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La souveraineté par l extériorité. Recension et analyse des écrits de Manuel Ugarte dans les revues françaises ( )

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Varia

La souveraineté par l’extériorité. Recension et analyse des écrits de Manuel Ugarte dans les revues françaises (1899-1935)

Erwan Sommerer

Édition électronique

URL : http://cal.revues.org/2327 ISSN : 2268-4247

Éditeur

Institut des hautes études de l'Amérique latine

Édition imprimée

Date de publication : 31 juillet 2012 Pagination : 19-37

ISSN : 1141-7161

Référence électronique

Erwan Sommerer, « La souveraineté par l’extériorité. Recension et analyse des écrits de Manuel Ugarte dans les revues françaises (1899-1935) », Cahiers des Amériques latines [En ligne], 70 | 2012, mis en ligne le 01 janvier 2014, consulté le 15 décembre 2016. URL : http://cal.revues.org/2327 ; DOI : 10.4000/cal.2327

Ce document est un fac-similé de l'édition imprimée.

Les Cahiers des Amériques latines sont mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Pas de modification 4.0 International.

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par l’extériorité.

Recension et analyse

des écrits de Manuel Ugarte dans les revues françaises (1899-1935)

L

a France occupe une place de choix dans le parcours de Manuel Ugarte1. Dès 1897 ce pays est l’une de ses destinations privilégiées et il s’y installe durablement après 1922. Surtout, c’est là qu’il écrit les livres dans lesquels il développe les thèses anti-impérialistes et continentalistes qui ont fait sa renommée2. Mais ce que l’on sait moins, c’est qu’il y produisit aussi une série d’articles directement rédigés en français et

* Post-doctorant CREDA - UMR 7227 (Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 / CNRS).

1. Manuel Ugarte fut un écrivain et un militant socialiste argentin. Né en 1875 à Buenos Aires, assimilé dans sa jeunesse au modernisme littéraire, il demeure surtout connu pour son engagement en faveur de l’unité politique du continent latino-américain. Influencé par Jaurès, il adhère en 1903 au Parti socialiste argentin où il tente en vain de promouvoir une ligne anti-impérialiste et continentaliste aux côtés d’Alfredo Palacios et José Ingenieros. Il prône alors l’adaptation du socialisme aux conditions spécifiques de l’Amérique latine. Isolé dans son pays, il passe une partie de sa vie en France et devient proche dans les années 1920 de l’écrivain communiste Henri Barbusse. En 1946, il apporte son soutien à Perón qui le nomme ambassadeur au Mexique, puis au Nicaragua et à Cuba. Il meurt à Nice en 1951.

2. C’est le cas notamment de El Porvenir de la América Española (1910), Mi campaña hispanoamericana (1922) et El Destino de un continente (1923). Ces trois livres furent publiés en Espagne.

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destinés à des revues littéraires et politiques. Lors de chacun de ses séjours, que ce soit au sein de la bohème parisienne du début du xxe siècle ou des milieux d’extrême-gauche des années 1920 et 1930, Ugarte multiplie les interventions dans l’espace public. De cette activité découle un ensemble assez conséquent de textes dont seule une partie a été exploitée jusqu’à présent sans jamais faire l’objet d’une recension systématique ni d’une analyse globale. Concernant un écrivain prolifique dont les ouvrages ont marqué l’histoire de la pensée politique latino- américaine, il s’agissait donc d’un important matériau textuel laissé en friche ou traité, au mieux, de manière fragmentaire par rapport aux composantes plus visibles et plus accessibles de l’œuvre.

Il apparaissait donc nécessaire de procéder à un inventaire plus complet des écrits francophones de cet auteur aujourd’hui quelque peu oublié en France alors même qu’il y fut suffisamment estimé pour recevoir la Légion d’honneur en 1927. À l’issue d’une recherche que nous avons souhaitée la plus exhaus- tive possible3, nous avons ainsi constitué un corpus de textes qui, bien que leur parution soit étalée sur plusieurs années, sont relativement homogènes et éclai- rent significativement la pensée de l’auteur. Du fait de leur destinataire – le public intellectuel français – leur contenu possède certaines caractéristiques propres. Immergé dans une société française qui le fascine, Ugarte y amorce une réflexion approfondie sur les phénomènes de diffusion internationale des modèles littéraires et politiques. Son intérêt récurrent pour le déplacement des idées, qui fait écho à sa propre situation cosmopolite [Colombi, 2004, p. 171-184], trouve ici une expression particulière. Sans compter qu’il s’adresse au lectorat d’un pays revêtu à ses yeux du prestige d’être le principal centre culturel de son époque [Rivas, 1998].

Dès lors, ce corpus ne se contente pas d’offrir un aperçu synthétique de la pensée de l’auteur telle qu’elle figure dans ses ouvrages les plus connus. Cela suffi- rait en soi à le rendre digne d’intérêt, mais nous souhaitons défendre ici une thèse plus forte : selon nous, l’analyse de ces articles permet de découvrir une approche spécifiquement ugartienne de l’identité et de la souveraineté de la nation en situa- tion de confrontation à des influences étrangères. De ce point de vue, les textes étudiés nous semblent comporter un apport non négligeable à la théorie politique contemporaine. Pour le démontrer, nous procéderons à l’analyse de notre corpus après l’avoir présenté au préalable. Nous verrons quel rôle réservait Ugarte aux contre-influences dans la lutte contre le conservatisme et le colonialisme culturels.

3. Nous avons suivi plusieurs pistes pour délimiter notre corpus. Outre les textes cités par les biographes d’Ugarte, nous avons procédé à une recension systématique des revues susceptibles d’accueillir l’auteur afin d’y chercher des occurrences. Nous avons également utilisé les notices bio-bibliographiques qu’on y trouve parfois et qui évoquent d’autres publications de sa part.

Concernant la liste des revues latino-américanistes françaises, le travail de Marc Cheymol [1988]

nous a été très utile.

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Puis nous constaterons que l’« art social », qui conçoit l’écrivain comme porte- parole du peuple, conduit chez lui à une vision non-essentialiste de l’identité nationale. Cela nous permettra aussi de mieux comprendre son rejet de l’impéria- lisme et son appel à combattre ceux qui, au sein des sociétés latino-américaines, s’en font les promoteurs, refusent l’unité continentale et doivent être traités en ennemis intérieurs.

