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PANORAMA DE LA LITTÉRATURE ROUMAINE CONTEMPORAINE

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PANORAMA

DE LA

LITTÉRATURE ROUMAINE

CONTEMPORAINE

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B. MUNTEANO

PANORAMA

DE LA

L I T T É R A T U R E R O U M A I N E C O N T E M P O R A I N E

ÉDITIONS DU SAGITTAIRE

56, RUE RODIER PARIS (IXe)

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IL A ÉTÉ TIRÉ DE CET OUVRAGE 15 EXEMPLAIRES H O R S C O M M E R C E SUR VÉLIN PUR FIL LAFUMA.

Copyright by Éditions du Sagittaire, 1938

Tous droits de traduction, a d a p t a t i o n réservés pour tous pays y compris la Suède et la Norvège

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COMITÉ D'HONNEUR ET DE PATRONAGE

DE LA C O L L E C T I O N D E S

PANORAMAS DES LITTÉRATURES ÉTRANGÈRES CONTEMPORAINES

PAUL VALÉRY, de l'Académie Française GEORGES DUHAMEL, de l'Académie Française

EDMOND JALOUX, de l'Académie Française F. BALDENSPERGER, Membre de l'Institut JEAN CASSOU, BENJAMIN CRÉMIEUX, VALERY LARBAUD

ANDRÉ MAUROIS, JULES ROMAINS, ANDRÉ THÉRIVE

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INTRODUCTION

§ 1 Le peuple roumain : une synthèse originale. — Dans les régions des Carpathes et du Danube inférieur, territoire actuel de la Roumanie, une double fusion de races s'est opérée au cours des siècles. D'abord, une fusion daco-romaine. Les occupants primitifs, les Daces, conquis en l'an 107 de notre ère par les légions de Trajan, vivront au sein de l'Empire jusqu'en 271, quand Auré- lien cèdera la « Dacie Trajane » aux Goths. Pendant ces cent soixante-cinq années de paix romaine, une race nouvelle naissait, qui formera le noyau primitif du peuple roumain. La seconde fusion s'opère à partir du vie siècle, quand les envahisseurs slaves s'établissent dans les plaines sous-carpathiques et, mêlant leur sang à celui des autochtones, reçoivent d'eux les éléments essen- tiels du langage latin et les rudiments d'une civilisation et d'un christianisme d'origine latine. Synthèse, unique dans l'histoire, de latinité et de slavisme sur fond thrace, le nouveau peuple représente dans l'échelle humaine une valeur originale dont il tentera d'accomplir les virtua- lités. Et ce dualisme initial, compliqué par la suite de nombreux autres facteurs, résume à la fois le caractère, la langue et la littérature des Roumains.

Dans un très beau livre (Le Carrefour des Empires morts, 1931), l'un des plus pénétrants qu'on ait écrits

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sur ce pays, M. Lucien Romier attribue à l'âme rou- maine « un mélange de dons et de tendances qui d'ordi- naire s'excluent ». Tout, en effet, porte à le croire. Un cœur ardent et une claire pensée ; le sens du réel et le goût du rêve ; des ambitions démesurées qui souvent s'effritent au contact des faits ; des efforts excessifs alternant avec des périodes trop longues de repos, d'où un conflit avec le temps qui passe, au gré du Roumain, ou trop vite ou trop lentement : autant de traits qui, se contrariant jusqu'à annuler l'action, ternissent parfois le caractère roumain d'une ombre de fatalisme où il faut voir le signe d'une incertitude provisoirement résolue dans l'attente.

Les conditions du milieu naturel et du moment histo- rique ont aggravé cette intime tension. Rivé à une terre fertile par sa profession ancestrale d'agriculteur et d'éle- veur, et donc porté à plus attendre du bon vouloir de la Providence que de sa propre initiative, le Roumain a été mieux façonné pour la résistance que pour l'attaque.

A ce peuple patriarcal, le XIX siècle vint, sur un rythme brusquement accéléré, lui imposer des transformations en trombe. Son caractère dut se plier aux obligations de la concurrence européenne. Il en résulta des heurts et des contretemps qui se prolongent jusqu'à nos jours.

Ainsi, dans l'âme de ce peuple, sur un fond de stabilité qui est l'indice d'une grande force vitale, des alternatives se posent et s'opposent de tout temps. Et le problème rou- main consiste précisément dans l'effort plus ou moins conscient de rejoindre son être profond, dans le besoin organique d'opérer en soi-même la refonte d'une foule de données contradictoires. Ce peuple, qu'on a si naïve- ment accusé de légèreté, n'est pas un peuple tiède : il vit en profondeur et embrasse, sans encore les maîtriser, de vastes horizons spirituels. Et l'inquiétude qui le tient en éveil apparaît à tout observateur de bonne foi comme la meilleure caution de son originalité future.

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A ces contrastes dans le caractère répondent des con- trastes dans le langage. La langue roumaine conserve avec une pureté miraculeuse l'essentiel de la syntaxe et du lexique latins. Vint l'enrichir un fort appoint de terminologie slave. D'une manière générale, le Roumain exprime les idées de la raison et les notions génériques par des termes latins et il laisse au slave le soin de sug- gérer les nuances de la vie affective et sensuelle. Le latin figure la charpente de la langue, que le slave orne de ses fioritures, de ses détails précis, colorés ou tech- niques. Des pénombres slaves ont tempéré le lumineux relief du latin. Sur le sévère canevas initial, la musique slave a brodé ses modulations molles, ses inflexions aux riches harmoniques. La géométrie linéaire du latin s'est compliquée de courbes et d'arabesques, et ce qu'elle comporte de net, de positif et de sentencieux, baigne dans une atmosphère slave tantôt vague et tantôt trucu- lente.

Le destin a voulu que ce peuple complexe vécût dan- gereusement.

§ 2. Au carrefour des empires morts : fatalités géo- graphiques et historiques. — Aux portes orientales de l'Europe, les Roumains ont eu pour mission d'affronter la plupart des hordes nomades — Germains, Slaves, Mongols, aux nombreuses familles — qui, avant de poursuivre leur course dévastatrice à travers le continent, dételèrent presque toujours dans les plaines des Carpathes, bousculant à chaque fois les établissements des autochtones.

Cette existence précaire explique que les Roumains n'aient pas d'histoire connue avant le X I siècle, quand leur présence sur le territoire ancestral et leurs timides organisations politiques commencent à être signalées par les chroniqueurs étrangers.

