• Aucun résultat trouvé

Les transformations contemporaines du rapport au travail

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Les transformations contemporaines du rapport au travail"

Copied!
25
0
0

Texte intégral

(1)

Sociologie contemporaine

Les transformations contemporaines du rapport au travail

Sous la direction de

Daniel Mercure

Sous la direction de Daniel Mercure

Les transformations contemporaines du rapport au travail

Aussi en version numérique

Sociologie Ouvrage publié dans le cadre des activités de la chaire de recherche Jean d’Alembert

Paris-Saclay – Institut d’études avancées de Paris.

Illustration de couverture : Umberto Boccioni (19 octobre 1882-16 août1916) ; Huile : La strada entra nella casa (1911) (détail, recadré par Mme Saubatte);

localisation : Sprengel Museum, Hannover, Allemagne.

Au cours des dernières décennies, les conditions écono- miques et culturelles qui façonnent les attitudes et les comportements au travail, de même que la place et le sens que revêt celui-ci chez les individus, se sont profondément transformées. Dans ce livre, plusieurs spécialistes de cette question s’emploient d’abord à circonscrire les différents aspects de la notion de rapport au travail, ensuite à repérer les principaux changements qui, depuis trois décennies, ont marqué nos manières de vivre le travail et, enfin, à mieux comprendre la complexité des facteurs qui ont présidé aux changements observés. Mettre en relief les effets de tels changements sur nos vies au travail et à l’extérieur du travail constitue le point nodal de ce livre.

Ont contribué au présent ouvrage:

Stephen Bouquin, Marie-Pierre Bourdages-Sylvain, Jean-Pierre Durand, Duncan Gallie, Dominique Méda, Daniel Mercure, Serge Paugam, Patricia Vendramin, Laurent Willemez.

Collection

Sociologie contemporaine

Dirigée par Daniel Mercure

Daniel Mercure-3936C.indd 1 19-08-05 11:29

(2)

COLLECTION FONDÉE ET DIRIGÉE PAR DANIEL MERCURE La collection Sociologie contemporaine rassemble des ouvrages de nature empirique ou théorique destinés à approfondir nos connaissances des sociétés humaines et à faire avancer la disci- pline de la sociologie. Ouverte aux diverses perspectives d’analyse, « Sociologie contemporaine » s’intéresse plus particu- lièrement à l’étude des faits de société émergents.

(Liste des titres parus à la fin de l’ouvrage)

(3)

Les transformations

contemporaines

du rapport au travail

(4)
(5)

Les transformations contemporaines du rapport au travail

Sous la direction de

Daniel Mercure

(6)

Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien.

We acknowledge the support of the Canada Council for the Arts.

Les Presses de l’Université Laval reçoivent chaque année de la Société de développement des entreprises culturelles du Québec une aide financière pour l’ensemble de leur programme de publication.

Ce livre a été rédigé grâce à une résidence EURIAS à l’Institut d’études avancées de Paris, co-financée par les actions Marie Skłodowska-Curie, dans le cadre du 7e Programme Cadre de Recherche et Développement de l’Union européenne, et a bénéficié d’un soutien de l’État français dans le cadre du programme « Investissements d’avenir », géré par l’Agence nationale de la recherche (ANR-11-LABX-0027-01 Labex RFIEA+).

Maquette de couverture : Laurie Patry Mise en pages :

© Presses de l’Université Laval. Tous droits réservés.

Dépôt légal 1er trimestre 2020

ISBN : 978-2-7637-3936-6 PDF : 9782763739373

Les Presses de l’Université Laval www.pulaval.com

Toute reproduction ou diffusion en tout ou en partie de ce livre par quelque moyen que ce soit est interdite sans l’autorisation écrite des Presses de l’Université Laval.

(7)

VII

Table des matières

INTRODUCTION

Rapport au travail et nouvelles voies de la subjectivité ... 1

Daniel Mercure PREMIÈRE PARTIE CENTRALITÉ ET SIGNIFICATION DU TRAVAIL CHAPITRE 1 Rapport au travail et changement social : problématique et jalons pour un modèle d’analyse ... 13

Daniel Mercure 1. La tradition sociologique ... 14

2. Pertinence contemporaine de l’étude du rapport au travail : un nouvel horizon culturel façonné puis capté par le monde du travail ... 22

3. Le rapport au travail : ethos, champs d’identification et modes d’implication au travail ... 27

3.1 L’ethos du travail ... 28

3.2 Les champs d’identification... 32

3.3 Les modes d’implication au travail ... 35

CHAPITRE 2 Y a-t-il un retour de la crise de la société du travail ? ... 39

Dominique Méda 1. La critique des sociétés fondées sur le travail : refoulement et relativisation du travail ... 40