Recension des articles de Manuel Ugarte dans les revues françaises

Les publications d’Ugarte dans les revues françaises peuvent être divisées en deux grandes périodes qui correspondent à ses principaux séjours en France4. Lors de son premier séjour de 1897 à 1911, les thèmes abordés se partagent entre des réflexions sur la littérature et des analyses géopolitiques où il affiche son hostilité envers l’Amérique du Nord et présente ses idées anti-impérialistes.

Le cœur de ces publications est constitué d’un ensemble de textes parus dans La Revue, dont le fondateur et directeur est Jean Finot. Dès janvier 1899, alors qu’elle s’appelle encore La Revue des revues, l’auteur y fait paraître sous le nom de Manuel b. Uzarte (c’est une erreur typographique) un article intitulé « L’Amérique du Sud et la littérature française ». Il inaugure en cela une série explorant les relations entre culture, littérature et politique. Ainsi, entre 1903 et 1909, il en publie cinq autres consacrées au même sujet. Ces écrits révèlent l’influence du voyage en Espagne qu’il effectue en 1902, au cours duquel il débat avec l’écrivain Miguel de Unamuno [Galasso, 1974, t. 1, p. 109-111] et élabore ses premières analyses sur le rapport paradoxal entre la recherche d’une culture nationale et la réception des influences étrangères5. Ses réflexions à ce propos offrent un approfondissement des thèmes synthétisés dans la préface de La Jeune littérature hispano-américaine, ouvrage traduit en français en 1907.

À cette série s’ajoutent trois autres textes parus dans la même revue de façon très rapprochée : en juillet 1909, puis en mai et décembre 1910, Ugarte commente la tenue du quatrième Congrès panaméricain qui se tient de juillet à août à Buenos Aires. À cette occasion, il dresse un état des lieux alarmiste de la situation d’une Amérique latine désunie face à ce qu’il dénonce depuis plusieurs années comme

4. Le premier s’étend de 1897 à 1911 mais se compose en fait de plusieurs séjours entrecoupés de voyages aux États-Unis (1899), en Espagne (1902), en Argentine (1903) puis à Amsterdam (1904) et Stuttgart (1907) pour les Congrès de la IIe Internationale. Le second s’étend de façon plus continue de 1921 à 1935.

5. Certains textes francophones de cette période ont été traduits en espagnol et inclus dans ses ouvrages. C’est le cas par exemple dans Enfermedades sociales en 1906 (« El alma española ») et dans Las Nuevas Tendencias literarias en 1908 (« El teatro Criollo »).

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un expansionnisme nord-américain6. Ces trois articles sont les derniers que nous ayons trouvés de lui pour cette première période. D’après nos recherches, il n’a rien publié dans des revues françaises au cours des années qui s’écoulent entre son départ en 1911 et son retour dix ans plus tard, lorsqu’il s’installe à Nice7. Concernant son activité intellectuelle en France, la seule trace que nous ayons de lui après la parution de son livre phare El Porvenir de la América Española est une conférence intitulée « Les idées françaises dans l’Amérique latine », prononcée en Sorbonne le 14 octobre 1911, soit quinze jours avant qu’il ne quitte le pays.

Mais cette première période de publications ne se limite pas à La Revue. En effet, l’auteur collabore à L’Humanité nouvelle en rédigeant à plusieurs reprises en 1902 et 1903 une « Chronique des lettres latino-américaines » consacrée à des recensions d’ouvrages. La nature littéraire de la rubrique ne l’empêche pas d’y exposer ses vues politiques. Toujours dans ce même domaine, nous avons également découvert une enquête du Mercure de France sur le modernisme littéraire, dont Ugarte, invité à répondre, est encore considéré comme l’un des porte-parole. Enfin, d’autres revues accueillent des écrits plus directement politiques traitant de la thématique anti- impérialiste. C’est le cas du journal Le Courrier européen, dans lequel paraissent en février 1907 et en octobre 1909 deux textes dans lesquels il développe des idées qui seront plus tard centrales dans El Porvenir de la América española.

Selon les journaux et revues concernés, Ugarte est présenté comme un écrivain ou un membre du parti socialiste argentin, parfois plus précisément comme l’envoyé de cette organisation aux Congrès de la IIe Internationale.

Notons ainsi qu’en 1904, alors que, de retour d’un bref séjour en Argentine, il passe par Paris avant de se rendre au Congrès d’Amsterdam, La Petite République socialiste publie un entretien au thème atypique dans notre corpus, où il affirme avoir été chargé par le gouvernement argentin d’une enquête sur la législation du travail en Europe. Cette mission semble avoir existé [Tarcus, 2007, p. 667] mais nous n’avons pas trouvé la trace de ses résultats8. Nous avons toutefois inclus les quelques réponses d’Ugarte sur ce sujet dans notre analyse. Dans l’état actuel de nos recherches, cet entretien est le seul du genre.

6. Son premier texte anti-américain « El Peligro yanqui » fut écrit en France en septembre 1901 mais publié en Argentine dans El Pais le 19 octobre 1901. Il rédige à la même époque un article fondateur de son engagement continentaliste, l’unité de l’Amérique latine étant décrite comme la réponse à la menace étatsunienne (« La defensa latina », paru dans El Pais le 9 novembre 1901).

Ces deux écrits sont marqués par la volonté de présenter le point de vue français aux Argentins [Merbilhaá, 2011, p. 254-259].

7. À l’exception d’une nouvelle parue en juin 1911 (donc avant son départ), il ne publie notamment aucun texte dans la revue française mais hispanophone Mundial Magazine dirigée par le poète moderniste Rubén Darío. On y trouve simplement en février 2012 un article qui dresse un portrait de lui.

8. Le seul document qui pourrait correspondre à ce travail est un texte très général qui figure dans son livre El arte y la democracia (1905) sous le titre « Algunas bases para una legislación obrera ».

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La seconde période de publication commence à son retour en France en 1921.

