des référents physiques sont convoqués, entre autres l’orographie (Tonkpi), l’hydrographie (Cavally, Sassandra, Comoé, Nawa, Bafing, Bagoué, Marahoué, La Mé) dont les noms sont évocateurs de leurs aires naturelles. Dans le premier cas, une montagne de l’Ouest ivoirien culminant à 1 189 m dans la région de Man et de l’autre, des fleuves à la fois transrégionaux et même transnationaux. Le choix peut aussi porter sur un référent politique (Bélier) allusion au Président fondateur de la Côte d’Ivoire, Félix Houphouët Boigny. Il arrive que la région s’identifie à un fait culturel (Poro).

Alors que la structure régionale antérieure, malgré ses défauts, pavait le territoire de 19 régions, les redécoupages de septembre 2011 et de juillet 2012 créent de nouveaux ensembles régionaux de petite étendue spatiale et finalement peu cohérents car émiettant des ensembles très inégaux en termes de densité humaine. On distinguera alors des régions fortement, moyennement et faiblement peuplées dans un pays où la densité moyenne est estimée à 80 habitants au km² en tenant compte des projections du dernier recensement national de 2014.

En dessous, du 8e parallèle, en milieu de forêt, l’axe Man-Bondoukou séparant quasiment le pays en deux entités écologique (forêt, savane), les densités sont fortes dans les régions du Gôh (Gagnoa) avec 137,87 hab/km², du Gbêkê (Bouaké) avec 127,11 hab/km², du Haut- Sassandra (Daloa) avec 117,84 hab/km², de la Nawa (Soubré) avec 113 hab/km², du Lôh-

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Djiboua (Divo) avec 108 hab/km², de l’Agneby-Tiassa (Agboville) avec 107,63 hab/km², du Sud-Comoé (Aboisso) avec 102,83 hab/km², des Grands Ponts (Dabou) avec 102,31 hab/km².

Les densités moyennes de ces régions forestières sont constituées des régions de la Marahoué (Bouaflé) avec 97,60 hab/km², du Guemon (Duekoué) avec 96,70 hab/km², du N’Dénié- Djuablin (Abengourou) avec 92,45 hab/km² et du Tonkpi (Man) avec 89,58 hab/km². Les régions faiblement peuplées en dessous de cette ligne imaginaire sont les régions de la Mé (Adzopé) avec 76,83 hab/km², du Moronou (Bongouanou) avec 71,76 hab/km², du Sassandra (San-Pedro) avec 69,649 hab/km², du N’Zi (Dimbokro) avec 55,55 hab/km², du Gbôklé (Sassandra) avec 54,18 hab/km², du Belier (Tiebissou) avec 53,20 hab/km², du Gontougo (Bondoukou) avec 51,62 hab/km², du Cavally (Guiglo) avec 45,84 hab/km² et de l’Iffou (Daoukro) avec 40,77 hab/km². Au-dessus du 8e parallèle, en milieu de savane, il n’existe aucune région ayant une densité de plus de 90 hab/km². D’une densité de 83,95 hab/km², seule la région du Folon a densité supérieure à la moyenne nationale. Même si la région du Poro (Korhogo), avec ses 55,29 hab/km², est la plus peuplée de cette partie septentrionale, force est de reconnaître que les régions de cette aire sont faiblement peuplées. Les régions de la Bagoué (Boundiali), du Béré (Mankono), du Bafing (Touba) et du Hambol (Katiola) ont respectivement des densités de 35,84 ; 31,14 ; 25,36 et 22,37 hab/km². Ce sous-peuplement des régions baisse en dessous des 20 hab/km². En témoignent les régions du Bounkani (Bouna) et du Kabadougou (Odienné) avec respectivement 12,42 et 17 hab/km². Les variétés de densités régionales reviennent tout de même à démontrer que les disparités des régions sont une réalité géographique. Cependant, on peut aussi considérer que plusieurs aspects n’ont pas été assez considérés. D’abord, tout découpage fait des heureux et par conséquent tout redécoupage en fait aussi. Aucune coupure de l’espace a priori ne recoupe l’intégralité de la somme de toutes les discontinuités mentales, ressenties, vécues par l’ensemble des individus.