1.1 Quand le travail disparaît ... 40

1.2 La fin des sociétés fondées sur le travail ... 42

1.3 Invention et crépuscule du travail ... 44

(8)

VIII LES TRANSFORMATIONS CONTEMPORAINES DU RAPPORT AU TRAVAIL

2. Le retour du refoulé : le travail est-il redevenu central ? ... 46

2.1 Le travail source d’expérience morale positive… ... 47

2.2 …mais aussi source d’humiliation ... 49

2.3 Une éthique de rechange ... 50

3. Quelle place pour le travail ? ... 52

3.1 Le revenu universel : deus ex machina ... 52

3.2 Renoncer à changer le travail ? ... 53

3.3 Le retour du travail ... 56

CHAPITRE 3 Le monde du travail comme fondement de la solidarité : vers un déclin inéluctable ? ... 59

Serge Paugam 1. La solidarité organique et le rôle primordial des groupes professionnels selon Durkheim ... 60

2. Un régime d’attachement social particulier : la protection statutaire orchestrée par l’État ... 65

3. Une protection statutaire fragilisée ... 68

4. Une reconnaissance collective établie ... 74

5. Un déclin inéluctable ? ... 77

DEUXIÈME PARTIE LE RAPPORT AU TRAVAIL : ENGAGEMENT, ÉTHIQUE DU TRAVAIL ET TEMPORALITÉS VÉCUES CHAPTER 4 Job Involvement in European Perspective ... 89

Duncan Gallie 1. Job Involvement: its Significance and Déterminants ... 89

2. Assessing Comparative Job Involvement: the European Social Survey ... 92

3. Patterns of Job Involvement in European Countries ... 95

4. Accounting for Country Differences ... 101

(9)

TABLE DES MATIÈRES IX

CHAPITRE 5

Rapport au travail des jeunes et revenu inconditionnel :

éthique du travail et attentes expressives ... 109

Patricia Vendramin 1. Des modèles sociaux de rapport au travail ... 110

2. Le retour du revenu inconditionnel et de la fin du travail dans le débat public ... 112

3. Jeunes et travail en Belgique : quelques repères ... 113

4. La vision du revenu inconditionnel ... 116

4.1 Une allocation qui ne dit pas son nom ... 117

4.2 Le mérite, l’éthique du devoir et le rapport à l’argent ... 119

4.3 Des conséquences sociétales et une faisabilité discutables 120 5. Une vision du travail peu renouvelée ... 122

CHAPITRE 6 Le rapport au travail pris dans ses temporalités : le cas des magistrats français ... 125

Laurent Willemez 1. Des carrières marquées par l’ancienneté et la mobilité ... 128

2. Débordement du temps de travail et flou des frontières avec la vie privée ... 133

3. Accélération de la justice, intensification de l’activité et dispersion des tâches ... 137

TROISIÈME PARTIE SUJET ET RAPPORT AU TRAVAIL : MODÈLES PRODUCTIFS, MANAGEMENT ET RÉSISTANCES CHAPITRE 7 Les rapports au travail dans la fabrique de l’homme nouveau 143 Jean-Pierre Durand 1. Une révolution douce : la production allégée ... 144

2. De l’extension de la gestion allégée au clivage psychique des sujets ... 149

3. Disjonction et clivage des sujets dans la consommation ... 151

4. Pourquoi certains travailleurs ne « craquent » pas ? Deux rapports au travail ... 152

(10)

X LES TRANSFORMATIONS CONTEMPORAINES DU RAPPORT AU TRAVAIL

CHAPITRE 8

Normes managériales et nouvelles formes de rapport

au travail ... 157

Marie-Pierre Bourdages-Sylvain et Nancy Côté

1. Transformations du monde du travail, régimes de mobilisation et phase de modernisation managériale ... 159 2. Voies de diffusion des normes managériales contemporaines :

deux cas de figure ... 160 2.1 Littérature pédagogique managériale, valorisation

d’un nouvel ethos gestionnaire et rapport au travail ... 161 2.2 Engagement et rapport au travail chez les cadres

intermédiaires : le paradoxe de la mobilisation ... 168

CHAPITRE 9

Les résistances au travail en temps de crise et d’hégémonie

managériale ... 177

Stephen Bouquin

1. L’énigme des résistances au travail ... 180 3. Le travail en temps de crise : tenir le coup, c’est déjà résister ... 190 4. Gouvernance de la subjectivité et permanence d’une critique

du travail... 195 LES AUTEURS ... 205

(11)

XI

REMERCIEMENTS

J

’exprime ma plus vive reconnaissance à l’Institut d’études avancées de Paris (IEA), spécialement la Chaire Jean d’Alembert IEA-Université Paris-Saclay, qui m’a accueilli à titre de chercheur en résidence et m’a apporté un soutien de grande qualité aux différentes étapes de ce projet, depuis mes activités de recherche jusqu’à l’organisation du colloque à la source de ce livre.

