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Objet d étude : la poésie du XIX ème siècle au XXI ème siècle Œuvre intégrale : Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal Parcours : «la boue et l or»

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Objet : descriptif et liste de textes Elève :

L’élève devra proposer l’étude linéaire de la lecture retenue le jour de l’examen par le jury parmi la liste de « lectures linéaires » et de « lectures parcours » ci-dessous. Parmi l’ensemble des textes étudiés avec mon professeur, et dont voici la liste, j’ai choisi d’en présenter au minimum 9, comme demandé par le jury selon la répartition suivante :

• Au moins 3 lectures dans l’objet d’étude de « Littérature d’idées » dont 2 extraits de Déclaration de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouges et 1 lecture de parcours dans le cadre de l’objet d’étude « Littérature d’idées »

• Au moins 1 lecture linéaire, issue de l’œuvre intégrale obligatoire et 1 lecture du parcours associé, pour chacun des trois autres objets d’étude.

Objet d’étude : la littérature d'idées du XVIème siècle au XVIIIème siècle

Œuvre intégrale : Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne

Parcours : « écrire et combattre pour l’égalité » Lectures retenues par l’élève :

Lecture linéaire 1 - Préambule - Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne,

Olympe de Gouges

Lecture linéaire 2 - Postambule – Du début jusqu’à « vous n’avez qu’à le vouloir » - Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, Olympe de Gouges

Lecture linéaire 3 - Postambule – de « Sous l’ancien régime » jusqu’à « La pauvreté et l’opprobre » - Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, Olympe de

Gouges

Lecture parcours 1 - Supplément au voyage de Bougainville, Denis Diderot

Lecture parcours 2 - Femmes soyez soumises à vos maris, Voltaire

Lecture parcours 3 - Dictionnaire philosophique portatif, article « L’égalité », Voltaire

Objet d’étude : la poésie du XIXème siècle au XXIème siècle Œuvre intégrale : Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal Parcours : « la boue et l’or »

Lectures retenues par l’élève :

Lecture linéaire 1 - La Beauté, Les Fleurs du Mal, Charles Baudelaire

Lecture linéaire 2 - A une Mendiante Rousse, Les Fleurs du Mal, Charles Baudelaire

Lecture linéaire 3 - Une Charogne, Les Fleurs du Mal, Charles Baudelaire

Le Bureau de la Scolarité pour vous orienter :

• scolarite@cours-pi.com

• 04 67 34 03 00

• lundi-vendredi, 9h-18h La Direction Pédagogique pour un accompagnement individualisé de votre enfant et des réponses sur-mesure aux parents :

Responsables pédagogiques des classes de Maternelle à CE2

Madame JABRI

• halima.jabri@cours-pi.com

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Lecture parcours 2 - « J'aime l'araignée », Les Contemplations, Livre III, « Les luttes et

les rêves », XXVII (1856), Victor Hugo

Lecture parcours 3 - Ode inachevée à la boue, Pièces, 1962 (extrait), Francis Ponge

Objet d’étude : le roman et le récit du Moyen Âge au XXIème siècle Œuvre intégrale : Madame de La Fayette, La Princesse de Clèves Parcours : « individu, morale et société »

Lectures retenues par l’élève :

Lecture linéaire 1 - La rencontre : une entrée remarquée, La Princesse de Clèves,

Madame de Lafayette

Lecture linéaire 2 - La scène de l’aveu, La Princesse de Clèves, Madame de Lafayette

Lecture linéaire 3 - Un jeu de regards, La Princesse de Clèves, Madame de Lafayette

Lecture parcours 1 - Adolphe, Benjamin Constant

Lecture parcours 2 - L’Etranger, première partie - chapitre 5, Albert Camus

Lecture parcours 3 - Manon Lescaut, Abbé Prévost

Objet d’étude : le théâtre du XVIIème siècle au XXIème siècle Œuvre intégrale : Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde Parcours : « crise familiale, crise personnelle »

Lectures retenues par l’élève :

Lecture linéaire 1 - La première rencontre, Juste la fin du monde, Jean-Luc Lagarce

Lecture linéaire 2 - Les frères ennemis, Juste la fin du monde, Jean-Luc Lagarce

Lecture linéaire 3 - La valse des ressentiments, Juste la fin du monde, Jean-Luc Lagarce

Lecture parcours 1 - Antigone, Jean Cocteau

Lecture parcours 2 - La Reine morte, Henry de Montherlant

L’élève choisira au moins une œuvre parmi les propositions suivantes.

Objet d’étude : la littérature d'idées du XVIème siècle au XVIIIème siècle

Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, Olympe de Gouges

Comment peut-on être français ?, Chahdortt Djavann

Ourika, Claire de Duras

Ziméo, Jean-François de Saint-Lambert

Supplément au voyage de Bougainville, Denis Diderot

Candide, Voltaire

Objet d’étude : la poésie du XIXème siècle au XXIème siècle

Les Fleurs du Mal, Charles Baudelaire

Le parti pris des choses, Francis Ponge

Objet d’étude : le roman et le récit du Moyen Âge au XXIème siècle

La Princesse de Clèves, Madame de La Fayette

Thérèse Desqueyroux, François Mauriac

Objet d’étude : le théâtre du XVIIème siècle au XXIème siècle

Juste la fin du monde, Jean-Luc Lagarce

Une maison de poupée, Henrik Ibsen

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Epreuve : Français

Objet d’étude : la littérature d'idées du XVIème siècle au XVIIIème siècle Date d’émission du présent document : jeudi 12 mai 2022

Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne / parcours : écrire et combattre pour l’égalité

Lecture linéaire 1

Préambule - Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, Olympe de Gouges

Les mères, les filles, les sœurs, représentantes de la nation, demandent d’être constituées en assemblée nationale.

Considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de la femme, sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d’exposer dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de la femme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs, afin que les actes du pouvoir des femmes, et ceux du pouvoir des hommes pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés, afin que les réclamations des citoyennes, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la constitution, des bonnes mœurs, et au bonheur de tous.

En conséquence, le sexe supérieur en beauté comme en courage, dans les souffrances maternelles, reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Être suprême, les Droits suivants de la Femme et de la Citoyenne.

Article premier. La Femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.

II. Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de la Femme et de l’Homme : ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et surtout la résistance à l’oppression.

III. Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation, qui n’est que la réunion de la Femme et de l’Homme : nul corps, nul individu, ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément.

IV. La liberté et la justice consistent à rendre tout ce qui appartient à autrui ; ainsi l’exercice des droits naturels de la femme n’a de bornes que la tyrannie perpétuelle que l’homme lui oppose ; ces bornes doivent être réformées par les lois de la nature et de la raison.

V. Les lois de la nature et de la raison défendent toutes actions nuisibles à la société : tout ce qui n’est pas défendu par ces lois, sages et divines, ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elles n’ordonnent pas.

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Epreuve : Français

Objet d’étude : la littérature d'idées du XVIème siècle au XVIIIème siècle Date d’émission du présent document : jeudi 12 mai 2022

Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne / parcours : écrire et combattre pour l’égalité

Lecture linéaire 2

Postambule – Du début jusqu’à « vous n’avez qu’à le vouloir » Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, Olympe de Gouges

Femme, réveille-toi ! Le tocsin de la raison se fait entendre dans tout l’univers ; reconnais tes droits. Le puissant empire de la nature n’est plus environné de préjugés, de fanatisme, de superstition et de mensonges. Le flambeau de la vérité a dissipé tous les nuages de la sottise et de l’usurpation. L’homme esclave a multiplié ses forces, a eu besoin de recourir aux tiennes pour briser ses fers. Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne. Ô femmes ! Femmes, quand cesserez-vous d’être aveugles ? Quels sont les avantages que vous avez recueillis dans la révolution ? Un mépris plus marqué, un dédain plus signalé.