L’action de redécouper, de fractionner, de redimensionner, elle demande de reconsidérer un univers mental que personne ne considère comme parfait, mais qui peut rassurer par sa permanence. Ensuite, la Côte d’Ivoire n’a pas une tradition d’égalité dans la constitution de ses territoires en l’absence d’un mythe fondateur de sa construction territoriale. Malgré la taille des entités régionales, il n’existe pas un étalon de mesure à l’image de l’hexagone français qui maintient la fameuse journée de cheval joignant une préfecture et les marges du territoire comme mètre étalon de la taille du département. En Côte d’Ivoire, toute création d’entité territoriale découle du « fait du prince ». Or, l’augmentation du nombre de régions dans le temps, ne fait pas que diminuer la superficie et la population moyenne dans chaque

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région, mais elle créé aussi l’écart (l’inégalité) entre elles en fractionnant certains (le nord- ouest du pays) mais en laissant de vastes ensembles comme la région du Gontougo plus peuplée 3 fois que la région de l’Iffou ou celle du Worodougou. Si l’on part du principe que pour le bien de l’État tout entier, il faut accroître le nombre de structures administratives (et donc le personnel qui va avec), il n’est pas incohérent que des élus locaux et des citoyens s’élèvent contre une réforme qui tend à accentuer la distance entre l’usager des services publics et ces derniers dans certaines parties du territoire et pas dans d’autres.

Ce redécoupage a cependant un mérite pour la géographie régionale, il montre qu’il peut être conçu sans avoir recours à des justifications autres que celle de la production des services publics des coûts de gestion et en laissant donc ouverte la question de la cohérence géographique des entités qui se construira par le projet. Autrement dit la cohérence régionale, elle, n’est pas ici prédéfinie mais procédurale.

Au-delà des réflexions sur la pertinence des découpages et sur la nouvelle architecture des territoires, le doute vient d’abord de la méthode employée au plus haut niveau de l’État. Une telle réforme mériterait de s’inscrire dans une dynamique générale de redéfinition systémique du paysage institutionnel, des régions aux communes, un projet global qui puisse être présenté aux Ivoiriens, une plateforme de discussion globale, une feuille de route sur laquelle s’appuyer pour un large débat. Au lieu de cela, chaque régime apporte son lot de découpage et d’improvisations. On s’attaque au nombre de régions en les augmentant. La nouvelle carte de Côte d’Ivoire des régions semble redessinée au gré d’un jeu politique. Le projet venant d’en haut, et imposé par le “palais” ne prend pas en compte le besoin d’information, de clarté, de vision et la demande de participation des populations. Il est à l’image des institutions centralisées qui n’ont toujours pas changé de paradigme et restent incapables d’imaginer un processus de « pacte territorial » avec l’ensemble des parties prenantes et de s’engager dans des stratégies d’innovation ouverte. Si la création des nouvelles régions se traduit par un phénomène de réduction du gabarit territorial, elle ne doit pas faire illusion dans la mesure où elle transforme d’anciennes inégalités interrégionales en nouvelles inégalités intra-régionales.

Avec les moyens dévolus aux régions, le choix des capitales régionales (chef-lieu de régions) recèle des intérêts (symboliques, dividendes économiques et sociaux des villes élues), surtout que les pouvoirs et compétences des régions sont devenus une réalité.

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III-Réformes et nouvelles compétences pour les régions

En Côte d’Ivoire, la gestion des collectivités régionales est une expérience nouvelle. Elle n’offre pas l’image de collectivités régionales aux compétences consolidées. Si la définition des compétences, au profit des régions, semble être relativement aisée, la constitution de moyens financiers, à même de les exercer, est mise à rude épreuve.