D. Mercure

(12)
(13)

1

INTRODUCTION

Rapport au travail et nouvelles voies de la subjectivité

Daniel Mercure

L

’objectif de ce livre est de repérer, de contextualiser et d’analyser les transformations contemporaines du rapport au travail dans nos sociétés occidentales au cours des trente dernières années.

Durant cette période, les conditions objectives et subjectives qui façonnent le rapport au travail – défini en première approximation comme l’ensemble des attitudes et des comportements au travail arrimés à la place et au sens que revêt celui-ci chez les individus – se sont profondé- ment transformées. Un tel changement soulève maintes questions, parmi lesquelles les auteurs de cet ouvrage en ont retenu trois : d’abord, délimiter et définir les principales dimensions de la notion de rapport au travail ; ensuite, repérer la nature des changements contemporains dans nos manières de nous représenter et de vivre le travail ; enfin, examiner les dynamiques sociales qui influent sur le rapport au travail afin de mieux comprendre la complexité des facteurs qui ont présidé aux changements observés.

Les changements mis en relief dans ce livre en ce qui concerne la nature du rapport au travail touchent tant la vie quotidienne des individus et les structures normatives de l’action que les cadres sociaux institution- nalisés. Ils découlent des récentes transformations socioéconomiques et culturelles qui caractérisent l’actuelle transition entre deux types de sociétés : une société en relative déliquescence, de type industriel avancé et fortement normée, et une autre en émergence, de type informationnel- relationnel, marquée par un vaste procès d’individualisation. Deux

(14)

2 LES TRANSFORMATIONS CONTEMPORAINES DU RAPPORT AU TRAVAIL

mondes sociaux dont les traits de caractérisation inconsistants sont imbriqués, d’où leur caractère souvent équivoque (par exemple en ce qui concerne les formes novatrices du lien social, les modes de rationalité dans la vie quotidienne, de même que la nature du rapport à soi-même et à l’autre), ce qui n’est pas sans évoquer les questionnements initiaux de notre discipline, respectivement ceux de Durkheim, Weber et Simmel.

Un tel élargissement de notre champ d’investigation n’est en rien présomptueux. Il s’explique à la lumière du fait que les principales assises du rapport au travail ne reposent pas uniquement sur le monde vécu du travail, depuis les formes d’organisation du travail et de management jusqu’aux rapports sociaux de travail. Toute configuration du rapport au travail s’inscrit aussi, selon des modalités plus diffuses, dans les principes de sens qui participent quotidiennement de la vie privée et de la vie professionnelle, principes de sens qui sont des constructions sociales issues de l’agir ordinaire et des trajectoires de vie, de même que du discours institué et des idéologies dominantes. Aussi l’étude du rapport au travail commande-t-elle l’examen tant des formes contemporaines de subjecti- vité que des conditions objectives novatrices qui façonnent et encadrent notre vivre ensemble.

La logique des interrelations causales entre les divers facteurs à la source des changements en cours dans le rapport au travail ne fait pas l’unanimité des chercheurs dans le domaine. Toutefois, les principaux facteurs en cause ne sont guère sujets à controverse : nouvelle dynamique mondialisée du marché et transformation des politiques de régulation sociale, mutations techniques et technologiques majeures dans le monde du travail arrimées à l’essor de nouveaux modes d’organisation du travail, transformations socioculturelles substantielles liées aussi bien à la nouvelle composition de la main-d’œuvre, plus instruite et plus féminisée, qu’à la reconfiguration des rapports entre les valeurs matérialistes et postma- térialistes, principalement sous l’effet d’un vaste procès d’individualisation à la source d’une remise en question des dynamiques institutionnelles et des programmes traditionnels de socialisation.

En somme, la question de fond soulevée par ce livre peut être résumée de la manière suivante : assistons-nous à une reconfiguration significative du rapport au travail ? Si oui, selon quelles modalités ? Et sous l’impulsion de quels facteurs socioéconomiques et culturels ?