Dans les siècles de corruption vous n’avez régné que sur la faiblesse des hommes. Votre empire est détruit ; que vous reste-t-il donc ? La conviction des injustices de l’homme. La réclamation de votre patrimoine fondée sur les sages décrets de la nature ! Qu’auriez-vous à redouter pour une si belle entreprise ? Le bon mot du Législateur des noces de Cana ? Craignez-vous que nos Législateurs français, correcteurs de cette morale, longtemps accrochée aux branches de la politique, mais qui n’est plus de saison, ne vous répètent :

« Femmes, qu’y a-t-il de commun entre vous et nous ? » — Tout, auriez-vous à répondre. S’ils s’obstinaient, dans leur faiblesse, à mettre cette inconséquence en contradiction avec leurs principes ; opposez courageusement la force de la raison aux vaines prétentions de supériorité ; réunissez-vous sous les étendards de la philosophie ; déployez toute l’énergie de votre caractère, et vous verrez bientôt ces orgueilleux, non serviles adorateurs rampants à vos pieds, mais fiers de partager avec vous les trésors de l’Être Suprême. Quelles que soient les barrières que l’on vous oppose, il est en votre pouvoir de les affranchir ; vous n’avez qu’à le vouloir.

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Epreuve : Français

Objet d’étude : la littérature d'idées du XVIème siècle au XVIIIème siècle Date d’émission du présent document : jeudi 12 mai 2022

Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne / parcours : écrire et combattre pour l’égalité

Lecture linéaire 3

Postambule – de « Sous l’ancien régime » jusqu’à « La pauvreté et l’opprobre » Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, Olympe de Gouges

Sous l'ancien régime, tout était vicieux, tout était coupable ; mais ne pourrait-on pas apercevoir l'amélioration des choses dans la substance même des vices ? Une femme n'avait besoin que d'être belle ou aimable ; quand elle possédait ces deux avantages, elle voyait cent fortunes à ses pieds. Si elle n'en profitait pas, elle avait un caractère bizarre, ou une philosophie peu commune qui la portait aux mépris des richesses ; alors elle n'était plus considérée que comme une mauvaise tête. La plus indécente se faisait respecter avec de l'or, le commerce des femmes était une espèce d'industrie reçue dans la première classe, qui, désormais, n'aura plus de crédit. S'il en avait encore, la révolution serait perdue, et sous de nouveaux rapports, nous serions toujours corrompus. Cependant la raison peut-elle se dissimuler que tout autre chemin à la fortune est fermé à la femme que l'homme achète comme l'esclave sur les côtes d’Afrique ? La différence est grande, on le sait. L'esclave commande au maître ; mais si le maître lui donne la liberté sans récompense, et à un âge où l'esclave a perdu tous ses charmes, que devient cette infortunée ? Le jouet du mépris ; les portes mêmes de la bienfaisance lui sont fermées ; « Elle est pauvre et vieille, dit-on, pourquoi n'a-t-elle pas su faire fortune ? » D'autres exemples encore plus touchants s'offrent à la raison. Une jeune personne sans expérience, séduite par un homme qu'elle aime, abandonnera ses parents pour le suivre ; l'ingrat la laissera après quelques années, et plus elle aura vieilli avec lui, plus son inconstance sera inhumaine ; si elle a des enfants, il l'abandonnera de même. S'il est riche, il se croira dispensé de partager sa fortune avec ses nobles victimes. Si quelque engagement le lie à ses devoirs, il en violera la puissance en espérant tous des lois. S'il est marié, tout autre engagement perd ses droits. Quelles lois reste-t-il donc à faire pour extirper le vice jusque dans la racine ? Celle du partage des fortunes entre les hommes et les femmes, et de l'administration publique. On conçoit aisément que celle qui est née d'une famille riche gagne beaucoup avec l'égalité des partages. Mais celle qui est née d'une famille pauvre, avec du mérite et des vertus, quel est son lot ? La pauvreté et l'opprobre.

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Epreuve : Français

Objet d’étude : la littérature d'idées du XVIème siècle au XVIIIème siècle Date d’émission du présent document : jeudi 12 mai 2022

Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne / parcours : écrire et combattre pour l’égalité

Lecture parcours

Supplément au voyage de Bougainville, chapitre 2 - « Les adieux du vieillard », Denis Diderot

Au départ de Bougainville, lorsque les habitants accouraient en foule sur le rivage, s'attachaient à ses vêtements, serraient ses camarades entre leurs bras, et pleuraient, ce vieillard s'avança d'un air sévère, et dit :

« Pleurez, malheureux Tahitiens ! pleurez ; mais que ce soit de l'arrivée, et non du départ de ces hommes ambitieux et méchants. Un jour, vous les connaîtrez mieux. Un jour, ils reviendront, le morceau de bois que vous voyez attaché à la ceinture de celui-ci, dans une main, et le fer qui pend au côté de celui-là, dans l'autre, vous enchaîner, vous gorger, ou vous assujettir à leurs extravagances et à leurs vices ; un jour vous servirez sous eux, aussi corrompus, aussi vils, aussi malheureux qu'eux. Mais je me console ; je touche à la fin de ma carrière ; et la calamité que je vous annonce, je ne la verrai point. O Tahitiens ! mes amis ! vous auriez le moyen d'échapper à un funeste avenir ; mais j’aimerais mieux mourir que de vous en donner le conseil. Qu'ils s'éloignent, et qu'ils vivent ».

Puis s'adressant à Bougainville, il ajouta :

« Et toi, chef des brigands qui t'obéissent, écarte promptement ton vaisseau de notre rive : nous sommes innocents. Nous sommes heureux, et tu ne peux que nuire à notre bonheur. Nous suivons le pur instinct de la nature, et tu as tenté d'effacer de nos âmes son caractère. Ici tout est à tous et tu nous as prêché je ne sais quelle distinction du tien et du mien. Nos filles et nos femmes nous sont communes ; tu as partagé ce privilège avec nous ; et tu es venu allumer en elles des fureurs inconnues. Elles sont devenues folles dans tes bras ; tu es devenu féroce entre les leurs. Elles ont commencé à se haïr ; vous vous êtes égorgés pour elles ; et elles nous sont revenues teintes de votre sang. Nous sommes libres ; et voilà que tu as enfoui dans notre terre le titre de notre futur esclavage. Tu n'es ni un dieu, ni un démon qui es¬ tu donc, pour faire des esclaves ? Orou ! toi qui entends la langue de ces hommes-là, dis-nous à tous, comme tu me l'as dit à moi- même, ce qu'ils ont écrit sur cette lame de métal : Ce pays est à nous, ce pays est à toi ! et pourquoi ? parce que tu y as mis le pied ? Si un Tahitien débarquait un jour sur vos côtes, et qu'il gravât sur une de vos pierres ou sur l'écorce d'un de vos arbres : ce pays est aux habitants de Tahiti, qu'en penserais-tu ? Tu es le plus fort ! Et qu'est-ce que cela fait ? Lorsqu'on t'a enlevé une des méprisables bagatelles dont ton bâtiment est rempli, tu t'es récrié, tu t'es vengé ; et dans le même instant tu as projeté au fond de ton cœur le vol de toute une contrée ! Tu n'es pas esclave : tu souffrirais plutôt la mort que de l'être, et tu veux nous asservir ! Tu crois donc que le Tahitien ne sait pas défendre sa liberté et mourir ? Celui dont tu veux t'emparer comme de la brute, le Tahitien est ton frère.

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Epreuve : Français

Objet d’étude : la littérature d'idées du XVIème siècle au XVIIIème siècle Date d’émission du présent document : jeudi 12 mai 2022

Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne / parcours : écrire et combattre pour l’égalité

Lecture parcours

Femmes soyez soumises à vos maris, Voltaire

L’abbé de Châteauneuf me contait un jour que Mme la maréchale de Grancey était fort impérieuse ; elle avait d’ailleurs de très-grandes qualités. Sa plus grande fierté consistait à se respecter soi-même, à ne rien faire dont elle pût rougir en secret ; elle ne s’abaissa jamais à dire un mensonge : elle aimait mieux avouer une vérité dangereuse que d’user d’une dissimulation utile ; elle disait que la dissimulation marque toujours de la timidité. Mille actions généreuses signalèrent sa vie ; mais quand on l’en louait, elle se croyait méprisée ; elle disait : « Vous pensez donc que ces actions m’ont coûté des efforts ? » Ses amants l’adoraient, ses amis la chérissaient, et son mari la respectait.

