• Aucun résultat trouvé

Pas de politique à l'école ?

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Pas de politique à l'école ?"

Copied!
1
0
0

Texte intégral

(1)

Bizarre. Installée dans cette classe de CE1 d’une école urbaine alsacienne où je viens rendre visite à une jeune stagiaire, je cherche ce qui détonne dans un paysage qui devrait m’être familier : tableau, maîtresse de face – frontal toujours ! – enfants sagement alignés, nuques attentives…

Nuques ? Ce n’est que lorsque s’amorce la causette du matin, à la teneur du propos – mon week- end chez grand-papa en Suisse, mon dimanche après-midi dans notre piscine… –, à la qualité de la langue allemande parfaitement maîtrisée par ces petits Alsaciens d’origine francophone,que je prends soudain conscience que ces nuques-là sont toutes blanches, archi-blanches, et que si les cheveux tire-bouchonnent ici, c’est dans le friselis blond et pas une seule fois dans le crépu noir !

Coup d’œil au registre d’appel :sur dix-neuf familles (dix-neuf élèves !),quinze cadres supérieurs, deux employés et deux au chômage. Me serais-je fourvoyée dans un quelconque institut Notre- Dame de la Providence pour « héritiers » ?

Que nenni, c’est bien une école publique, ouverte en principe à tous les enfants, quelles que soient leur origine sociale, leur nationalité, leur confession, ouverte à toute famille tentée par l’accession précoce au bilinguisme (français/allemand). D’ailleurs, le directeur me le confirmera, ici on n’opère aucune sélection, on insiste pour que les enfants déjà bilingues, donc ayant des habitudes linguistiques facilitantes (Turcs, Arabes, Portugais), y soient orientés.

Et pourtant, voilà qui ressemble étonnamment à une filière ! Une filière dans ce qu’elle peut avoir de plus pervers car se générant d’elle-même, sans autre sélection que celle demandée par les parents les plus déshérités qui ont eu l’imprudence de cautionner au départ un système

« démocratique » mais qui n’était de toute évidence pas conçu pour gérer des disparités encore plus importantes dans ce type de structure. Ces parents, très vite impuissants à soutenir leurs enfants, seront trop heureux de les voir rejoindre des classes plus « normales », laissant ainsi le terrain libre à la reproduction des élites « entre elles »!

La sélection est ici « naturelle », consentie, souhaitée, approuvée, légitimée par tous !

Légitimité qui se fonde sur le désir de voir sa progéniture réussir dans une classe à son niveau et non pas,comme c’est forcément le cas en pédagogie traditionnelle,à un niveau ramené à une moyenne, donc inférieur à celui espéré.

Légitimité renforcée enfin par certains « experts» qui prétendent constater l’échec définitif à la fois du collège unique et de l’hétérogénéité à l’école. Voir avec quelle tranquille assurance Y.

Laszlo, professeur à Paris VI, tord le cou à la fois « au mythe du collège unique » et à l’idée qu’on puisse faire se côtoyer sur les mêmes bancs des élèves issues de milieux très différents,( Libération du 25-08-03.)

Pour défendre le principe de l’hétérogénéité aujourd’hui, il faut tout d’abord être convaincu, en marge de certaines modes actuelles – mais c’est toujours la marge qui fait avancer le courant – de l’intérêt fondamental du brassage des cultures et des niveaux.

Mais cette première conviction ne suffit pas. Bien des enseignants seraient tentés aussi de voir dans ce brassage le salut de l’école s’ils n’étaient confrontés à l’extrême difficulté de sa gestion au quotidien.

Et c’est là que nous, Freinet, sommes soutenus par une seconde conviction qui fait la force de notre mouvement : celle de l’efficacité des outils conceptuels et matériels qui sont les nôtres. Il importe que nous soyons convaincants dans ce combat qui dit oui à l’hétérogénéité comme principe éducatif puissant, en tant que seul lieu d’échange véritable pour tous les enfants, quel que soit leur milieu. Oui à la pédagogie Freinet apte à prendre en compte les différences et à les voir non pas comme un obstacle à l’éducation des enfants, mais comme une nécessité vitale, et pour eux et pour l’école de demain.

Le nouvel éducateur – n°154– Décembre 2003 3

Éditorial

Pas de politique à l’école ?

Martine Boncourt

Références

Documents relatifs

Il a toujours quelques mauvaises idées en tête mais personne ne veut être avec Robert.. Il n’a pas

Paul Dietschy, Professeur d’Histoire contemporaine, Directeur du Laboratoire des Sciences Historiques (EA 2273), Université de Franche-Comté.. Economie des clubs européens et de

Ce constat peut être généralisé : les personnages à traitement paradoxal, quelle que soit leur nature concrète, surgissent systématiquement à des moments composition-

Si elle était venue, c’était bien parce qu’on lui avait chanté mes louanges et peut-être plus, autre chose, je ne sais quoi, mais cela se sentait, était palpable… et je me pris

A chaque lieu de l’établissement son identité, sa spécificité, ses activités en relation avec le contexte, (présence du professeur-documentaliste, capacité d'accueil du

Pour le SNES et l’APBG, l’enseignement des SVT en collège doit être dispensé pour tous de la 6 ème à la 3 ème , dans les mêmes conditions, avec :.. - un programme national

« Ainçois li [au roi] couvint gesir tant que nous fumes en Acre [jusqu’à notre arrivée en Acre] sur les materas que le soudanc li avoit baillez. Une fois la limite passée, la

Au sujet de l’original virtuel des variations, nous pouvons signaler qu’après la lecture de plusieurs Exercices, le lecteur parviendra à construire au moins deux sortes de textes