Article original
Comportement hydrique au cours
de la saison sèche et place dans la succession
de trois arbres guyanais : Trema micrantha,
Goupia glabra et Eperua grandiflora
DY Alexandre
ORSTOM, Cayenne, Guyane (Reçu
le 8janvier
1990;accepté
le 19 mai1990)
Résumé — Le
potentiel hydrique
debase,
lepotentiel hydrique
minimal et la conductance stoma-tique
maximale ont été mesurés sur 2 arbrespionniers (Trema micrantha, Goupia glabra)
et un ar-bre forestier
(Eperua grandiflora)
au cours des 2périodes
sèches de1987,
àCayenne, Guyane française.
Tréma est localementspontané
tandis que lesgoupis proviennent
de sauvageons trans-plantés
et les wapas de semis. Lesplants
des 3espèces
ont environ 2 ans etdemi, puis
3 ans aumoment des mesures. Les résultats montrent des différences de
comportement importantes
entreles 3
espèces.
Tréma maintient unpotentiel hydrique
et unetranspiration
élevés(mais perd
une par- tie de sa surfacefoliaire)
tandis que legoupi
accuse une forte baisse depotentiel
et doitréguler
satranspiration.
Lecomportement
du wapa est intermédiaire. Les mesures de laboratoire ont montré que la teneur en matière sèche desfeuilles,
la teneur en eau àperte
deturgescence,
la teneur eneau sublétale et celle de fanaison
augmentent
du tréma augoupi puis
au wapa. Lepotentiel
osmo-tique
estplus
bas chez le wapa que chez les 2 autresespèces
et latranspiration plus rapide
chez letréma que chez les 2 autres. Ces différences sont en
grande partie
liées à lamorphologie
racinairedes 3
espèces.
Trema micrantha /
Goupia glabra
/Eperua grandiflora
/Guyane française
/potentiel hy- drique
/ conductancestomatique
Summary —
Water characteristics and successionalposition
of three treespecies
In FrenchGuyana
in thedry
season: Tremamicrantha, Goupia glabra, Eperua grandiflora.
Predawn wa-ter
potential,
minimum waterpotential
and maximum stomatal conductance were measured in2 pio-
neer
species (Trema
micrantha andGoupia glabra)
and a forest tree(Eperua grandiflora) during
the2
dry spells
in 1987 atCayenne.
1987 was a verydry
year but cannot be considered asexceptional.
Trema
growth
wasspontaneous, Goupia
was grown fromtransplanted
wildseedlings
andEperua
was
directly
sown. All were about3-y-old.
Results show marked differences between the 2
pioneer species.
Trema maintains ahigh
water po- tential andtranspiration (but
a decreased foliararea)
whileGoupia
endures a low waterpotential
and closes its stomata.
Eperua
appears intermediate.Laboratory
measurements show adry
matter content, aturgescence
lostpoint,
a sublethal RWC and awilting
RWCincreasing
from Trema toGoupia
and fromGoupia
toEperua.
Osmoticpotential
is lower forEperua
andtranspiration speed higher
for Trema than for the other 2species respectively.
All in all there is ageneral
behavioural* Adresse actuelle :
ORSTOM, Ouagadougou,
BP182, Ouagadougou,
Burkina-Fasogradient
from alarge
waterexpenditure
in theearly
successionalspecies to
atighter
water control inthe late successional
species.
The main reason for these differences may be found in the root mor-phologies.
tropical
forest / waterpotential
/ stomatal conductance / FrenchGuyana
/ Trema micrantha /Goupia glabra /Eperua grandiflora
INTRODUCTION
La
Guyane française appartient à
la zoneclimatique de la forêt dense humide subé-
quatoriale qui pourrait
sedéfinir par l’ab-
sence de contraintes
hydriques majeures
pour la
végétation. Ainsi,
àCayenne,
lapluviométrie moyenne annuelle
estproche
de
3 000 mm,soit deux fois supérieure à
la demande évaporatrice.
Apriori,
le fac-teur
hydrique
n’estdonc pas celui qui dé-
termine le plus la végétation, si
ce n’estpar son
excès.
