• Aucun résultat trouvé

Quand les morceaux ne passent pas : quel bilan chez l'enfant ?

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Quand les morceaux ne passent pas : quel bilan chez l'enfant ?"

Copied!
3
0
0

Texte intégral

(1)

La Lettre d'Oto-Rhino-Laryngologie • N° 347 - octobre-novembre-décembre 2016 | 25

DOSSIER

ORL pédiatrique

C. Blanchet

Quand les morceaux

ne passent pas : quel bilan chez l’enfant ?

Difficulties to eat solid food in infants and toddlers

C. Blanchet*, M. Lathuillière*, M. Mondain*

* Département d’ORL et de chirurgie maxillo-faciale, hôpital Gui-de- Chauliac, CHU de Montpellier.

Chez le nourrisson, la succion-déglutition est une fonction réflexe qui apparaît dès la vie fœtale. La diversification alimentaire néces- site un apprentissage (praxies) avec un temps buccal qui devient volontaire sous contrôle cortical. Les périodes optimales d’introduction de nouvelles tex- tures correspondent à des périodes dites “sensibles”

lors desquelles l’enfant est en mesure de mettre en place ces praxies avec un minimum d’effort : entre 4 et 6 mois pour le passage à la cuiller et à partir de 1 an pour l’introduction des morceaux. La matura- tion de ces praxies a lieu progressivement jusqu’à 6 ans. La mastication mature comprend des mouve- ments d’ouverture, de fermeture et de diduction de la mâchoire, ainsi que des mouvements sinusoïdaux de la langue. Cet apprentissage s’intègre dans le développement global de l’enfant, en particulier psychomoteur, avec contrôle de plus en plus fin des coordinations mains-bouche et posturales. La découverte de nouvelles textures et de nouveaux aliments peut cependant être difficile pour l’enfant à partir de 2 ans, du fait d’une néophobie alimentaire physiologique qui peut persister jusqu’à 6 ans.

De plus en plus d’enfants consultent pour des dif- ficultés à manger des morceaux. Les causes sont

multiples, souvent imbriquées, allant d’étiologies organiques à des causes psychogènes (tableau).

Il est fondamental de bien comprendre les méca- nismes impliqués pour proposer une prise en charge adaptée. L’un des premiers éléments à faire préciser est le moment de survenue des difficultés : s’agit-il d’une difficulté récente à la prise des morceaux chez un enfant qui n’avait pas de problème jusque-là (en cas d’hypertrophie des amygdales par exemple) ou d’un enfant qui n’a jamais réussi à manger de mor- ceaux. En effet, les difficultés d’acceptation des morceaux s’inscrivent souvent dans un continuum de difficultés alimentaires que les parents (et les soi- gnants) n’avaient pas forcément repérées (exemple des problèmes d’oralité chez le prématuré avec hypersensibilité sensorielle).

Bilan clinique

Une consultation multidisciplinaire est la plus efficace pour évaluer les troubles de déglutition du jeune enfant. Le minimum requis repose sur la consultation ORL et le bilan orthophonique, si pos- sible réalisés conjointement.

Tableau. Étiologies des difficultés d’acceptation des morceaux chez l’enfant.

Étiologies organiques anatomiques

obstructives ou fonctionnelles Immaturité des praxies, problèmes

de coordination, problèmes neurologiques Problème d’intégration sensorielle ou comportemental Gingivites, caries multiples

Troubles de l’articulé dentaire Hypertrophie amygdalienne Sténose pharyngée (post-caustique)

Sténose œsophagienne Trouble du péristaltisme œsophagien,

antécédent d’atrésie de l’œsophage Dysfonction du sphincter supérieur de l’œsophage

Immaturité de la mastication et des praxies bucco-faciales sans cause neurologique avérée (retard d’acquisition)

Problème de coordination bucco-pharyngée et œsophagienne Problème de coordination mains-bouche

Trouble du tonus sensorimoteur Maladies neuromusculaires (myopathies,

myasthénie, paralysie cérébrale, etc.)

