Le : 15/06/2016
Cour de cassation chambre sociale
Audience publique du 8 juin 2016 N° de pourvoi: 15-12945
ECLI:FR:CCASS:2016:SO01128 Non publié au bulletin
Cassation partielle M. Frouin (président), président
SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 22 janvier 2007 par la société Top campus en qualité d’intendante, a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes au titre de l’exécution du contrat de travail ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le second moyen :
Vu l’article L. 3121-7 du code du travail ;
Attendu que, si l’attribution d’un logement à titre gratuit peut constituer une modalité de rémunération de l’astreinte, cette modalité doit être prévue par une disposition claire et précise ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande au titre de la rémunération des astreintes, l’arrêt retient que le contrat de travail prévoit la mise à la disposition de la salariée d’un logement de fonction à titre gratuit comme un « moyen permettant d’assurer une présence dans l’établissement et de contribuer notamment à l’amélioration de la
sécurité. En contrepartie de l’engagement du salarié d’habiter réellement le logement, celui-ci est mis à sa disposition avec comme seule contrepartie la valorisation de l’avantage en nature sur paye, moyennant l’abattement pour sujétion liée à la fonction conformément aux règles en vigueur », que cette mise à disposition constitue une compensation en faveur de la salariée en contrepartie de l’accomplissement d’astreintes, que de plus l’employeur a accordé à l’intéressée en compensation de cette sujétion d’astreinte deux semaines de repos compensateur rémunérées chaque année ;
Qu’en statuant ainsi, sans constater l’existence d’une disposition conventionnelle ou contractuelle prévoyant précisément la rémunération de l’astreinte par l’attribution d’un logement de fonction, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute la salariée de sa demande en paiement d’une somme à titre de rémunération des astreintes, l’arrêt rendu le 31 janvier 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Angers ;
Condamne la société Top campus aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Top campus à payer à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté Madame X... de ses demandes tendant à la condamnation de la société Top Campus à lui verser un rappel de salaire et les congés payés y afférents ;
AUX MOTIFS propres QUE le contrat de travail de la salariée précise la durée du travail hebdomadaire fixée à 39 heures ainsi que les modalités d’annualisation de son temps de travail et la répartition des horaires pendant les périodes rouges (12 semaines de 44 heures par an) et vertes (semaines de 37 heures 20 hebdomadaires) notamment et qu’il appartient à la salariée de fournir les éléments de nature à étayer sa demande ; que la production de ses agendas et des attestations de résidents ainsi que les décomptes des
heures qu’elle aurait effectuées sans approbation de l’employeur, ne peuvent justifier de la réalisation d’heures supplémentaires en dehors des cas pour lesquels elle a pu bénéficier de repos compensateurs ; qu’en effet la nature des tâches qu’elle devait accomplir et les instructions données par l’employeur ne pouvaient donner lieu à des heures supplémentaires au-delà des horaires prévus par son contrat de travail alors que le décompte de la durée du travail établi par la salariée fait ressortir l’exécution d’heures supplémentaires pour les mêmes tâches notamment établissement des états d’entrée et de sortie des lieux, visites de locataires éventuels, interventions techniques à la demande des résidents ou sortie des poubelles les dimanches soir alors que ces tâches entraient dans le cadre de l’horaire normal de travail et de ses horaires journaliers et qu’elle n’était pas tenue de s’impliquer de sa propre initiative ou de se rendre disponible à tout moment auprès des résidents notamment pour nourrir les animaux comme cela a été relevé dans le courrier d’un résident ou pour recevoir un candidat à la location le dimanche et ce au- delà de ses obligations contractuelles et sans accord préalable de l’employeur qui lui avait rappelé ses instructions strictes sur ce point ;
AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE au soutien de sa demande concernant le rappel de salaire sur 394, 85 heures supplémentaires entre janvier 2007 et avril 2012 madame X... produit à cet effet son suivi des heures hebdomadaires ainsi que ses agendas pour la période concernée ; que des agendas ne peuvent justifier les heures réalisées car il existe des jours considérés comme travaillés qui ne sont pas complétés et des rendez-vous privés y sont indiqués ; que le contrat de travail prévoit une annualisation du temps de travail en fonction de périodes rouges (2 semaines à 44 h) et le reste de l’année à 37 h 20 ; que le suivi des heures rempli par madame X... indique effectivement la réalisation de ces heures ; que les attestations fournis par Madame X... à l’appui de sa demande ne justifient aucunement de l’amplitude de ses journées et d’éventuelles heures supplémentaires réalisées ; que l’employeur conteste l’ensemble de ces demandes et soutient qu’aucune heure supplémentaire n’a été réclamée à madame X... ; que par référence aux éléments versés aux débats, l’existence de temps de travail et d’éventuelles heures supplémentaires non rémunérées n’est pas établie ;