Globalement
cepoint
de vue est peucontestable;
enrevanche,
lavariabilité
tantinter- que intra-annuelle de la pluviosité (Alexandre, 1989)
et lesconditions pédolo- giques
oubiologiques
desstations
peu- ventconférer
unegrande importance
auxpetites différences
decomportement
dechaque espèce. C’est
sur desplantes jeunes, plus fragiles,
moins bien enraci-nées
et enmilieu
ouvertque
lacontrainte
hydrique peut
serévéler importante
et unfacteur de différenciation de la végétation.
MATÉRIEL
ETMÉTHODE
Les mesures ont été conduites à
Cayenne,
surun site en bordure de la réserve forestière du
Montabo,
sur 2espèces pionnières
bien carac-téristiques :
Trema micrantha etGoupia glabra (le goupi).
Ces deux arbresprésentent
l’avan-tage,
sur leplan
del’expérimentation écophysio- logique,
deposséder
une architectureidentique (modèle
deRoux,
Hallé etOldeman, 1970)
etdes feuilles de taille et de
disposition
sem-blables.
Les
plants
de Trema micrantha sontsponta-
nés et datent de fin
1985, époque
àlaquelle
dejeunes plants
deGoupia glabra, prélevés
enforêt, piste
deSaint-Elie,
ont étérepiqués.
Lestréma
atteignent
une hauteur de 8 m pour une circonférence de28,5
cm à 1,30 m. Lesgoupi,
au nombre de
16, atteignent 3,65
m(moyenne
2,78m)
pour un diamètre de 18,3 cm(moyenne 10,0 cm).
Des mesures
complémentaires
ont été effec-tuées sur d’autres
espèces héliophiles égale-
ment
spontanées, présentes
surplace (Cecro- pia palmata, Didymopanax morototoni,
Solanumsurinamense...). Toutes
ces mesures ont appor- té des résultats trèsproches
de ceux obtenusavec Trema micrantha.
Quelques
mesures ontégalement
étéconduites sur
Eperua grandiflora (ou wapa).
Ils’agissait
de brins issus d’un semis surplace
enjanvier
1985. Le wapa est ungrand
arbre fores- tier dontl’écologie
a faitl’objet
de travaux ré-cents
(Forget, 1988).
Lapetite
taille(40
cm dehaut)
desquelques
brins survivants de cette es-pèce,
ici bien en dehors de son habitatnormal, explique
lepetit
nombre de mesureseffectuées, malgré
l’intérêtqu’elles
auraient puprésenter.
II faut noter que
Goupia glabra
est totalementabsent de l’Ile de
Cayenne
et de la réserve fo- restière du Montabo enparticulier,
mais devient très abondant à sapériphérie.
Nous en avonsainsi rencontré et étudié
d’importantes popula-
tions dans le
périmètre
ONF de Macouria ainsi que CheminMogès
àStoupan,
à environ 15 km deCayenne.
Chez le
goupi,
comme chez touteespèce plastique (Bannister, 1971),
les caractères éco-physiologiques peuvent
différer defaçon
sen-sible selon le site de croissance. Sur la
piste
deSaint-Élie
nous avons observé des feuilles degoupi plus grandes, plus épaisses, plus
richesen matière sèche et avec une conductance sto-
matique
maximaleplus
élevéequ’à Cayenne.
D’après
les mesures de Colin(Colin,
1989 in La- coste,1990),
ce dernier caractèrepeut
être rap-porté
à l’humiditéatmosphérique
élevée enforêt. Il
importe
donc desouligner
que tous lesparamètres rapportés
ci-dessousproviennent
du site de
Cayenne.
Les mesures effectuées ont
porté
sur les pa- ramètres habituels. Insitu,
nous avons mesuré lepotentiel
debase,
lepotentiel
minimal et laconductance maximale. Ces mesures ont été
complétées
au laboratoire par desexpériences
conduisant à la courbe
pression-volume,
au défi-cit sublétal ou à la
cinétique
detranspiration
derameaux
coupés.
Mesures de
potentiel
Le
potentiel hydrique
de base(Aussenac, 1985)
et le
potentiel
minimal ont été mesurés à l’aide d’une chambre àpression
PMS(PMS
Instru-ment
Co, Corvallis, OR, USA).
Quand les sto-mates sont
fermés,
la mesure ne pose pas deproblèmes (potentiel
de base oupotentiel
mini-mal de
plantes stressées).