Elle passa quarante années dans cette dissipation, et dans ce cercle d’amusements qui occupent sérieusement les femmes ; n’ayant jamais rien lu que les lettres qu’on lui écrivait, n’ayant jamais mis dans sa tête que les nouvelles du jour, les ridicules de son prochain, et les intérêts de son cœur. Enfin, quand elle se vit à cet âge où l’on dit que les belles femmes qui ont de l’esprit passent d’un trône à l’autre, elle voulut lire.

Elle commença par les tragédies de Racine, et fut étonnée de sentir en les lisant encore plus de plaisir qu’elle n’en avait éprouvé à la représentation : le bon goût qui se déployait en elle lui faisait discerner que cet homme ne disait jamais que des choses vraies et intéressantes, qu’elles étaient toutes à leur place ; qu’il était simple et noble, sans déclamation, sans rien de forcé, sans courir après l’esprit ; que ses intrigues, ainsi que ses pensées, étaient toutes fondées sur la nature : elle retrouvait dans cette lecture l’histoire de ses sentiments, et le tableau de sa vie.

On lui fit lire Montaigne : elle fut charmée d’un homme qui faisait conversation avec elle, et qui doutait de tout. On lui donna ensuite les grands hommes de Plutarque : elle demanda pourquoi il n’avait pas écrit l’histoire des grandes femmes. L’abbé de Châteauneuf la rencontra un jour toute rouge de colère. « Qu’avez- vous donc, madame ? » lui dit-il.

— J’ai ouvert par hasard, répondit-elle, un livre qui traînait dans mon cabinet ; c’est, je crois, quelque recueil de lettres ; j’y ai vu ces paroles : Femmes, soyez soumises à vos maris ; j’ai jeté le livre.

— Comment, madame ! Savez-vous bien que ce sont les Épîtres de saint Paul ?

— Il ne m’importe de qui elles sont ; l’auteur est très-impoli. Jamais Monsieur le maréchal ne m’a écrit dans ce style ; je suis persuadée que votre saint Paul était un homme très-difficile à vivre. Était-il marié ?

— Oui, madame.

— Il fallait que sa femme fût une bien bonne créature : si j’avais été la femme d’un pareil homme, je lui aurais fait voir du pays. Soyez soumises à vos maris ! Encore s’il s’était contenté de dire : Soyez douces, complaisantes, attentives, économes, je dirais : Voilà un homme qui sait vivre ; et pourquoi soumises, s’il vous plaît ? Quand j’épousai M. de Grancey, nous nous promîmes d’être fidèles : je n’ai pas trop gardé ma parole, ni lui la sienne ; mais ni lui ni moi ne promîmes d’obéir. Sommes-nous donc des esclaves ? N’est-ce pas assez qu’un homme, après m’avoir épousée, ait le droit de me donner une maladie de neuf mois, qui quelquefois est mortelle ? N’est-ce pas assez que je mette au jour avec de très-grandes douleurs un enfant qui pourra me plaider quand il sera majeur ? Ne suffit-il pas que je sois sujette tous les mois à des incommodités très- désagréables pour une femme de qualité, et que, pour comble, la suppression d’une de ces douze maladies par an soit capable de me donner la mort sans qu’on vienne me dire encore : Obéissez ?

« Certainement la nature ne l’a pas dit ; elle nous a fait des organes différents de ceux des hommes ; mais en nous rendant nécessaires les uns aux autres, elle n’a pas prétendu que l’union formât un esclavage. Je me souviens bien que Molière a dit :

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Epreuve : Français

Objet d’étude : la littérature d'idées du XVIème siècle au XVIIIème siècle Date d’émission du présent document : jeudi 12 mai 2022

Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne / parcours : écrire et combattre pour l’égalité

Du côté de la barbe est la toute-puissance.

Mais voilà une plaisante raison pour que j’aie un maître ! Quoi ! Parce qu’un homme a le menton couvert d’un vilain poil rude, qu’il est obligé de tondre de fort près, et que mon menton est né rasé, il faudra que je lui obéisse très-humblement ? Je sais bien qu’en général les hommes ont les muscles plus forts que les nôtres, et qu’ils peuvent donner un coup de poing mieux appliqué : j’ai peur que ce ne soit là l’origine de leur supériorité.

« Ils prétendent avoir aussi la tête mieux organisée, et, en conséquence, ils se vantent d’être plus capables de gouverner ; mais je leur montrerai des reines qui valent bien des rois. On me parlait ces jours passés d’une princesse allemande qui se lève à cinq heures du matin pour travailler à rendre ses sujets heureux, qui dirige toutes les affaires, répond à toutes les lettres, encourage tous les arts, et qui répand autant de bienfaits qu’elle a de lumières. Son courage égale ses connaissances ; aussi n’a-t-elle pas été élevée dans un couvent par des imbéciles qui nous apprennent ce qu’il faut ignorer, et qui nous laissent ignorer ce qu’il faut apprendre. Pour moi, si j’avais un État à gouverner, je me sens capable d’oser suivre ce modèle. »

L’abbé de Châteauneuf, qui était fort poli, n’eut garde de contredire madame la maréchale.

« À propos, dit-elle, est-il vrai que Mahomet avait pour nous tant de mépris qu’il prétendait que nous n’étions pas dignes d’entrer en paradis, et que nous ne serions admises qu’à l’entrée ?

— En ce cas, dit l’abbé, les hommes se tiendront toujours à la porte ; mais consolez-vous, il n’y a pas un mot de vrai dans tout ce qu’on dit ici de la religion mahométane. Nos moines ignorants et méchants nous ont bien trompés, comme le dit mon frère, qui a été douze ans ambassadeur à la Porte.

— Quoi ! il n’est pas vrai, monsieur, que Mahomet ait inventé la pluralité des femmes pour mieux s’attacher les hommes ? Il n’est pas vrai que nous soyons esclaves en Turquie, et qu’il nous soit défendu de prier Dieu dans une mosquée ?

— Pas un mot de tout cela, madame ; Mahomet, loin d’avoir imaginé la polygamie, l’a réprimée et restreinte.

Le sage Salomon possédait sept cents épouses. Mahomet a réduit ce nombre à quatre seulement. Mesdames iront en paradis tout comme messieurs, et sans doute on y fera l’amour, mais d’une autre manière qu’on ne le fait ici : car vous sentez bien que nous ne connaissons l’amour dans ce monde que très-imparfaitement.

— Hélas ! vous avez raison, dit la maréchale : l’homme est bien peu de chose. Mais, dites-moi ; votre Mahomet a-t-il ordonné que les femmes fussent soumises à leurs maris ?

— Non, madame, cela ne se trouve point dans l’Alcoran.

— Pourquoi donc sont-elles esclaves en Turquie ?

— Elles ne sont point esclaves, elles ont leurs biens, elles peuvent tester, elles peuvent demander un divorce dans l’occasion ; elles vont à la mosquée à leurs heures, et à leurs rendez-vous à d’autres heures : on les voit dans les rues avec leurs voiles sur le nez, comme vous aviez votre masque il y a quelques années. Il est vrai qu’elles ne paraissent ni à l’Opéra ni à la comédie ; mais c’est parce qu’il n’y en a point. Doutez-vous que si jamais dans Constantinople, qui est la patrie d’Orphée, il y avait un Opéra, les dames turques ne remplissent les premières loges ?

Femmes, soyez soumises à vos maris ! disait toujours la maréchale entre ses dents. Ce Paul était bien brutal.