À partir de cette date, on retrouve ses articles et des comptes rendus de ses activités dans divers périodiques. Trois grandes séries se suivent alors dans un ordre globa- lement chronologique. La première concerne La Revue de l’Amérique latine, ancien Bulletin de l’Amérique latine et organe du Groupement des universités et des grandes écoles de France pour les relations avec l’Amérique latine [Jarrige, 1994 ; Huerta, 2006]. Hormis deux textes en octobre 1922 et en août 1933, cet ensemble est princi- palement constitué de la parution progressive de son nouveau roman Le Chemin des dieux, notamment de février à août 1927. Ce document étant peu pertinent pour notre propos, nous ne l’avons pas intégré à notre corpus. Notons qu’Ugarte semble avoir collaboré avec cette revue quasiment jusqu’à ce qu’elle disparaisse, puisqu’après une interruption de trois ans y paraît une dernière nouvelle en février 1931.

Plus intéressantes sont les deux autres séries, aux thèmes directement politiques. Il s’agit tout d’abord de ce qui représente le cœur de l’activité d’intel- lectuel engagé d’Ugarte à l’époque, à savoir son amitié avec l’écrivain communiste Henri Barbusse et sa collaboration à sa revue Monde [Guessler, 1976 ; Sommerer, 2011]. Du premier numéro en juin 1928 – dans lequel un texte intitulé « Le problème des deux Amériques » est mis en exergue – jusqu’en août 1931, il publie six articles9. Cela constitue la catégorie la plus importante de ses interventions françaises après celles de La Revue vingt ans plus tôt. La parution intervient principalement en 1929 et 1930 et le contenu reflète les préoccupations centrales de l’auteur : l’anti-américanisme, la critique des élites argentines et de leurs liens avec l’impérialisme ou encore la valorisation des idées de Bolívar [1930(b), p. 13].

À ce titre, cette partie de notre corpus constitue sous forme synthétique un résumé précieux de sa pensée politique. Il est par ailleurs cité comme membre du comité de rédaction jusqu’à un changement de maquette en mars 1932. À cette date, sa collaboration semble avoir cessé.

Enfin, au milieu des années 1930 paraît une dernière série d’articles franco- phones dans une revue nouvellement créée, La Revue argentine [Quattrocchi- Woisson, 2008]. Comme dans le cas de Monde, on y trouve l’un de ses textes dès le premier numéro en juin 1934, suivis de trois autres jusqu’en avril 1935. Leur contenu est particulièrement intéressant pour trois raisons. Tout d’abord parce qu’on y lit – sur un mode toutefois plus général que dans le journal de Barbusse – des analyses approfondies se rapportant aux relations entre la France et l’Amé- rique latine, ainsi que des réflexions sur le néo-colonialisme. Ensuite parce que l’un des articles exprime une position rare d’Ugarte, qui tempère momentanément son anti-impérialisme et se montre plus optimiste quant à la politique étrangère américaine [1934(b), p. 21-25]. Enfin, sous un angle biographique, ces publications

9. En plus de ces articles, on trouve de brèves interventions de sa part dans ce journal. Ainsi, dans le n° 14 du 8 septembre 1928, il publie un court billet sur le pacte Briand-Kellog.

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correspondent à une période troublée du parcours de l’auteur, en difficultés finan- cières, de retour à Paris après la vente forcée de sa maison niçoise et sur le point de céder sa bibliothèque afin de payer son retour en Amérique latine.

Ces trois séries ne couvrent pas la totalité des écrits d’Ugarte dans des revues ou journaux français10. Ainsi, La Revue mondiale (qui a pris la suite de La Revue) publie en 1922 un long texte intitulé « Les révolutions de l’Amérique latine ». Il peut sembler assez surprenant de constater à ce propos qu’il s’agit de son seul article dans une revue qui avait accueilli bon nombre de ses réflexions lors de son premier séjour. Sans pouvoir la valider pour l’instant, nous émettrons l’hypothèse que la mort de Jean Finot en 1922 a pu modifier la nature des relations entre Ugarte et la rédaction de la revue, alors reprise en main par son fils Louis-Jean.

Ce seul article n’en est pas moins très précieux pour notre analyse. C’est aussi le cas, dans une moindre mesure, pour deux écrits au contenu politique parus dans L’Europe nouvelle en 1926 et 1928 (consacrés à la conférence panaméri- caine de La Havane), et plus tardivement pour une intervention dans le Journal du commerce en 1933. Ces quelques publications complètent notre corpus sans toutefois que des idées nouvelles y soient spécifiquement introduites11.

Contre-influences et découverte de l’identité nationale

Une grande partie de notre corpus concerne les relations entre littérature et politique. Ugarte y aborde le thème du mimétisme culturel et de la circulation des modèles au prisme des liens entre la France, l’Espagne et l’Argentine. Jusqu’en 1911, lors de ses premiers séjours parisiens, ses réflexions sur le sujet constituent ainsi la première étape de structuration d’une pensée qui, dès cette période fonda- trice, apparaît éloignée du nationalisme auquel il a parfois été identifié [Galasso, 1985, p. 43-46 et p. 83-85]. En effet, même si la réticence envers les influences étrangères et les processus d’importation idéologique traverse incontestablement l’œuvre de cet auteur12, les articles publiés au début du xxe siècle offrent une

10. Pour cette période, notons que nous n’avons logiquement trouvé aucun texte d’Ugarte dans la revue profasciste Latinité qui paraît en 1923. Par contre, il publie plusieurs fois dans Par-Sud-Am, notamment « La Hora de las izquierdas » (n° 236 du 10 septembre 1931). Écrits en espagnol et destinés au public latino-américain, ces textes ne font pas partie de notre corpus.

11. Au cours de nos recherches en archive, nous avons trouvé d’autres éléments intéressants sur Ugarte.

C’est le cas d’une notice de France-Amérique annonçant en 1926 sa nomination comme « consul de Bolivie » à Nice (1926, t. XXI, p. 234). Surtout, Ugarte fait l’objet d’une attaque virulente dans Je suis partout. À la suite d’une manifestation hostile au gouvernement vénézuélien de l’époque, il est dénoncé en tant qu’étranger aux idées subversives et surnommé le « Romain Rolland français » (23 décembre 1933, p. 3).

