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ENTRETIENS TECHNIQUES DU PRAPS-4 (ETP-4)

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NOTE DE SYNTHÈSE N°1

HARMONISER LES TEXTES RÉGLEMENTAIRES POUR RENFORCER LE COMMERCE TRANSFRONTALIER

DE BÉTAIL ET LA COMPÉTITIVITÉ DE LA VIANDE OUEST-AFRICAINE

ENTRETIENS TECHNIQUES DU PR APS-4 (ETP -4)

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I. INTRODUCTION

La vitalité de l’économie pastorale en Afrique de l’Ouest, qui repose sur la complémentarité entre pays de la sous-région, se traduit par d’importants mouvements transfrontaliers liés au commerce du bétail et aux parcours de transhumance des troupeaux. Pour réguler cette mobilité transfrontalière des animaux, le cadre réglementaire régional se double d’une multiplication d’accords bilatéraux et de législations nationales, instaurés le plus souvent au nom d’impératifs sécuritaires ou sanitaires.

La première partie de cette note dresse un état des lieux succinct des différentes réglementations relatives à la mobilité transfrontalière du bétail en Afrique de l’Ouest. Elle souligne notamment que la régulation des mouvements d’animaux s’exerce à 4 échelles différentes : concertations et accords locaux pour l’organisation des marchés et les circuits de convoyage des animaux ; réglementations nationales liées à la gestion de la mobilité pastorale et du commerce au sein des pays ; accords bilatéraux et concertations multi-pays dédiés à la gestion apaisée des transhumances transfrontalières et, enfin, cadre réglementaire régional adopté par l’UEMOA et la CEDEAO fixant les règles globales au sein du marché commun.

Dans une deuxième partie, la note propose quelques pistes de réflexion ou d’action à l’attention des décideurs publics nationaux et régionaux ainsi que des responsables des organisations socio- professionnelles. Ces pistes portent notamment sur: i) l’articulation entre les textes régionaux et les accords bilatéraux en matière de réglementation de la transhumance ; ii) la nécessité de mettre en place une « approche nationale de la coopération régionale » (ANCOR) pour les volets des politiques publiques ayant un impact sur le commerce régional des animaux (foncier, aménagement des territoires frontaliers, …) ; iii) les opportunités et les obstacles à l’application de normes de transport des animaux et de la viande répondant aux exigences sanitaires et de bien-être animal.

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1. ETAT DES LIEUX DES DISPOSITIFS INSTITUTIONNELS DE RÉGULATION DES FLUX TRANSFRONTALIERS DE BÉTAIL

EN AFRIQUE DE L’OUEST

On rappellera au préalable que, dans l’espace ouest africain, transhumance et commerce de bétail sont très étroitement liés, d’une part car les éleveurs transhumants écoulent les animaux sur les marchés au fur et à mesure de leur itinéraire de déplacement transfrontalier, mais aussi car le convoyage du bétail pour le commerce emprunte fréquemment les mêmes routes que les transhumants. Le convoyage à pied reste une pratique dynamique, parce que très efficace sur les plans zootechnique et économique. En privilégiant des lots d’animaux encore jeunes, ce type de convoyage leur permet de compléter leur croissance et d’engraisser en chemin. La prise en compte des liens entre la transhumance et la mobilité commerciale du bétail fait ressortir davantage les enjeux liés à l’aménagement des axes internationaux de transhumance, dans la perspective du renforcement de la compétitivité de la filière de l’élevage (Touré, 2017).

Concertations et accords locaux

Le texte régional de référence en matière de gestion de la transhumance, à savoir la décision CEDEAO ADEC.5/10/98, prévoit que « les conflits entre éleveurs transhumants et agriculteurs sont soumis au préalable à l’appréciation d’une commission de conciliation sur la base des informations réunies par celle-ci » (article 17). Dans plusieurs pays de la région, des instances (dont l’appellation

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est variable) en charge de la prévention et de la gestion des conflits entre agriculteurs et éleveurs effectuent un travail qui est souvent remarquable. Cependant, depuis quelques années, l’efficacité des actions menées par ces instances est hypothéquée par la détérioration du contexte sécuritaire.