— Il était un peu dur, repartit l’abbé, et il aimait fort à être le maître : il traita du haut en bas saint Pierre, qui était un assez bonhomme. D’ailleurs, il ne faut pas prendre au pied de la lettre tout ce qu’il dit. On lui reproche d’avoir eu beaucoup de penchant pour le jansénisme.

— Je me doutais bien que c’était un hérétique, dit la maréchale ; » et elle se remit à sa toilette.

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Epreuve : Français

Objet d’étude : la littérature d'idées du XVIème siècle au XVIIIème siècle Date d’émission du présent document : jeudi 12 mai 2022

Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne / parcours : écrire et combattre pour l’égalité

Lecture parcours

Dictionnaire philosophique portatif, article « L’égalité », Voltaire

Tout homme naît avec un penchant assez violent pour la domination, la richesse et les plaisirs, et avec beaucoup de goût pour la paresse ; par conséquent tout homme voudrait avoir l’argent et les femmes ou les filles des autres, être leur maître, les assujettir à tous ses caprices, et ne rien faire, ou du moins ne faire que des choses très agréables. Vous voyez bien qu’avec ces belles dispositions il est aussi impossible que les hommes soient égaux qu’il est impossible que deux prédicateurs ou deux professeurs de théologie ne soient pas jaloux l’un de l’autre.

Le genre humain, tel qu’il est, ne peut subsister, à moins qu’il n’y ait une infinité d’hommes utiles qui ne possèdent rien du tout : car, certainement, un homme à son aise ne quittera pas sa terre pour venir labourer la vôtre ; et si vous avez besoin d’une paire de souliers, ce ne sera pas un maître des requêtes qui vous la fera. L’égalité est donc à la fois la chose la plus naturelle, et en même temps la plus chimérique.

Comme les hommes sont excessifs en tout quand ils le peuvent, on a outré cette inégalité ; on a prétendu dans plusieurs pays qu’il n’était pas permis à un citoyen de sortir de la contrée où le hasard l’a fait naître ; le sens de cette loi est visiblement : « Ce pays est si mauvais et si mal gouverné que nous défendons à chaque individu d’en sortir, de peur que tout le monde n’en sorte. » Faites-mieux : donnez à tous vos sujets envie de demeurer chez vous, et aux étrangers d’y venir.

Chaque homme, dans le fond de son cœur, a droit de se croire entièrement égal aux autres hommes : il ne s’ensuit pas de là que le cuisinier d’un cardinal doive ordonner à son maître de lui faire à dîner, le cuisinier peut dire : « Je suis homme comme mon maître ; je suis né comme lui en pleurant ; il mourra comme moi dans les mêmes angoisses et les mêmes cérémonies. Nous faisons tous deux les mêmes fonctions animales.

Si les Turcs s’emparent de Rome, et si alors je suis cardinal et mon maître cuisinier, je le prendrai à mon service. » Tout ce discours est raisonnable et juste : mais en attendant que le Grand Turc s’empare de Rome, le cuisinier doit faire son devoir, ou toute société humaine est pervertie.

(10)

Epreuve : Français

Objet d’étude : la poésie du XIXème siècle au XXIème siècle Date d’émission du présent document : jeudi 12 mai 2022

Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal / parcours : alchimie poétique : la boue et l'or

Lecture linéaire 1

La Beauté, Les Fleurs du Mal, Charles Baudelaire

La Beauté

Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre, Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour, Est fait pour inspirer au poète un amour

Eternel et muet ainsi que la matière.

Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris ; J'unis un cœur de neige à la blancheur des cygnes ; Je hais le mouvement qui déplace les lignes, Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.

Les poètes, devant mes grandes attitudes,

Que j'ai l'air d'emprunter aux plus fiers monuments, Consumeront leurs jours en d'austères études ; Car j'ai, pour fasciner ces dociles amants,

De purs miroirs qui font toutes choses plus belles : Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles !

(11)

Epreuve : Français

Objet d’étude : la poésie du XIXème siècle au XXIème siècle Date d’émission du présent document : jeudi 12 mai 2022

Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal / parcours : alchimie poétique : la boue et l'or

Lecture linéaire 2

A une Mendiante Rousse, Les Fleurs du Mal, Charles Baudelaire Blanche fille aux cheveux roux,

Dont la robe par ses trous Laisse voir la pauvreté Et la beauté,

Pour moi, poète chétif, Ton jeune corps maladif, Plein de taches de rousseur, A sa douceur.

Tu portes plus galamment Qu'une reine de roman Ses cothurnes de velours Tes sabots lourds.

Au lieu d'un haillon trop court, Qu'un superbe habit de cour Traîne à plis bruyants et longs Sur tes talons ;

En place de bas troués, Que pour les yeux des roués Sur ta jambe un poignard d'or Reluise encor ;

Que des nœuds mal attachés Dévoilent pour nos péchés Tes deux beaux seins, radieux Comme des yeux ;

Que pour te déshabiller Tes bras se fassent prier Et chassent à coups mutins Les doigts lutins,

(12)

Epreuve : Français

Objet d’étude : la poésie du XIXème siècle au XXIème siècle Date d’émission du présent document : jeudi 12 mai 2022

Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal / parcours : alchimie poétique : la boue et l'or

Perles de la plus belle eau, Sonnets de maître Belleau Par tes galants mis aux fers Sans cesse offerts,

Valetaille de rimeurs Te dédiant leurs primeurs Et contemplant ton soulier Sous l'escalier,

Maint page épris du hasard, Maint seigneur et maint Ronsard Épieraient pour le déduit

Ton frais réduit !

Tu compterais dans tes lits Plus de baisers que de lis Et rangerais sous tes lois Plus d'un Valois !

- Cependant tu vas gueusant Quelque vieux débris gisant Au seuil de quelque Véfour De carrefour ;

Tu vas lorgnant en dessous Des bijoux de vingt-neuf sous Dont je ne puis, oh ! pardon ! Te faire don.

Va donc ! sans autre ornement, Parfum, perles, diamant, Que ta maigre nudité, Ô ma beauté !

(13)

Epreuve : Français

Objet d’étude : la poésie du XIXème siècle au XXIème siècle Date d’émission du présent document : jeudi 12 mai 2022

Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal / parcours : alchimie poétique : la boue et l'or

Lecture linéaire 3

Une Charogne, Les Fleurs du Mal, Charles Baudelaire Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme, Ce beau matin d'été si doux :

Au détour d'un sentier une charogne infâme Sur un lit semé de cailloux,

Les jambes en l'air, comme une femme lubrique, Brûlante et suant les poisons,

Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique Son ventre plein d'exhalaisons.

Le soleil rayonnait sur cette pourriture, Comme afin de la cuire à point,

Et de rendre au centuple à la grande Nature Tout ce qu'ensemble elle avait joint ; Et le ciel regardait la carcasse superbe Comme une fleur s'épanouir.

La puanteur était si forte, que sur l'herbe Vous crûtes vous évanouir.

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride, D'où sortaient de noirs bataillons

De larves, qui coulaient comme un épais liquide Le long de ces vivants haillons.

Tout cela descendait, montait comme une vague, Ou s'élançait en pétillant ;

On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague, Vivait en se multipliant.

Et ce monde rendait une étrange musique, Comme l'eau courante et le vent,

Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rythmique Agite et tourne dans son van.

(14)

Epreuve : Français

Objet d’étude : la poésie du XIXème siècle au XXIème siècle Date d’émission du présent document : jeudi 12 mai 2022

Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal / parcours : alchimie poétique : la boue et l'or

Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve, Une ébauche lente à venir,

Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève Seulement par le souvenir.

Derrière les rochers une chienne inquiète Nous regardait d'un oeil fâché,

Epiant le moment de reprendre au squelette Le morceau qu'elle avait lâché.

- Et pourtant vous serez semblable à cette ordure, A cette horrible infection,

Etoile de mes yeux, soleil de ma nature, Vous, mon ange et ma passion !

