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POLITIQUES D'APPUI AU SECTEUR INFORMEL

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Academic year: 2022

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POLITIQUES D'APPUI AU SECTEUR INFORMEL

dans les pays en développement

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Coopération - Éducation - Développement international

La collection CEDI se propose d'apporter le savoir au plus grand nombre d'étudiants des Pays en développement en pratiquant des prix pour les livres parfaitement adaptés au pouvoir d'achat des lecteurs.

DANS LA MÊME COLLECTION ANCOT J.P., PAELINCK J.H.P., Modèles et choix.

ARCHINARD G., GUERRIEN B., Principes mathématiques pour éco- nomistes.

GREFFE X., Principes de politique économique.

LAFAY G., HERZOG C., Commerce international : la fin des avantages acquis.

MUCCHIELLI J.L., Principes d'économie internationale.

TASSI Ph., Méthodes statistiques.

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OUVRAGES PUBLIÉS SOUS L'ÉGIDE

DU GROUPE INTERUNIVERSITAIRE DE MONTRÉAL VILLES ET DÉVELOPPEMENT

BLARY R. et al., 1995, Gestion des quartiers précaires.

POLÈSE M., 1994, Économie urbaine et régionale : logique spatiale des mutations économiques (Bibliothèque de science régionale aux éditions Economica).

POLÈSE M., et WOLFE J. (éd.), 1995, L'Urbanisation des pays en déve- loppement.

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POLITIQUES D'APPUI AU SECTEUR INFORMEL

dans les pays en développement

Paul BODSON Paul-Martel ROY

avec la collaboration d'Isabelle Hentic

Cet ouvrage a été publié avec l'aide et la collaboration du Groupe interuniversitaire de Montréal (GIM),

Villes et Développement.

EGONOMICA 49, rue Hégcart, 75015 Paris

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A la mémoire d'Elie Nsengimana et de Pancrace Twagiramutara, Groupe Interuniversitaire de Montréal, Villes et Développement, victimes de la tragédie du Rwanda (1994)

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Avant-propos

Successivement ignoré, réprimé, supporté, encouragé, le sec- teur informel, ou selon une autre expression, le secteur non struc- turé de l'économie est aujourd'hui considéré comme une planche de salut à laquelle s'accrochent la grande majorité des pays en voie de développement en difficulté ou en détresse. Le langage ne fait pas illusion. A des degrés certes variables, les économies des pays en développement se sont très généralement révélées inca- pables d'acheminer leurs populations vers les conditions de bien- être et de sécurité de revenu que connaissent la majorité des pays dotés d'une économie avancée. Pour beaucoup d'entre elles, le fossé s'est même creusé, apparemment sans retour. Dans beau- coup de régions du monde, les populations laissées à elles-mêmes, survivent en pratique, à force de débrouillardise et d'ajustements

"à tout prix" à la réalité. Cette capacité d'adaptation aux contraintes de la réalité, surprend par sa puissance, par sa diver- sité, souvent par sa créativité. Les autorités locales et internatio- nales ont progressivement pris conscience de l'énorme potentiel de cette économie "spontanée" ou "populaire" qui semble défier toutes les règles de jeu. Il est aujourd'hui acquis qu'une aide s'im- pose à son égard pour permettre à chaque pays de recréer son économie à partir de la situation incontournable qui détermine l'itinéraire de son développement.

Par contre, on est loin d'un accord sur le contenu à apporter à ce soutien. Les formes d'intervention peuvent être multiples, concerner le financement, l'approvisionnement, le produit, sa conception, son mode de production, sa qualité, sa commerciali- sation, son adaptation aux conditions du marché, les modes de gestion, l'environnement juridique, les conditions de travail et de protection sociale, la formation, les rapports entre les agents pri- vés et publics directement ou indirectement impliqués... Les opi- nions sont le plus souvent divergentes sur les objectifs à atteindre (en termes d'efficacité, en termes de réponses aux besoins sociaux à court et/ou à moyen terme), sur les priorités à privilégier, sur le style d'encadrement ou de collaboration à préconiser, sur les mo- dalités concrètes à mettre en œuvre.

Le propos de ce livre est d'alimenter la réflexion sur les types d'interventions à apporter au secteur non structuré dans les pays

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dits en voie de développement. Celles-ci peuvent être diverses autant, d'ailleurs, que peuvent l'être les activités informelles elles- mêmes. Elles peuvent aussi relever de philosophies divergentes qui, de plus, ont évolué dans le temps. Des choix s'imposent aux instances internationales, aux pouvoirs locaux, à la multitude d'initiatives privées. Ces décisions seront-elles porteuses d'avenir ou seront-elles, comme tant d'autres, irrémédiablement vouées à l'échec, sous l'inertie d'une évolution inéluctable ?

