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L'AVENTURE INTRODUCTION CORPUS DE TEXTES LITTERAIRES HORS PROGRAMME L'auteur et l œuvre (brève présentation)

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Texte intégral

(1)

L'AVENTURE – INTRODUCTION

CORPUS DE TEXTES LITTERAIRES HORS PROGRAMME

Texte L'auteur et l’œuvre

(brève présentation)

Remarques éventuelles JEAN DE LÉRY,

Histoire d'un voyage en terre de Brésil (1578)

Jean de Léry (1534-1613) est un voyageur et écrivain français protestant. Il donne, dans son Histoire d'un voyage en terre de Brésil une description très détaillée du Brésil (faune, flore, mœurs et coutumes des indigènes).

La langue du seizième siècle est un peu déroutante, l'orthographe,

notamment, n'ayant été fixée que plus

tardivement.

JEAN DE LA FONTAINE,

« Les Deux Pigeons » (Fables, livre IX, 1678)

Poète français auteur des très célèbres Fables, Jean de La Fontaine (1621-1695) exerça aussi une activité pédagogique, en tant que précepteur du duc de Bourbon.

Texte très célèbre, dont il n'est pas nécessaire de rappeler le contenu en détail pour

l'exploiter en dissertation.

SULLY PRUDHOMME,

« Le long du quai » (Stances et poèmes, 1865)

Poète français peu lu aujourd'hui, mais abondamment mis en musique par le passé, René François Armand Prudhomme, dit Sully Prudhomme, affectionne la peinture des états d'âme les plus ténus, comme dans ce poème évoquant la complexité des sentiments qui traversent l'homme qui part en mer.

Pour prolonger la lecture et découvrir un compositeur dont Jankélévitch parle beaucoup, écouter la mélodie composée par Fauré sur ce poème (intitulée « Les Berceaux »).

ARTHUR RIMBAUD,

« Le Bateau ivre » (Poésies, 1871).

Artiste insoumis et révolté à l'égard des valeurs bourgeoises et religieuses véhiculées par le milieu dans lequel il a grandi , Arthur Rimbaud (1854-1891) est encore un adolescent quand il écrit « Le Bateau ivre » : pour exprimer sa soif de liberté, il donne la parole à un navire qui part à la dérive.

Texte très célèbre ; même remarque que pour « Les Deux pigeons ».

JULES VERNE, Le Tour du monde en quatre-

vingts jours (1873)

Maître du roman d'aventure dans la France du dix-neuvième siècle, Jules Verne (1828- 1905), dans Le Tour du monde en quatre- vingts jours, met en scène un gentleman anglais, Philéas Fogg, pariant avec ses amis qu'il réussira à faire le tour du monde dans ce délai. Son flegme et son énergie le conduiront à vaincre tous les obstacles que la nature et les hommes mettent sur son chemin, et à gagner son pari.

Pour nourrir la

réflexion sur l'aventure, lire le roman en entier, ou d'autres du même auteur.

JULES VALLÈS, L'Enfant (1878)

Journaliste et romancier français, Jules Vallès (1832-1885) a mis sa plume au service de la lutte contre toutes les formes d'injustice. Récit autobiographique, L'Enfant propose une satire féroce de l'enseignement et de l'école. Dans cet extrait, le narrateur (un jeune collégien) est puni et enfermé dans une salle d'étude apparemment vide.

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José-Maria de HEREDIA,

« Les Conquérants » (Les Trophées, 1893)

Dans son recueil de sonnets Les Trophées, Hérédia (1842-1905) explore des univers très variés. « Les Conquérants » est une évocation des expéditions maritimes de la fin du quinzième siècle.

Philippe LE GUILLOU, La Rumeur du soleil (1989)

Ecrivain français né en 1959, Philippe Le Guillou aime à mettre en scène, dans ses récits, des personnages mus par une vocation ou un appel qui les entraîne hors des chemins convenus. L'intrigue de La Rumeur du soleil se situe au quinzième siècle, et le roman donne la parole à un explorateur fictif.