1-De nouvelles responsabilités pour les régions

Le premier texte qui consacre le transfert des compétences en Côte d’Ivoire est la loi n° 85- 582 du 29 juillet 1985 portant transfert des compétences de l’État aux communes. L’évolution et l’élargissement du processus de décentralisation ont vu naître, en 2001, de nouveaux types de collectivités territoriales. Pour prendre en compte les cinq niveaux de collectivités territoriales (commune, ville, département, district, région), institués par la loi n° 2001-476 du 09 août 2001, une nouvelle loi relative au transfert de compétences a été votée. Il s’agit de la loi n° 2003-208 du 07 juillet 2003 portant transfert et répartition de compétences de l’État aux collectivités territoriales. Elle répartit les compétences de l’État dans seize domaines. Cette loi s’appuie sur le principe d’obligation de consultation préalable de la collectivité avant la réalisation d’un équipement sur son territoire par l’État ou par une autre collectivité.

L’ordonnance n° 2007-586 du 04 octobre 2007 abroge certaines dispositions de la loi n°

2003-208 du 07 juillet 2003 portant transfert et répartition des compétences de l’État aux collectivités territoriales en matière de gestion des ordures ménagères et déchets, de lutte contre la salubrité, la pollution et les nuisances. En outre, l’ordonnance n° 2013-481 du 02 juillet 2013 fixe les règles d’acquisition de la propriété des terrains urbains.

Depuis la suppression, en 2013, du département entité décentralisée, les compétences à lui transférées sont exercées par la région. Ainsi, les compétences traditionnellement dévolues à la région sont couplées à celles des ex départements. Le tableau 4 présente les seize domaines de compétences attribuées aux régions ivoiriennes.

Tableau 4 : Les compétences de l’État attribuées aux régions (conseils régionaux)

1-Aménagement du territoire : a) Elaboration et mise en œuvre du schéma directeur de l’aménagement du territoire régional en harmonie avec les orientations de la politique nationale de développement ; b) Coordination des actions de développement des collectivités composant la région.

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2-Planification du développement : a) Elaboration et mise en œuvre du plan régional de développement en harmonie avec le plan national ; b) Coordination des plans locaux de développement.

3-Urbanisme et habitat : a) Émission d’avis consultatif dans le cadre de l’élaboration des plans directeurs d’urbanisme de détail des communes et des districts autonomes de la région ; b) Soutien et coordination des actions en matière d’urbanisme, d’habitat et de travaux topographiques des collectivités territoriales relevant de la région ; c) Production de logements sociaux ; d) Harmonisation des plans directeurs d’assainissement des communes ainsi que des plans de restructuration urbaine des localités relavant de la région

4-Voies de communication et réseaux divers : a) Soutien dans la réalisation des plans de développement des voies de communication et des réseaux divers des collectivités territoriales relevant de la région ; b) Création, gestion et entretien des voies de communication et des réseaux divers d’intérêt régional.

5-Transport : a) Délivrance des autorisations de transport d’intérêt régional ; b) Gestion des ports et quais d’intérêts régional ; c) Politique de conservation et d’aménagement du littoral, des rivages, des plans d’eau lagunaires et fluviaux d’intérêt régional (construction et gestion d’infrastructures lagunaires et fluviales : gares lagunaires, débarcadères, ports de plaisance, stations balnéaires) ; d) Promotion et réglementation de la sécurité routière régionale ; e) Gestion et contrôle du bon état de la signalisation routière ; f) Soutien des actions des communes en matières de réalisation d’infrastructures d’accostage des petits navires.

6-Santé, hygiène publique et qualité : a) Élaboration et mise en œuvre du plan régional en matière de santé, d’hygiène publique et de contrôle de qualité en harmonie avec le plan national ; b) Émission d’avis sur l’élaboration prospective de la carte sanitaire nationale ; c) Construction, gestion et entretien des hôpitaux et des centres hospitaliers régionaux ; d) Adoption de mesures régionales de prévention en matière d’hygiène.