12. L’une de ses idées clés est celle d’un socialisme patriotique adapté aux conditions de chaque pays.

Cf. par exemple « Socialismo y patria », paru dans La Vanguardia le 2 juillet 1908. Peu présent dans ses textes francophones, ce thème apparaît dans une interview de 1904 dans laquelle il évoque le processus de « nationalisation (…) du socialisme en Argentine » [1904, p. 1 ; voir aussi 1908b, p. 719].

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perspective plus nuancée. Certes, le rejet des idées d’importation est présent : très tôt, il dénonce les écrivains latino-américains « qui croient que, pour bien écrire l’espagnol, ils doivent suivre pas à pas les traces des auteurs de Madrid » [1899, p. 185] au lieu de se forger un style propre. Près de dix ans plus tard, il réitère ses attaques et regrette que plusieurs décennies d’indépendance n’aient pas abouti en Argentine à la création d’une forme nationale de théâtre qui ne se contente pas de refléter « les passions et les vies de l’étranger » mais prenne en compte les

« préoccupations locales » [1908(a), p. 410]. Selon lui, la littérature d’imitation13 signale une servitude culturelle dont il découvre l’importance, à la même époque, dans le domaine politique.

Mais cette critique s’insère dans une analyse plus fine dont elle n’est qu’une facette. Cette complexité apparaît dès ses textes sur l’état culturel et politique de l’Espagne. Déplorant l’immobilisme de la société espagnole, il en fait porter la responsabilité sur la tradition. Les habitudes, les coutumes, et plus généralement le conservatisme sont les principaux freins à un regain de créativité artistique et morale : « le peuple espagnol se meurt d’usage chronique. Usage et coutume de rabâcher sans cesse les mêmes idées, usage de s’opposer à toutes les réformes, coutume de vivre d’illusions » [1905(a), p. 199]. Le problème de ce pays n’est pas tant la subordination à des influences étrangères – qui touche l’Argentine plutôt que l’Espagne – mais un tarissement culturel dû à un traditionalisme excessif, que ce soit l’académisme en littérature ou le monarchisme en politique14. Or, il s’agit bien, là aussi, d’une problématique de l’imitation : non pas l’imitation de l’autre, qui voit une nation se perdre dans la répétition des modèles d’importation, mais l’imitation de soi, forme d’hétéronomie qui se nourrit de la reproduction à l’iden- tique des modes de penser hérités des siècles antérieurs.

C’est l’un des points les plus intéressants de notre corpus. Imiter, pour Ugarte, ne consiste pas simplement à reproduire un modèle dont l’extériorité ne serait que géographique. C’est aussi mimer le passé, donc se soumettre à cette altérité particulière que Sieyès, pendant la Révolution française, appelait à combattre sous le nom de « préjugés », ces habitudes politico-juridiques sédimentées avec lesquelles la rupture est nécessaire pour mener la société vers un mode d’organi- sation plus avancé15. Chez Ugarte, sur un plan formel, l’hétéronomie bride donc tout autant l’« âme espagnole » que l’émancipation de l’Argentine. Mais les causes

13. Cette expression apparaît dans notre corpus [1922a, p. 98] et dans ses textes espagnols, par exemple dans « El arte nacional » (paru dans Crítica le 18 novembre 1930) ou dans El dolor de escribir (1932).

14. Il affirme à propos de l’Espagne que « son gouvernement est aux mains de gens arriérés » et dénonce une mentalité « qui s’inspire du passé » et qui « s’arroge le monopole de la direction des affaires générales » Académisme et politique rétrograde sont alors deux facettes d’un même conservatisme [1903, p. 529].

15. Cette idée est à rapprocher de la critique que fait Ugarte de la coutume dans Enfermedades sociales (1906).

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sont différentes pour un pays européen ancien, doté d’une histoire séculaire devenu sclérosante, et une nation jeune encore perméable aux idées étrangères.

Par contre, la solution apparaît identique : à partir de cette double critique de l’imitation est élaborée une théorie des influences émancipatrices susceptibles d’impulser un renouveau culturel et politique en Espagne comme en Argentine.

L’approche ugartienne peut sembler paradoxale. Défenseur en Argentine d’une culture nationale affranchie des modèles extérieurs, l’auteur déplore en Espagne le respect figé de la tradition. Mais la contradiction n’est qu’apparente : entre soumission à l’autre et soumission à soi, les mondes des arts, de la pensée et des institutions doivent trouver une voie médiane à l’écart des deux types d’immobilisme par l’imitation qui les menacent. C’est là qu’intervient la culture française, dont le rayonnement prend un aspect très différent du fait de la nature même des influences qui émanent de ce pays. Au début du xxe siècle, le nom d’Ugarte est associé au modernisme littéraire, dont il défend le rôle positif en Espagne. Selon lui, la force de ce courant provient de sa volonté de questionner les formes d’écriture canoniques, de rejeter le traditionalisme et d’ouvrir la voie à un vocabulaire nouveau pour exprimer l’esprit de son temps. Il permet à la culture espagnole de se libérer de l’académisme au profit d’une façon innovante de traiter des sujets propres à l’époque moderne. Mais cela va bien au-delà du strict champ littéraire. C’est toute la société qui, faute du vocabulaire adéquat, ne parvient pas à trouver les mots pour exprimer des revendications nouvelles. D’où la nécessité, en Espagne d’une « brusque irruption de la sève étrangère », capable « de remettre en mouvement un monde paralysé » [1907(c), p. 212] et d’éviter à ce pays de

« s’emmurer dans ses vieilles idées traditionnelles » [1903, p. 529].

Il s’agit donc d’en appeler à une « rénovation nationale » [1909(a), p. 228]

qui prend la forme d’une révolution simultanée dans les manières d’écrire, de parler et de penser16. Et cela s’applique également à l’Argentine, voire à toute l’Amérique latine, où le monde intellectuel est encore sous l’influence directe du style espagnol et donc de la culture de l’ancien centre colonial. Le but est d’uti- liser le modernisme pour rompre avec « la prose verbeuse et lente » importée de Madrid et mettre en œuvre « une révolution dans les idées » qui corresponde à

« une révolution dans la façon de les exprimer » [1902, p. 102]. Mais il ne s’agit pas de prôner l’incorporation aveugle d’éléments exogènes dans la culture d’accueil.