Trouble de la sensibilité (hypersensibilité sensorielle avec réflexe hypernauséeux, hyposensibilité)

Trouble du comportement alimentaire avec sélectivité en texture pathologique

(2)

26 | La Lettre d'Oto-Rhino-Laryngologie • N° 347 - octobre-novembre-décembre 2016

Résumé

De plus en plus d’enfants présentent des difficultés pour accepter et manger des morceaux. Derrière ce symptôme se cachent des réalités physiopathologiques variées dont va dépendre la prise en charge : causes organiques anatomiques, immaturité de la mastication et problème de coordination, trouble de sensibi- lité (hypersensibilité sensorielle avec réflexe hypernauséeux, hyposensibilité), trouble du comportement alimentaire avec ou sans sélectivité. Ces causes peuvent s’associer les unes aux autres. Le bilan s’attache à comprendre les différents mécanismes sous-jacents pour adapter la prise en charge à chaque enfant et à chaque famille. Le contexte et l’anamnèse sont primordiaux pour guider la suite des investigations.

L’évaluation clinique est multidisciplinaire, orthophonique et ORL. Elle peut comporter une nasofibroscopie avec essai alimentaire et être complétée par une vidéofluoroscopie de déglutition et une manométrie œsophagienne haute résolution.

Mots-clés

Déglutition morceaux Praxies bucco-faciales Bilan orthophonique Nasofibroscopie de déglutition Vidéofluoroscopie de déglutition Manométrie

œsophagienne haute résolution

Summary

Difficulties to eat solid food in infants and toddlers are an increasing cause of pediatric consultation. In fact, a lot of pathophysiologcal mechanisms can underlie this symptom:

anatomical organic causes with obstruction, immaturity of chewing and oral motor func- tions, coordination difficulties, multisensory hypersentivity with hypersentive gap reflex, selective intake or behavioral eating disorders. All these causes can be associated with each other. The clinical assess- ment aims to identify the causal factors to adapt cares to the specific needs of the child and its family. A multidisciplinary team, including a speech therapist and an ENT doctor can provide the first essen- tial step of the assessment, with a fiberoptic endoscopic evaluation of swallowing. A videofluoroscopic swallowing evaluation and a high resolu- tion mano metry may be useful to complete the assessment.

Keywords

Solid food swallowing Oral motor function Speech therapy Fiberoptic endoscopic evaluation of swallowing Videofluoroscopic swallowing evaluation

High resolution esophageal manometry

Anamnèse

L’anamnèse, fondamentale, permet de comprendre le contexte. Cette anamnèse recherche :

les antécédents familiaux (troubles des conduites alimentaires) ;

les antécédents anténataux et périnataux (terme, déroulement de l’accouchement, nécessité de ven- tilation mécanique, d’alimentation entérale notam- ment chez le prématuré) ;

les antécédents médicaux et chirurgicaux pouvant être à l’origine de difficultés alimentaires (antécédents cardiaques, malformation digestive).

Le déroulement initial des prises alimentaires est étudié (modalités d’allaitement et des tétées). L’âge de la diversification (âge d’introduction de la cuiller, puis des morceaux) est noté (périodes sensibles res- pectées ?). Les textures actuellement acceptées sont analysées (sélectivité ?), ainsi que le déroulement du repas (installation, personne référente faisant manger l’enfant, etc.).

La présence de fausses routes est recherchée (fausse route à la salive, aux liquides ou aux morceaux avec antécédent de blocage alimentaire), ainsi que l’exis- tence d’une dysphagie (gêne au passage pharyngé et œsophagien des morceaux).

Enfin, sont abordés :

le vécu parental face à ces difficultés d’alimen- tation de l’enfant (peur panique d’étouffement et éviction de tout morceau, sentiment d’incompé- tence, etc.) ;

le retentissement sur la vie sociale de la famille (difficulté de mise en collectivité du fait de l’absence de prise de morceaux, projet d’accueil individualisé, etc.).

Premier temps du bilan orthophonique L’orthophoniste débute son bilan par une phase d’ob- servation du comportement de l’enfant vis-à-vis de sa bouche : succion du pouce, d’une tétine, etc.

Elle recherche la persistance anormale des réflexes oraux archaïques, la présence d’un réflexe nauséeux trop marqué ou trop antérieur, ainsi que d’autres hypersensibilités sensorielles (tactiles, olfactives, auditives ou visuelles). Elle fait une analyse des

praxies bucco-labio-faciales et des praxies verbales, puis s’intéresse au tonus, à la motricité et recherche des particularités tonico-posturales. Elle observe la déglutition salivaire (bavage ?), le mode de respira- tion, nasal ou buccal, et la posture linguale de repos.