En effet, la stigmatisation des pasteurs, trop souvent assimilés aux auteurs d’atteinte à la sécurité des citoyens (actes de braquages, de vols à mains armées, de viols…) complexifie non seulement les conflits, mais complique aussi les mécanismes de médiation et de règlement des litiges agro- pastoraux et créent des précédents1.

Le règlement CEDEAO adopté en 2003, en application de la décision de 1998, prévoit, dans son article 2, « la réalisation d’actions pilotes de type transfrontalier en vue de la mise au point de nouveaux modes de gestion concertée des parcours et des zones d’accueil ». La mise en place de coopérations entre collectivités situées de part et d’autre des frontières a effectivement permis la réalisation de quelques infrastructures d’hydrauliques pastorales autour desquelles les acteurs locaux ont développé des outils d’ingénierie sociale2. Cependant, la généralisation de telles initiatives bute sur la faiblesse des ressources dont disposent ces structures au regard de la demande importante.

Par ailleurs, les règles de gestion des infrastructures pastorales ne font pas encore l’objet d’une harmonisation de la part des États.

Réglementations nationales

Par de nombreux aspects, les réglementations définies et mises en œuvre par les États de la région ont un impact, direct ou indirect, sur la circulation du bétail au sein de chaque pays et entre pays.

En matière d’accès des pasteurs au foncier et à la mobilité, les législations nationales tendent à être de plus en plus restrictives en raison notamment de la croissance démographique et de la progression du front agricole. Dans les pays d’accueil de la transhumance, des textes régissent l’accès du bétail aux ressources (aires de pâturage, points d’eau, …). Mais, souvent, ils sont conçus de manière trop rigide, enfermant les systèmes d’élevage mobiles dans des espaces clos alors que la capacité d’adaptation (aux conditions climatiques, à la disponibilité des ressources) est à la base même du fonctionnement de ces systèmes. D’autre part, dans plusieurs pays, il est constaté une

1. Pour un développement plus complet de cette question, voir la note de synthèse n°4 « Défendre les droits des acteurs du commerce régional de bétail face à l’insécurité et aux crises sécuritaires ».

2. Pour un bilan plus complet des initiatives de concertation et coopération dans les zones frontalières, voir la note de synthèse n°2 « Les accords transfrontaliers : des outils de dialogue politique et de gouvernance de territoires agro-pastoraux ».

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certaine contradiction entre les textes réglementaires relatifs au pastoralisme, qui visent à faciliter l’accès aux ressources et aménagements pastoraux, et les textes traitant du foncier rural en général et des forêts qui, eux, créent généralement nettement plus de contraintes à l’exercice du pastoralisme.

Certains pays comme la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Bénin et le Nigeria tendent à vouloir réduire la mobilité qu’elle soit pastorale ou commerciale3.

Sur le plan fiscal, les États et les collectivités locales, pour qui l’élevage représente une manne financière importante, mettent en place des mesures qui, dans de nombreux cas, sont en contradiction avec les principes de la CEDEAO relatifs à la circulation des personnes et des biens. Par exemple, assimilant les mouvements de transhumance aux flux commerciaux, les agents des collectivités locales dirigent les animaux identifiés comme non autochtones vers les marchés à bétail où ils sont assujettis aux différentes taxes concernant les transactions des animaux. A cela, s’ajoutent l’application

« informelle » de taxes par les agents en uniforme de divers corps administratifs (gendarmerie, police, eaux, forêts et chasse). Certains pays, tel que le Bénin, ont légalisé ces pratiques, en inscrivant ces taxes dans le code pastoral. Selon des responsables d’organisations de pasteurs, l’application de ces taxes explique, en partie, le non-respect de l’obligation de franchissement des frontières pendant la journée, les transhumants préférant passer inaperçus la nuit pour contourner le paiement des taxes (CEDEAO, 2020).