Quand lesplantes transpirent activement,
lepotentiel
s’abaissetrès
rapidement
au cours de la mesurejusqu’à
la fermeture
hydroactive
des stomates. Afind’obtenir une estimation du
potentiel
invivo,
ona effectué les mesures de
façon
trèsrapide
etchronométrée sur des
couples
de rameaux. Encorrélant la différence de
potentiel
observéeavec la différence de durée de mesure, on ob- tient un facteur de correction
qui permet
d’esti-mer le
potentiel
in vivo.Sur
goupi
ettréma,
nous avons effectué les mesures sur des extrémités de rameaux com-portant
3 ou 4 feuilles. PourEperua grandiflora,
on a utilisé la
partie
terminale de la feuille avec 2paires
de folioles.Les mesures de
potentiel
minimal ont été ef-fectuées vers 13
h,
heure locale(=
heure so-laire).
Conductances stomatiques maximales
Les mesures de conductances
stomatiques
ontété effectuées à l’aide du
poromètre
à diffusion MK3 de Delta-T Devices(Cambridge, UK).
Compte
tenu de l’humiditéambiante,
la gamme de mesure utilisée est cellequi
fait passer l’hu- midité relative de la chambre de 0,65 à 0,75.Les mesures sont effectuées sur la 4e feuille
en
partant
de l’extrémité des rameaux. Enpé-
riode de
croissance,
c’est souvent la feuille dece rang
qui
montre la conductance laplus
éle-vée et la variabilité la
plus
faible. Lafigure
1illustre ce fait à
partir
d’une série de mesures sur legoupi.
Le trémaréagit comme
legoupi
mais
possède
moins de vieillesfeuilles;
chez le wapa, lesjeunes feuilles,
colorées en rouge, ontune conductance
proche
de 0. Cette résistance élevée desjeunes
feuillesirrégulière
pour lesplus vieilles,
a été observée chez d’autres es-pèces tropicales
par Reich et Borchert(1988).
Sur
chaque plante
on mesure la conductivité de 4 feuilles situées aux 4points cardinaux,
à mi- hauteur dufeuillage. Compte
tenu de la variabili- té des mesures et de laprécision possible,
on amesuré la conductivité sur 4 individus pour le
goupi,
3 pour le tréma et 2 pourEperua grandi-
flora. Tous les arbres rencontrés ont des feuilles
hypostomatiques,
aussi les mesures de conduc-tance ont-elles été limitées à la face abaxiale.
Moyennant
unéquilibrage thermique
suffi-sant, un entretien
soigneux
de lapropreté
de lacuvette et un
étalonnage
àchaque
série de me-sures, la
précision
finale est de l’ordre de 5%pour les conductances moyennes, allant de
0,1
à 1 cm/s, cequi
est tout à fait satisfaisant. Pour les valeurs très élevées ou très faibles deconductance,
pourlesquelles
lesproblèmes techniques
ne sont pasrésolus,
l’incertitude est de l’ordre de 25%.En saison
sèche,
chez ungrand
nombred’espèces,
la conductanceaugmente rapide-
ment le matin
puis
diminueprogressivement
aucours de la
journée (résultat
nonpublié).
Afind’estimer la conductance
maximale,
les me-sures ont donc été
effectuées,
dans la mesure duposible,
en milieu de matinée.Autres
mesuresLes courbes
pression-volume,
les déficits sublé- taux et les mesures detranspiration
de ra-meaux
coupés
ont été obtenus avec une ba- lance Mettlerélectronique,
sensible au mg. Ce matérielpermet
ungain
detemps inestimable,
mais nesupporte
pas les variationsrapides
d’humidité relative
(HR)
et detempérature
duterrain. Toutes les
pesées
ont donc été effec-tuées au laboratoire. Les échantillons ont été saturés à l’obscurité et à
7°C, puis
séchés à80°C. Pour le déficit sublétal
(DSL),
lestemps
de ressaturation
adoptés après
essais sont de 6et 24 h. Pour les courbes
pression-volume,
nous avons
adopté
unprotocole discontinu,
avec
pesée
du rameau +joint
àchaque
pres- siond’équilibre
obtenue dans la chambre PMS.Les
transpirations
de rameaucoupé
ont été sui-vies à l’intérieur d’une enceinte ventilée de notre fabrication
(éclairement
de 250-350W/m 2 obte-
nu par
lampe
àiode, lampe
à mercure et filtre àeau;
température
28°C et HR 60% contrôlées par climatiseur etdéshumidifieur).