Examen ORL

Eléments morphotypiques, paires crâniennes et flux nasal sont analysés. La cavité buccale est inspectée : articulé dentaire, état bucco-dentaire, volume et mobilité de la langue, brièveté du frein de langue, intégrité du palais dur et du voile du palais, présence d’une hypertrophie amygdalienne gênant le passage des morceaux et présence de salive dans la cavité buccale.

L’examen se poursuit par une nasofibroscopie, sans puis avec essai alimentaire si possible, dans un envi- ronnement sécurisé (matériel d’aspiration préparé, ballon pour oxygénation avec masque facial adapté à l’âge de l’enfant à disposition). Un jeûne de 2 heures est préférable pour éviter toute régurgitation ou tout vomissement lors de l’examen. Des nasofibroscopes pédiatriques de moins de 3 mm de diamètre sont actuellement disponibles, permettant de réaliser un examen atraumatique et non douloureux. Le plus désagréable est le passage des fosses nasales.

La nasofibroscopie est réalisée l’enfant assis sur les genoux d’un parent afin de pouvoir proposer un essai alimentaire en fin d’examen. Cet examen permet d’analyser la filière aéro-digestive des fosses nasales au larynx. Il permet de rechercher un obstacle anato- mique, une malformation, une inflammation (signes indirects de reflux pharyngo-laryngé), un trouble de mobilité vélaire ou laryngée et la présence de stases de salive ou de sécrétions pharyngées. La qualité de la déglutition de la salive est observée. La sen- sibilité pharyngée peut être analysée en touchant la paroi pharyngée postérieure si les circonstances le permettent.

Pour compléter l’examen, un essai alimentaire est proposé (1, 2). Cependant, cet essai est contre- indiqué en cas de problème de vigilance ou de troubles de déglutition sévères avec fausses routes salivaires et stases.

Dans les cas favorables, plusieurs textures peuvent être essayées : liquides, liquides épaissis, mixés, voire morceaux, mais uniquement chez les enfants très

(3)

La Lettre d'Oto-Rhino-Laryngologie • N° 347 - octobre-novembre-décembre 2016 | 27

DOSSIER

coopératifs qui comprennent l’examen. Pour une meilleure analyse, les liquides utilisés sont colorés (lait, colorant alimentaire ajouté à de l’eau, etc.).

Plusieurs contenants peuvent également être uti- lisés (seringue, verre, cuiller, paille pour les liquides).

L’orthophoniste gère la proposition des aliments et surveille le temps buccal, en se plaçant à hauteur de l’enfant. Si la déglutition est correcte avec une bonne coordination oro-bucco-pharyngée, le passage de l’aliment n’est pas visible au moment du temps pharyngé de la déglutition, et c’est par l’existence de stase résiduelle ou de présence de colorant au niveau des cordes vocales que des fausses routes peuvent être suspectées. Un défaut de continence de l’isthme vélo-pharyngé pendant le temps buccal prépara- toire peut être mis en évidence via la visualisation de l’aliment dans les vallécules avant que la propulsion linguale ait eu lieu. La coordination entre le temps buccal et le temps pharyngé peut être étudiée.

Fin du bilan orthophonique – Observation d’un temps de repas

En fonction du résultat de la nasofibroscopie, une observation de prise alimentaire peut terminer le bilan. Différentes textures sont là aussi proposées, en laissant si possible un choix d’aliments à l’en- fant. L’orthophoniste évalue les capacités masti- catoires lors du temps buccal : capacité à réaliser des mouvements latéraux sinusoïdaux de langue pour transporter le bol alimentaire, indépendance des mouvements de la langue et de la mâchoire, présence de mouvements parasites, etc. La propul- sion est également analysée (sphinctérisation avec occlusion labiale et dentaire, appuis linguaux), ainsi que l’ascension du larynx lors de la déglutition, la présence d’une toux et la clairance buccale après la déglutition. Les capacités de coordination mains- bouche et les difficultés posturales sont également notées.

Synthèse de la consultation

Au terme de cette évaluation, une synthèse est res- tituée aux parents sur les mécanismes des troubles, la nécessité ou non de bilans complémentaires. Des conseils sont donnés pour adapter l’alimentation aux possibilités de l’enfant, et une prise en charge multidisciplinaire est souvent proposée.

Vidéofluoroscopie de déglutition et autres examens complémentaires

L’examen nasofibroscopique de déglutition n’analyse que mal la sous-glotte et pas du tout la trachée ni l’œsophage. De plus, certaines fausses routes peuvent être difficiles à voir.