Dans le cercle que figurent les limites de l'actuelle Roumanie, les Carpathes s'élèvent au nord et, s'incur-

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vant au delà du centre, se terminent à l'ouest, Dès leur formation, les Roumains ont reflué dans les plaines et les collines environnantes, vers la Theiss, le Dniester, le Danube, et au delà. Or, à partir du X I siècle, les Hon- grois, maîtres de la Pannonie, étendent leur empire jusques aux Carpathes, lesquelles diviseront désormais le peuple roumain en deux fractions, condamnées à évo- luer dans deux mondes différents : la Transylvanie, en partie gagnée au catholicisme, participera au mouve- ment du monde occidental et latin, alors que la Moldo- Valachie, retenue sous l'obédience du christianisme oriental, recevra ses mots d'ordre de Byzance, des Bal- kans ou de Russie. Dans un duo sans exemple, les échos affaiblis de l'Occident s'y mêlent aux magiques mur- mures de l'Orient.

Le Danube marque la limite de l'extension ottomane.

Face au Musulman asiatique et malgré le schisme, les Roumains représentent l'Europe chrétienne et, dans le conflit qui divise l'humanité du temps, ils sont amenés à prendre position pour l'Occident contre l'Orient. Quand Mircea l'Ancien, « domn » de Valachie, prenant part à la bataille de Nicopolis (1396), mêle ses troupes pay- sannes aux croisés de France et de Bourgogne, aux chevaliers du burgrave de Nuremberg et aux Anglais du duc de Lancaster, il fait un peu figure de parent pauvre dans cette brillante compagnie, mais n'en agit pas moins en Occidental. Au siècle suivant, Etienne le Grand de Moldavie se signale aux yeux de toute la chrétienté par ses retentissantes victoires sur le mécréant et gagne jusqu'à l'appui du pape Sixte IV, qui l'orne du qualificatif flatteur d' « athlète du Christ ».

Cependant, le Turc est puissant et nombreux, l'Occi- dent est loin, les voisins sont peu sûrs. Se pose alors aux princes danubiens cette alternative : choisir entre la mort glorieuse dans les rangs de la chrétienté, et la vie sous la tutelle ottomane. Ils choisissent de vivre. Depuis

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la mort d'Etienne le Grand (1504) jusqu'à la guerre de l'Indépendance (1877), les Roumains acceptent la suze- raineté turque, non sans plus d'une fois réagir contre elle. Il advint qu'ils ne durent leur salut qu'à cette situa- tion paradoxale.

Il faut, en effet, pour l'intelligence d'un destin entre tous tragique, considérer que les Roumains ont eu à subir les assauts de quatre empires voisins. A ce carre- four danubien se croisent non seulement toutes les routes, mais aussi toutes les ambitions. Les rois de Pologne y voyaient une terre fertile, digne d'une guerre de conquête. La fameuse route de Constantinople, dans laquelle les Tzars ont si longtemps rêvé de s'engager, traversait la Moldavie et la Valachie. Quant à la tradi- tionnelle poussée germanique vers l'est, elle ne pouvait se concevoir sans bousculer le mince obstacle roumain.

P a r bonheur, le dessein russe contrecarre le dessein polonais, le dessein autrichien les contrarie l'un et l'autre, et toute cette compétition lèse le Grand Turc.

(Cependant, en 1775, l'Autriche s'empare de la Buko- vine, et la Russie, en 1812, de la Bessarabie.) Si le choc de ces quatre forces se produisit trop souvent sur une terre roumaine rançonnée à chaque fois par les troupes en présence et réduite à toujours recommencer sa vie, il n'en reste pas moins que seule cette sanglante rivalité permit aux autochtones de conserver une ombre d'auto- nomie et de finalement renaître de leurs cendres. Pris dans l'étau des convoitises voisines, ils surent tirer parti de l'équilibre instable que des visées plusieurs fois contraires s'imposaient les unes aux autres.

Ainsi, à l'âme complexe du Roumain, le destin lui proposa des réalités tumultueuses et des menaces con- tradictoires. U n problème politique ne se présentait jamais seul, mais flanqué de plusieurs autres qui récla- maient autant de solutions rebelles à l'harmonie. Devant la solution turque se dressait la solution russe, ou polo-

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naise, ou magyare, ou autrichienne. Même confusion dans l'ordre spirituel, où Byzance s'acharne à concur- rencer Kiew, ou Lwow, ou Vienne, et plus tard Rome et Paris. Si bien que, pour assurer leur continuité, les Roumains ont dû s'accommoder des pires conjonctures, se servant tour à tour des Turcs, qui faisaient tomber les têtes, mais savaient aussi les défendre à l'occasion ; des Phanariotes qui les rançonnaient, tout en les initiant aux rudiments de la civilisation occidentale ; des Polo- nais, des Russes ou des Autrichiens, tous décidés à les perdre, et cependant messagers d'une culture et de mœurs nouvelles que les Moldo-Valaques mettront à profit.

Durant des siècles, les Roumains se voient affubler des travestis les plus invraisemblables. Pour les voya- geurs d'Occident, ils sont des « Esclavons », ou tout bonnement des Turcs. Latins et héritiers d'un christia- nisme latin, les circonstances leur imposent le rite orien- tal et les attachent à Byzance et aux Balkans. Leur langue latine revêt l'écriture slave à caractères cyrilliens, dont elle ne s'affranchira que tard dans le XIX siècle.

Mieux même, le slave leur sert longtemps dans les chan- celleries et dans l'église. En toutes choses, l'Orient et l'Occident se disputent longuement leur patrimoine.

Toujours sur le qui-vive, le peuple roumain semble avoir cheminé sur le fil d'une épée. Frôlant toutes les limites, il figure dans les mains du destin un jouet d'apparence fragile, mais dont l'avenir a montré qu'il ne fut que souple. Pendant mille ans, tous les vents ont balayé les provinces danubiennes. Une seule pièce tint debout sur cet échiquier mouvant, et ce fut la paysan- nerie.