Les courbespression-volume,
celles detranspiration
et lesdiagrammes
de ressaturation ont étéexploités graphiquement.
Le tréma et le
goupi
nepossèdent
pas de gomme ou de résinesusceptibles
de boucherles vaisseaux et de
gêner
la ressaturation du matériel. Enrevanche,
chez le wapa, ce genre deproblème peut
seproduire
comme en témoi-gnent quelques apparentes
sursaturations avec du matériel blessé. Les résultats concernant le wapa sont àinterpréter
avecprudence.
La
pluviométrie
est mesurée avec unpluvio-
mètre standard relevé
quotidiennement
à 18 h.L’indice foliaire de tréma a été estimé par
point-contact
avec uneperche
verticale enprofi-
tant du
port
fortementplanophile
de l’arbre.RÉSULTATS
L’année 1987
aété particulièrement sèche,
avec un«petit été de
mars»très
accusé. La faible pluviosité
ades réper-
cussions
surla végétation
commel’indi- quent les figures
2 et 3.Le comportement du tréma
etcelui du
goupi
sontbien différents. Tréma
conserve unpotentiel de base proche de
0 et unetranspiration élevée contrairement
augoupi qui voit
sonpotentiel dimuner forte-
ment etqui finit par fermer complètement
ses stomates.
Le comportement du wapa semble intermédiaire
entre celui dutréma
et dugoupi,
cequi
estparadoxal
sil’on
considère que le goupi
estsitué
entrele tréma, espèce très héliophile,
etle wapa,
sciaphile. La différence
decomportement
entre le
goupi
et letréma
est visiblelors
des
2épisodes
secsde l’année
1987.Ce-
pendant des différences apparaissent quant à
lareprise d’activité
normale au re- tour despluies.
Lorsdu petit été de
mars,où la sécheresse du milieu
n’est querela-
tive, la reprise de la transpiration
oula
re-montée des potentiels
sonttrès rapides, particulièrement dans le
casdu tréma. Au contraire,
au coursde
lasaison sèche d’août à décembre,
ledéficit hydrique
estconsidérable
etles arbres
nereprennent que lentement leur pleine activité transpira-
toire. En fin de saison sèche,
on constate que lepotentiel du wapa descend
au-dessous de celui du goupi
etque
sa re-prise
estparticulièrement lente. La plante
semble
touchée dans
sesmécanismes
in-ternes, alors
quelors de l’épisode précé-
dent, elle avait émis,
enpleine période
sèche, des
feuilles neuves, traduisantainsi
un bonétat
desanté.
Les testsde
la-boratoire confirment
cettedifférence de sensibilité à
lasécheresse.
Considérons
toutd’abord les
teneurs enmatière sèche
desfeuilles
tellesqu’on peut les
calculerà partir
desnombreux
échantillons
prélevés.
Elles sont enmoyenne
de 31 ±0,5
cheztréma, 33,1
±0,5 chez le goupi
et41,0
±0,4 chez
lewapa. Ces différences
sontstatistique-
ment
hautement significatives.
Les
courbes pression-volume (fig 4)
sont
utiles pour déterminer
lapression
os-motique à
saturation(Tyree
etHammel, 1972). Elles
montrentque
le wapa a unpotentiel osmotique (π 0 ) différent
decelui
du tréma
oudu goupi. À partir de l’en-
semble des courbes,
nous avons eneffet
desπ 0
moyen de13,0
±0,6
bars(n
=4)
pour le
goupi; 13,8
±0,6
bars(n
=3)
pourle tréma
et de16,0
±1,7
bars(n
=3) pour
le wapa.Les
différences
ne sont passignifica-
tives.
Les
teneurs en eau,à turgescence nulle, déterminées
comme étant celles àpartir desquelles
les courbespression-
volume deviennent linéaires,
sontde
70%pour tréma,
85%pour goupi
et 90%pour
wapa, ce
qui
va bien dansle
sensd’une
baisse avecla xérophilie croissante,
comme
indiqué par Jane
etGreen (1983).
Les
effectifs
sontcependant trop faibles
pour
que
lesdifférences
soientconsidé- rées
commesignificatives.