La décision CEDEAO de 1998 prévoit que les États organisent des « campagnes ou des sessions d’information, de communication, de sensibilisation, de formation et d’éducation en faveur des éleveurs transhumants et des différents acteurs impliqués dans la transhumance au niveau des zones de départ, de transit et d’accueil des troupeaux ». Cette disposition est relativement bien mise en œuvre dans les pays qui disposent d’un comité national de transhumance (CNT) fonctionnel. Les évaluations réalisées par le CILSS sur financement du PRAPS montrent que les CNT sont davantage fonctionnels dans les pays d’accueil que dans les pays de départ des troupeaux. Dans certains pays côtiers, tel que le Togo, ces comités bénéficient d’une ligne de financement inscrite dans le budget national.

Accords bilatéraux et concertations multi-pays

Tout au long des trente dernières années, de nombreux accords bilatéraux, visant à établir une gestion concertée de la transhumance, ont été signés entre États voisins (voir encadré n°1).

Encadré n°1 – Les principaux accords bilatéraux relatifs à la transhumance en Afrique de l’Ouest

• Coopération Mauritanie – Sénégal : (i) sur la transhumance, signé en 2006, révisé en 2014 et 2019 ; (ii) dans le domaine de la santé animale en 2013.

• Coopération Mauritanie – Mali : (i) sur la transhumance en1989 et révisé en 2005 ; (ii) dans les domaines de la santé et des productions animales en 2016.

• Coopération Mali – Niger : en matière de transit du bétail en 1988.

• Coopération Mali – Burkina Faso : (i) accord sur le pastoralisme en 1988 ; (ii) en matière de saisie de bétail en 1989 ; (iii) création d’un cadre de concertation sur la transhumance transfrontalière en 2006.

• Coopération Mali – Sénégal : (i) accord zoo sanitaire en 1993 ; (ii) protocole d’accord réglementant la transhumance transfrontalière en 2005.

• Coopération Burkina Faso – Niger : accord portant création d’un cadre de concertation en 2003.

• Coopération Mali – Côte d’Ivoire : accord réglementant la transhumance en 1994.

• Coopération Côte d’Ivoire – Burkina Faso : accord portant création d’un cadre de concertation sur la transhumance transfrontalière en 2013.

• Coopération Ghana – Togo : sur la transhumance transfrontalière en 2018.

• Coopération Bénin – Niger : accord sur la gestion de la campagne de transhumance en 2020.

Source : communication de Bio Goura Soulé aux ETP 4, octobre 2020

3. La Côte d’Ivoire interdit tout déplacement de troupeaux d’importation de bétail destiné à la boucherie. Elle interdit également le convoyage à pieds de troupeaux de commerce de plus de 30 bovins issus des élevages de son territoire. Décret n°96-431 du 3 juin 1996.

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On ne dispose pas d’évaluation spécifique de la mise en œuvre de ces accords bilatéraux4. Le PRAPS (2019) souligne l’existence de commissions de coopération mixte sur la transhumance qui offrent aux responsables de diverses institutions techniques (élevage,environnement et sécurité) de pays limitrophes la possibilité de se rencontrer périodiquement et de mutualiser leurs moyens et efforts, en vue d’une prise en charge plus efficace des flux de transhumance transfrontalière.

Toutefois, la plupart des commissions mixtes qui existent (Burkina Faso/Niger, Sénégal/Mauritanie, Mauritanie/Mali, etc.) sont confrontées à une crise de fonctionnement persistante,faute de ressources financières. D’une manière générale, la focale de ces rencontres est mise sur la gestion de la transhumance et de manière beaucoup moins explicite sur le commerce transfrontalier de bétail.

Depuis 2015, la CEDEAO organise des rencontres régionales multi acteurs de concertation et de dialogue autour des questions soulevées par les mouvements transfrontaliers des troupeaux.