Oui ! telle vous serez, ô la reine des grâces, Après les derniers sacrements,

Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses, Moisir parmi les ossements.

Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine Qui vous mangera de baisers,

Que j'ai gardé la forme et l'essence divine De mes amours décomposés !

(15)

Epreuve : Français

Objet d’étude : la poésie du XIXème siècle au XXIème siècle Date d’émission du présent document : jeudi 12 mai 2022

Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal / parcours : alchimie poétique : la boue et l'or

Lecture parcours

Lettre à Paul Demeny, dite « du voyant » (Charleville, 15 mai 1871), Arthur Rimbaud

Le poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d'amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n'en garder que les quintessences. Ineffable torture où il a besoin de toute la foi, de toute la force surhumaine, où il devient entre tous le grand malade, le grand criminel, le grand maudit, - et le suprême Savant ! - Car il arrive à l'inconnu ! - Puisqu'il a cultivé son âme, déjà riche, plus qu'aucun ! Il arrive à l'inconnu ; et quand, affolé, il finirait par perdre l'intelligence de ses visions, il les a vues ! Qu'il crève dans son bondissement par les choses inouïes et innommables : viendront d'autres horribles travailleurs ; ils commenceront par les horizons où l'autre s'est affaissé !

Trouver une langue ;

— Du reste, toute parole étant idée, le temps d'un langage universel viendra ! Il faut être académicien, — plus mort qu'un fossile, — pour parfaire un dictionnaire, de quelque langue que ce soit. Des faibles se mettraient à penser sur la première lettre de l'alphabet, qui pourraient vite ruer dans la folie ! —

Cette langue sera de l'âme pour l'âme, résumant tout, parfums, sons, couleurs, de la pensée accrochant la pensée et tirant. Le poète définirait la quantité d'inconnu s'éveillant en son temps dans l'âme universelle : il donnerait plus — que la formule de sa pensée, que la notation de sa marche au Progrès ! Énormité devenant norme, absorbée par tous, il serait vraiment un multiplicateur de progrès !

Cet avenir sera matérialiste, vous le voyez ; — Toujours pleins du Nombre et de l'Harmonie ces poèmes seront fait pour rester. — Au fond, ce serait encore un peu la Poésie grecque.

L'art éternel aurait ses fonctions ; comme les poètes sont des citoyens. La Poésie ne rythmera plus l'action : elle sera en avant.

Ces poètes seront ! Quand sera brisé l'infini servage de la femme, quand elle vivra pour elle et par elle, l'homme, jusqu'ici abominable, — lui ayant donné son renvoi, elle sera poète, elle aussi ! La femme trouvera de l'inconnu ! Ses mondes d'idées différeront-ils des nôtres ? — Elle trouvera des choses étranges, insondables, repoussantes, délicieuses ; nous les prendrons, nous les comprendrons.

En attendant, demandons aux poètes du nouveau, — idées et formes.

(16)

Epreuve : Français

Objet d’étude : la poésie du XIXème siècle au XXIème siècle Date d’émission du présent document : jeudi 12 mai 2022

Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal / parcours : alchimie poétique : la boue et l'or

Lecture parcours

« J'aime l'araignée », Les Contemplations, Livre III, « Les luttes et les rêves », XXVII (1856), Victor Hugo J'aime l'araignée et j'aime l'ortie,

Parce qu'on les hait ;

Et que rien n'exauce et que tout châtie Leur morne souhait ;

Parce qu'elles sont maudites, chétives, Noirs êtres rampants ;

Parce qu'elles sont les tristes captives De leur guet-apens ;

Parce qu'elles sont prises dans leur œuvre ; Ô sort ! fatals nœuds !

Parce que l'ortie est une couleuvre, L'araignée un gueux ;

Parce qu'elles ont l'ombre des abîmes, Parce qu'on les fuit,

Parce qu'elles sont toutes deux victimes De la sombre nuit...

Passants, faites grâce à la plante obscure, Au pauvre animal.

Plaignez la laideur, plaignez la piqûre, Oh ! plaignez le mal !

Il n'est rien qui n'ait sa mélancolie ; Tout veut un baiser.

Dans leur fauve horreur, pour peu qu'on oublie De les écraser,

Pour peu qu'on leur jette un œil moins superbe, Tout bas, loin du jour,

La vilaine bête et la mauvaise herbe Murmurent : Amour !

(17)

Epreuve : Français

Objet d’étude : la poésie du XIXème siècle au XXIème siècle Date d’émission du présent document : jeudi 12 mai 2022

Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal / parcours : alchimie poétique : la boue et l'or

Lecture parcours

Ode inachevée à la boue, Pièces, 1962 (extrait), Francis Ponge

La boue plaît aux cœurs nobles parce que constamment méprisée. Notre esprit la honnit, nos pieds et nos roues l'écrasent. Elle rend la marche difficile et elle salit : voilà ce qu'on ne lui pardonne pas.

C'est de la boue ! dit-on des gens qu'on abomine, ou d'injures basses et intéressées. Sans souci de la honte qu'on lui inflige, du tort à jamais qu'on lui fait. Cette constante humiliation, qui la mériterait ? Cette atroce persévérance ! Boue si méprisée, je t'aime. Je t'aime à raison du mépris où l'on te tient. De mon écrit, boue au sens propre, jaillis à la face de tes détracteurs ! Tu es si belle, après l'orage qui te fonde, avec tes ailes bleues ! Quand, plus que les lointains, le prochain devient sombre et qu'après un long temps de songerie funèbre, la pluie battant soudain jusqu'à meurtrir le sol fonde bientôt la boue, un regard pur l'adore : c'est celui de l'azur agenouillé déjà sur ce corps limoneux trop roué de charrettes hostiles, – dans les longs intervalles desquelles, pourtant, d'une sarcelle à son gué opiniâtre la constance et la liberté guident nos pas.

Ainsi devient un lieu sauvage le carrefour le plus amène, la sente la mieux poudrée. La plus fine fleur du sol fait la boue la meilleure, celle qui se défend le mieux des atteintes du pied ; comme aussi de toute intention plasticienne. La plus alerte enfin à gicler au visage de ses contempteurs. Elle interdit elle-même l'approche de son centre, oblige à de longs détours, voire à des échasses. Ce n'est peut-être pas qu'elle soit inhospitalière ou jalouse ; car, privée d'affection, si vous lui faites la moindre avance, elle s'attache à vous.

Chienne de boue, qui agrippe mes chausses et qui me saute aux yeux d'un élan importun !

Plus elle vieillit, plus elle devient collante et tenace. Si vous empiétez son domaine, elle ne vous lâche plus. Il y a en elle comme des lutteurs cachés, couchés par terre, qui agrippent vos jambes ; comme des pièges élastiques ; comme des lassos.

Ah comme elle tient à vous ! Plus que vous ne le désirez, dites-vous. Non pas moi. Son attachement me touche, je le lui pardonne volontiers.