§ 3. Paysans et clercs. — Seule, en effet, l'extrême vitalité du paysan livre le secret de cette persévérance, une vitalité génératrice non pas d'optimisme, mais d'un instinct de conservation qui confie l'être à des forces invi-

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sibles et propices. A la tête du pays, les grands boyards ont noblement rempli leur devoir séculaire, jusqu'à la guerre mondiale, quand ils ont cessé d'agir en tant que classe. Mais leur force reposait sur celle du paysan. Ils vivaient, eux, dans l'époque ; lui, il vit dans l'éternité, parmi des choses éternelles. Tout seul il construit sa maison et forge son âme. Il a sa morale, son code de manières, sa courtoisie, sachant ce qui se doit et ne se doit point (se cadé... nu se cadé) et appréciant par- dessus tout l'homme de cœur et d'honnêteté (om de ome- nie). Son industrie ménagère est justement réputée. Les femmes tissent et brodent ces beaux costumes archaïques qui ravissaient le dessinateur Raffet. Sculpteur en bois, le paysan orne ses églises de portails aux dessins ingénus et sa maison de curieux péristyles à colonnettes. P a r ses soins, les cimetières et les carrefours se peuplent de croix de bois finement taillées et dans sa maison s'entassent armoires, écrins, bahuts, témoins de son goût naïf et sûr.

Jusqu'aux objets usuels — cuillers et couteaux à manche ouvragé, coupes, fûts, étuis, manches à fouet — qui en portent l'empreinte évidente. Et voici sa poterie, sa bro- derie, sa tapisserie, parmi les premières du monde. Il a enfin sa poésie et sa philosophie, ses danses, sa musique : la Roumanie est par excellence la terre qui chante à tra- vers ses hommes. Au cours des siècles, une précieuse civilisation rustique s'est développée dans les provinces danubiennes, dont il faut tenir le plus grand compte quand on tente de définir l'esprit roumain.

Face au paysan se dresse le clerc. Il vivait jadis à la cour, auprès des grands ou dans les monastères, grand dignitaire, ou scribe, ou moine. Aujourd'hui, il est journaliste, écrivain et surtout professeur. Dans un pays où le salon, l'école et le cénacle ne jouent qu'un rôle épisodique, la vie intellectuelle se condense pour une large part dans les Universités. Philologue, historien, archéologue ou philosophe, l'universitaire roumain se

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cherche un appui stable, un point d'application de son effort ; et il se tourne d'instinct vers le paysan. Il lui tend une main secourable et lui demande en échange des leçons de choses et un objet d'études. C'est au paysan encore que s'adressent tous les partis politiques, sans exception. C'est de lui que l'on attend le renouveau natio- nal. En fait, il n'est point en Roumanie d'activité spi- rituelle dont le paysan ne forme le centre. Il ne s'agit pas d'un quelconque engouement pour « l'homme de la nature », mais d'une préoccupation profonde et sincère.

Sollicités par toutes les influences du dehors, les Rou- mains éprouvent le besoin de dégager certaines cons- tantes indicatrices d'une personnalité nationale, et c'est au paysan qu'ils demandent de leur en fournir les élé- ments.

Paysans, intellectuels. En Roumanie, où les classes moyennes n'ont point encore fait valoir leur raison d'être, intellectuels et paysans représentent les principales forces et peut-être les seules authentiques. Ce sont des forces amies. Un grand nombre d'intellectuels sortent d'une souche paysanne immédiate. Le paysan aspire à s'élever : qu'il ait choisi de le faire par l' instruction, qui lui donne accès aux carrières libérales, et non point par le commerce, qui lui permettrait de s'enrichir, voilà le phénomène qui domine l'histoire sociale de la Roumanie moderne.

Phénomène propice, mais non sans danger. L'affluence dans les écoles supérieures est stupéfiante. Une statis- tique récente constatait que l'Université de Bucarest est la plus fréquentée du monde, après la Sorbonne. A elle seule et dans l'espace de dix ans, l'Université de Cluj a rendu à la société deux mille six cents licenciés ou docteurs, sans compter les simples bacheliers ou diplômés d'écoles diverses. Résultat : un énorme prolétariat intel- lectuel, qui ne réussit pas toujours à s'employer et qui, en attendant, examine ses tourments et passe toutes

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choses au crible d'un impitoyable esprit critique. Beau- coup de ces intellectuels sans emploi se livrent à la litté- rature et lui font porter le poids de leurs rêves aigus et de leur propre crise.

§ 4. Caractères généraux de la littérature roumaine.

— Un grand souffle de fraîcheur terrienne traverse cette littérature, qui se présente dans son ensemble comme une élaboration du fonds populaire. Le paysan est son prin- cipal héros : plusieurs générations de conteurs et de poètes l'ont exalté, étudié, interrogé, tirant parti de ses traditions, de son folklore. La langue littéraire conserve, jusque dans les œuvres les plus savantes, une pénétrante saveur rustique ; en elle se croisent tous les parfums de la terre, toutes ses musiques. A ces sources premières puisent jusqu'aux écrivains de formation occidentale et philosophique, d'Eminesco à Blaga et Barbu.

Le milieu normal de la littérature roumaine n'est point la société. Le caractère roumain, d'ailleurs accueillant et ouvert, n 'a pas contracté au cours des siècles le goût d'une sociabilité qui demeure l'apanage des civilisations citadines et des mœurs policées. Réfugiée dans les classes supérieures et souvent à demi étrangères, la vie de société ne fournit que rarement des thèmes à la littérature.

Aujourd'hui même, les meilleurs romanciers se sentent dépaysés dans le « grand monde » et ils échouent systéma- tiquement dans la peinture des raffinements sociaux et des suprêmes élégances. Il n'est jusqu'au style qui ne leur fasse défaut en ces circonstances : le langage qu'ils font tenir aux gens du monde abonde en stridences et fausses notes.

Le milieu normal de la littérature roumaine, c'est la nature. La terre avec sa configuration et la variété de ses habitats de plaine et de forêt, la nature avec ses drames et ses fêtes, tous les phénomènes des saisons et des jours l'envahissent et l'habitent, lui proposant des thèmes élé-

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mentaires qui sont bien autre chose que des thèmes à description. La nature, en effet, forme mieux que le cadre de cette littérature : elle en est l'âme même. Ce n'est point la nature en tant que paysage seulement, mais aussi la nature cosmique aux perspectives profondes, où le ciel prolonge la terre, où des forces cachées se manifestent familièrement, où l' infiniment petit et l'infiniment grand voisinent et se répondent. Dans cette vision totalitaire, tout reçoit et révèle un sens neuf ; tout est près du miracle.

Et d'abord l'homme lui-même. L'homme que représente la littérature roumaine n'est point l'homme social, mais l'homme en soi, partie intégrante de la Création. Cet homme tente de se définir bien moins dans ses implica- tions collectives, que dans ses implications proprement humaines, métaphysiques et naturelles. La société ne lui vaut que déboires et échecs, et la plupart des conflits sociaux qu'imaginent les romanciers se résolvent en plaintés et anathèmes. L'homme de la littérature rou- maine, populaire ou savante, ne se sent au large que seul, face à lui-même et au ciel, entouré de mystères, situé au centre de la vaste nature, s'efforçant de s'expliquer par elle et de s'y intégrer.