Le
déficit sublétal
est un assezbon
in-dice
de larésistance cytoplasmique à
la di-minution
de la teneur en eau(Oppenhei-
mer,
1963; Kapos
etTanner, 1985;
Rychnovskà-Soudkovà, 1963). L’interpré-
tation des valeurs obtenues
restedifficile
etparfois subjective. On obtient parfois,
aubout de temps
detranspiration très longs, une ressaturation,
voire unesursaturation
rapide des feuilles qui
n’aplus
riende phy- siologique.
Ilimporte
donc devérifier la ré-
gularité de l’évolution
desvaleurs
en fonc-tion du temps
dedessèchement.
Compte
tenude
cette remarque,les dé-
ficitssublétaux observés
au cours dessé- ries
de mesures lesplus régulières (fig 5)
chez nos 3
arbres
sont de :48% Trema
micrantha,
66%(Goupia gla- bra)
et 88%(Eperua grandiflora).
Il y
aurait donc
unétalement des
va-leurs
avec unecorrélation
entrehéliophilie
et résistance
physiologique
à ladiminution
de la teneur en eau.
Rermarquons que
ledéficit sublétal
detréma,
bienqu’inférieur à
ceuxdes
autresespèces
estatteint beaucoup plus vite
par cetteplante (1
henviron
dansles condi-
tionsde l’expérience, c’est-à-dire
ausoleil)
que par
les 2 autresespèces (environ
3h).
Au
cours desexpériences de déficit sublétal,
nous avonseffectué quelques
observations
surle flétrissement (fanai- son).
Ilapparaît
unedifférence marquée
en
rapport
avecla rigidité
des feuilles :-
le tréma fane bien
avantd’atteindre le déficit sublétal;
-
le goupi
fane(faiblement) quand
ilatteint
le déficit sublétal;
-
le wapa
nefane jamais (feuilles adultes).
La valeur du
déficit sublétal
n’estque
re-lative : elle
estplus
oumoins facilement
at- teintepar
laplante
selon sonaptitude à puiser
l’eau(fonction
de sonenracinement
etde
sonpotentiel),
ouà limiter
sondépart (fonction de la surface foliaire et, surtout, du contrôle stomatique
etcuticulaire).
La
pesée des
rameauxcoupés
estriche
d’informations. La figure
6illustre le type de réactions observées. Nous
avons re-groupé dans le tableau I les principales
ca-ractéristiques déduites de l’ensemble
descourbes : le point de début
et defin
defer-
meture
stomatique exprimé
en pourcen-tage de
contenu en eau, letemps
pour at- teindre lapleine fermeture,
lapente
de lapremière
et de la deuxièmepartie
droite dela courbe, enfin
letemps pour
atteindre le déficit sublétal. Lescinétiques de transpi-
ration
sontd’ordre
1 : lesquantités
d’eautranspirées
sontproportionnelles
auxquantités
restantes dans lesfeuilles (Laouar, 1974). La première partie droite correspond
à latranspiration stomatique
etla
deuxième à
latranspiration cuticulaire.
Sur la figure 6b,
onobserve
un casde
nonrégulation stomatique chez tréma. Il s’agit
d’un artefact,
carle phénomène
seproduit
sur rameau
coupé,
mais il estintéressant
de lesignaler,
car il ne s’observeque
sur desespèces très héliophiles
comme lesCecropia, les Inga
ou, enCôte d’Ivoire, Terminalia ivorensis. Le fait qu’on l’observe plutôt
enair
secque
sousfort éclairement semble indiquer que l’absence de régula-
tion
stomatique
estliée à
unedéshydrata-
tion
de l’épiderme foliaire.
On constate
que
legoupi
atrès
exacte-ment les
mêmes caractéristiques que le
wapasauf
pour latranspiration cuticulaire, plus
faible chez cedernier. La transpiration
très forte du tréma
estnormale pour
uneespèce à croissance très rapide. Tréma transpire plus
que legoupi
ou le wapa etmalgré
unerégulation stomatique précoce
dans le
temps,
ilatteint rapidement des
valeurs très basses de
teneur en eau.Sa
régulation transpiratoire liée à
la surfacefoliaire totale s’ajuste, grâce à
unrenouvel-
lement
très rapide des feuilles; nous
avonsainsi estimé l’indice
foliaireà
2 en saisonhumide
et moins de 1 en saisonsèche. Le
goupi
etle wapa jeunes
neprésentent pas
deréduction
sensible de la surface foliaire.La fanaison des
feuilles
de tréma est comme unerégulation supplémentaire,
enréduisant l’apport
delumière (Chiariello
etal, 1987).