Ces rencontres annuelles, dites « conférences de haut niveau pour une transhumance apaisée », comportent quatre sessions : une session des organisations professionnelles régionales (OPR), une session des experts des pays, une session des partenaires techniques et financiers et, enfin, une session ministérielle. Longtemps cantonnée au couloir central impliquant cinq pays côtiers (Nigeria, Bénin, Togo, Ghana et Côte d’Ivoire) et trois pays sahéliens (Burkina Faso, Mali et Niger), ces conférences ont été élargies en 2019 à deux autres espaces : le bassin de lac Tchad (Nigeria, Niger, Cameroun, Centrafrique et Tchad)et la zone Ouest impliquant sept pays (Sénégal, Guinée, Guinée Bissau, Libéria, Sierra Leone, Gambie, Guinée Bissau, Mali et Mauritanie). Ces rencontres constituent des moments privilégiés, et sans équivalent pour l’instant, de discussion entre tous les acteurs des préoccupations liées à la transhumance transfrontalière. Il faudrait cependant améliorer leur fonctionnement afin qu’elles permettent aux États de négocier des arrangements bilatéraux pour une réelle et meilleure sécurisation de la transhumance transfrontalière. En plus d’analyser les conditions d’organisation de la mobilité transfrontalière, ces instances se penchent également sur les initiatives en préparation, dont certaines comme le PACBAO, qui s’intéressent directement à la facilitation du commerce du bétail. Mais d’une manière générale, la question du commerce du bétail y est assez peu mise en avant et mériterait sans doute d’y être débattue pour faciliter le partage d’informations et élaborer des propositions dans ce domaine entre professionnels et décideurs publics.

4. On pourra se référer néanmoins à la récente évaluation de l’accord bilatéral entre le Bénin et le Niger dans le cadre de l’accord exceptionnel de gestion de la campagne de la transhumance transfrontalière 2019-2020.

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Cadre réglementaire régional

Parmi les communautés économiques régionales du continent africain, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) est pionnière en matière de réglementation de la transhumance transfrontalière du bétail. Les deux principaux textes adoptés, dans ce domaine, par la CEDEAO sont, d’une part, la décision ADEC.5/10/98 qui définit les conditions d’exercice de la transhumance et, d’autre part, le règlement C/REG.3/01/03 /2003 qui précise les modalités de mise en œuvre de la décision de 1998. Ces deux textes visent l’amélioration de la production et de la productivité animales, le renforcement de l’intégration régionale et, enfin, la diminution du nombre de conflits entre usagers des ressources naturelles.

L’analyse de la portée de la décision de 1998 montre que les acteurs de la région, notamment les agents des administrations nationales, les responsables des associations d’éleveurs et de pasteurs ainsi qu’un grand nombre d’agriculteurs, ont connaissance de l’existence de ce cadre réglementaire.

Mais très peu d’entre eux ont internalisé son contenu et les implications réelles de ses différentes clauses.

Ainsi, le Certificat international de transhumance (CIT), pièce maîtresse de la décision de 1998, peine à jouer pleinement les missions qui lui sont dévolues alors qu’il est adopté par tous les États membres de la CEDEAO. Cette faible efficacité résulte de la combinaison de plusieurs facteurs, notamment : le double-emploi avec le laisser-passer sanitaire exigé par certains pays, la faible fiabilité des déclarations des éleveurs, l’absence de suivi du dispositif par les États et les organisations régionales, la méconnaissance du contenu du CIT par un certain nombre d’éleveurs.

La décision de 1998 prévoit également que « le déplacement des animaux transhumants doit se faire par les pistes de transhumance définies par les États, conformément à l’itinéraire prescrit sur le certificat international de transhumance CEDEAO ». Si la majeure partie des États de la région se sont dotés de programmes d’aménagements pastoraux5, permettant une identification claire des zones de pâturage et de transhumance, celles-ci souffrent en général de l’insuffisance d’équipements adéquats : non balisage des pistes, absence d’infrastructures hydraulique pastorale, etc. Ce manque d’infrastructures est l’un des facteurs expliquant le faible respect par les éleveurs des itinéraires inscrits dans le CIT et, une fois la frontière franchie, des zones d’accueil définies par les administrations des pays côtiers. Au cours des six dernières années, une douzaine de projets d’envergure sous-régionale ont été mis en œuvre, représentant un budget d’environ 500 millions dollars US. Cependant, ces projets ne permettent pas encore de satisfaire les préoccupations de

5. L’élaboration et la mise en œuvre de ces programmes nationaux correspondent à l’un des articles du règlement régional de 2003.