Complexe, l'âme roumaine s'exprime par une litté- rature riche en contrastes. A travers le prisme simplifiant de l'abstraction, on y croit apercevoir la discipline latine endiguer la fougue slave. C'est la poésie populaire qui fournit à cet égard l'exemple le plus convaincant. On y sent la personnalité du poète exercer son empire sur les nostalgies chaotiques du cœur. Dans les meilleures

« doïne », le sentiment tragique de l'existence, le goût des évasions folles et des randonnées parmi les étoiles, s'expriment avec une force d'autant plus pathétique qu'ils se plient aux exigences d'une mesure intérieure. Si les imprécations et les complaintes y confinent parfois à l'irrationnel et au néant, elles n'y tombent point, car dans ses pires moments de désespoir, le paysan entend éviter

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le paroxysme destructif, si familier au Slave. Le senti- ment dominant du lyrisme populaire, cet ineffable

« dor », dont le « longing » anglais et la « Sehnsucht » allemande ne traduisent qu 'imparfaitement le riche bou- quet, tire son charme profond de tout un ensemble de nuances antinomiques, inconciliables dans l'esprit, mais que la flamme des passions se charge de fondre : le « dor » est un désir coloré de tristesse, une résignation à base d'énergie latente, un cri du cœur à résonance métaphy- sique. La volonté consciente n'y perd jamais son droit de contrôle sur la spontanéité intuitive du sentiment.

Des contrastes du même genre se font jour un peu par- tout dans la littérature roumaine, où l'idylle voisine avec l'inspiration philosophique, où la saveur de la terre se distille en parfums d'une finesse extrême; tendances divergentes dont on ne saurait préciser l'origine sans risque d'erreur. Mais leur seule coexistence annonce que le peuple des Carpathes possède des richesses intérieures dont l'exploitation peut réserver de belles surprises.

Porteurs d'un lourd héritage de combats, les Roumains ont contracté un goût très vif pour la critique. Mordante et jamais désarmée, leur critique s'exerce dans tous les domaines de la vie et de l'esprit : elle a souvent sa fin en soi. Le dernier siècle retentit des échos d'une lutte d'idées et de partis qui ne cessait que pour renaître. Les Roumains se battaient alors autour de l'idée nationale, ou morale, ou sociale; à propos de leur langue, du vocabulaire et même de l'orthographe. Il leur fallait décider dans quelle mesure langue et race sont latines ou slaves ; sous quelles conditions admettre l'exemple de l'étranger; et de quel étranger s'inspirer, de Paris, de Rome ou de Berlin; et comment filtrer et adapter les éléments d'emprunt...

Rentrés depuis la guerre dans leurs frontières ethniques, ils ont cessé de se passionner pour le problème de leur latinité. A la notion de romanité, ils ont franchement substitué celle de roumanité, et ils acceptent enfin de

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mettre de l'ordre dans leur maison, de travailler dans leur cadre géographique et spirituel.

La lutte n'a point cessé pour si peu. Mais, sans changer de méthodes, elle a changé de terrain. A peu près résolu, le problème des relations spirituelles avec l'étranger s'efface devant le seul problème digne d'une littérature neuve : celui des virtualités créatrices d'une tradition qu'il s'agit d'abord de définir, ne fût-ce que par l'intuition.

Posé dès le siècle dernier, ce problème gagne en profon- deur et s'enrichit de mille nuances. Dans les grandes littératures, la tradition nationale, renforcée et définie par plusieurs siècles de réalisations, est en quelque sorte infuse; on n'éprouve pas le besoin de s'y reporter à chaque instant. Il en va autrement d'une littérature en pleine formation, qui se doit de devenir elle-même et de vérifier le sens de sa marche. Caractéristique de l'après- guerre, un vaste débat vint remplir cet office de contrôle, un débat entre tendances antinomiques qui ont de tout temps divisé les hommes, mais qui se sont rarement opposées avec autant de véhémence en un si bref espace de temps. Et c'est bien ce débat pathétique qui domine aujourd'hui la vie spirituelle en Roumanie. Les pro- grammes et les ripostes y empruntent souvent la forme de l'essai, d'un essai volontiers vaticinant, bourré d'abs- tractions, teinté de métaphysique et plein de complaisance pour les prédilections intimes et les tempéraments per- sonnels. Il en résulte un certain mépris des arguments plus solides que peuvent fournir l'histoire, la science et la comparaison. Certains épisodes de cette vaste querelle trahissent l'impatience d'une jeunesse avide de penser et de savoir, mais qui entend penser vite et savoir sans effort. On y saisit encore l'âpre désir d'atteindre à des vérités inédites, magiques dans leur unicité, porteuses du message des profondeurs insondables et jaillissant tout armées de tous les au-delà.

Les grandes littératures traversent de lentes étapes

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organiques qu'une expérience personnelle ratifie et adapte au fur et à mesure. La littérature roumaine eut, au contraire, à subir tous les heurts et se livra à mille bonds capricieux. Sans préparation humaniste et clas- sique, elle s'abandonna sans résistance à un romantisme de fortune; sans préparation romantique, elle a donné dans un modernisme aussi précaire qu' audacieux. Tard venus à la culture européenne, les Roumains n'ont pas hérité de ces valeurs éprouvées par l'événement, qui forment les assises d'une culture et d'une littérature. Ces valeurs, qui ne leur furent point données par le temps, ils s'appliquent fébrilement depuis un siècle à les créer malgré le temps et contre lui, et à les créer telles qu'elles puissent répondre aux exigences locales.

Expression d'un peuple longtemps menacé dans son existence, la littérature roumaine a rempli durant trois cents ans un rôle national de premier plan. A travers elle, avant d'aspirer à se faire valoir dans l'ordre de la beauté, la nation. chercha à se saisir et à se comprendre. Retra- çons les principaux aspects de cette longue recherche de soi.

§ 5. Des origines à 1866. — La principauté de Vala- chie prenait corps aux environs de l'an 1300 ; celle de Moldavie se constituait en 1359. L'une et l'autre évolue- ront jusqu'en plein XVII siècle dans l'orbe du slavisme sud-danubien. C'est pourtant grâce à l'influence de la Réforme, qui vint offrir aux autochtones le verbe divin en leur propre langue, qu'ont vu le jour les premiers manuscrits roumains, au XV siècle, et les premiers imprimés roumains, au X V I renfermant les uns et les autres la traduction, à tendance tour à tour hussite, luthérienne et calviniste, des principaux textes sacrés.