Reste que la présente entrée en matière témoigne d’une ambition plus étendue, plus macrosociale : une ambition fondée sur un souci d’inférence théorique aux fins d’accéder, par l’étude du rapport au travail,

(15)

IntroductIon • rapport au travaIl et nouvelles voIes de la subjectIvIté 3

à une meilleure compréhension de notre rapport au monde. Une telle visée se comprend à la lumière de l’ancrage scientifique de cet ouvrage, ci-dessous précisé.

***

Le présent livre est le deuxième d’une série de trois ouvrages issus d’un programme international de recherche intitulé Les nouvelles voies de la subjectivité, qu’anime l’auteur de ces lignes en collaboration avec Marie- Pierre Bourdages-Sylvain. Ce programme, qui fait appel à plusieurs collègues de différents pays, trouve son origine dans une enquête menée au Québec sur la signification du travail1. À la question initiale des rela- tions entre ethos du travail et modèle productif a succédé celle des rapports entre travail et subjectivité, examinés principalement sous le prisme des nouvelles formes de management, puis plus récemment sous celle des formes contemporaines de subjectivité, spécialement les attributs du nouveau sujet marqué par un vaste procès d’individualisation.

Intitulé Travail et subjectivité : perspectives critiques, le premier ouvrage du programme en question a été publié en étroite collaboration avec ma collègue Marie-Pierre Bourdages-Sylvain2. Ce premier livre analyse et critique les nouvelles pratiques managériales qui s’emploient à mobiliser la subjectivité au travail. Les auteurs, sociologues, économistes, psycho- sociologues, psychanalystes et théoriciens de la gestion, dressent d’abord un tableau d’ensemble des changements économiques, organisationnels et socioculturels qui président à la mise en forme des nouvelles avenues du capitalisme. Ensuite, ils examinent et critiquent les pratiques mana- gériales qui visent à mobiliser la subjectivité des travailleurs aux fins de la valorisation du capital. Tout au long de l’ouvrage, les effets psychoso- ciologiques de telles pratiques sont étudiés de près, de même que les réponses des travailleurs, lesquelles, en bien des cas, révèlent diverses formes d’opposition et de résistance individuelle et collective.

Le deuxième ouvrage, soit celui que le lecteur a sous les yeux, est issu d’un colloque intitulé Les transformations contemporaines du rapport au travail, qui s’est tenu au printemps 2018 à l’hôtel de Lauzun, à Paris, dans le cadre de mes activités de recherche à titre de résident à l’Institut d’études avancées de Paris (IEA), Chaire Jean d’Alembert IEA-Université

1. Voir D. Mercure et M. Vultur, La signification du travail : nouveau modèle productif et ethos du travail au Québec, Québec, Presses de l’Université Laval, 2011.

2. D. Mercure et M.-P. Bourdages-Sylvain (dir.), Travail et subjectivité : perspectives critiques, Paris, Québec, Éd. Hermann et Presses de l’Université Laval, 2017.

(16)

4 LES TRANSFORMATIONS CONTEMPORAINES DU RAPPORT AU TRAVAIL

Paris-Saclay, colloque auquel ont collaboré le Laboratoire Printemps et le Centre Pierre-Naville.

Le troisième ouvrage paraîtra en 2021. Intitulé Société et subjectivité3, il embrasse un horizon plus élargi, soit les nouvelles voies de la subjecti- vité en milieu contemporain, à savoir les manières dont le sujet s’approprie le monde dans une société de plus en plus marquée par l’individualisation : un sujet devenu la valeur première de nos sociétés, qui ambitionne de devenir l’auteur de son histoire, et dont il convient de tracer la genèse de son affirmation afin de mieux délimiter les assises de ses actuels traits de caractérisation. Ce futur ouvrage tentera de répondre aux questions suivantes : quelles sont les formes contemporaines de manifestation sociale du sujet ? Quelles voies emprunte sa construction identitaire ? Comment celles-ci s’inscrivent-elles dans la reconfiguration en cours des régimes d’action, notamment au chapitre de l’agencement entre son espace public et privé, de ses rapports avec les nouvelles dyna- miques techniques et organisationnelles, de ses formes de sociabilité, voire de son intimité ?

C’est dans un tel contexte qu’il faut situer le présent ouvrage. Celui-ci prend appui sur une démarche de recherche à la croisée des chemins de la sociologie du travail, de la culture et de la vie quotidienne ; une démarche attentive aux interconnexions entre les dynamiques socioéco- nomiques et culturelles ; une démarche qui, in fine, vise à comprendre notre manière d’habiter notre culture.