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Epreuve : Français

Objet d’étude : le roman et le récit du Moyen Âge au XXIème siècle Date d’émission du présent document : jeudi 12 mai 2022

Madame de Lafayette, La Princesse de Clèves / parcours : individu, morale et société

Lecture linéaire 1

La rencontre : une entrée remarquée, La Princesse de Clèves, Madame de Lafayette

Il parut alors une beauté à la cour, qui attira les yeux de tout le monde, et l'on doit croire que c'était une beauté parfaite, puisqu'elle donna de l'admiration dans un lieu où l'on était si accoutumé à voir de belles personnes. Elle était de la même maison que le vidame de Chartres, et une des plus grandes héritières de France. Son père était mort jeune, et l'avait laissée sous la conduite de madame de Chartres, sa femme, dont le bien, la vertu et le mérite étaient extraordinaires. Après avoir perdu son mari, elle avait passé plusieurs années sans revenir à la cour. Pendant cette absence, elle avait donné ses soins à l'éducation de sa fille ; mais elle ne travailla pas seulement à cultiver son esprit et sa beauté ; elle songea aussi à lui donner de la vertu et à la lui rendre aimable. La plupart des mères s'imaginent qu'il suffit de ne parler jamais de galanterie devant les jeunes personnes pour les en éloigner. Madame de Chartres avait une opinion opposée ; elle faisait souvent à sa fille des peintures de l'amour ; elle lui montrait ce qu'il a d'agréable pour la persuader plus aisément sur ce qu'elle lui en apprenait de dangereux ; elle lui contait le peu de sincérité des hommes, leurs tromperies et leur infidélité, les malheurs domestiques où plongent les engagements ; et elle lui faisait voir, d'un autre côté, quelle tranquillité suivait la vie d'une honnête femme, et combien la vertu donnait d'éclat et d'élévation à une personne qui avait de la beauté et de la naissance. Mais elle lui faisait voir aussi combien il était difficile de conserver cette vertu, que par une extrême défiance de soi-même, et par un grand soin de s'attacher à ce qui seul peut faire le bonheur d'une femme, qui est d'aimer son mari et d'en être aimée.

Cette héritière était alors un des grands partis qu'il y eût en France ; et quoiqu'elle fût dans une extrême jeunesse, l'on avait déjà proposé plusieurs mariages. Madame de Chartres, qui était extrêmement glorieuse, ne trouvait presque rien digne de sa fille ; la voyant dans sa seizième année, elle voulut la mener à la cour.

Lorsqu'elle arriva, le vidame alla au-devant d'elle ; il fut surpris de la grande beauté de mademoiselle de Chartres, et il en fut surpris avec raison. La blancheur de son teint et ses cheveux blonds lui donnaient un éclat que l'on n'a jamais vu qu'à elle ; tous ses traits étaient réguliers, et son visage et sa personne étaient pleins de grâce et de charmes.

(19)

Epreuve : Français

Objet d’étude : le roman et le récit du Moyen Âge au XXIème siècle Date d’émission du présent document : jeudi 12 mai 2022

Madame de Lafayette, La Princesse de Clèves / parcours : individu, morale et société

Lecture linéaire 2

La scène de l’aveu, La Princesse de Clèves, Madame de Lafayette

- Eh bien, Monsieur, lui répondit-elle en se jetant à ses genoux, je vais vous faire un aveu que l'on n'a jamais fait à son mari, mais l'innocence de ma conduite et de mes intentions m'en donne la force. Il est vrai que j'ai des raisons de m'éloigner de la cour, et que je veux éviter les périls où se trouvent quelquefois les personnes de mon âge. Je n'ai jamais donné nulle marque de faiblesse, et je ne craindrais pas d'en laisser paraître, si vous me laissiez la liberté de me retirer de la cour, ou si j'avais encore madame de Chartres pour aider à me conduire. Quelque dangereux que soit le parti que je prends, je le prends avec joie pour me conserver digne d'être à vous. Je vous demande mille pardons, si j'ai des sentiments qui vous déplaisent, du moins je ne vous déplairai jamais par mes actions. Songez que pour faire ce que je fais, il faut avoir plus d'amitié et plus d'estime pour un mari que l’on n’en a jamais eu ; conduisez-moi, ayez pitié de moi, et aimez-moi encore, si vous pouvez.

Monsieur de Clèves était demeuré pendant tout ce discours, la tête appuyée sur ses mains, hors de lui-même, et il n'avait pas songé à faire relever sa femme. Quand elle eut cessé de parler, qu'il jeta les yeux sur elle qu'il la vit à ses genoux le visage couvert de larmes, et d'une beauté si admirable, il pensa mourir de douleur, et l'embrassant en la relevant :

- Ayez pitié de moi, vous-même, Madame, lui dit-il, j'en suis digne ; et pardonnez si dans les premiers moments d'une affliction aussi violente qu'est la mienne, je ne réponds pas, comme je dois, à un procédé comme le vôtre. Vous me paraissez plus digne d'estime et d'admiration que tout ce qu'il y a jamais eu de femmes au monde ; mais aussi je me trouve le plus malheureux homme qui ait jamais été. Vous m'avez donné de la passion dès le premier moment que je vous ai vue, vos rigueurs et votre possession n'ont pu l'éteindre : elle dure encore ; je n'ai jamais pu vous donner de l'amour, et je vois que vous craignez d'en avoir pour un autre. Et qui est-il, Madame, cet homme heureux qui vous donne cette crainte ? Depuis quand vous plaît-il ? Qu'a-t-il fait pour vous plaire ? Quel chemin a-t-il trouvé pour aller à votre cœur ? Je m'étais consolé en quelque sorte de ne l'avoir pas touché par la pensée qu'il était incapable de l'être. Cependant un autre fait ce que je n'ai pu faire. J'ai tout ensemble la jalousie d'un mari et celle d'un amant ; mais il est impossible d'avoir celle d'un mari après un procédé comme le vôtre. Il est trop noble pour ne me pas donner une sûreté entière ; il me console même comme votre amant. La confiance et la sincérité que vous avez pour moi sont d'un prix infini : vous m'estimez assez pour croire que je n'abuserai pas de cet aveu. Vous avez raison, Madame, je n'en abuserai pas, et je ne vous en aimerai pas moins. Vous me rendez malheureux par la plus grande marque de fidélité que jamais une femme ait donnée à son mari : mais, madame, achevez, et apprenez-moi qui est celui que vous voulez éviter. Je vous supplie de ne me le point demander, répondit- elle ; je suis résolue de ne vous le pas dire, et je crois que la prudence ne veut pas que je vous le nomme.

(20)

Epreuve : Français

Objet d’étude : le roman et le récit du Moyen Âge au XXIème siècle Date d’émission du présent document : jeudi 12 mai 2022

Madame de Lafayette, La Princesse de Clèves / parcours : individu, morale et société

Lecture linéaire 3

Un jeu de regards, La Princesse de Clèves, Madame de Lafayette

Les palissades étaient fort hautes, et il y en avait encore derrière, pour empêcher qu'on ne pût entrer ; en sorte qu'il était assez difficile de se faire passage. Monsieur de Nemours en vint à bout néanmoins ; sitôt qu'il fut dans ce jardin, il n'eut pas de peine à démêler où était Madame de Clèves. Il vit beaucoup de lumières dans le cabinet, toutes les fenêtres en étaient ouvertes ; et, en se glissant le long des palissades, il s'en approcha avec un trouble et une émotion qu'il est aisé de se représenter. Il se rangea derrière une des fenêtres, qui servait de porte, pour voir ce que faisait Madame de Clèves. Il vit qu'elle était seule ; mais il la vit d'une si admirable beauté, qu'à peine fut-il maître du transport que lui donna cette vue. Il faisait chaud, et elle n'avait rien sur sa tête et sur sa gorge, que ses cheveux confusément rattachés.

Elle était sur un lit de repos, avec une table devant elle, où il y avait plusieurs corbeilles pleines de rubans ; elle en choisit quelques-uns, et Monsieur de Nemours remarqua que c'étaient des mêmes couleurs qu'il avait portées au tournoi. Il vit qu'elle en faisait des nœuds à une canne des Indes, fort extraordinaire, qu'il avait portée quelque temps, et qu'il avait donnée à sa sœur, à qui madame de Clèves l'avait prise sans faire semblant de la reconnaître pour avoir été à Monsieur de Nemours. Après qu'elle eut achevé son ouvrage avec une grâce et une douceur que répandaient sur son visage les sentiments qu'elle avait dans le cœur, elle prit un flambeau et s'en alla proche d'une grande table, vis-à-vis du tableau du siège de Metz, où était le portrait de Monsieur de Nemours ; elle s'assit, et se mit à regarder ce portrait avec une attention et une rêverie que la passion seule peut donner.