Une vidéofluoroscopie de déglutition peut compléter l’examen ORL. Cet examen radiologique nécessite une équipe formée, acceptant de positionner l’enfant dans une posture compatible avec la prise alimen- taire. Des aliments de différentes textures, mélangés à de la baryte, peuvent être proposés dans différents contenants. Cet examen analyse la dynamique du carrefour pharyngo-laryngé et peut visualiser tous types de fausses routes. Le temps œsophagien est également accessible, avec analyse de la motri- cité (défaut d’ouverture du sphincter supérieur de l’œsophage, trouble de synchronisation pharyngo- œsophagien, achalasie). Des signes de compression de l’œsophage (malposition vasculaire), de commu- nication anormale trachéo-œsophagienne (fistule), de malposition du cardia ou de l’estomac et de reflux gastro-œsophagien sont recherchés (3).

La manométrie œsophagienne haute résolution, réalisable dès la première année de vie par cer- taines équipes, peut également être très utile pour analyser les troubles œsophagiens (anomalie du péristaltisme, dysfonction du sphincter supérieur de l’œsophage, achalasies, etc.) [4, 5].

Conclusion

Les difficultés pour manger des morceaux sont fré- quentes chez l’enfant, mais peuvent être dues à des mécanismes physiopathologiques très variés qui s’im- briquent les uns avec les autres. Comprendre ces méca- nismes est fondamental pour proposer une prise en charge adaptée. L’évaluation est tout d’abord clinique, multidisciplinaire, associant un bilan orthophonique avec un examen ORL incluant une nasofibroscopie avec essai alimentaire. Une vidéofluoroscopie de déglutition, voire une manométrie œsophagienne haute résolution peuvent compléter le bilan clinique.

C. Blanchet déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

M. Lathuillière et M. Mondain n’ont pas précisé leurs éventuels liens d’intérêts.

1. Hartnick CJ, Hartley BE, Miller C, Willging JP. Pediatric fiberoptic endoscopic evaluation of swallowing. Ann Otol Rhinol Laryngol 2000;109(11):996-9.

2. Sitton M, Arvedson J, Visotcky A et al. Fiberoptic endos- copic evaluation of swallowing in children: feeding outcomes related to diagnostic groups and endoscopic findings. Int J Pediatr Otorhinolaryngol 2011;75(8):1024-31.

3. St Pierre AE, Reelie BA, Dolan AR, Stokes RH, Duivestein JA, Holsti L. Terms used to describe pediatric videofluoros- copic feeding studies: a Delphi survey. Can J Occup Ther 2012;79(3):159-66.

4. Goldani HA, Staiano A, Borrelli O, Thapar N, Lindley KJ et al.

Pediatric esophageal high-resolution manometry: utility of

a standardized protocol and size-adjusted pressure topo- graphy parameters. Am J Gastroenterol 2010;105(2):460-7.

5. Singendonk NM, Kritas S, Cock C et al. Applying the Chicago Classification criteria of esophageal motility to a pediatric cohort: effects of patient age and size. Neuro- gastroenterol Motil 2014;26(9):1333-41.

Références bibliographiques

Références

Documents relatifs

Cet écrit de recherche sera un aller-retour permanent entre l’intériorité du sujet- élève et les réponses professionnelles de l’enseignant autour du questionnement suivant : Quand

[r]

Molet nous font part des dernières connaissances sur ce virome cutané, nous rappellent les déficits immunitaires favorisant les infections cutanées à Papillomavirus et présentent

Si la déglutition est correcte, avec une bonne coordination oro-bucco-pharyngée, le passage de l’ali- ment n’est pas visible au moment du temps pharyngé de la déglutition, et

Le diagnostique étiologique d’une surdité de perception chez l’enfant reste parfois difficile, en particulier dans des causes rares, comme la toxoplasmose congénitale, mais

John E.G. On peut suivre ainsi dès l'origine jusqu'aux Bacchantes 11 l'évolution des procédés et des techniques permettant la mise en œuvre de cette séquence

¾ ¾ Le + probable : retard dans dé Le + probable : retard dans d éveloppement et maturation du veloppement et maturation du systè syst ème nerveux central ( me nerveux central

6) d'élaborer, en consultation avec d'autres parties concernées et dans le cadre de la fonction normative de l'OMS, des principes directeurs concernant ^utilisation, dans les