Ne pas oublier qu'Eschyle n'a pas écrit de didascalies; quand elles existent, c'est parce que le traducteur les a rajoutées.
Le veilleur
1° la voix qui ouvre la pièce est celle d'un veilleur, de quelqu'un qui, comme la conscience humaine, reste ou doit rester éveillé(e)
2° le veilleur est sans doute un homme âgé et pourrait, puisqu'il n'est pas parti à la guerre; il pourrait appartenir au chœur
3° le veilleur est un « petit »; comme ceux du chœur; il n'est pas un « grand » ni un héros et sa conclusion (« je parle avec ceux qui savent -donc à qui je ne trahis rien- et je me tais avec ceux qui ne savent pas -et ce peuvent être les spectateurs ») montre qu'il est prudent et mesuré. Même les gratifications qu'il a obtenues, c'est loin du palais qu'il ira en profiter...
4° La première parole -et elle sera suivie de nombreuses autres analogues- est une prière adressée aux dieux, un vœu, un souhait.. Une telle ouverture théâtrale implique au moins deux choses
que le monde des dieux et celui des hommes sont séparés (le haut et le bas?);
que les hommes par leurs voix, leur prières, leurs sacrifices essaient de se faire entendre des dieux; de ces dieux, les hommes ne reçoivent que des « signes » qu'il faut interpréter aussitôt en sachant qu'on peut dans l'interprétation se tromper...
5° Le veilleur laisse entendre aussi qu'il y a des « choses » anormales : il parle de Clytemnestre comme d'une femme-homme; il parle d'une « maison » où l'ordre ne règne plus.
6° Ce veilleur lance au moins deux grandes séries de métaphores et de comparaisons -les métaphores animales qui vont finir par constituer un « bestiaire »
-l'opposition de la nuit et de la lumière (flambeau) L'entrée du coryphée et le parodos du chœur
1° Deux interventions qui se succèdent et qui « durent »
2° Rôle de rappel (pour le spectateur d'aujourd'hui ou d'explication) mais à l'époque non.. Donc, les évocations par le chœur ont des raisons poétiques :
-la longueur des dix années d'absence.. la durée d'attente de sa vengeance (Clytemnestre) la lenteur avec lequel le temps s'est écoulé...
-par contraste bientôt la mort « rapide » d'Agamemnon -l'éloignement entre « ici » et « là-bas »
3° l'accent mis sur leur âge par le coryphée et les vieillards : -la sagesse, le savoir, l'expérience
-la faiblesse physique et politique...
4° En interrogeant le passé (départ d'Agamemnon, halte à Aulis, sacrifice d'Iphigénie..), le choeur ne permet pas seulement de connaître un contexte mais de rattacher le présent à ce qui a précédé.. et de se demander si le passé détermine le présent...
Ne jamais perdre de vue que le texte d'Eschyle est « poétique » et que ce qui semble
« réaliste » (un veilleur sur un toit] doit aussi être interprété de façon métaphorique,analogique et poétique. Il fait nuit au début de la pièce; bien sûr, il s'agit de la nuit par opposition au jour mais il s'agit aussi de la menace (le noir, l'obscurité, le danger...) et de la nuit de la condition humaine (en l'occurrence, le fait de ne pas savoir, d'être dans l'ignorance de ce qui va arriver, du sens de ce qui arrive..). Il pratique sans cesse l'art du rapprochement en suggérant qu'une chose peut -un peu, beaucoup- en être aussi (par comparaison, analogie, désignation..) en être une autre..