On ne peut exprimer ce que sentit Monsieur de Nemours dans ce moment. Voir au milieu de la nuit, dans le plus beau lieu du monde, une personne qu'il adorait ; la voir sans qu'elle sût qu'il la voyait, et la voir tout occupée de choses qui avaient du rapport à lui et à la passion qu'elle lui cachait, c'est ce qui n'a jamais été goûté ni imaginé par nul autre amant.

(21)

Epreuve : Français

Objet d’étude : le roman et le récit du Moyen Âge au XXIème siècle Date d’émission du présent document : jeudi 12 mai 2022

Madame de Lafayette, La Princesse de Clèves / parcours : individu, morale et société

Lecture parcours

Adolphe - (extrait) Chapitre X – la lettre posthume d’Ellénore, Benjamin Constant

L'on m'apporta tous les papiers d'Ellénore, comme elle l'avait ordonné ; à chaque ligne, j'y rencontrai de nouvelles preuves de son amour, de nouveaux sacrifices qu'elle m'avait faits et qu'elle m'avait cachés. Je trouvai enfin cette lettre que j'avais promis de brûler ; je ne la reconnus pas d'abord ; elle était sans adresse, elle était ouverte : quelques mots frappèrent mes regards malgré moi ; je tentai vainement de les en détourner, je ne pus résister au besoin de la lire tout entière. Je n'ai pas la force de la transcrire. Ellénore l'avait écrite après une des scènes violentes qui avaient précédé sa maladie.

« Adolphe, me disait-elle, pourquoi vous acharnez-vous sur moi ? Quel est mon crime ? De vous aimer, de ne pouvoir exister sans vous. Par quelle pitié bizarre n'osez-vous rompre un lien qui vous pèse, et déchirez-vous l'être malheureux près de qui votre pitié vous retient ? Pourquoi me refusez-vous le triste plaisir de vous croire au moins généreux ? Pourquoi vous montrez-vous furieux et faible ? L'idée de ma douleur vous poursuit, et le spectacle de cette douleur ne peut vous arrêter ! Qu'exigez-vous ? Que je vous quitte ? Ne voyez-vous pas que je n'en ai pas la force ? Ah ! c'est à vous, qui n'aimez pas, c'est à vous à la trouver, cette force, dans ce cœur lassé de moi, que tant d'amour ne saurait désarmer. Vous ne me la donnerez pas, vous me ferez languir dans les larmes, vous me ferez mourir à vos pieds ». – « Dites un mot, écrivait-elle ailleurs.

Est-il un pays où je ne vous suive ? Est-il une retraite où je ne me cache pour vivre auprès de vous, sans être un fardeau dans votre vie ? Mais non, vous ne le voulez pas. Tous les projets que je propose, timide et tremblante, car vous m'avez glacée d'effroi, vous les repoussez avec impatience. Ce que j'obtiens de mieux, c'est votre silence. Tant de dureté ne convient pas à votre caractère. Vous êtes bon ; vos actions sont nobles et dévouées : mais quelles actions effaceraient vos paroles ? Ces paroles acérées retentissent autour de moi : je les entends la nuit ; elles me suivent, elles me dévorent, elles flétrissent tout ce que vous faites. Faut-il donc que je meure, Adolphe ? Eh bien, vous serez content ; elle mourra, cette pauvre créature que vous avez protégée, mais que vous frappez à coups redoublés. Elle mourra, cette importune Ellénore que vous ne pouvez supporter autour de vous, que vous regardez comme un obstacle, pour qui vous ne trouvez pas sur la terre une place qui ne vous fatigue ; elle mourra : vous marcherez seul au milieu de cette foule à laquelle vous êtes impatient de vous mêler ! Vous les connaîtrez, ces hommes que vous remerciez aujourd'hui d'être indifférents ; et peut-être un jour, froissé par ces cœurs arides, vous regretterez ce cœur dont vous disposiez, qui vivait de votre affection, qui eût bravé mille périls pour votre défense, et que vous ne daignez plus récompenser d'un regard ».

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Epreuve : Français

Objet d’étude : le roman et le récit du Moyen Âge au XXIème siècle Date d’émission du présent document : jeudi 12 mai 2022

Madame de Lafayette, La Princesse de Clèves / parcours : individu, morale et société

Lecture parcours

L’Etranger, première partie - chapitre 5, Albert Camus

Le soir, Marie est venue me chercher et m'a demandé si je voulais me marier avec elle. J'ai dit que cela m'était égal et que nous pourrions le faire si elle le voulait. Elle a voulu savoir alors si je l'aimais. J'ai répondu comme je l'avais déjà fait une fois, que cela ne signifiait rien mais que sans doute je ne l'aimais pas. « Pourquoi m'épouser alors ? » a-t-elle dit. Je lui ai expliqué que cela n'avait aucune importance et que si elle le désirait, nous pouvions nous marier. D'ailleurs, c'était elle qui le demandait et moi je me contentais de dire oui. Elle a observé alors que le mariage était une chose grave. J'ai répondu : « Non. » Elle s'est tue un moment et elle m'a regardé en silence. Puis elle a parlé. Elle voulait simplement savoir si j'aurais accepté la même proposition venant d'une autre femme, à qui je serais attaché de la même façon. J'ai dit : « Naturellement. » Elle s'est demandé alors si elle m'aimait et moi, je ne pouvais rien savoir sur ce point. Après un autre moment de silence, elle a murmuré que j'étais bizarre, qu'elle m'aimait sans doute à cause de cela mais que peut-être un jour je la dégoûterais pour les mêmes raisons. Comme je me taisais, n'ayant rien à ajouter, elle m'a pris le bras en souriant et elle a déclaré qu'elle voulait se marier avec moi. J'ai répondu que nous le ferions dès qu'elle le voudrait. Je lui ai parlé alors de la proposition du patron et Marie m'a dit qu'elle aimerait connaître Paris. Je lui ai appris que j'y avais vécu dans un temps et elle m'a demandé comment c'était. Je lui ai dit :

« C'est sale. Il y a des pigeons et des cours noires. Les gens ont la peau blanche. »

(23)

Epreuve : Français

Objet d’étude : le roman et le récit du Moyen Âge au XXIème siècle Date d’émission du présent document : jeudi 12 mai 2022

Madame de Lafayette, La Princesse de Clèves / parcours : individu, morale et société

Lecture parcours

Manon Lescaut – (extrait) Première partie – Première rencontre, Abbé Prévost

J'avais marqué le temps de mon départ d'Amiens. Hélas ! que ne le marquais-je un jour plus tôt ! j'aurais porté chez mon père toute mon innocence. La veille même de celui que je devais quitter cette ville, étant à me promener avec mon ami, qui s'appelait Tiberge, nous vîmes arriver le coche d'Arras, et nous le suivîmes jusqu'à l'hôtellerie où ces voitures descendent. Nous n'avions pas d'autre motif que la curiosité. Il en sortit quelques femmes, qui se retirèrent aussitôt. Mais il en resta une, fort jeune, qui s'arrêta seule dans la cour, pendant qu'un homme d'un âge avancé, qui paraissait lui servir de conducteur, s'empressait pour faire tirer son équipage des paniers. Elle me parut si charmante que moi, qui n'avais jamais pensé à la différence des sexes, ni regardé une fille avec un peu d'attention, moi, dis-je, dont tout le monde admirait la sagesse et la retenue, je me trouvai enflammé tout d'un coup jusqu'au transport. J'avais le défaut d'être excessivement timide et facile à déconcerter ; mais loin d'être arrêté alors par cette faiblesse, je m'avançai vers la maîtresse de mon cœur. Quoiqu'elle fût encore moins âgée que moi, elle reçut mes politesses sans paraître embarrassée. Je lui demandai ce qui l'amenait à Amiens et si elle y avait quelques personnes de connaissance.