7-Protection de l’environnement et gestion des ressources naturelles : a) Élaboration, mise en œuvre et suivi des plans régionaux d’action pour l’environnement et la gestion des ressources naturelles en harmonie avec le plan national ; b) Gestion, protection et entretien des forêts, zones, parcs et sites naturels d’intérêt régional ; c) Création et gestion des forêts, des parcs naturels et zones protégées d’intérêt régional ; d) Gestion des eaux continentales, à l’exclusion des cours d’eau à statut national ou international ; e) Politique régionale de lutte contre les feux de brousse et autres sinistres.

8-Sécurité et protection civile : a) Émission d’avis consultatif sur la politique nationale de sécurité dans les collectivités territoriales relevant de la région ; b) Élaboration, mise en œuvre et suivi des plans régionaux en matière de protection civile en harmonie avec le plan national ; c) Création et

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gestion des centres régionaux de protection civile ; d) Construction, équipement et entretien des locaux devant abriter les districts de police, les préfectures de police, les brigades de gendarmerie nationale, les compagnies et les légions de gendarmerie ainsi que les casernes des sapeurs-pompiers dans les régions.

9-Enseignement, recherche scientifique et formation professionnelle et technique : a) Élaboration, mise en œuvre et suivi des plans régionaux de l’enseignement et de la formation professionnelle en harmonie avec la carte scolaire nationale ; b) Construction et gestion des lycées et collèges d’enseignement général, des lycées et collèges d’enseignement technique et professionnel, des centres techniques de formation professionnelle, des universités régionales et grandes écoles ; c) Appui à la promotion de l’alphabétisation dans les collectivités territoriales relevant de la région ; d) Appui à la recherche scientifique et l’innovation technologique

10-Action sociale, culturelle et de promotion humaine : a) Élaboration et mise en œuvre du plan régional d’action sociale, culturelle et de promotion humaine en harmonie avec le plan national ; b) Création, équipement et gestion des centres régionaux de promotion sociale, culturelle et humaine ; c) Appui à la promotion des actions de lutte contre la pauvreté menée par les collectivités territoriales relevant de la région ; d) Soutien et appui aux actions régionales de lutte contre les grandes pandémies notamment, le SIDA.

11-Sports et loisirs : a) Élaboration et mise en œuvre du plan d’action régional en matière de sports et de loisirs en harmonie avec le plan national ; b) Création, équipement et gestion des infrastructures régionales relatives aux sports et aux loisirs ; c) Promotion, au niveau régional, des sports et des loisirs.

12-Promotion du développement économique et de l’emploi : a) Élaboration et mise en œuvre du plan régional de promotion de développement économique et de l’emploi en harmonie avec le plan de développement national ; b) Adoption et mise en œuvre de mesures régionales incitatives pour la promotion de l’agriculture, du commerce, de l’industrie, de l’artisanat et des services divers ; c) Collecte et diffusion des informations utiles au développement des entreprises ; d) Prise de participation dans les entreprises privées installées dans la région, conformément aux dispositions légales ; e) Création et gestion des centres régionaux artisanaux ; f) Promotion et création d’emploi.

13-Promotion du tourisme : a) Élaboration et mise en œuvre du plan régional de développement touristique en harmonie avec le plan de développement national ; b) Soutien des actions de promotion du tourisme d’intérêt régional ; c) Création, équipement et gestion de sites touristiques et des infrastructures de promotion du tourisme d’intérêt régional.