***

L’ouvrage s’ouvre sur le chapitre de Daniel Mercure intitulé Rapport au travail et changement social : problématique et jalons pour un modèle d’analyse. Dans un premier temps, l’auteur trace la genèse de la notion de rapport au travail dans la tradition sociologique, ce qui le conduit d’abord à mettre en relief la pertinence heuristique de la notion en cause afin de comprendre les interconnexions et les rapports de réciprocité entre les changements économiques, sociaux et culturels, et ensuite à proposer une définition de celle-ci. Par rapport au travail, Mercure entend

« la manière de vivre le travail, à savoir la place qu’il occupe dans la vie, le sens qu’il revêt et les manières de s’y investir, révélée par les façons de se le représenter et de se conduire dans l’exercice de l’activité productive ».

Une telle définition constitue, pour l’auteur, l’assise d’un modèle d’ analyse

3. D. Mercure et M.-P. Bourdages-Sylvain (dir.), Société et subjectivité, Québec et Paris, Presses de l’Université Laval et Éd. Hermann, 2021.

(17)

IntroductIon • rapport au travaIl et nouvelles voIes de la subjectIvIté 5

fondé sur les liens enchevêtrés entre trois dimensions nodales évoquées dans la définition : l’ethos du travail, l’identification au travail et les modes d’implication au travail. C’est sur la base de ces trois dimensions que Mercure propose l’étude des liens d’interdépendance entre les pratiques managériales contemporaines et les nouvelles dynamiques culturelles qui animent nos sociétés.

Deux questions fondamentales sous-tendent toute analyse du rapport au travail. La première concerne la finalité et la centralité du travail, à savoir le sens et la place plus ou moins centrale qu’occupe le travail dans une société, aussi bien dans la vie des institutions que dans celle des individus et des modes de socialisation auxquels ils sont exposés. La deuxième a trait à la situation vécue au travail, telle qu’elle se présente dans le double registre des conditions d’emploi et d’exercice de l’activité de travail. La première question nous situe au cœur du système des valeurs d’une société ; la seconde, au plus près du vécu quotidien.

La première question est abordée par Dominique Méda. L’auteure porte son attention sur la nature des liens entre identité et travail, consi- dérés comme des révélateurs du degré de centralité du travail. Sous le titre Y a-t-il un retour de la crise de la société du travail ?, Méda propose l’examen de trois ouvrages récents qui critiquent nos sociétés fondées sur le travail, ce qui, en fait, n’est que le prélude à une analyse de plus grande amplitude. Ces trois ouvrages, qui partagent la thèse selon laquelle le travail n’est pas un vecteur d’identité ou ne l’est plus – et ne peut plus l’être –, sont Fuck Work : pour une vie sans travail, de James Livingston, Le refus du travail, de David Frayne, et Bullshit Jobs : A theory, de David Graeber. Selon la perspective commune soutenue par ces trois auteurs, le travail n’est plus producteur de valeur : non seulement il se passe de nous, mais nous pouvons aussi nous passer de lui. Certes, nous dit l’auteure, le chômage est loin d’avoir diminué, mais la résurgence de ce courant de pensée s’appuie sur la double possibilité d’une nouvelle poussée d’automatisation des emplois et du versement d’un revenu universel. Ces deux éléments permettent aux trois auteurs d’envisager une rupture radicale avec la place nodale qu’occupe toujours le travail dans les sociétés productivistes capitalistes ou socialistes. Toutefois, cette analyse de Méda n’est que le prélude à un examen plus approfondi de la critique radicale de nos sociétés fondées sur le travail depuis le début des années 1980, notamment celle qui a été formulée en Allemagne et en France. De fait, son chapitre étudie l’évolution de cette critique au cours des trente dernières années : il met en évidence les ressemblances et les différences des mouvements de pensée qui n’ont eu de cesse de remettre en question

(18)

6 LES TRANSFORMATIONS CONTEMPORAINES DU RAPPORT AU TRAVAIL

la centralité du travail dans nos sociétés ; il montre aussi que la centralité du travail dans une société ne va pas de soi, tant s’en faut.