Elle me répondit ingénument qu'elle y était envoyée par ses parents pour être religieuse. L'amour me rendait déjà si éclairé, depuis un moment qu'il était dans mon cœur, que je regardai ce dessein comme un coup mortel pour mes désirs. Je lui parlai d'une manière qui lui fit comprendre mes sentiments, car elle était bien plus expérimentée que moi. C'était malgré elle qu'on l'envoyait au couvent, pour arrêter sans doute son penchant au plaisir, qui s'était déjà déclaré et qui a causé, dans la suite, tous ses malheurs et les miens. Je combattis la cruelle intention de ses parents par toutes les raisons que mon amour naissant et mon éloquence scolastique purent me suggérer. Elle n'affecta ni rigueur ni dédain. Elle me dit, après un moment de silence, qu'elle ne prévoyait que trop qu'elle allait être malheureuse, mais que c'était apparemment la volonté du Ciel, puisqu'il ne lui laissait nul moyen de l'éviter. La douceur de ses regards, un air charmant de tristesse en prononçant ces paroles, ou plutôt, l'ascendant de ma destinée qui m'entraînait à ma perte, ne me permirent pas de balancer un moment sur ma réponse. Je l'assurai que, si elle voulait faire quelque fond sur mon honneur et sur la tendresse infinie qu'elle m'inspirait déjà, j'emploierais ma vie pour la délivrer de la tyrannie de ses parents, et pour la rendre heureuse. Je me suis étonné mille fois, en y réfléchissant, d'où me venait alors tant de hardiesse et de facilité à m'exprimer ; mais on ne ferait pas une divinité de l'amour, s'il n'opérait souvent des prodiges.

(24)

Epreuve : Français

Objet d’étude : le théâtre du XVIIème siècle au XXIème siècle Date d’émission du présent document : jeudi 12 mai 2022

Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde / parcours : crise familiale, crise personnelle

Lecture linéaire 1

La première rencontre, Juste la fin du monde, Jean-Luc Lagarce SUZANNE. C’est Catherine.

Elle est Catherine.

Catherine c’est Louis.

Voilà Louis.

Catherine.

ANTOINE. Suzanne, s’il te plaît, tu le laisses avancer, laisse-le avancer.

CATHERINE. Elle est contente.

ANTOINE. On dirait un épagneul.

LA MÈRE. Ne me dis pas ça, ce que je viens d’entendre, c’est vrai, j’oubliais, ne me dites pas ça, ils ne se connaissent pas.

Louis tu ne connais pas Catherine ? Tu ne dis pas ça, vous ne vous connaissez pas, jamais rencontrés, jamais ? ANTOINE. Comment veux-tu ? Tu sais très bien.

LOUIS. Je suis très content.

CATHERINE. Oui, moi aussi, bien sûr, moi aussi. Catherine.

SUZANNE. Tu lui serres la main, il lui serre la main. Tu ne vas tout de même pas lui serrer la main ? Ils ne vont pas se serrer la main, on dirait des étrangers.

Il ne change pas, je le voyais tout à fait ainsi, tu ne changes pas, il ne change pas, comme ça que je l’imagine, il ne change pas, Louis, et avec elle, Catherine, elle, tu te trouveras, vous vous trouverez sans problème, elle est la même, vous allez vous trouver.

Ne lui serre pas la main, embrasse-la.

Catherine.

ANTOINE. Suzanne, ils se voient pour la première fois !

LOUIS. Je vous embrasse, elle a raison, pardon, je suis très heureux, vous permettez ? SUZANNE. Tu vois ce que je disais, il faut leur dire.

LA MÈRE. En même temps, qui est-ce qui m’a mis une idée pareille en tête, dans la tête ? Je le savais. Mais je suis ainsi, jamais je n’aurais pu imaginer qu’ils ne se connaissent,

que vous ne vous connaissez pas,

que la femme de mon autre fils ne connaisse pas mon fils, cela, je ne l’aurais pas imaginé,

cru pensable.

Vous vivez d’une drôle de manière.

(25)

Epreuve : Français

Objet d’étude : le théâtre du XVIIème siècle au XXIème siècle Date d’émission du présent document : jeudi 12 mai 2022

Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde / parcours : crise familiale, crise personnelle

Lecture linéaire 2

Les frères ennemis, Juste la fin du monde, Jean-Luc Lagarce

Première partie, scène 2.

CATHERINE. – Il porte le prénom de votre père,

je crois, nous croyons, nous avons cru, je crois que c’est bien, cela faisait plaisir à Antoine, c’est une idée auquel, à laquelle, une idée à laquelle il tenait, et moi,

je ne saurais rien y trouver à redire - je ne déteste pas ce prénom.

Dans ma famille, il y a le même genre de traditions, c’est peut-être moins suivi, je ne me rends pas compte, je n’ai qu’un frère, fatalement, et il n’est pas l’ainé, alors, le prénom des parents ou du père du père de l’enfant mâle,

le premier garçon, toutes ces histoires.

Et puis,

et puisque vous n’aviez pas d’enfant, puisque vous n’avez pas d’enfant, - parce qu’il aurait été logique, nous le savons … -

ce que je voulais dire : mais puisque vous n’avez pas d’enfant et Antoine dit ça,

tu dis ça, tu as dit ça,

Antoine dit que vous n’en aurez pas

- ce n’est pas décider de votre vie mais je crois qu’il n’a pas tort. Après un certain âge, sauf exception, on abandonne, on renonce -

puisque vous n’avez pas de fils, c’est surtout cela,

puisque vous n’aurez pas de fils,

il était logique (logique, ce n’est pas un joli mot pour une chose à l’ordinaire heureuse et solennelle, le baptême des enfants, bon)

il était logique, on me comprend,

cela pourrait paraître juste des traditions, de l’histoire ancienne mais aussi c’est aussi ainsi que nous vivons, il paraissait logique, nous sommes dit ça, que nous l’appelions Louis, comme votre père donc, comme vous, de fait.

Je pense aussi que cela fait plaisir à votre mère.

(26)

Epreuve : Français

Objet d’étude : le théâtre du XVIIème siècle au XXIème siècle Date d’émission du présent document : jeudi 12 mai 2022

Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde / parcours : crise familiale, crise personnelle

Lecture linéaire 3

La valse des ressentiments, Juste la fin du monde, Jean-Luc Lagarce

Deuxième partie, scène 2.

CATHERINE. - Elle ne te dit rien de mal, tu es un peu brutal, on ne peut rien te dire, tu ne te rends pas compte, parfois tu es un peu brutal, elle voulait juste te faire remarquer.

ANTOINE. - Je suis un peu brutal ? Pourquoi tu dis ça ? Non. Je ne suis pas brutal. Vous êtes terribles, tous, avec moi.

LOUIS. - Non, il n'a pas été brutal, je ne comprends pas ce que vous voulez dire.

ANTOINE. - Oh, toi, ça va, « la Bonté même » ! CATHERINE. - Antoine.

ANTOINE. - Je n'ai rien, ne me touche pas ! Faites comme vous voulez, je ne voulais rien de mal, je ne voulais rien faire de mal, il faut toujours que je fasse mal, je disais seulement, cela me semblait bien, ce que je voulais juste dire — toi, non plus, ne me touche pas ! — je n'ai rien dit de mal, je disais juste qu'on pouvait l'accompagner, et là, maintenant, vous en êtes à me regarder comme une bête curieuse, il n'y avait rien de mauvais dans ce que j'ai dit, ce n’est pas bien, ce n'est pas juste, ce n'est pas bien d'oser penser cela, arrêtez tout le temps de me prendre pour un imbécile ! Il fait comme il veut, je ne veux plus rien, je voulais rendre service, mais je me suis trompé, il dit qu'il veut partir et cela va être de ma faute, cela va encore être de ma faute, ce ne peut pas toujours être comme ça, ce n'est pas une chose juste, vous ne pouvez pas toujours avoir raison contre moi, cela ne se peut pas, je disais seulement, je voulais seulement dire et ce n'était pas en pensant mal, je disais seulement, je voulais seulement dire...

LOUIS. - Ne pleure pas.

ANTOINE. - Tu me touches : je te tue.

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