Dans un effort pour maintenir la cohérence de ses idées, Ugarte distingue « ceux qui se livrent passionnément à l’imitation exacte des Français » et demeurent dans une logique d’hétéronomie de ceux qui, dans une optique de contextualisa-

16. Ugarte salue l’apparition d’un théâtre espagnol nouveau, aux thèmes résolument modernes. Il cite l’exemple de La mujer de Lot d’Eugenio Sellés, dans laquelle « la société enamourée des siècles » s’oppose à « l’esprit révolutionnaire » qui s’exprime par l’amour et le travail [1903, p.535].

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tion, cherchent plutôt à adapter le modernisme aux spécificités argentines [1899, p. 185].

Ainsi la réception de l’influence française ne doit-elle pas déboucher sur une imitation à l’identique, qui ne ferait que se substituer à l’héritage colonial. Il faut au contraire adapter le modernisme à son milieu d’importation afin qu’il serve de révélateur à un style et à un mode de pensée proprement local [Eymar, 2011, p. 34-37 et p. 136-142 ; Maíz, 2006, p. 233]. Or, l’intérêt de ce courant est qu’il ne prône pas tant une façon d’écrire ou des thèmes spécifiques que l’innovation et l’adaptation maximale de l’écrivain à la modernité, donc aux nécessités du lieu et de l’époque dans lesquels il est immergé [Molloy, 1972, p. 17-18 et p. 77-81]17. Il agit en Argentine comme une contre-influence qui neutralise ce qui fait obstacle à la découverte d’une identité nationale affranchie des déterminismes coloniaux18. Mais cette identité n’a pas vocation à se muer en une tradition pétrifiée à la manière de la culture espagnole. Et c’est alors dans cet enjeu de mise au jour d’une

« âme » nationale qui ne soit pas réductible à une essence figée que se dévoile le rôle clé de l’« art social » et du peuple.

Cet aspect de la pensée d’Ugarte est connu. Il dénonce l’« art pour l’art », défini comme une pratique littéraire dégagée de tout lien avec les conditions socio-politiques de son temps. L’art véritable, lui, n’est plus « enfermé en reclus dans les bibliothèques » et « sort de l’engourdissement grâce à la chaleur commu- nicative de la vie actuelle » [1907(c), p. 213]. La littérature doit être en relation avec « le milieu où elle fleurit », tandis que la « production intellectuelle d’un pays » est perçue comme dépendante de son état social [1902, p. 101]. Il est alors du devoir de l’artiste ou de l’intellectuel de refléter les préoccupations de son temps là où les tenants de l’« art pour l’art », refusant de s’engager en faveur de la moder- nité, légitiment l’ordre établi [Olalla, 2010, p. 89-91 ; Le Corre, 1998, p. 198].

On trouve ainsi chez Ugarte l’idée qu’une caractéristique des écrivains moder- nistes est qu’ils « se sentent tous gênés par l’état actuel des choses » [1902, p. 104]

et adoptent une optique critique envers la société, autrement dit une attitude révolutionnaire.

Mais cette définition ugartienne de l’art social ne consiste pas en une simple injonction à lier littérature et politique. Si ce lien est effectivement crucial à ses

17. Sa préface à La Jeune littérature hispano-américaine évoque le symbolisme comme source de rupture avec l’influence espagnole, l’objectif étant de s’en servir pour créer une littérature nouvelle et non comme un modèle à imiter à l’identique.

18. On retrouve dans cette approche l’équivalent de l’« épreuve de l’altérité » prônée par le romantisme littéraire allemand du xixe siècle, par laquelle une culture se découvre à elle-même en s’ouvrant à l’extériorité [Berman, 1984]. Mais on peut également y voir l’idée d’imitation comme source d’innovation propre à la pensée de Gabriel Tarde [Tarde, 1890]. Cette théorie, diffusée dans les milieux latino-américains par Francisco Garcia Calderón, était sans doute connue d’Ugarte [Garcia Calderón, 1908, p. 680].

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yeux [Maíz, 2003, p. 80 ; Barrios, 2007, p. 47], l’effort de l’écrivain pour s’impré- gner de l’esprit de son époque passe d’abord par la rencontre avec le peuple : l’écrivain doit « quitter ses préjugés pour redevenir peuple, c’est-à-dire vie » [p. 8].

Il doit écrire pour le peuple, à propos de thèmes qui le concernent et dans un style accessible de manière à l’informer sur ses conditions d’existence. Ainsi certains auteurs espagnols commencent-ils à rompre avec la tradition et l’élitisme aristocratique en écrivant pour la foule et son âme « vibrante et sincère » [1907(c), p. 214]. Ugarte défend l’idée d’un « théâtre du peuple » qui vise à lui enseigner la vérité dans son propre langage. De même, dans le cas argentin, il se fait le promo- teur d’un théâtre populaire et national capable d’être la « manifestation originale de l’esprit d’un peuple jeune, anxieux de donner une forme réelle aux inquiétudes d’une démocratie rurale cosmopolite et turbulente ». Cet art, en phase avec le peuple et ses intérêts propres, « annonce l’avènement d’une conscience nationale nouvelle » [1908(a), p. 418].

On découvre ici le rôle organique de l’écrivain, « véritable guide des collecti- vités » [1907(b), p. 172]. Celui-ci doit mettre son art au service du peuple, travailler en interaction avec lui et procéder ainsi à la démocratisation non seulement de la culture, mais de toute la société. Surtout, il faut souligner l’originalité de la conception de l’identité nationale qui se dessine en arrière-plan. Ugarte, on l’a vu, se méfie de la sédimentation culturelle. Il ne sacralise à aucun moment la tradi- tion ou l’héritage des siècles écoulés. Son nationalisme ne vise pas à révéler un substrat identitaire intemporel. Ce qui caractérise le peuple ugartien, au contraire, est son caractère dynamique et évolutif : il est « vie » et « mouvement ». Ce faisant, c’est le seul acteur à même d’énoncer un mode d’existence et de définition de soi en rupture avec les influences internes et externes. Il met la nation en marche et la conduit vers le progrès social et politique. En tant que souverain, il est chargé de déterminer non pas un cadre institutionnel fixe fondé sur une conception réifiée de l’identité, mais de préserver l’évolution de la société vers un type d’organisation jugé supérieur.