Dans le chapitre subséquent intitulé Le monde du travail comme fondement de la solidarité : vers un déclin inéluctable ?, Serge Paugam inscrit notre réflexion dans une perspective historique selon une approche attentive aux enjeux de l’intégration professionnelle et sociale. L’auteur amorce son étude en montrant que les analyses de Durkheim étaient en phase avec les développements initiaux de la société salariale et au fait de l’émergence de formes anormales de la division du travail, ce qu’il souhai- tait contrer, entre autres, par le renforcement du rôle intégrateur des différents groupes professionnels. Par la suite, Paugam dresse un portrait de l’évolution du travail depuis les années 1980, évolution marquée par l’effritement de la protection statutaire et de la reconnaissance collective des travailleurs. Une telle fragilisation de la situation vécue dans le monde du travail conduit l’auteur à proposer une analyse fondée sur la prise en considération concomitante du rapport à l’emploi et du rapport au travail, deux concepts dont il trace les lignes de démarcation. Sous la forme d’un tableau binaire croisé, Paugam présente quatre cas de figure d’intégration professionnelle qui rendent compte d’autant de situations vécues : labo- rieuse, disqualifiante, assurée et incertaine. Un tel outil d’analyse lui permet par la suite de comparer le degré d’intégration professionnelle entre différents pays.

La deuxième partie de l’ouvrage examine la question du rapport au travail dans un triple registre : celui de l’engagement au travail, de l’éthique du travail et des temporalités vécues au travail.

Dans le chapitre Job Involvement in European Perspective, Duncan Gallie montre l’importance grandissante que revêt un haut niveau d’engagement au travail afin d’accroître la productivité et l’innovation dans les sociétés capitalistes occidentales. Sur la base de trois dimensions clés (Commitment, Intrinsic motivation et Positive affect) et en s’appuyant sur des données tirées de l’European Social Survey, Gallie présente une analyse comparative des niveaux d’engagement des travailleurs selon des groupes de pays européens qui ont des profils institutionnels distincts en matière de relations de travail. Il montre qu’il existe des variations consi- dérables dans l’engagement professionnel entre ceux-ci, les salariés des pays nordiques ayant des niveaux exceptionnellement élevés d’engage- ment en regard des pays du Sud et des nouveaux États membres de l’Union européenne. Or ces écarts sont peu attribuables aux différences de composition dans les structures démographiques, professionnelles et

(19)

IntroductIon • rapport au travaIl et nouvelles voIes de la subjectIvIté 7

industrielles des groupes de pays, mais s’avèrent fortement associés aux différences entre les pays selon la qualité des emplois, spécialement la prévalence de la prise de décision participative, les possibilités d’appren- tissage, la reconnaissance salariale et la sécurité financière. Il appert que le haut niveau d’engagement professionnel des employés dans les pays nordiques reflète surtout le fait qu’ils ont des emplois de meilleure qualité, un phénomène lié en grande partie aux caractéristiques institutionnelles de ces pays, lesquels accordent un rôle plus important aux syndicats dans l’élaboration des politiques nationales et favorisent la participation des travailleurs en milieu de travail. En conclusion, Gallie montre clairement que le milieu de travail a des incidences marquées sur nos manières de nous investir au travail, composante importante du rapport au travail.

Au-delà des objets thématiques pertinents retenus, soit le revenu inconditionnel et les temporalités vécues au travail, chacun des auteurs des deux chapitres subséquents aborde subtilement une question de fond : d’abord, celle des liens complexes entre attentes expressives, revenu inconditionnel et éthique du travail ; ensuite, celle des interfaces entre les rapports subjectif et objectif au travail illustrées par l’analyse des temporalités vécues au travail.

Dans le chapitre Rapport au travail des jeunes et revenu inconditionnel : éthique du travail et attentes expressives, Patricia Vendramin pose la ques- tion suivante : comment une jeunesse porteuse d’attentes expressives fortes à l’égard du travail – mais aussi aux prises avec une intégration à l’emploi et la vie adulte complexe et ardue – se situe-t-elle par rapport à l’hypothèse d’un revenu inconditionnel ? Cette position modifie-t-elle leur rapport au travail ? L’auteure a mené une vaste enquête auprès des jeunes sur les conséquences qu’un tel revenu inconditionnel pourrait avoir sur leur vision du travail. Sans contrepartie de prestation de travail, l’adhésion au principe du revenu généralisé inconditionnel soulève inévi- tablement la question de l’éthique du travail et du devoir de travail.

L’analyse de l’auteure montre la persistance d’une éthique du devoir de travail chez les jeunes, mais aussi les limites de la dichotomie traditionnelle qui oppose en tous points l’orientation expressive à l’orientation instru- mentale au travail.