Ainsi, par l'initiative de la triple Réforme, la langue roumaine fit son apprentissage littéraire à l'école de l'Eglise et servit de véhicule, au XVII siècle, à une litté-

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rature religieuse d'une ampleur remarquable et d'une réelle beauté d'expression.

Au même siècle, l'historiographie prenait son essor. Les

« chroniqueurs » s'en vont étudier en Pologne, puis en Italie, et s'y instruisent à l'école de l'humanisme. Leur rôle littéraire est à la hauteur de leur rôle national et savant : ils ont du talent et rien ne saurait égaler le charme archaïque de leur prose. P a r m i eux, plusieurs ont une personnalité d'envergure européenne, tel le prince Démètre CANTÉMIR (1673-1723), philosophe, historien, moraliste.

Cependant, l'imagination et la sensibilité exigeaient une autre pâture. Entre le X V et le XVIII siècle, les pays roumains se sont nourris d'une copieuse littérature

« populaire », dont il faut chercher l'origine au fond de l'Asie et du Moyen âge ; et ce fut un déluge d'apocryphes (apocalypses, épîtres sacrées, légendes hagiographiques, vies de martyrs et d'ascètes), de textes astrologiques et fatidiques, de sentences allégoriques et morales, de ro- mans populaires comme la fameuse « Vie d'Alexandre le Grand » et le célèbre « B a r l a a m et Josaphat ». L'énorme diffusion en Roumanie de ces « livres populaires », dont le grand spécialiste est aujourd'hui M . N . Cartojan, fit contracter a u folklore et à l'âme paysanne des traits que l'on y peut encore déceler.

Ces textes sacrés ou profanes étaient le plus souvent traduits du slave, lequel les tenait lui-même presque toujours de Byzance. Entre slavisme et Byzance une lutte d'influence se livre, où Byzance l'emporte à partir de 1650 ( M . D. Russo a retracé de main de maître les prin- cipales phases de cet hellénisme danubien.) Négligeant désormais les intermédiaires slaves, les traducteurs roumains s'adresseront aux originaux byzantins. Bien- tôt, Byzance exerce dans les Principautés une véritable autocratie spirituelle qui atteindra son point culminant a u XVIII siècle, sous les règnes des Phanariotes. Or, il

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advint ceci de paradoxal que l' influence grecque elle- même ne travailla pas pour son seul compte, mais aussi pour le compte de l'Occident. C'est dans les écoles grecques et par des textes grecs que les Roumains feront connais- sance avec un Racine, un Fénelon, un Condillac, un Métastase. Pareillement, les premières versions roumaines d'œuvres italiennes et françaises seront faites sur des textes grecs : c'est le cas de Télémaque.

En dépit des influences orientales et quelquefois par leur entremise, c'est donc l'Occident — sous les espèces de la Réforme et de l'humanisme — que l'on retrouve aux origines de l'ancienne littérature roumaine ; et c 'est au triomphe définitif de l'Occident sur l'Orient que les Roumains doivent le double bienfait de leur conscience latine retrouvée et de leur régénération politique et litté- raire.

L'Occident pour les Roumains, ce fut d'abord Rome.

Les chroniqueurs avaient pressenti et quelquefois démon- tré l'origine latine de leur peuple. L'école « latiniste » de Transylvanie vint, à partir de 1750, donner à cet argu- ment une portée scientifique et en tirer toutes les consé- quences linguistiques et nationales. Par les soins des historiens et des philologues latinistes, l'idée latine pé- nètre dans la littérature, réveille dans les cœurs une grande volonté de réforme et de révolte, incite enfin les Roumains à s'évader de leur ambiance historique. Entourés de Slaves et de Germains, subissant le prestige grec, ils apprennent de plus en plus clairement qu'ils ne sont ni Slaves, ni Grecs, et le proclament sur tous les tons. Et c'est bien ce grand effort de différenciation qui réside à la base de la Roumanie moderne.

Pour que cet enthousiasme portât ses fruits, il lui fallait s'adjoindre des moyens et un programme précis. L'an- tique Rome n'y suffisait point. Mais elle indiquait aux Roumains le chemin de l'Occident : les grandes « sœurs latines », la France et l'Italie, répondront à l'appel de

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leur cadette. Commence alors, dès l'aube du XIX siècle, entre les Principautés et l'Occident latin un incessant va et vient de voyageurs, d'étudiants, d'émigrés et d'agents de tout emploi, à la faveur de quoi les grandes littératures pénètrent dans les provinces danubiennes sans résistance, à grands flots désordonnés. On lit et on traduit le plus souvent en français et d'après le français, même quand il s'agit de littérature anglaise, italienne ou allemande.

A partir de 1825, c'est l'invasion. Molière et Voltaire le tragique font prime. Mais c'est aussi, pêle-mêle, Mas- sillon et Baculard d'Arnaud, Montesquieu et Volney, Gil-Blas et Paul et Virginie. C'est surtout Boileau colla- borant avec Lamartine, avec Goethe, avec un Byron tra- duit du français. Adaptateurs et polygraphes s'aper- çoivent que les grandes littératures contiennent deux siècles de chefs-d'œuvre qu'ils ignorent et cette lacune, ils entendent la combler sans retard, au mieux d'une nation avide d'apprendre et d'une langue qui a besoin de s'as- souplir. Chaque nouvelle traduction leur apparaît ainsi comme une conquête, non point esthétique, mais spiri- tuelle et nationale. D'où l'étrange spectacle de cette litté- rature d'importation, où les époques, les courants et les écoles se bousculent et se chevauchent.

Il ne saurait pour l'instant s'agir chez les Roumains d'une direction littéraire précise, se dégageant de discus- sions théoriques entre tendances divergentes. Classicisme et romantisme, ce sont des notions toutes faites, pour les- quelles on ne se passionne guère et qui demeurent sans prise sur le fond des choses. Et il est fréquent de voir des influences classiques et romantiques s'enchevêtrant au sein d'un même poème, où Boileau, Florian, Gessner, Lamartine et Byron consentent aux voisinages les plus inattendus. Aucun des lyriques roumains de l'époque n'aura échappé à cette confusion, que l'on voit s'épanouir dans l'œuvre de Georges ASAKI (1788-1869) et d'Ion ELIADE-RADULESCO (1802-1872), esprits universels,

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hommes à la fois d'action et de pensée; dans celle d'un Ion VACARESCO (1792-1863), représentant d'une grande famille dont la France accueille si chaudement aujour- d'hui l'illustre descendante, M Hélène Vacaresco ; dans celle d'un Basile CARLOVA (1808-1831) et d'un Grégoire ALEXANDRESCO ( 1812-1885) ; chez les chantres éplorés du

« mal du siècle », les Sihleano, Nicoleano, Déparatiano, Bolintineano...