Le rejet des importateurs et le rôle émancipateur de la France

Dans notre corpus, le rejet de l’imitation et la théorie des influences émanci- patrices trouvent une application empirique dans des domaines qui sont parmi les plus commentés de la pensée d’Ugarte, à savoir la défense de l’unité conti- nentale de l’Amérique latine et la critique de l’impérialisme nord-américain. Les principaux articles où sont abordés ces thèmes sont publiés dans les trois derniers numéros de La Revue auxquels il collabore avant son départ en 1911, puis dans le journal Monde de Barbusse, support plus politisé et axé sur un militantisme socialiste internationaliste [Galasso, 1974, t. 2, p. 147-148]. L’auteur reprend et

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développe dans cet ensemble de textes son concept clé des « deux Amériques »19, par lequel il établit une comparaison destinée à mobiliser les nations latino-améri- caines contre l’expansionnisme des États-Unis : « ce sont deux grandes masses distinctes, l’une extrêmement forte, l’autre relativement faible, l’une cohérente, l’autre éparse, mais ce sont avant tout deux grandes masses ennemies » [1909(b), p. 146]. Il décrit ainsi l’opposition entre une puissance capitaliste dotée d’un fort dynamisme commercial et d’une doctrine diplomatique belliqueuse, et un monde sud-américain en état de dépendance agro-exportatrice [1923, p. 318]

et aveugle au danger impérialiste.

Cette fracture lui semble irréductible et il s’attache à réfuter la possibilité d’une solidarité entre ces deux ennemis. À l’occasion du Congrès panaméri- cain de Buenos Aires de 1910, il intervient à plusieurs reprises dans La Revue pour mettre en garde contre tout projet économique associant les deux blocs : sur le plan des infrastructures (l’initiative nord-américaine de construction d’un chemin de fer continental, instrument « d’infiltration et de conquête ») ou des idées (les échanges inter-universitaires, outils de domination culturelle), ignorer l’antagonisme naturel entre les deux camps ne peut conduire qu’à la subordina- tion des nations latino-américaines [1910(a), p. 20-21]. Et ce d’autant plus que le projet impérialiste des États-Unis se révèle aussi cohérent que la diplomatie du sud est fragmentée et contradictoire, incapable d’une action concertée [Klaiber, 1971, p. 611]. Dès lors, face à une menace commune, les États d’Amérique latine doivent renouer avec la dynamique bolivarienne d’unification continentale et susciter « l’agrégation d’un grand État qui servirait de contrepoids, d’obstacle à l’omnipotence des États-Unis » [1909(b), p. 158].

À ce propos, les articles de La Revue voient Ugarte exposer un programme d’unification assez détaillé, du moins au regard de ses écrits habituels. Il évoque la nécessité d’infrastructures continentales (transport ferroviaire et télégraphe), d’un corps administratif global (notamment des tribunaux pour les litiges frontaliers) et d’une classe politique supranationale, le tout soutenu par une presse chargée de nourrir l’esprit unitaire auprès des populations. Il en appelle aussi à une « représentation extérieure » homogène destinée à donner

« une politique commune à l’Amérique latine » [p. 159]. Comme souvent dans son œuvre, ses espoirs se portent plus spécialement sur d’éventuels pays moteurs, capables de jouer un rôle de locomotives, ici l’alliance ABC (Argentine, Brésil, Chili) potentiellement destinée à devenir le noyau dur du futur processus unificateur.

En ce qui concerne les États latino-américains, il insiste sur la distinction entre une hétérogénéité politique de surface et une homogénéité sous-jacente

19. L’expression est présente chez lui dès son premier article anti-impérialiste en 1901 déjà évoqué, et on la retrouve à plusieurs reprises, par exemple dans Le Courrier Européen [1907a].

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[1909(c), p. 602]. À un niveau d’éparpillement superficiel et contingent s’oppose un substrat plus profond où l’unité est déjà réalisée même si elle demeure masquée.

Les pays du continent sont « animés du même esprit, et ont une histoire, une langue et une littérature communes ». En leur sein, « le milieu social, les coutumes, les inclinations, les sentiments et les goûts sont identiques » [1909(b), p. 148].

Surtout, « les antagonismes […] ne datent que d’un petit nombre d’années et se manifestent plutôt de gouvernement à gouvernement que de peuple à peuple.

On devine que les frontières ne furent que de simples caprices d’hommes petits, ayant besoin d’une patrie petite, pour exercer leur esprit de domination » [p. 157].

En deçà du niveau politique – celui des querelles artificielles entre les classes dirigeantes –, il existerait un peuple homogène partageant les mêmes besoins par-delà les frontières. On retrouve ici cet acteur central dans la pensée ugartienne : le peuple, source de dynamisme sociétal, dont l’émancipation passe par la rupture avec toutes les formes d’hétéronomies, existe déjà à l’échelle continentale. Les États dispersés ne sont donc pas de vraies « nations » car la seule communauté légitime se situe à une échelle plus large [1921, p. 355-356].

Et c’est aux écrivains qu’il revient de fraterniser afin de dévoiler et nourrir cette culture commune par un « nationalisme littéraire » d’ampleur latino-améri- caine [1922(a), p. 101 ; Bergel, 2012, p. 14].

Dans ce cadre, la question de la subordination à une influence extérieure resurgit dans la critique des oligarchies. Celles-ci sont accusées de servir les intérêts de l’impérialisme anglo-saxon, de brader les richesses du continent aux étrangers, d’accaparer les terres [1929(a), p. 7] et de maintenir à dessein la situa- tion de dispersion étatique. Ce thème, qui reprend la figure décriée de l’imitateur aveuglément soumis à un modèle extérieur, apparaît dans notre corpus à partir des années 1920, après le retour d’Ugarte en France. L’écueil culturel incarné autrefois par la subordination à l’influence espagnole est reformulé sur un plan politique : les importateurs sont dorénavant les promoteurs d’un système institutionnel et économique exogène qui entrave la destinée du continent. Ce sont eux qui « livrè- rent aux spéculateurs étrangers, sans contre-parties, les mines, les chemins de fer, les monopoles, les concessions et les emprunts qui devaient donner lieu fatale- ment à des réclamations, conflits, protectorats et occupations militaires » [1926, p. 112] et n’hésitèrent pas « à demander l’intervention des États-Unis pour tenir en échec les mouvements populaires » [1928(b), p. 2].