14-Communication : a) Élaboration et mise en œuvre du plan régional de développement des communications en harmonie avec le plan de développement national ; b) Équipement du territoire régional en infrastructures de communication : presse écrite, radio, télévision et

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télécommunications ; c) Élaboration de programmes régionaux de sensibilisation, d’information, d’éducation et de divertissement ; d) Promotion de nouvelles technologies de l’information au niveau régional ; e) Collecte, conservation et transmission des archives d’intérêt régional

15-Hydraulique, assainissement et électrification : a) Élaboration, soutien et appui à la mise en œuvre du plan régional d’hydraulique, d’assainissement et d’électrification en harmonie avec le plan national ; b) Soutien et appui des actions des communes en matière hydraulique, assainissement et d’électrification.

16-Promotion de la jeunesse, de la famille, de la femme, de l’enfant, des handicapés et des personnes du troisième âge : a) Élaboration, soutien et appui à la mise en œuvre du plan régional de promotion de la jeunesse, de la famille, de la femme, de l’enfant, des handicapés et des personnes du troisième âge, en harmonie avec le plan national ; b) Soutien et appui à la réalisation des actions sociales et de promotion de la jeunesse, de la famille, de la femme, de l’enfant, des handicapés et des personnes du troisième âge au niveau régional.

Source : Ministère de l’intérieur, 2020

Les entretiens menés auprès de responsables de la Direction Générale de la Décentralisation et du Développement local (DGDDL) et de l’Assemblée des Régions et Districts de Côte d’Ivoire (ARDCI) ont permis de relever que les compétences transférées dans cinq domaines ne sont pas mises en œuvre. Il s’agit de l’aménagement du territoire, de la protection de l’environnement et de la gestion des ressources naturelles, de la promotion du tourisme, de la communication et de la promotion de la famille, de la jeunesse, de la femme, de l’enfant, des handicapés et des personnes du troisième âge.

Les nouvelles compétences des régions reprennent, d’une part, aux conseils généraux de nombreuses fonctions (la création, la gestion et l’entretien des voies de communication et des réseaux divers ainsi que les pistes rurales ; l’adoption et la mise en œuvre des mesures incitatives pour la promotion de l’agriculture, du commerce, de l’industrie, de l’artisanat et de l’emploi ; la construction, la gestion et l’entretien des hôpitaux généraux, l’adoption et la mise en œuvre des mesures de prévention en matière d’hygiène ; l’établissement et de la délivrance des autorisations de transport ; réalisation et extension des ouvrages en matière hydraulique, d’assainissement et d’électrification ; la construction et la gestion des lycées et collèges d’enseignement général, des lycées et collèges d’enseignement technique et professionnel). Elles clarifient et renforcent le poids et le rôle des régions, en particulier en matière du développement économique. Ainsi la région définit ses orientations en matière de dynamisme du territoire régional et de développement de l’économie et devient seule

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compétente pour soutenir les personnes fragiles. De ce fait, elle peut jouer un rôle dans la définition des objectifs en matière d’équilibre et d’égalité des territoires, d’implantation des différentes infrastructures d’intérêt régional et de désenclavement de territoires ruraux. Enfin, elle dispose des compétences dans les domaines du tourisme, de la culture, du sport, de la promotion des langues régionales, dans la lutte contre la fracture territoriale et de l’aménagement des territoires.

Comme acteur institutionnel, la région est donc amenée à définir un certain nombre de textes importants fixant ses objectifs, soit de manière autonome, soit dans le cadre de négociations bilatérales avec l’État dans le cadre de l’élaboration de divers schémas : schéma régional d’aménagement, de développement durable, schéma régional d’infrastructures et de transports, schéma régional du tourisme et des loisirs. Dans ce cadre, la région travaille en étroite relation avec les services déconcentrés de l’État. Mais les finances régionales permettent de mesurer le degré d’autonomie dont disposent ces collectivités territoriales.

2-Des leviers financiers mais très limités

Financièrement, les régions ivoiriennes disposent de moyens financiers très limités et constituent des parents pauvres des collectivités territoriales. A ceci s’ajoute le fait qu’elles ne disposent que d’une faible autonomie fiscale et sont très dépendantes pour leurs recettes des dotations de l’État.