Par la richesse de points de vue et d'expériences qu'ils reflè- tent, les textes que nous avons rassemblés inviteront le lecteur à s'interroger sur la complexité de la réalité économique des pays en voie de développement, à se dégager de visions qui lui semblaient peut-être évidentes et à imaginer à son tour d'autres univers de

"possibles" économiques et sociaux. Exception faite des chapi- tres I, VI et VII qui proviennent d'activités menées au sein de Villes et Développement (Montréal) par l'équipe travaillant sur les questions relatives au secteur informel, les textes colligés correspondent à des communications présentées au colloque sur Les politiques d'appui au secteur informel, organisé dans le cadre du 61e Congrès de l'ACFAS (Rimouski, mai 1993).

Trois textes concernent le Rwanda. Ils sont le fruit des colla- borations établies depuis cinq ans entre Villes et développement, le Ministère du Plan à Kigali et l'Université Nationale du Rwanda à Butare. Rédigés avant la crise actuelle, ils ont gardé toute leur actualité, par leur caractère prémonitoire, par l'identification des causes qui ont fait basculer le pays dans le chaos, par les pistes qu'ils suggèrent pour sa reconstruction lorsque les conditions le permettront.

Le document est organisé autour des thèmes suivants :

Une difficulté inhérente à toute démarche relative à l'écono- mie non structurée relève des modalités qui permettent d'en capter le contenu et les contours. C'est la raison pour laquelle une pre- mière partie fera le point sur les tentatives de définitions, de me- sures et de modélisation du secteur non structuré et sur les ap- proches les plus propices pour recueillir un information pertinente à son égard.

Une seconde partie permettra de confronter les avantages et les inconvénients de deux approches "globales" d'interventions auprès du secteur informel, l'une orientée par le souci d'aboutir à un effet structurant en se mettant à l'écoute de la base, l'autre pré- occupée d'orienter et de contrôler tout soutien selon une logique sélective reflétant les priorités des pouvoirs publics.

Une troisième partie mettra en évidence le lien qui associe de façon quasi systématique les activités informelles et le dévelop-

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pement urbain. Sans qu'il soit exclusif, le milieu urbain constitue le terrain par excellence où se multiplient les activités informelles dans les pays en voie de développement. La mise en évidence de la dimension urbaine des activités informelles correspond aussi aux perspectives d'analyse privilégiées par le groupe inter-uni- versitaire de Montréal Villes et Développement duquel relèvent les activités à la base du présent document.

Une dernière partie, enfin, sera consacrée à des volets plus particuliers de l'économie non structurée : le travail féminin, le travail des enfants, la formation.

A partir d'une interprétation des changements d'attitude des V autorités locales et internationales à l'égard de l'économie non structurée, la conclusion, enfin, tentera de dégager des repères qui baliseront les interventions dans les années prochaines.

Le contenu de chacun des textes se prête à une lecture indé- pendante du reste du document. Néanmoins, une démarche plus linéaire invitera le lecteur à une réflexion d'ensemble sur la réalité complexe de l'économie informelle des pays en voie de dévelop- pement et sur sa capacité à inventer des fonctionnements écono- miques ajustés aux contraintes que vivent très concrètement des populations parmi les plus pauvres au monde.

Paul BODSON et Paul-Martel ROY Groupe inter-universitaire Villes et Développement, Université du Québec à Montréal

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PREMIÈRE PARTIE

CONCEPTS, MODÈLES

ET THÉORIES

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CHAPITRE 1

Peut-on formaliser le secteur informel ?

par

Paul-Martel ROY et Paul BODSON Université du Québec à Montréal

INTRODUCTION

Le concept de secteur informel est aujourd'hui d'utilisation courante dans l'étude des problèmes de développement. En fait, il est impossible de traiter du marché du travail urbain ou même de villes tout simplement dans un contexte de développement éco- nomique sans se heurter à cette réalité qu'on désigne sous le vo- cable de secteur informel. Bien que très répandu, on ne peut néanmoins affirmer qu'il s'agisse d'un concept simple ou même bien défini. Au contraire, les définitions du secteur informel abondent ; les hypothèses qui s'y rapportent sont nombreuses et variées ; en outre, les théories et les modèles qui y font appel sont souvent contradictoires. L'objet de ce document consiste à faire le point en ce qui concerne cette notion et les modèles qui y recou- rent.