Grâce à ces poètes et malgré leurs incertitudes, le romantisme européen comporte une annexe moldo- valaque. Young, Byron, le Goethe de Werther, Lamartine et Hugo, prêtent à la littérature roumaine, à partir de 1825, une atmosphère, des moyens et des thèmes. Dans l'âme roumaine s'insinuent alors des doutes et des pro- blèmes nouveaux, et l'existence lui apparaît sous les couleurs pessimistes du temps, l'incitant à la révolte et aux larmes. Elle s'ouvre aux sensations musicales et pittoresques, devient sensible au charme de la solitude, du souvenir, de la contemplation. Le style s'essaie à suivre le mouvement, se complique d'images, d'antithèses, de nuances inédites. Plusieurs de ces poètes, à commencer par Vacaresco, sont déjà d'excellents ouvriers du vers.

Or, ce romantisme d'emprunt comporte un corollaire politique et social. Par toute l'Europe, romantiques et agitateurs ont partie liée : le même élan les emporte au delà de la simple raison, par-dessus la certitude des rou- tines. C'est dans une atmosphère européenne chargée de foudres que les Roumains de cet âge héroïque — les Balcesco, les frères Bratiano, les Rosetti, les Kogâlni- ceano — font valoir leur volonté de vivre dans un état national autonome. La France, où ils applaudissent en foule Michelet, Quinet et Mickiewicz, les y aide puis- samment. L'Italie appuie leurs revendications. Et ce furent les étapes historiques de la jeune Roumanie : 1848, date d'une révolution valaque qui fait pendant à la révolution française de février ; 1859, année où la

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Valachie et la Moldavie décident d'unir leur sort ; 1866, quand un prince étranger vint occuper le trône; 1878, proclamation de l'indépendance; 1881, avènement du royaume libre...

Ce pays neuf, il le fallait doter d'institutions occiden- tales. A partir de 1830, les initiatives affluent dont devaient naître un enseignement national, un théâtre national, une presse nationale, une histoire nationale.

En l'espace de quelques décades, le pays semblait avoir changé de visage. On s'aperçut alors qu'en toutes choses, et en littérature plus qu'ailleurs, le progrès est vain qui ne surgit de l'âme même du pays. Cette âme, on se mit en devoir de la chercher dans le passé et dans le présent.

Les historiens exhumèrent les vieilles chroniques, les philologues reprirent sur nouveaux frais l'examen de la langue, les poètes chantèrent les vertus du passé autoch- tone. En même temps, on découvrait le paysan, ce conser- vateur des pures virtualités locales : les Ballades popu- laires qu 'Alecsandri publiait en 1852-1853 marquent une date capitale dans l'évolution de la nouvelle littérature.

Au terme de ces expériences séculaires, le peuple roumain a pris conscience de la double orientation que lui impose son destin : vers l'Occident, dont il s'avoue solidaire ; vers les profondeurs de l'instinct ethnique, où les volontés iront se retremper. A telles enseignes, que les traditionalistes les plus convaincus — un BALCESCO, un KOGALNICEANO, un Al. Russo — sont curieux de l'Occident et hommes de grand savoir ; et que le meilleur de l'œuvre poétique d'un Eliade-Radulesco, d'un Alexan- dresco, d'un Alecsandri, qui sont parfois de grands poètes, reflète précisément la synthèse qu'ils ont su opérer entre les données du romantisme européen et celles de leur propre terroir et de leur propre passé. Tout un programme littéraire naissait ainsi que la conscience nationale réveillée par le latinisme et armée par l'Occident aura pour tâche d'accomplir au cœur même des réalités locales.

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BIBLIOGRAPHIE

Les ouvrages roumains ou étrangers qui composent cette liste ont été retenus en raison soit de leur caractère général, soit de leur date récente, soit de leur accessibilité. Notre choix devait être très limité : d'où ses lacunes et son apparence arbi- traire. Les titres en italiques sont ceux des ouvrages publiés en langue étrangère.

S. Méhédinti, Le Pays et le Peuple roumains. Bucarest, 1927.

— De belles études et monographies géographiques, par M. Emm. de Martonne.

O. Densusiano, Histoire de la Langue roumaine, I-II. Paris, 1901, 1914.

N. Iorga, Histoire des Roumains et de leur Civilisation, 2e éd.

Bucarest, 1922. — De M. C. C. Giurcsco, une nouvelle Histoire des Roumains, en cours de publication. — Sur le même sujet, M. Iorga est en train de publier un ouvrage en huit volumes. — G. Bratiano, Une Enigme et un Miracle historique : le Peuple roumain. Bucarest, 1937. (C'est une réplique à F. Lot, Les Invasions barbares. Paris, 1937.)

Sur les relations des Roumains avec leurs voisins à travers les siècles, des monographies de M. Iorga : Polonais et Rou- mains. Paris, 1921. Etc.

L'Histoire de l'Enseignement en Pays roumains de M. Iorga a été traduite en français. Bucarest, 1932.

Sur l'art populaire et religieux, ouvrages en roumain, fran- çais, allemand, par MM. Iorga, Tzigara-Samurcas, C. Petrano, etc. Le plus récent de ces ouvrages est celui de M. G. Opresco, L'Art du Paysan roumain. Avec une préface de Henri Focillon.

Bucarest, 1937. — Chez Geuthner, à Paris, M. I. D. Stefanesco a publié depuis dix ans sur l'art religieux une série d'ouvrages admirablement illustrés.

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Quelques échantillons de folklore dans O. Densusiano, Flo- rilège de Chants populaires roumains. Trad. par M M. Hol- ban. Paris, 1934.

C. Isopescu, La Poesia popolare romena. Livorno, 1927.

Sur l'ensemble de la littérature roumaine, un vaste ouvrage de M. Iorga : la littérature religieuse jusqu'en 1688, 1904 ; la littérature du XVIII siècle, 2 vol., 1901 ; la littérature du XIX siècle, 3 v o l 1907 suiv. — Sur l'ancienne littérature, un excellent aperçu de M. Sextil Puscariu, 1930. — De M O . Densusiano, 3 vol. sur la littérature du XIX siècle, 1920 suiv.