Tableau 5 : Ressources destinées aux compétences transférées aux régions de 2013 à 2015 (montant en francs CFA)

Années Transférées % Transférables % Totaux

2013 25 795 937 126 35,06 47 789 219 648 64,94 73 585 156 774 2014 36 030 327 681 56,59 27 640 829 219 43,41 63 671 156 900 2015 29 497 735 903 38,64 46 835 267 11 61,36 76 333 003 014 91 324 000 710 42,76 122 265 315 878 57,24 213 589 316 688 Source : Ministère de l’intérieur, 2017

L’année 2013 est caractérisée par la dissolution des cinquante-quatre (54) conseils généraux au profit de la création de trente et une (31) régions. Ce sont de nouvelles entités décentralisées dont la mise en place des instances n’a pas été automatique. Cela pourrait expliquer la mise en œuvre, par les structures de l’État de 64,94 % des compétences

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normalement dévolues aux régions. Les ressources transférables sont en baisse en 2014 par rapport à 2013 même si elles sont toujours élevées en raison des dépenses au secteur de la santé, de la sécurité eu égard à la situation de sortie de crise post-électorale, à l’éducation par des projets de réhabilitation des infrastructures du système éducatif cofinancés par les partenaires techniques et financiers et l’État. Ces projets ont également touché les secteurs de l’hydraulique, de l’assainissement et de l’électrification. Ainsi, sur la période de 2011-2015, l’État a fait, dans le cadre du Programme Présidentiel d’Urgence (PPU) des investissements prioritaires d’un montant global d’environ de 500 milliards, dans le cadre du renforcement de la sécurité et de la réhabilitation des infrastructures de base notamment dans les secteurs tels que l’éducation, la salubrité, les routes, la santé, l’eau et l’électricité. En 2015, l’État continue de mettre en œuvre 61,36 % des compétences transférées aux régions quasi pareillement en 2013. Dans les faits, cela correspond à la construction et à l’équipement des infrastructures de base dans différentes régions.

Au total de 2013 à 2015, les ressources destinées aux compétences transférées aux régions s’élèvent à 213,59 milliards de francs CFA dont 91,32 milliards de francs CFA transférées aux régions soit 42,76 % et 122,26 milliards de francs CFA gérés par les ministères sectoriels soit 57,24 % mis en œuvre principalement dans les domaines de la santé, de l’éducation et des routes. Cela représente une moyenne d’un montant de 30,44 milliards de francs CFA transféré aux régions et d’un montant de 40,76 milliards de francs CFA géré par les ministères sectoriels.

Dans le rapport de l’étude sur l’évaluation rétrospective et prospective du coût des compétences transférées par l’Etat aux collectivités territoriales et aux districts autonomes de Côte d’Ivoire, Arsène Dansi et Sylvain Oulou affirment que « les ressources mises à la disposition des collectivités territoriales, en termes de dotation globale de fonctionnement et de subvention d’équipement, oscillent entre 1,07 % et 1,89 % soit une moyenne de 1,42 % des dépenses de l’État… » (A. Dansi, S. Oulou, 2016, p. 60). En comparaison, les ressources des collectivités des pays africains représentent, en moyenne 5 % des ressources de l’État et celles de l’ensemble des pays en développement 10 % (Banque Mondiale, 2004). La Côte d’Ivoire est bien à la marge des recommandations de l’Union Économique et Monétaire Ouest- Africaine (UEMOA), qui préconisent 20 % du budget de l’État.

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3-Une perspective d’avenir pour l’entité régionale décentralisée

Les projets d’envergure nationale ou qui revêtent un caractère de politique nationale peuvent être morcelés afin de permettre aux régions de réaliser les projets qui entrent dans leur champ de compétences. Le recours à la notation financière est souhaitable non seulement pour apprécier la gestion financière des régions mais également pour accéder au marché financier.