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tous les pays, notamment les pays côtiers d’accueil qui ne sont que partiellement couverts.

Par ailleurs, de nombreux éleveurs ont tendance à ne pas respecter la disposition qui prescrit que « le franchissement des frontières n’est autorisé que de jour », les pratiques pastorales étant fondées sur d’autres choix des heures de mouvements des troupeaux (dont le passage des frontières)6. Ainsi, une partie des conflits enregistrés et des verbalisations qui en résultent proviennent du franchissement des frontières la nuit.

La décision de 1998 précise que les troupeaux doivent être gardés « par au moins un berger pour un effectif de 50 têtes de bétail » et que « le berger doit être âgé d’au moins 18 ans ». Ces mesures sont de plus en plus appliquées, du fait notamment d’un recours croissant à des bergers salariés pour accompagner les troupeaux. Cependant, les éleveurs formulent des réserves à propos de l’âge minimum requis, qui leur dénie le droit et la responsabilité d’assurer l’apprentissage de leurs enfants au métier de berger.

La réglementation régionale indique que les périodes d’entrée et de sortie du territoire du bétail transhumant sont laissées au libre choix du pays d’accueil. Ceux-ci, en raison notamment du développement de cultures dont la production s’étale jusqu’en janvier, ont tendance à repousser le début de la transhumance. Il en résulte non seulement des entrées précoces (non autorisées) mais surtout un afflux massif de bétail aux frontières en attente de l’ouverture de celles-ci à la transhumance.

Des écarts entre l’esprit et la lettre du cadre règlementaire régional et les cadres juridiques nationaux émergeant. Ainsi plusieurs pratiques sont à questionner de ce point de vue, telles que :

- Faiblesse des aménagements et équipements des espaces pastoraux transfrontaliers

- Création de zones d’exclusion de l’exercice de la transhumance et du convoyage à pieds des animaux de commerce à l’intérieur des États,

- Fermeture de frontières à la transhumance par certains États,

- Fiscalisation de la transhumance et de la commercialisation du bétail,

- Non harmonisation des conditions de délivrance du Certificat international de transhumance…

6. En saison chaude, il est aussi moins pénible pour les pasteurs et leurs animaux de circuler la nuit.

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Conclusion de l’état des lieux

Les dispositifs institutionnels visant à améliorer les mouvements transfrontaliers de bétail, dans une optique de régulation des divergences de vue entre éleveurs et agriculteurs d’une part, et entre pays sahéliens pourvoyeurs d’animaux et pays de la côte d’autre part, sont donc multiples. A l’heure actuelle, l’efficacité et la cohérence globales de ces dispositifs semblent assez limitées du fait de la combinaison de plusieurs facteurs, notamment :

- La faiblesse de l’engagement politique des États qui n’accordent que des ressources budgétaires limitées au sous-secteur élevage.

- L’orientation des législations nationales donnant clairement la priorité à l’agriculture sur l’élevage, sans pour autant développer de vision évolutive qui intègre une meilleure association entre l’agriculture et l’élevage.

- L’absence d’une stratégie régionale de gestion des ressources naturelles prenant notamment en compte les conséquences d’une sédentarisation de certains systèmes d’élevage.

- L’absence de communication des pays sur les nouveaux aménagements réalisés, ce qui empêche les différents acteurs concernés d’avoir une idée exacte des axes de transhumance fonctionnels.

Dans un certain nombre de cas, les pistes de transhumance et de commerce de bétail peuvent se terminer en cul-de-sac dans les zones transfrontalières, faute de concertation entre pays voisins pour leur aménagement (balisage des pistes, délimitation d’aires de pâturages, aménagement de points d’eau, aires de repos…).

- La trop faible prise en compte des sources d’alimentation du bétail autres que les pâturages naturels, notamment la production fourragère.