Sur l'influence grecque, les travaux de M. D. Russo, le grand maître de ces études, et particulièrement son Introduction à une Histoire de l'Hellénisme en Roumanie, 1912.

M. P.P. Panaïtesco a étudié l'influence polonaise dans l'œuvre des chroniqueurs, 1925.

Les « Livres populaires » font l'objet des études de M. N. Car- tojan, qui a donné sur la matière, en 1929, le 1 vol. d'un vaste travail.

Un aperçu des Influences orientales par B. Munteano, dans la « Revue de Littérature comparée », janvier-mars 1934.

N. Cartojan, Les premières Influences occidentales en Rou- manie, « Revue de Littérature comparée », janvier-mars 1934.

P. Eliade, De l'Influence française sur l'Esprit public en Roumanie. Paris, 1898. — N. Apostolesco, L'Influence des Romantiques français sur la Poésie roumaine. Avec une préface d'Emile Faguet. Paris, 1909. — Ch. Drouhet, La Culture fran- çaise en Roumanie, dans « La Minerve française », 15 oct. 1920.

— I. Bréazu, Edgar Quinet et les Roumains, dans les « Mélanges de l'Ecole roumaine en France », 1927. — M. et M Al. Rally, Bibliographie franco-roumaine, I-II. Paris, 1930.

Sur l'influence anglaise, un aperçu de M. P. Grimm, dans

« Dacoromania », Cluj, III, 1923.

R. Ortiz, Per la storia della cultura italiana in Romania.

Bucarest, 1916. — M. Al. Marco a recueilli les idées des voya- geurs et des romantiques italiens sur les Roumains (1924) et dirige une publication annuelle d'Etudes Italiennes, 1934 suiv.

Sur Gr. Alexandresco, un article de P. Eliade, dans « La Revue des deux Mondes », 15 déc. 1904. — L'influence de Vol- taire sur ce poète a été étudiée par M. Ch. Drouhet. Cf. notre compte rendu dans la « Revue de Littérature comparée », avril- juin 1928.

La fortune en Roumanie d'un grand nombre d'auteurs alle- mands, italiens et français a fourni matière à autant de mono- graphies que nous ne saurions indiquer ici.

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Afin de grouper notre bibliographie, nous rapportons ci-des- sous quelques titres d'ouvrages concernant les chapitres sui- vants.

De M. N. Iorga, une Histoire de la Littérature roumaine contemporaine (2 vol., 1934) qui renferme de copieux dépouille- ments de revues et reflète les opinions particulières de l'au- teur, qui a pris part à la bataille littéraire. — Sous le même titre, mais d'un point de vue différent, 5 vol. d'un autre mili- tant, M. E. Lovinesco, 1926 suiv.

L'influence française dans l'œuvre d'Alecsandri a fait l'objet d'une magistrale étude de M. Ch. Drouhet, Bucarest, 1924.

Cf. notre compte rendu, dans la « Revue de Littérature com- parée », janvier-mars 1926. — Al. Marco, Alecsandri e l'Italia.

Rome, 1929.

B. Kanner, L a Société littéraire « Junimea », thèse. Paris, 1906.

Sur la vie et l'œuvre d'Eminesco, M. G. Calinesco a terminé en 1936 la publication d'une monographie en 6 vol. — Sur son art, des études de M. D. Caracostea et un volume de M. T.

Vianu, 1930. — MM. I. Siadbei et I. Rasco ont étudié l'influence française dans l'œuvre du poète. — I. Sân-Giorgiu, Em. und der-deutsche Geist. Iena, 1936. — F. Lang, Em. als Dichter und Denker. Cluj, 1928.

Sur Créanga, une thèse de Sorbonne par M. Jean Boutière.

Paris, 1930.

Sur l'activité philosophique de M. Radulesco-Motru, le volume d'« Hommages » qui lui fut offert en 1932.

Sur Caragiale, une thèse italienne p a r M Anna Colombo.

Rome, 1934.

Sur Bratesco-Voïnesti, une monographie de M. D. Caracos- tea. Bucarest, 1921.

Sur Cosbuc, une étude de M. Charles Drouhet, « Le Corres- pondant », 10 nov. 1918 ; une thèse italienne de M Lucia Santangelo. Rome, 1934.

Sur Cerna, une thèse italienne de M. M. Camilucci. Rome, 1935.

Sur Macédonski, un ouvrage de M. E. Pohontu. Bucarest, 1935.

Sur quelques poètes d'après-guerre, une conférence de M. Mario Roques. Oxford, 1934.

De M. E. Lovinesco, une Histoire de la Littérature contem- poraine (1900-1937). Bucarest, 1937.

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P R E M I È R E P A R T I E

R E N A I S S A N C E ( 1 8 6 6 - 1 9 1 6 )

E n 1866, A l e x a n d r e C u z a , l ' u n i q u e p r i n c e a u t o c h - t o n e des P r i n c i p a u t é s - U n i e s , t e r m i n e s o n r è g n e , e t le p r e m i e r p r i n c e é t r a n g e r , C a r o l I d e H o h e n z o l l e r n , c o m m e n c e le sien, r è g n e h e u r e u x q u i se p r o l o n g e r a j u s q u ' e n o c t o b r e 1914. A y a n t c o n q u i s s o n i n d é p e n - d a n c e , le j e u n e E t a t a c h è v e r a d e se f o r g e r u n e a r m a - t u r e d ' i n s t i t u t i o n s m o d e r n e s q u i a s s u r e r o n t s o n p r o - grès a d m i n i s t r a t i f et p o l i t i q u e .

C e t t e r e n a i s s a n c e d e l ' E t a t s ' a c c o m p a g n e d ' u n e r e - n a i s s a n c e d e l a l i t t é r a t u r e . A celle-ci, l ' A c a d é m i e R o u m a i n e , créée dès 1866, l u i r e n d r a d ' i n a p p r é c i a b l e s services. D e b o n n e s r e v u e s n a i s s e n t , o ù se f o n t j o u r des r i v a l i t é s d e p r i n c i p e s e n t r a î n a n t d e v a s t e s p o l é - m i q u e s q u i i n t é r e s s e n t l a l i t t é r a t u r e d e p l u s e n p l u s d i r e c t e m e n t . Il a p p a r a î t m a i n t e n a n t q u e l ' a p p r e n t i s - s a g e à l ' é c o l e o c c i d e n t a l e a pris fin e t q u e d é s o r m a i s les r a p p o r t s d e l a l i t t é r a t u r e n a t i o n a l e a v e c les l i t t é - r a t u r e s é t r a n g è r e s d o i v e n t ê t r e réglés p a r le l i b r e j e u

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des affinités et non plus par le cours forcé des impor- tations en masse.