En cela, avec une qualité de la dépense des régions d’un côté, et un effort de transparence dans la gestion financière de celles-ci, la région rassure l’État et les bailleurs de fonds. En effet, la mise en ligne des informations budgétaires et comptables est signe de transparence et gage de bonne gouvernance. Il ne serait pas alors exagéré de mentionner que pour éviter de naviguer à vue, la dotation d’un plan stratégique de développement s’impose aux régions. En outre, les ressources financières des régions doivent être au moins proportionnées aux compétences qui leur sont transférées ou à tout le moins, être équivalentes à celles utilisée par l’État pour la mise en œuvre des dites compétences. Il est donc impérieux d’accroître l’appui financier de l’État, à l’endroit des régions, pour un montant au moins égal à celui qui était utilisé par les ministères sectoriels.

Un comité chargé du suivi de la mise en œuvre des compétences transférées est indispensable afin de définir une feuille de route et proposer, le cas échéant, des mesures correctives pour un transfert effectif des compétences de l’État aux régions. En outre, la mise en place d’un comité national des finances régionales serait un atout pour le suivi des mesures d’accompagnement, notamment financière, des compétences transférées. La loi 2003-489 du 26 décembre 2003 portant régime financier, fiscal et domanial, en son article 90 est éclairant :

« L’État attribue annuellement aux collectivités territoriales une dotation générale de décentralisation pour assurer le financement des charges résultant du transfert des compétences ». Mais force est de constater que cette dotation n’a jamais été octroyée aux collectivités territoriales. Il serait donc nécessaire d’octroyer cette dotation générale de décentralisation aux régions.

Les régions ont un fort besoin en personnel qualifié notamment dans les directions et services techniques et financiers. Dans le cadre des mesures d’accompagnement en matière des ressources humaines, la consolidation du transfert des moyens humains et le renforcement des capacités du personnel déjà en place dans les régions constituent une opportunité à saisir. A cela, pourrait s’ajouter l’organisation de rencontres régulières entre la faîtière des régions,

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Assemblée des Régions et Districts de Côte d’Ivoire (ARDCI) et le gouvernement afin de discuter des avancées de la régionalisation.

Conclusion

La région entité administrative déconcentrée depuis 1990 est devenue une collectivité décentralisée après la réforme territoriale de 2011. Cette contribution a permis d’analyser le rôle de la région au sein de l’échiquier territorial ivoirien. La régionalisation a pris place parmi les réformes politiques et institutionnelles de l’État. Le Président Alassane Ouattara en supprimant 1126 communes non fonctionnelles et les conseils de département du pays au profit des régions, leur impulse un leadership territorial au plan local. Ces régions sont loin d’être homogènes. En cela, la Côte d’Ivoire ne fait pas figure de modèle en Afrique de l’Ouest. Il s’agit ni plus ni moins des « régions à l’ivoirienne ». Le mode de gestion régionale est censé impulser le développement socio-économique et une démocratie de proximité grâce à la participation des acteurs régionaux. Avec la création de nouvelles régions d’un côté, des compétences et des dotations financières accordées à celles-ci de l’autre, la région devient le nouvel acteur du développement territorial en Côte d’Ivoire dont le développement et même le destin est lié au renforcement du processus lui-même. Mais le pouvoir régional est factice en raison de la faiblesse des moyens destinés à financer la production des services publics régionaux de base aux populations.

Dans le contexte de la politique régionale ivoirienne, des questions importantes restent en suspens, et les réponses apportées par les autorités politiques centrales influenceront le devenir des régions en tant qu’entités décentralisées. Ces régions correspondent-elle à des entités territoriales autonomes ou bien sont-elles pertinentes pour canaliser et relancer les effets induits des investissements nationaux ? Une chose est sûre, le mouvement de régionalisation est devenu une réalité irréversible en Côte d’Ivoire et nourrit des aspirations qui à leur tour travaillent à son édification. Telle est la motivation objective de l’espoir.

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Références

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