En un premier temps, nous rechercherons l'origine de cette expression, puis à travers le tri des définitions, nous nous oriente- rons vers une acception particulière. Nous sélectionnerons ensuite un modèle de fonctionnement du secteur informel et esquisserons les modifications que requiert son amélioration. Finalement, nous chercherons à identifier les domaines d'études et les modes d'in- tervention qui nous paraissent les plus féconds dans le domaine.

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1. DÉFINITIONS 1.1. Le Rapport Kenya

Il est généralement admis que la notion de secteur informel a été mise en évidence à l'occasion d'une mission du BIT au Kenya en 1972, mission qui visait à y établir une stratégie globale de l'emploi. Cette notion de secteur informel avait pris forme un an avant la mission, lors d'un colloque qui s'est déroulé en septembre 1971 à l'Institute of Development Studies de l'Université du Sussex. La formule elle-même de "secteur informel" y a été for- gée, à la suite d'interventions de K. Hart et dans la foulée d'un de ses articles, intitulé "Informai Income Opportunities and the Structure of Urban Employment in Ghana". Cet article, déjà ré- digé en 1971, n'a paru qu'en 1973 dans le Journal of Modern African Studies (Hart, 1973). A peu près en même temps, Lopez (1970) avait élaboré un concept similaire mais dans un relatif isolement.

Dans ce qui est désormais couramment appelé le Rapport Kenya (1972), qu'entendait-on par le terme "secteur informel" ? On désignait le secteur délimité par les caractéristiques sui- vantes1 :

i) facilité d'accès aux activités ; ii) recours aux ressources locales ; iii) propriété familiale des entreprises ;

iv) échelle restreinte des opérations ;

v) techniques à forte intensité de main-d'œuvre et dûment adaptées ;

vi) qualifications acquises en dehors du système scolaire officiel ;

vii) marchés échappant à tous règlements et ouverts à la concurrence.

Les activités du secteur informel sont en grande partie igno- rées, rarement favorisées et parfois activement découragées par les pouvoirs publics. Les caractéristiques des activités du secteur formel sont l'exact opposé.

1.2. La reformulation de Sethuraman

Il s'agit d'une définition presque exclusivement descriptive, ne fournissant pas d'indication en ce qui a trait à l'origine du sec- teur informel, à son fonctionnement ou à son évolution.

1. BIT, 1972, p. 6.

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L'expression cependant était acquise et, bien sûr, on essaiera par la suite de mesurer ce phénomène qui, pour être complexe et mul- tiforme, sinon fuyant, était cependant présent, évident et incon- tournable. Tel que le rapporte Fields (1990), le BIT a pris l'initia- tive en la matière. Sethuraman (1981), du BIT précisément, en ar- rive à la reformulation suivante plus fonctionnelle : le secteur in- formel

"... est composé de petites unités s'occupant de produire et de distribuer biens et services et ayant pour finalité essentielle de créer des emplois au profit des participants à l'entreprise et de leur assurer un revenu, bien que ces unités soient limitées sur le plan du capital, matériel et humain, et sur celui du savoir-faire."

Fort bien. Mais on n'a pas là une définition opérationnelle.

Dans la pratique, on utilise la plupart du temps un seul critère parmi ceux que nous allons maintenant énumérer.

1.3. La recherche d'un critère opérationnel Le critère de la dimension de l'entreprise

Le critère opérationnel le plus souvent retenu est la taille de l'entreprise. L'entreprise est classée comme relevant du secteur in- formel dès lors qu'elle n'emploie que cinq (...ou dix) travailleurs au plus. Des travailleurs appartenant à certaines catégories parti- culières d'emploi sont aussi classés comme faisant partie du sec- teur informel : les travailleurs à leur compte, à l'exclusion de ceux qui exercent une profession libérale ou qui ont un niveau élevé de formation académique, et les aides familiaux non rémunérés.