Les thèmes de l'époque précédente — le passé, le paysan, la patrie, la critique des mœurs — se déploient sur un tout autre plan, en fonction d'un objectif, non plus politique et tangible, mais irrédentiste, ethnique et social. Il ne s'agit plus de secouer le joug turc, mais de préparer l'union de tous les Roumains : on sent combien le ton a dû changer. D'autre part, tirée de sa torpeur orientale, la société se cherche de nouveaux accommodements et pose aux individus des problèmes bien douloureux. Du coup, les thèmes désintéressés — l'amour, la mort, la destinée — s'accordent à une tout autre clef et gagnent en profondeur ; ils perdent cet accent de plainte personnelle et circonstanciée qu'ils portaient auparavant ; ils se dépouillent et s'élèvent.

Expression d'une société bouleversée et d'une nation plus complexe, la littérature évolue plus librement, accueille la grande vérité humaine et acquiert son sta- tut de personne morale.

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CHAPITRE PREMIER

CRÉATION ET CRITIQUE : L'ÉPOQUE D'EMINESCO (1867-1885)

§ 1. Une figure de transition : Alecsandri. — Chez Basil Alecsandri, un homme du passé, le phénomène d'émancipation que l'on vient de définir, se montre grevé des servitudes de l'âge précédent et servi par un talent aux ressources limitées. Sa vie relativement longue (1821-1890) permit à ce fils d'un « dvornik » moldave d'embrasser l'époque la plus mouvementée de son pays et d'en refléter toutes les préoccupations.

Son nom est lié aux initiatives les plus fécondes du temps. Il fonde des revues, s'agite, se fait exiler. En 1859, il est ministre des Affaires étrangères. Cette même année, il est reçu par Napoléon III, accueilli en grande pompe par Cavour. Comblé d'honneurs, il terminera sa carrière comme ministre plénipotentiaire

à Paris.

Cet homme d'action est un poète que jamais l'ins- piration ne fuit. Que n'aura-t-il chanté ? Poète de

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salon, il multiplie les pièces d'album et les flatteries votives aux belles dames : amoureux, il chante l'amour ; voyageur, il rêve d'exotisme ; patriote, il exalte la latinité de son peuple et prête sa voix aux événements qui se préparent ou s'accomplissent. Son talent est lyrique et davantage encore épique. Ce mondain aime le paysan et devient, en 1852, le premier éditeur de Ballades populaires, qu'il traduira lui-même en fran- çais (Paris, 1855) et dont nous avons signalé l'impor- tance. Il est toujours prêt à enluminer de fleurs de rhétorique les faits et gestes du passé et du présent, autant que les traditions et les superstitions populaires : ses Légendes nous conservent un de ses meilleurs titres de gloire. Il en a un second : les Pastels (1). Il y décrit en vers lè paysage oriental et méridional qu'il a connu dans ses voyages, et mieux encore celui de sa Moldavie natale. Ce sont de frais tableautins, très nets, très.

clairs, où la nature intéresse l'aquarelliste pour elle- même. Sur ces bords du Séreth, où il a élu demeure, tout le sollicite — le fleuve et le coteau, les travaux des champs et les mille incidents des saisons, les oiseaux migrateurs et les oiseaux chanteurs, les fleurs et les hommes. D'un trait léger, il esquisse une nature pittoresque et souriante, à peine voilée de mélancolie.

De bonne heure, ce poète multicorde s'est découvert une vocation d'homme de théâtre. Il cultive avec une égale désinvolture, en vers ou en prose, le monologue et la chansonnette, le vaudeville et la farce, la comédie de mœurs et la comédie sociale, le drame à sujet national ou antique. Il n'est point exigeant quant à la valeur dramatique des situations. Mais il tombait sur une époque si riche d'aspects, qu'il n'eut qu'à y puiser.

Ses personnages appartiennent à toutes les classes et

(1) Une traduction française par Georges B e n g e s c o , Bruxelles, 1902:

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à tous les métiers — paysans narquois ou naïfs, pro- vinciales entichées de bon ton et ferventes des modes de Paris, jeunes snobs frais émoulus des écoles occiden- tales, grands boyards conservateurs de leurs tradi- tions... Et voici les grands coupables — le politicien démagogue, le fermier grec, l'usurier juif, le nouveau riche à l'arrogance prompte et aux scrupules légers.

A chaque pas, présent et passé s'affrontent, se heurtent.

Les anciens s'obstinent à vivre dans leur routine, à y mourir lentement ou à se survivre ; leur élimination ou leur déchéance ne vont pas sans tristesse. Les hommes nouveaux entendent rompre tout lien avec un passé qui souvent fut le leur ; pour mieux s'adapter, ils se sont fait violence et s'en ressentent comiquement. Se pose ainsi, dans une fresque dramatique comme Sei- gneurs et parvenus (1872), tout le problème social et humain qu'entraînent les régimes naissants. Les mille incidences, douloureuses ou ridicules, du brusque changement qu'une société entière subit sans le bien comprendre ; le chassé-croisé des formes nouvelles et du fond qui demeure ; des masques distingués s'appli- quani sur les visages simplement honnêtes du terroir ; tout un jeu de physionomies, de gestes et d'accents mal adaptés à celui des sentiments et des instincts ; tout cela se traduit, non sans bonheur, dans les quelque cinquante productions dramatiques d'Alecsandri.

Cet homme, qui semble rivé au terroir, tient de son temps une autre passion : celle de l'Occident. Il avait reçu chez Victor Cuénim, à Iassy, une éducation fran- çaise qu'il vint achever en 1834-1839 à Paris, où il prendra son baccalauréat. En France, il se sent un peu chez lui, et son œuvre porte l'empreinte profonde de cette affinité. Dès 1841, l'apprenti poète publiait à Iassy une ode française « à M. de Lamartine, par un jeune Moldave », où le « barde » céleste est célébré en vers d'allure lamartinienne : double hommage. Quand

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ACHEVÉ D'IMPRIMER EN MAI 1 9 3 8

POUR LES ÉDITIONS DU SAGITTAIRE PAR LA

GRANDE IMPRIMERIE D E T ROTES

P r i n t e d i n F r a n c e

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