Les textes proposés ici d'écrivains français contemporains ne sont pas forcément bien connus de tous les correcteurs : pensez à les présenter si vous les exploitez en

dissertation.

Jacques RÉDA,

« La Baguette »

(L’Adoption du système métrique, 2004)

La poésie de Jacques Réda (écrivain français né en 1929) puise son inspiration notamment dans les paysages urbains que l'artiste aime arpenter en marchant.

André VELTER, Jusqu'au bout de la route (2014)

Le texte proposé constitue la préface d'un recueil de poèmes d'André Velter (écrivain français né en 1945 et grand voyageur) retraçant les étapes d'un voyage à travers le monde, et conçu comme un « livre-récital » : les poèmes ont été écrits en écho à des improvisations musicales réalisées par le violoncelliste Gaspar Claus.

JEAN DE LÉRY, Histoire d'un voyage en terre de Brésil (1578)

Ce dit jour doncques vingtiesme de Novembre, qu'ayant abandonné la terre, nous commençasmes à naviger sur ceste grande et impetueuse mer Oceane, nous decouvrismes et costoyasmes l'Angleterre, laquelle nous laissions à dextre : et dés lors fusmes prins d'un flot de mer qui continua douze jours : durant lesquels outre que nous fusmes tous fort malade de la maladie accoustumée à ceux qui vont sur mer, encores n'y avoit-il celuy qui ne fust bien espouvanté de tel branslement. Et de fait, ceux principalement qui n'avoyent jamais senti l'air marin, ny dancé telle dance, voyans la mer ainsi haute et esmeuë, pensoyent à tous coups et à toutes minutes que les vagues nous deussent faire couler en fond. Comme certainement c'est chose admirable de voir qu'un vaiseau de bois, quelque fort et grand qu'il soit, puisse ainsi resister à la fureur et force de ce tant terrible element. Car combien que les navires soyent basties de gros bois bien lié, chevillé, et bien godronné, et que celuy mesme où j'estois peust avoir environ dix huict toises de long, et trois et demi de large, qu'est-ce en comparaison de ce gouffre et de telle largeur, profondeur, et abysmes d'eau qu'est ceste mer du Ponent ? Partant, sans amplifier icy ce propos plus avant, je diray seulement ce mot en passant, qu'on ne sauroit assez priser, tant l'excellence de l'art de la navigation en general, qu'en particulier l'invention de l'Eguille marine, avec laquelle on se conduit : dont neanmoins, comme aucuns escrivent, l'usage n'est que depuis environ deux cens cinquante ans.

Nous fusmes doncques ainsi agitez, et navigasmes avec grandes difficultez jusques au trezieme jour apres nostre embarquement, que Dieu appaisa les flots et orages de la mer.

*

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JEAN DE LA FONTAINE, Fables, livre IX (1678) LES DEUX PIGEONS

Deux Pigeons s'aimaient d'amour tendre.

L'un d'eux s'ennuyant au logis Fut assez fou pour entreprendre Un voyage en lointain pays.

L'autre lui dit : Qu'allez-vous faire ? Voulez-vous quitter votre frère ? L'absence est le plus grand des maux :

Non pas pour vous, cruel. Au moins, que les travaux, Les dangers, les soins du voyage,

Changent un peu votre courage.

Encor si la saison s'avançait davantage !

Attendez les zéphyrs. Qui vous presse ? Un corbeau Tout à l'heure annonçait malheur à quelque oiseau.

Je ne songerai plus que rencontre funeste,

Que Faucons, que réseaux. Hélas, dirai-je, il pleut : Mon frère a-t-il tout ce qu'il veut,

Bon soupé, bon gîte, et le reste ? Ce discours ébranla le cœur De notre imprudent voyageur ;

Mais le désir de voir et l'humeur inquiète L'emportèrent enfin. Il dit : Ne pleurez point : Trois jours au plus rendront mon âme satisfaite ; Je reviendrai dans peu conter de point en point Mes aventures à mon frère.