- La place de plus en plus importante que prennent les questions sécuritaires dans le traitement du pastoralisme en général et de la transhumance transfrontalière en particulier.

- L’absence d’un mécanisme de suivi-évaluation des dispositions communautaires. Le règlement CEDEAO de 2003 prévoit la création d’un observatoire régional sur la transhumance. La non- concrétisation de cette mesure prive la région de données et d’analyses crédibles pour l’aide à la

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décision7, en particulier sur les flux transfrontaliers des animaux de commerce et des animaux mis en vente par les éleveurs transhumants.

2. PISTES DE RÉFLEXION ET D’ACTION À L’ATTENTION DES DÉCIDEURS PUBLICS, AU NIVEAU NATIONAL ET RÉGIONAL

Au vu de l’état des lieux tracé rapidement dans la première partie de cette note, il s’avère nécessaire de revoir le modèle de gouvernance du pastoralisme et de la transhumance transfrontalière et du commerce du bétail qui y est associé en Afrique de l’Ouest, en considérant ce système de production animale, non plus comme une contrainte, mais comme l’une des alternatives crédibles pour promouvoir le développement durable et intégré de la région. Cela implique de parvenir, en préalable aux recommandations esquissées ci-après, à construire une véritable vision partagée du pastoralisme et de la transhumance et de sa filière bétail, entre les organisations régionales, les États et les acteurs à la base8. Une fois cette vision commune élaborée et adoptée, les pistes d’action prioritaires seraient les suivantes :

• Assurer un accès équitable aux ressources naturelles grâce à la mise en place d’une Directive régionale sur le foncier, actualisée et finalisée. Assurer aux différents usagers (éleveurs, pasteurs, agriculteurs et convoyeurs de bétail) un accès équitable aux ressources naturelles. Cela implique : (i) pour la CEDEAO, de finaliser la directive sur le foncier dont l’élaboration est à l’arrêt depuis 2013 ; (ii) pour les États, d’assurer une plus forte cohérence entre leurs législations nationales (notamment code pastoral et code foncier) et (iii) pour les collectivités locales, de promouvoir des instances pérennes de régulation du foncier et de prévention des litiges agro-pastoraux9.

• Mettre en place un véritable dispositif de suivi et d’évaluation de l’application des règlementations par les États et des acteurs institutionnels. Cette piste d’action comprend le renforcement des moyens d’action des comités locaux et nationaux de transhumance et des autres systèmes d’information déployés par les organisations professionnelles des pasteurs, des éleveurs et des commerçants de bétail. Elle inclut également le déploiement d’un observatoire régional de la transhumance sous le leadership de la CEDEAO. Cet observatoire devrait notamment développer une cartographie complète et évolutive des infrastructures pastorales, pistes, zones de parcours et points d’eau et fournir des données de suivi des flux transfrontaliers de transhumance et de commerce.

• Renforcer la coopération entre les États par i) l’intensification du dialogue de haut niveau pour une transhumance apaisée entre pays côtiers et pays sahéliens, ii) la facilitation de la conclusion d’accords bilatéraux sur la transhumance et le commerce du bétail entre les États et (iii) la dynamisation des

7. La faiblesse des comités nationaux de transhumance ne facilite pas la mise en place d’un tel dispositif au niveau régional.

8. Plusieurs travaux prospectifs, fortement localisés, portés soit par des institutions de recherche (CIRAD, FAO), soit par des Etats (Burkina Faso) sont en cours. La CEDEAO est en passe de lancer avec l’appui financier de l’AFD, dans le cadre du PEPISAO, une réflexion prospective sur le devenir des systèmes d’élevage mobiles.

9. En s’inspirant, par exemple, des Commissions foncières promues par le Code Rural du Niger.

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initiatives de coopération transfrontalière entre collectivités afin d’assurer une meilleure gouvernance de la transhumance et du commerce transfrontalier.

• Reconnaitre le rôle déterminant joué par les organisations professionnelles d’éleveurs, des pasteurs et des acteurs du commerce du bétail, dans les actions de sensibilisation, de plaidoyer et de prévention des conflits et leur accorder des moyens (institutionnels et financiers) à la hauteur de leur utilité sociale et économique.