La
figure
7représente
lesystème raci-
naire des 3
espèces.
Lesdifférences
mor-phologiques
sontconsidérables. Tréma
possède
unsystème de racines extrême-
mentsimple :
1disque
ouplateau
de ra-cines
à la surface
du sol et un courtpivot qui
seprolonge, vraisemblablement très
profondément, par des racines fines. Chez
legoupi, les
racineshorizontales
sontéga-
lement les
plus développées,
mais elles neforment
pas undisque
comme chez letréma
et sont moinssuperficielles (Alexandre, 1988). Il n’y
apas de pivot pro- prement dit,
mais ungrand
nombred’axes
rayonnants;
laprofondeur atteinte
parces
axes
obliques
estfaible
chez lajeune plante. Le goupi présente
souventdes
feuilles
petites,
minces etclaires, parfois rougeâtres. L’hypothèse
d’unenématose
apu être écartée après
test avec unnémati-
cide et observation
directe
de Scotto laMassese (INRA, Antibes,
communicationpersonnelle).
Unapport de fertilisants
du commerce n’apas
eud’effets. Nous pen-
sons que
la plante peut présenter
unediffi-
culté
demicorhization qui
accroîtles ris-
ques
de déficit hydrique. Les quelques
observations effectuées
sur le wapa mon- trent unsystème
racinairecomposé
d’assez grosses racines
peu nombreusesmais profondes.
DISCUSSION
Le
fait principal qui
ressortde
cettesérie de
mesures, c’estla grande différence de comportement
entreespèces. Ces diffé-
rences sont
aggravées par la sécheresse, même
si celle-ci est peuaccentuée.
Enfait, la sécheresse de
1987 estparticulière-
ment
prononcée,
mais pasexceptionnelle.
À
BarroColorado,
sous un climat assezproche du climat guyanais, Fetcher (1979)
arrive à
uneconclusion identique.
Ilmontre
par exemple
quele potentiel de
base de Trichilia
cipo
passe de -26 barsen fin de saison sèche
à
-4dès
les pre-mières pluies. La baisse du potentiel
debase s’accompagne d’une baisse de
la conductancestomatique.
Les
espèces spontanées,
avecl’exemple de tréma,
donc à leurplace
dans la succession
végétale, souffrent
bien
moinsque
cellesqui
sont normale-ment
plus tardives,
icigoupi
et surtout wapa. Lesespèces pionnières
seraientainsi plus résistantes à
lasécheresse
que lesespèces forestières. Ceci
vadans le
sens de l’existence d’une
nécessaire
suc-cession
végétale
au sens deClements.
Il y aurait facilitation(au
sens deConnell
etSlatyer) dans la
mesureoù
lavégétation pionnière contribue à créer
une«ambiance
forestière» plus
humide que lemacroclimat.
Enfait la notion de résis-
tanceà
lasécheresse
est biencomplexe.
Il faut notamment
éviter
de couper laplante
de ses racines. En effet uneplante peut
se montrer sensiblepar
laphysiolo- gie
de ses feuilles mais en fait résistante insitu grâce à
sesracines (Aussenac
etal, 1989). Ici
lesdifférences
demorpholo- gie
racinairerencontrées
sontimportantes
et il
n’y
a pasde
doutequ’elles peuvent
avoir une
large répercussion
dans l’alimen-tation hydrique
enpériode sèche. C’est
unpoint qui
reste àapprofondir
enpriorité.
On peut parler de résistance à la séche-
resse dans les
mêmes
termesque
ceuxutilisés
pour larésistance
aux maladies. Il existe alors 3types
de résistance au senslarge : l’immunité où la plante ignore le
manque d’eau
enayant
uneabsorption
suffisante
etéventuellement des réserves,
la
résistance proprement
diteoù
laplante
limite ses
pertes,
enfinla tolérance où la
plante fonctionne
encoremalgré
unbilan hydrique déficitaire.