Ainsi, le Programme Régional du BIT pour l'Emploi en Amérique Latine (PREALC) a adopté la définition suivante :

"Le marché du travail informel est composé d'individus se livrant à des activités pour leur propre compte, des individus qui travaillent dans de petites entreprises et de ceux qui assurent des services aux personnes dont la productivité est faible."l

La définition selon la taille de l'entreprise peut être utilisée dans l'analyse des recensements d'établissements ou des enquêtes d'entreprise. Elle se prête peu à la théorisation et à l'analyse, sinon peut-être pour dire qu'il s'agirait d'une des caractéristiques d'un secteur concurrentiel. Le statut dans la profession est utilisé comme critère complémentaire. Il est utile en ce qu'il permet de distinguer les salariés des non-salariés.

1. PREALC, 1974, cité dans fields, 1990, p. 72.

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L e c r i t è r e d u n i v e a u d e r e v e n u

L e c r i t è r e d u n i v e a u d e r e v e n u est d ' u n e autre n a t u r e e n c e qu'il se r é f è r e n o n p l u s à u n e c a r a c t é r i s t i q u e de l'entreprise o u d e l'activité m a i s à u n e c a r a c t é r i s t i q u e d e l'individu. O n t r o u v e r a des i n d i c a t i o n s à ce sujet d a n s d e s e n q u ê t e s p o r t a n t sur les m é n a g e s et n o n d a n s c e l l e s q u i p o r t e n t s u r les entreprises ou l'emploi. E n fait, il s'agit d ' u n c r i t è r e q u i se r a p p o r t e bien p l u s à l'étude d e la p a u - vreté q u ' à l'étude d u s e c t e u r i n f o r m e l , il ne faut p a s c o n f o n d r e .

L e c r i t è r e d u n o n e n r e g i s t r e m e n t

O n en v i e n t au c r i t è r e d u n o n e n r e g i s t r e m e n t d e s activités.

D a n s c e t t e p e r s p e c t i v e , seraient c o n s i d é r é e s c o m m e faisant partie d u s e c t e u r i n f o r m e l les activités n o n e n r e g i s t r é e s et qui é c h a p p e n t d e ce fait à la r é g l e m e n t a t i o n officielle se r a p p o r t a n t au salaire m i n i m u m et surtout a u x c o t i s a t i o n s sociales relatives aux soins de santé e t à la retraite. C e critère est à la fois o p é r a t i o n n e l et i m p o r - tant. E n réalité, c o m m e le dit J. Charmes1,

"Le non-enregistrement tend à devenir le critère de définition sinon le plus fréquemment utilisé, du moins le plus couramment avancé dans les travaux statistiques : le concept d'économie non enregistrée déborde le cadre strict des statistiques de l'emploi pour aborder celui de la compta- bilité nationale et permet de faire le lien avec les travaux sur l'économie souterraine dans les pays industrialisés."

C ' e s t a i n s i q u e lors de la 14e C o n f é r e n c e i n t e r n a t i o n a l e d e s s t a t i s t i c i e n s d u t r a v a i l ( t e n u e au B I T en 1987), o n a t e n t é u n e s y n t h è s e d e s d i v e r s e s d é f i n i t i o n s p r o p o s é e s . L ' e m p l o i d a n s le sec- teur i n f o r m e l a alors é t é défini c o m m e c o m p r e n a n t les p e r s o n n e s q u i p e n d a n t la s e m a i n e d e r é f é r e n c e é t a i e n t p o u r v u e s d ' u n e m - ploi :

a) d a n s u n e unité é c o n o m i q u e n o n enregistrée, ou

b) d a n s u n e unité é c o n o m i q u e e n r e g i s t r é e ayant des c a r a c - t é r i s t i q u e s s i m i l a i r e s a u x unités é c o n o m i q u e s n o n e n r e - g i s t r é e s d e la b r a n c h e d'activité é c o n o m i q u e c o r r e s p o n - d a n t e . C e s c a r a c t é r i s t i q u e s s i m i l a i r e s c o n c e r n e n t le ni- v e a u d ' o r g a n i s a t i o n , l'échelle d ' o p é r a t i o n et le n i v e a u de t e c h n o l o g i e .

À vrai dire, o n se r a p p r o c h e ici d e la p r e m i è r e d é f i n i t i o n du B I T . C e p e n d a n t , en i n s i s t a n t sur le n o n e n r e g i s t r e m e n t c o m m e critère, o n facilite l'analyse de l'origine et de l'évolution d u secteur

1. Charmes, 1990, p. 16.

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informel. La distinction formel-informel peut alors être vue comme un cas de segmentation du marché du travail telle que l'expliquent les théoriciens néo-classiques. Il existe un double marché. Celui-ci est composé, d'une part, d'un secteur protégé où les salariés bénéficient d'avantages sociaux et où s'applique la lé- gislation du salaire minimum et, d'autre part, d'un secteur non protégé. Les avantages obtenus dans le secteur protégé limitent les quantités demandées et font ainsi refluer vers le secteur non pro- tégé une offre excédentaire partiellement générée par les avan- tages eux-mêmes. Dès lors, le salaire d'équilibre dans le secteur non protégé devient sensiblement plus bas que dans le secteur protégé ; il peut même s'apparenter à un salaire minimum de sub- sistance. C'est le modèle le plus simple auquel on peut penser. En fait, il est un peu trop simple comme nous le verrons plus loin.