• Sécuriser les différents acteurs, notamment les éleveurs et pasteurs dans leurs activités et faciliter la cohabitation entre les communautés. Au vu des constats persistants et assez généralisés sur les entraves et tracasseries dénoncées par les acteurs du commerce et de la transhumance, il est essentiel de développer des actions de renforcement des capacités des acteurs pour une meilleure compréhension du cadre législatif et règlementaire dans les domaines du pastoralisme et du commerce du bétail. Au-delà, il faudrait encourager la mise en place de dispositifs d’assistance juridique aux professionnels : éleveurs, agriculteurs et commerçants de bétail. Dans ce domaine, l’une des actions majeures consisterait en un appui à l’analyse critique des pratiques des acteurs au regard du droit dans le règlement des litiges agro-pastoraux et ceux liés à la transhumance10.

• Renforcer activement les liens sociaux, économiques, culturels entre les communautés agricoles et pastorales, d’une part, et anticiper les effets et impacts environnementaux d’autre part, par la promotion et le financement des initiatives locales intercommunautaires dans les territoires transfrontaliers et les zones d’accueil au bénéfice notamment des jeunes et des femmes. Il est essentiel que ces initiatives ciblées sur les différents niveaux de la chaîne de valeur bétail et viande soient portées par les organisations locales (OP, associations, ONG, collectivités territoriales…) de ces territoires stratégiques.

10. En s’inspirant de l’expérience du Syndicat SNECBET du Tchad notamment, ceci constituerait une formation pratique pour ces acteurs mais aussi pour les éleveurs/pasteurs et agriculteurs à la compréhension de la bonne application du cadre législatif et règlementaire.

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BIBLIOGRAPHIE

• Commission de la CEDEAO, 2020. Evaluation du cadre réglementaire du pastoralisme et de la transhumance transfrontalière en Afrique de l’Ouest et au Sahel. Etude réalisée dans le cadre du PEPISAO. Août 2020, 137 p.

• CEDEAO, 2020. Bilan de la mise en œuvre de l’entente entre le Bénin et Ie Niger pour la transhumance transfrontalière 2020. 8 p.

• Conseil Ouest et Centre Africain pour la Recherche et le Développement Agricoles, 2014.

Etude sur la transhumance transfrontalière et les conflits liés à l’utilisation des ressources naturelles en Afrique de l’ouest.

• ECOWAS, 2017. Regional Policies and Response to Manage Pastoral Movements within the ECOWAS Region.

• FAO, 2012. La transhumance transfrontalière en Afrique de l’Ouest : proposition de plan d’action.

• Inter-réseaux Développement rural, 2015. Etat des lieux et analyse de la prise en compte du foncier pastoral dans les politiques et les cadres réglementaires en Afrique de l’Ouest. DDC.

• PRAPS-CILSS, Note de Politique sur l’état des lieux des cadres de concertation transfrontalier sur la transhumance, PRAPS Régional, 2019. PRAPS Régional, CILSS 9 p.

• Réseau Billital Maroobé, 2015. Concertation multi-acteurs pour une transhumance transfrontalière apaisée dans les pays d’accueil.

• Touré O., 2017. RBM, APESS, PRAPS. Rapport sur l’état des lieux des cadres de concertation transfrontaliers sur la transhumance dans les pays d’intervention du PRAPS, 64 p

• Union Africaine, 2013. Cadre stratégique pour le pastoralisme en Afrique, sécuriser, protéger et améliorer les vies, les moyens de subsistance et les droits des communautés pastorales.

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Ouaga 2000, Porte N° 2754, Boulevard Mouamar Al Kaddhafi

03 BP 7049 Ouagadougou 03 - Tél. +226 25 49 96 00 - Fax : +226 25 37 41 32 Twitter : @prapsregionnal - Facebook : PRAPS

E-mail : administration.se@cilss.int Site web : www.praps.cilss.int

Contributeurs : Jérôme Coste (IRAM) et Guillaume Duteurtre (CIRAD)

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