Cette idée est particulièrement développée dans les articles de la revue Monde, que ce soit à propos du continent entier ou de pays spécifiques comme l’Argentine et le Mexique, ce dernier incarnant la frontière décisive entre les deux Amériques [Lafond, 1924, p. 979 ; Yankelevich, 1995]. Dans ces textes, l’auteur attaque ceux qui se sont alliés avec les « puissances financières du dehors au détri- ment de la masse nationale » [1929(b), p. 11] et sont « disposés toujours à octroyer aux compagnies nord-américaines ou anglaises des concessions imprudentes ».

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Ils symbolisent le « respect devant les influences étrangères » [1930(a), p. 10] et sont responsables de la subordination économique de l’Amérique latine. À cette époque, dans l’ensemble de ses articles, Ugarte veut démontrer la nécessité d’un double combat, externe et interne : la lutte contre l’impérialisme nord-américain passe par le rejet de ceux qui, de l’intérieur, s’en font les agents et se rendent coupables d’un abandon volontaire de souveraineté [Sepúlveda Muñoz, 1989, p.  289-290]. Il convient alors de rompre avec une « autonomie de surface »20 dissimulant un « colonialisme intrinsèque », sans « contrainte visible » mais plaçant l’économie sous contrôle extérieur [1935(b), p. 20-22]. Or, « un homme qui emprunterait des poumons pour respirer se trouverait en bien meilleure posture qu’une nation dont l’économie tombe entre les mains d’une autre » [p. 22].

Ce rejet des agents internes de l’ennemi extérieur préfigure un discours nationaliste qui sera plus tard celui de la Fuerza de orientación radical de la joven Argentina (Forja) puis des péronistes [Falcoff, 1972, p. 80 ; Sommerer, 2008]. Les bases ont été posées par Ugarte, qui appelle à la fin des années 1920 les « masses » à lutter contre « l’absorption étrangère » pour réclamer leur autonomie [1928(b), p. 2]. De cette façon se construit une grille de lecture spécifique où le peuple latino-américain, substrat homogène situé en deçà des divergences étatiques, forme une nation d’où sont exclues les élites importatrices. Les individus ainsi visés subissent un processus d’extériorisation et d’expulsion symbolique. Ils se voient refuser la qualité d’« endogènes » du fait de leur complicité et sont traités comme des ennemis. Logiquement, l’appel anti-impérialiste se double alors d’un appel au renversement des régimes concernés, donc à la révolution : « il faut commencer par anéantir, au sein même de l’Amérique latine, les forces qui favori- sent l’irruption étrangère » [p. 2].

Dans ce but, il est possible d’en appeler à une influence émancipatrice.

Commentant en 1910 le déroulement du Congrès panaméricain, Ugarte demande à l’Europe dans La Revue d’aider les nations sud-américaines à se solidariser contre l’impérialisme des États-Unis. Il développe l’idée d’une Europe

« contrepoids » qui verrait les avantages d’une relation privilégiée avec le conti- nent [1910b, p. 619]. À son retour en France en 1922, il réitère cette analyse dans la même revue (devenue La Revue mondiale). Il demande à ce que l’Europe soit vis-à-vis des nations d’Amérique latine « un contrepoids économique, intel- lectuel et moral » qui leur permette de contrer « les influences auxquelles elles ne peuvent échapper » [1922(b), p. 10]. Ce processus doit s’accompagner d’une

« poussée populaire » susceptible de chasser du pouvoir les oligarchies et les caudillos. Mais c’est surtout à la fin des années 1920 que ce thème devient central dans ses textes. C’est le cas à deux reprises dans L’Europe nouvelle où il critique

20. On trouve à plusieurs reprises chez cet auteur l’idée d’une « autonomie nominale » de l’Amérique latine qui dissimule une situation coloniale [1931, p. 12 ; 1933, p. 1].

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l’attitude de l’Europe, qui délaisse un continent « qui aurait pu être sa triomphale prolongation dans l’histoire » [1926, p. 112] et refuse de voir les conséquences néfastes que représente pour elle l’emprise des États-Unis sur l’Amérique du Sud [1928(a), p. 629].

Enfin, au milieu des années 1930, La Revue argentine lui donne l’occasion d’insister sur cette question. Cette fois, la France est au cœur de ses réflexions. Il y défend l’idée que l’influence de ce pays fut autrefois décisive pour l’indépendance latino-américaine et qu’elle offrit aux jeunes États le modèle républicain : « la France a représenté, traditionnellement, la liberté, l’indépendance, l’idéal » [1934a, p. 11]. Sans oublier l’« esprit français », caractérisé par « un besoin d’exactitude, de clarté, de méthode » [1935(a), p. 21] qui devrait inspirer les gouvernants. L’auteur décrit ainsi une France qui, sans le savoir, disposerait en Amérique latine d’un prolongement naturel de ses valeurs politiques et de son esprit scientifique21. Le continent serait une sorte de « Nouvelle France » [1924, p. 1 000], extension de la Révolution française dont les principes auraient permis de vaincre le colonia- lisme espagnol. Loin d’être source d’hétéronomie, son influence serait un vecteur d’émancipation22 dont la réactivation permettrait d’affronter le néo-colonialisme.

À la manière du modernisme – qui est finalement chez lui une sorte de « républi- canisme littéraire » – dans ces textes de jeunesse, Ugarte voit dans les idées républicaines un mode de libération de la volonté populaire, et donc le moyen de laisser le peuple exprimer pleinement sa souveraineté. Ce modèle extérieur, là encore, est traité comme un cadre formel permettant l’expression d’une identité endogène dont la portée doit être résolument continentale.