Intitulé Le rapport au travail pris dans ses temporalités : le cas des magistrats français, le chapitre de Laurent Willemez remet aussi en ques- tion une dichotomie classique, soit celle qui oppose réalité objective et perception subjective. L’auteur illustre la nécessité de penser le rapport subjectif au travail en lien avec d’autres éléments d’analyse, en particulier

(20)

8 LES TRANSFORMATIONS CONTEMPORAINES DU RAPPORT AU TRAVAIL

les logiques structurelles que sont les appartenances sociales, les formes d’organisation et les activités concrètes de ceux qui travaillent. Il en donne un exemple percutant avec l’étude des temporalités des magistrats dans le système judiciaire français. Willemez analyse les temporalités de ce groupe professionnel de trois manières distinctes : d’abord, par une étude longitudinale des carrières et des « choix » de mobilité des magistrats ; ensuite, par une analyse du temps de travail des magistrats, marqué par le débordement, voire la fusion entre les différents temps sociaux ; enfin, par un examen du temps passé au travail, dont les caractéristiques sont doubles : forte intensité de l’activité et grande hétérogénéité des rapports au travail. En suivant cette voie, Willemez montre que l’étude des tempo- ralités, parce qu’elle est une donnée vécue transversale, s’avère un objet particulièrement heuristique pour circonscrire le rapport au travail.

La troisième partie de l’ouvrage porte sur les liens entre les nouvelles formes d’organisation du travail et le rapport au travail, celui-ci étant étudié surtout sous le prisme du vécu en milieu de travail. Toutefois, ce vécu doit désormais composer avec des normes managériales de plus en plus intrusives, dont la visée principale est de mobiliser la subjectivité au travail, ce qui modifie en partie l’angle traditionnel d’analyse du rapport au travail.

Cette troisième partie de l’ouvrage s’ouvre sur le chapitre Les rapports au travail dans la fabrique de l’homme nouveau rédigé par Jean-Pierre Durand. L’auteur dresse un portrait d’ensemble de la « révolution douce » que fut la généralisation de la gestion allégée (lean management), laquelle a modifié le rapport au travail des hommes et des femmes en accroissant les rythmes de travail et la charge mentale des salariés. Durand montre de quelle manière les contenus du travail ont été profondément trans- formés et sous quels principes et pratiques la réorganisation de la production et du travail a créé les conditions d’une implication contrainte des salariés : le travail est plus dur, mais rendu plus intéressant grâce à une batterie d’outils sociotechniques qui l’intellectualisent partiellement.

La disjonction entre les nouvelles impositions de métarègles et le discours managérial lénifiant sur l’autonomie et la responsabilisation des salariés a des effets en apparence paradoxaux. Une telle disjonction déstabilise les salariés qui paraissent les plus forts (les « chênes ») lorsqu’ils rencontrent le premier grain de sable, jusqu’à ce qu’ils connaissent des troubles socio- psychiques. À l’inverse, les « roseaux », au socle narcissique plus solide, se construisent clivés en acceptant cette disjonction entre les attentes et leurs insatisfactions. Telle est la fabrique de l’homme nouveau, qui a

(21)

IntroductIon • rapport au travaIl et nouvelles voIes de la subjectIvIté 9

substitué ce clivage psychique à la discipline fordienne mise en évidence par Gramsci dans les années 1930.

L’analyse des nouvelles normes managériales est ciblée par Marie- Pierre Bourdages-Sylvain et Nancy Côté. Les auteures étudient les effets sur les travailleurs de l’actuelle phase de modernisation managériale au Québec, principalement les injonctions à la mobilisation de la subjecti- vité. Intitulé Normes managériales et nouvelles formes de rapport au travail, leur chapitre vise d’abord à explorer le contexte d’émergence des nouvelles normes en question ; ensuite, à analyser certaines voies de production et de diffusion de celles-ci dans les milieux de travail ; enfin, à dégager les effets sur le rapport au travail chez une catégorie particulière de travail- leurs, soit les cadres intermédiaires, dont le rôle est prédominant dans la diffusion des nouvelles normes. L’analyse de leur expérience vécue nuance les effets convenus du nouveau management sur les employés des secteurs significatifs de l’économie du savoir qui, à première vue, présentent un profil et des compétences leur permettant de tirer profit du contexte économique actuel. Dans les faits, il appert que, bien que les employés soient des maillons clés de la diffusion des nouvelles injonctions mana- gériales, ils sont eux aussi aux prises avec le paradoxe de la mobilisation, attendu qu’ils doivent faire face à des demandes croissantes en matière d’investissement de soi au travail tout en étant soumis à des contextes de travail susceptibles de miner leur engagement dans le travail. Une tension est alors susceptible de survenir entre l’ethos du travail souhaité et vécu, une situation pouvant mener à différentes formes de désengagement envers le travail.