Le critère comptable

Apparenté au critère d'enregistrement des activités, mais dis- tinct néanmoins par certains prolongements au niveau de l'inter- prétation théorique, le critère comptable identifie l'appartenance d'une activité au secteur informel par l'absence d'une comptabilité séparée. Le critère met l'accent sur le fonctionnement interne de l'activité relevant du secteur informel, mais rejoint néanmoins le critère précédent dans la mesure où le recours à une comptabilité interne normalisée accompagne l'enregistrement officiel. Par ce biais, le secteur informel délimité par le critère comptable se prête à son tour à une analyse en termes de segmentation du marché du travail.

Le courant institutionnaliste

Il est par ailleurs intéressant de constater qu'à partir d'une toute autre inspiration théorique (le courant institutionnaliste), Doeringer analyse le dualisme sur le marché du travail dans les économies du tiers monde à la manière du dualisme dans les éco- nomies industrialisées :

"Il faut en particulier faire la distinction entre les emplois (relevant généralement de ce qu'on appelle souvent le secteur informel) pour les- quels le débouché lucratif est essentiellement fonction de la liberté d'accès et du partage du travail, et les emplois qui sont protégés par le marché du travail interne du secteur formel. Cette distinction est indispensable pour comprendre comment emploi et productivité sont sensibles au progrès économique et aux mécanismes institutionnels s'exerçant au lieu de tra- vail." 1

1. Doeringer, 1988, cité par Fields, 1990, p. 61.

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Ici, Doeringer applique aux économies en développement le concept de dualisme qu'il a élaboré avec Piore1 pour les écono- mies industrialisées. Le marché du travail y est vu comme com- posé d'un secteur primaire et d'un secteur secondaire (les bons et les mauvais emplois), le secteur primaire étant fait des entreprises où on trouve un marché interne du travail,

"unité administrative à l'intérieur de laquelle la rémunération et l'affecta- tion du travail sont déterminées par un ensemble de règles et de procé- dures administratives. "2

Cette application directe aux marchés du travail des écono- mies des pays du tiers monde du concept de "marché interne" met en évidence, elle aussi, un critère important de distinction entre secteur formel et secteur informel, celui de la "facilité d'accès" qui caractériserait le secteur informel mais qui serait absent ou en tout cas moins présent dans le secteur formel. Fields (1990) lui aussi retiendra ce critère comme déterminant.

Le critère de la facilité d'accès

Sous la diversité des approches, les travaux du BIT, de Doeringer et de Fields présentent un trait commun, vraisembla- blement fondamental pour l'identification du secteur informel : la facilité d'accès. Sous cette expression, on entend au minimum un fonctionnement échappant dans une large mesure aux contraintes des réglementations externes. Cette facilité d'accès est fréquem- ment reconnue comme une caractéristique spécifique des activités relevant du secteur informel. Nous acquiesçons à cette approche tout en insistant sur la nécessité d'interpréter cette caractéristique dans le cadre de théories du marché du travail propres aux éco- nomies en développement et ceci pour la raison suivante. Nous pensons bien sûr que la rationalité des agents économiques est la même sous toutes les latitudes. Cependant, une théorie écono- mique n'est pas faite que d'hypothèses fondamentales qui se rap- portent aux comportements des agents ; elle est aussi faite des conditions initiales qui déterminent largement les explications et prédictions qu'on pourra tirer de la théorie. Or, dans les économies des pays du tiers monde, les conditions initiales sont largement différentes de celles qu'on trouve dans les pays industrialisés et c'est pourquoi les théories qui se rapportent à l'un ou l'autre type d'économies doivent être conçues différemment3.

1. Doeringer et Piore, 1971.

2. Doeringer et Piore, 1971, pp. 1-2, notre traduction.

3. Pour plus de détails sur le modèle épistémologique auquel nous nous référons, voir P.-M. Roy, 1986.

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