Considérations finales

L’ensemble des analyses tirées de notre corpus n’offre pas simplement une synthèse de la pensée d’Ugarte. Elle met en lumière deux pistes de réflexions pour la théorie politique contemporaine : d’une part une approche non-schmittienne de la souveraineté et d’autre part une conception non-essentialiste de l’identité nationale adossée à une vision du peuple comme source de critique ou de révolu- tion permanentes. Concernant le premier point, nous faisons référence ici à la définition de la souveraineté que l’on trouve chez les penseurs classiques de la

21. C’est ce qui ressort déjà de sa conférence Les idées françaises en Amérique latine prononcée en Sorbonne le 14 octobre 1911. Il y évoque comme influences décisives la séparation de l’Église et de l’État, le rejet des privilèges et de l’aristocratie et l’adoption de la forme républicaine de gouvernement. Nous n’avons pu consulter que la version espagnole de cette conférence, intitulée

« Las ideas francesas y la emancipación americana » et publiée en 1922 dans Mi Campaña hispanoamericana [p. 49-72]. L’auteur aborde le même thème dans La vie des peuples [1924, p. 1001].

22. Il l’affirme également en tant que délégué de la République argentine à la séance d’ouverture du Congrès universel de la libre-pensée organisé à Paris du 3 au 6 septembre 1905 [1905b, p. 92-93].

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notion (notamment Bodin et Hobbes) et qui prend toute son ampleur chez Carl Schmitt dans son évocation du pouvoir constituant : est considéré comme souve- rain celui qui peut donner à une communauté sa forme politico-institutionnelle sans être tenu lui-même d’obéir à une norme préalable. La souveraineté, en ce sens, énonce le mode d’existence de la société en écartant tout déterminisme passé ou externe ; sa force vient précisément de ce qu’elle n’est tenue par aucune tradi- tion et n’est influencée par aucune force extérieure.

Cette idée, on l’a vu, est en partie présente chez Ugarte. Le peuple, que ce soit à l’échelle argentine ou continentale, n’accède à son autonomie – donc à sa capacité souveraine à décider de son destin – qu’en s’affranchissant des logiques d’imitation qui entravent sa pleine expression culturelle et institutionnelle. Sa volonté s’affirme à l’encontre des modes hétéronomes de reproduction d’un ordre préexistant, qu’il soit endogène (conservatisme) ou exogène (colonialisme). Mais l’approche ugartienne prend une dimension plus spécifique si l’on tient compte du rôle nécessaire des contre-influences et de l’imitation émancipatrice : le peuple ne rompt paradoxalement l’hétéronomie qu’en acceptant l’altérité. C’est en s’ouvrant à l’extériorité qu’il se délivre de l’immobilisme lié à la soumission à la tradition ou aux modèles étrangers et se met en mouvement. En d’autres termes, il ne devient souverain qu’à l’issue d’une limitation préalable et temporaire de son autonomie.

À cela s’ajoute une conception non-essentialiste de la nation. Chez Ugarte, l’expression de la souveraineté ne vise pas à dévoiler un socle identitaire immuable.

Le rôle du peuple n’est pas d’énoncer une essence définie a priori et appréhendée de manière invariable ou intemporelle. Il doit au contraire préserver la dynamique du corps social et son mouvement progressiste, l’émancipation étant alors la lutte incessante contre le conservatisme et le colonialisme. Le peuple n’est pas déten- teur d’une identité prétendue « authentique » et fixe. Il est l’acteur collectif capable d’empêcher cette fixation, donc la pétrification de la société qu’il maintient en situation d’autocritique continuelle. Et si l’on trouve bien chez cet auteur l’idée d’un substrat moral et culturel commun à tous les États d’Amérique latine, il ne vise en cela qu’à défendre le processus d’unification et non à invoquer une essence identitaire définitive qui surgirait une fois évacués les obstacles internes ou externes. Au-delà de son rôle dans la libre expression de la souveraineté, l’ouverture à l’altérité permet donc aussi de garantir la recherche permanente du progrès social et politique.

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RÉSUMÉ/RESUMO/ABSTRACT

La souveraineté par l’extériorité.

Recension et analyse des écrits de Manuel Ugarte dans les revues françaises (1899-1935)

Les articles francophones publiés par l’écrivain socialiste argentin Manuel Ugarte lors de ses séjours à paris et à Nice forment une partie méconnue de son œuvre. Nous nous proposons de les recenser et de les traiter comme un corpus homogène dont le contenu éclaire la pensée politique de l’auteur et révèle deux grands axes de réflexion : d’une part une définition de la souveraineté du peuple en situation de confrontation à des influences étrangères, et d’autre part une approche non-essentialiste de l’identité nationale.

plus généralement, en plus d’offrir une perspective nouvelle sur le nationalisme et l’anti-impérialisme ugartiens, l’étude de ces deux axes visera à montrer leur intérêt pour la théorie politique contemporaine.

lasoberaníaporlaexternalidad.  enumeraciónyanálisisdelosescritosde manuel uGarteenlasrevistasfrancesas (1899-1935)

Los artículos publicados en francés por el escritor socialista argentino Manuel Ugarte durante sus estancias en parís y Niza son una parte poco conocida de su obra. proponemos identificarlos y

tratarlos como un corpus homogéneo cuyo contenido arroja luz sobre el pensamiento político del autor y revela dos temas principales: en primer lugar, una definición de la soberanía del pueblo en una situación de confrontación con las influencias extranjeras, y en segundo lugar una definición no esencialista de la identidad nacional. Más generalmente, además de ofrecer una nueva perspectiva sobre el nacionalismo y el antiimperia- lismo de Ugarte, el estudio se centrará en mostrar en que estos dos ejes interesan la teoría política contemporánea.

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the frenchrevieWs (1899-1935) Articles published in french by the argentine socialist writer Manuel Ugarte during his stays in paris and Nice are a little-known part of his work. We propose to list them and to treat them as a homogeneous corpus whose content sheds light on the author’s political thought and reveals two major themes:

firstly a definition of the sovereignty of the people in a situation of confrontation with foreign influences, and secondly a non-essentialist definition of national identity. More generally, in addition to offering a new perspective on ugartian nationalism and anti-imperialism, this study will focus on how these two axes show interest for contemporary political theory.

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