Aucune de
nosespèces
n’estvéritable-
ment
résistante à la sécheresse
etn’ap- proche
descaractéristiques observées
par Okali(1971)
dans laplaine d’Accra
auGhana,
avec notammentdes
teneurs eneau
critiques
de l’ordre de 30%.Si
l’ons’autorise néanmoins à parler
derésis-
tance
à la sécheresse chez
nos 3arbres,
chacun
d’eux illustre
1des
3tendances fondamentales. Tréma
est immungrâce
surtout
à
sesracines profondes, mais éga-
lement grâce à
laforte
teneur en eau deses
tissus. En
conservant unetranspiration élevée, tréma peut continuer
àcroître mal-
gré la sécheresse relative
etpeut ainsi
conserver
dans
lesrecrûs
saposition do- minante,
cequi
estnécessaire à
sasurvie
car c’est une
espèce strictement héliophile.
Cette stratégie écophysiologique le
met enrevanche à la merci d’une sécheresse trop accentuée. La stratégie
detréma
semblecaractéristique
de trèsnombreuses
es-pèces pionnières. C’est
un peu lapolitique
du tout ou rien. La conductance stomati-
que
maximalequi dépasse
2 cm/s estpar- ticulièrement élevée,
maisbien
enrelation
avec la
rapidité
de croissance(Korner
etal, 1979).
Le
goupi, lui,
estplutôt tolérant;
en effetil continue
à transpirer malgré
un bilandé-
ficitaire
etle
wapa estplutôt résistant
avecson
épaisse cuticule qui
se retrouvechez
la grande majorité des espèces les plus
«forestières».
Ce caractère
bien connu(Ri- chards, 1952)
nesemble guère avoir d’utili- té
surle plan hydrique (Kapos
etTanner, 1985). On peut être tenté de lui chercher
une autre
utilité,
commecelle de
conserverle
CO 2 respiratoire
ou d’offrir uneprotec- tion à l’encontre des maladies. L’épaisseur
de la cuticule pourrait aussi n’être que la
conséquence
d’undéficit
dansl’alimenta-
tion minérale(Peace
etMacDonald, 1981).
On
noteratoutefois que
d’autresétudes
font état d’une plus grande résistance à la
sécheresse d’espèces forestières compa-
rées à des espèces secondaires. Ainsi
enGuyane,
selonHuc
etGuehl (1989),
unautre wapa
(E falcata)
montre descaracté- ristiques de résistance supérieures à
celles de l’espèce
de recrû Jacaranda co-paia. À
BarroCollorado,
les mesures deRundel
(Robichaux
etal, 1984)
montrentque les forestières, dont Trichilia tubercula- ta,
sontplus
résistantesà
lasécheresse
quedes
secondaires commeCordia allio- dora.
En milieusubtropical montagnard,
Jane
etGreen (1983) arrive à
cettemême
conclusion.
Si l’on considère le faibledéfi- cit hydrique qui
amène à laperte
de tur-gescence, caractère qui
se retrouvechez
d’autres arbres forestiers comme
Pentacle-
thra macroloba(Oberbauer, 1982), les
ca-ractères
de résistance deviennentsimple-
ment
corrélatifs
decaractères de sensibilité.
Parcontre,
si onreplace
nos 3espèces
dansla stratégie évolutive où,
comme
l’indiquent Vartanian
etLemée (1984), le dilemne de base
estsurvivre
ouproduire,
ilapparaît
bien quela tactique
axée
sur la survie est enrapport
avec unestratégie plus générale
detype
«K» tandisque
la«gambling strategy»
desespèces
de
type
«r» ira depair
avec unecrois-
sance
maximalisée
auprix
d’unrisque accrû pour
la survie. Lastratégie
de tolé-rance du
goupi, plus primitive
selon Varta- nian et Lemée(1984),
estquant à elle,
bien en
rapport
avecl’écologie
de cetteplante qui
se montreextrêmement souple.
Nulle part dominante, elle
secomporte
trèsbien
aussibien à l’ombre qu’en pleine lu-
mière (Alencar
etAraujo, 1980; Lacoste, 1990).
REMERCIEMENTS
L’auteur tient à remercier P Cruiziat pour ses conseils dans l’élaboration du
protocole expéri- mental,
JY Pontailler pour la réalisation des fi- gures et les 2 lecteurs anonymes pour la révi- sion du manuscrit.RÉFÉRENCES
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