L’ouvrage se termine avec le chapitre Les résistances au travail en temps de crise et d’hégémonie managériale. D’entrée de jeu, Stephen Bouquin souligne que, si la question du rapport au travail est restée présente dans les débats universitaires, c’est beaucoup moins le cas de celle des résistances au travail. Omniprésente lorsque les modèles productifs et les régimes de main-d’œuvre étaient dominés par les paradigmes taylorien et fordien, la question s’est évanouie à partir des années 1990 (les résistances au travail ayant cédé le pas à la domination, au consentement et à la servi- tude), et ce, jusqu’à tout récemment. À contre-courant, Bouquin souligne la pertinence d’une approche du rapport au travail qui met l’accent non seulement sur les conduites informelles, d’ajustement ou de type ludique, mais aussi sur la persistance de comportements d’opposition, que ce soit le freinage, les larcins, la perruque, voire des formes clandestines de sabotage. Cette persistance n’est pas anodine : elle témoigne du fait que le champ du travail n’est nullement pacifié, que la conflictualité a changé

(22)

10 LES TRANSFORMATIONS CONTEMPORAINES DU RAPPORT AU TRAVAIL

de visage pour se repositionner dans un contexte d’affaiblissement syndical et d’action collective jumelé à l’effritement de la stabilité d’emploi et à l’essor de nouvelles modalités de contrôle des salariés. Par-delà la persis- tance de la résistance au travail se pose aussi la question d’une montée de la fatigue, de l’usure et des formes de rejet dans un contexte marqué par des injonctions de haute performance. Sous la pacification managé- riale couvent le mal-être et une critique du travail qui peuvent aussi s’exprimer hors des lieux de travail, dans le champ politique comme sociétal.

(23)

PREMIÈRE PARTIE

CENTRALITÉ ET SIGNIFICATION

DU TRAVAIL

(24)
(25)

13

CHAPITRE 1

Rapport au travail et changement social : problématique et jalons pour un modèle d’analyse

Daniel Mercure

C

e chapitre vise à circonscrire la notion de rapport au travail. Pour ce faire, je m’attacherai tout d’abord à rappeler à grands traits la genèse de cette notion afin de mieux en repérer les assises dans la tradition sociologique. Par la suite, je m’emploierai à souligner sa pertinence heuristique dans le contexte social actuel, marqué tout à la fois par des changements culturels substantiels au sein de la main-d’œuvre et de fortes transformations, tant dans le contenu et les conditions d’exercice du travail que dans les formes de management, soit des changements qui modifient nos manières de travailler et de vivre le travail. Enfin, je propo- serai, dans la ligne directrice de mes travaux en cours, un essai de conceptualisation de la notion de rapport au travail afin de délimiter de manière plus précise ses principaux ancrages empiriques1.

D’emblée, la notion de rapport au travail désigne la nature et les formes de liens que les individus entretiennent avec l’activité de travail et l’emploi. Pour l’essentiel, une telle notion atteste de la place qu’occupe le travail dans la vie, de la valeur qui lui est accordée, de sa signification

1. Ce chapitre reprend et approfondit une première analyse du thème en question parue sous le titre « Genèse et horizons heuristiques du concept de rapport au travail », dans D. Mercure et M.  Vultur (dir.), Dix concepts pour comprendre le nouveau monde du travail, Paris et Québec, Éd. Hermann et Presses de l’Université Laval, 2019, p. 135-149.

Références

Documents relatifs

afin de limiter l'exposition et de réduire le nombre de personnes sur le plateau, les clients et les agences ne doivent pas assister physiquement aux tournages à ce

les autres salariés qui effectuent les mêmes tâches dans le même établissement Exception pour les disparités antérieures au 12 juin 2018 : elles sont permises et maintenues.

Recommandation 3 : Utiliser les données du programme de façon efficace pour évaluer les violations au Code et leur gravité ainsi que pour augmenter le nombre d’activités

Également dites « atypiques », du fait qu’elles se distinguent du modèle dominant des années 50 à 70 (CDI, temps plein et unicité de l’employeur), ces formes complexes de

Bernard Gazier (économiste, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
 Marchés transitionnels du travail et hiérarchie des normes du droit du travail : vers un retour du

le réseau thématique « Normes, déviance et réactions sociales » de l’Association Française de Sociologie (AFS), l’Association des Chercheurs des Organismes de la Formation et

Le Réseau thématique « Normes, déviances et réactions sociales » de l’Association Française de Sociologie organise cette journée d’étude pour interroger les enjeux

Les choses changent quand on est tout le jour, là, au milieu de la classe, qu'il faut s'acharner à faire lire des élèves qui devraient apprendre d'abord à penser