1/ ALORS QUE en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié d’étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu’en refusant de juger que Madame X... en produisant ses agendas, des attestations de résidents ainsi que les décomptes laissant tous apparaître des heures supplémentaires non rémunérées avait satisfait à son obligation probatoire, la cour d’appel a violé l’article L. 3171-4 du code du travail ;
2/ ALORS QUE en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié d’étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu’en reprochant à Madame X... de ne pas avoir justifié des heures supplémentaires dont elle réclamait le paiement, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve en méconnaissance de l’article L. 3171-4 du code du travail ;
3/ ALORS QUE tout salarié a droit au paiement des heures supplémentaires accomplies à
la demande ou avec l’accord de l’employeur, fût-il implicite ; que les heures supplémentaires accomplies au vu et au su de l’employeur doivent être rémunérées ; qu’en s’abstenant de rechercher si les heures supplémentaires réclamées par Madame X... avaient été accomplies au vu et au su de la société Top Campus sans qu’elle ne s’y oppose, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 3171-4 du code du travail ;
4/ ALORS QUE tout salarié a droit au paiement des heures supplémentaires accomplies à la demande ou avec l’accord de l’employeur, fût-il implicite ; que les heures supplémentaires imposées par la nature ou la quantité du travail demandé doivent être rémunérées ; qu’en s’abstenant de rechercher si la nature et le volume du travail demandé à Madame X... n’avaient pas rendus nécessaires l’accomplissement des heures supplémentaires réclamées, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 3171-4 du code du travail ;
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté Madame X... de ses demandes tendant à la condamnation de la société Top Campus à lui verser une somme de 65. 631 euros au titre des astreintes et les congés payés y afférents ;
AUX MOTIFS propres QUE il était stipulé dans son contrat de travail qu’elle bénéficiait d’un logement de fonction mis à sa disposition à titre gratuit comme un « moyen permettant d’assurer une présence dans l’établissement et de contribuer notamment à l’amélioration de la sécurité. En contrepartie de l’engagement du salarié d’habiter réellement le logement, celui-ci est mis à sa disposition avec comme seule contrepartie la valorisation de l’avantage en nature surpaye, moyennant l’abattement pour sujétion liée à la fonction conformément aux règles en vigueur... » ; que cette mise à disposition constitue donc une compensation en faveur de la salariée en contrepartie de l’accomplissement d’astreintes mais que seule la durée d’intervention pendant la période d’astreinte pouvait être considérée comme un temps de travail effectif décomptée et rémunérée comme tel ; que de plus il est établi que l’employeur lui a accordé en compensation de cette sujétion d’astreinte deux semaines de repos compensateur rémunérées chaque année alors qu’il n’est pas justifié par la salariée d’aucun temps d’intervention pendant la période d’astreinte, les agendas produits ne justifiant d’aucune intervention sauf à deux reprises dont il a été tenu compte par l’employeur ;
AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE la convention collective applicable ne prévoit aucune disposition concernant les astreintes il appartient aux parties d’en définir le principe et les modalités d’indemnisation dans le contrat de travail ; que par convention du 22 janvier 2007 signé par les deux parties un logement de fonction a été mis à disposition dans la résidence Top Campus ; que la mise à disposition du logement en compensation de l’astreinte est prévue par une convention claire et précise ; que la salariée doit apporter la preuve des temps réels d’activité réalisés pendant les astreintes et qui seuls peuvent être rémunérés comme un travail effectif, que le seul fait de demander de fixer la rémunération à 3 heures par nuit ne permet nullement de justifier des temps d’activité réellement accomplis ; que par référence aux éléments versés aux débats, l’existence de temps d’intervention pendant les astreintes n’est pas établie ;
1/ ALORS QUE si l’attribution d’un logement à titre gratuit peut constituer une modalité de
rémunération de l’astreinte, cette modalité doit être prévue par une disposition claire et précise ; que le contrat de travail se bornait à indiquer que le logement mis à disposition à titre gratuit avec obligation de l’habiter était un moyen d’assurer une présence dans l’établissement ; qu’en l’absence de disposition prévoyant expressément que l’attribution de ce logement à titre gratuit avait pour objet de constituer une compensation à l’accomplissement d’astreintes, la cour d’appel a tiré des conséquences erronées de ses propres constatations en méconnaissance des articles L. 3121-5 et L. 3121-7 du code du travail ;
2/ ALORS QUE en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié d’étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu’en reprochant à Madame X... de ne pas avoir justifié des temps d’intervention dont elle réclamait le paiement, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve en méconnaissance de l’article L. 3171-4 du code du travail.
Décision attaquée : Cour d’appel de Rennes, du 31 janvier 2014