Je le désennuierai : quiconque ne voit guère N'a guère à dire aussi. Mon voyage dépeint Vous sera d'un plaisir extrême.

Je dirai : J'étais là ; telle chose m'advint ; Vous y croirez être vous-même.

À ces mots en pleurant ils se dirent adieu.

Le voyageur s'éloigne ; et voilà qu'un nuage L'oblige de chercher retraite en quelque lieu.

Un seul arbre s'offrit, tel encor que l'orage Maltraita le Pigeon en dépit du feuillage.

L'air devenu serein, il part tout morfondu,

Sèche du mieux qu'il peut son corps chargé de pluie, Dans un champ à l'écart voit du blé répandu,

Voit un pigeon auprès ; cela lui donne envie : Il y vole, il est pris : ce blé couvrait d'un las, Les menteurs et traîtres appas.

Le las était usé ! si bien que de son aile,

De ses pieds, de son bec, l'oiseau le rompt enfin.

Quelque plume y périt ; et le pis du destin Fut qu'un certain Vautour à la serre cruelle Vit notre malheureux, qui, traînant la ficelle

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Et les morceaux du las qui l'avait attrapé, Semblait un forçat échappé.

Le vautour s'en allait le lier, quand des nues Fond à son tour un Aigle aux ailes étendues.

Le Pigeon profita du conflit des voleurs, S'envola, s'abattit auprès d'une masure, Crut, pour ce coup, que ses malheurs Finiraient par cette aventure ;

Mais un fripon d'enfant, cet âge est sans pitié, Prit sa fronde et, du coup, tua plus d'à moitié La volatile malheureuse,

Qui, maudissant sa curiosité, Traînant l'aile et tirant le pié, Demi-morte et demi-boiteuse, Droit au logis s'en retourna.

Que bien, que mal, elle arriva Sans autre aventure fâcheuse.

Voilà nos gens rejoints ; et je laisse à juger De combien de plaisirs ils payèrent leurs peines.

Amants, heureux amants, voulez-vous voyager ? Que ce soit aux rives prochaines ;

Soyez-vous l'un à l'autre un monde toujours beau, Toujours divers, toujours nouveau ;

Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le reste ; J'ai quelquefois aimé ! je n'aurais pas alors

Contre le Louvre et ses trésors,

Contre le firmament et sa voûte céleste, Changé les bois, changé les lieux

Honorés par les pas, éclairés par les yeux De l'aimable et jeune Bergère

Pour qui, sous le fils de Cythère,

Je servis, engagé par mes premiers serments.

Hélas ! quand reviendront de semblables moments ? Faut-il que tant d'objets si doux et si charmants Me laissent vivre au gré de mon âme inquiète ? Ah ! si mon cœur osait encor se renflammer ! Ne sentirai-je plus de charme qui m'arrête ? Ai-je passé le temps d'aimer ?

*

SULLY PRUDHOMME, Stances et poèmes (1865-1866) LE LONG DU QUAI

Le long du Quai, les grands vaisseaux, Que la houle incline en silence,

Ne prennent pas garde aux berceaux Que la main des femmes balance.

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Mais viendra le jour des adieux ; Car il faut que les femmes pleurent Et que les hommes curieux

Tentent les horizons qui leurrent.

Et ce jour-là les grands vaisseaux, Fuyant le port qui diminue, Sentent leur masse retenue Par l’âme des lointains berceaux.

*

ARTHUR RIMBAUD, Poésies (1871) LE BATEAU IVRE

Comme je descendais des Fleuves impassibles, Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :

Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J'étais insoucieux de tous les équipages, Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.

Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.

Dans les clapotements furieux des marées,

Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants, Je courus ! Et les Péninsules démarrées

N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

La tempête a béni mes éveils maritimes.

Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes, Dix nuits, sans regretter l’œil niais des falots ! Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sures, L'eau verte pénétra ma coque de sapin

Et des taches de vins bleus et des vomissures Me lava, dispersant gouvernail et grappin.

Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème De la Mer, infusé d'astres, et lactescent, Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême Et ravie, un noyé pensif parfois descend ; Où, teignant tout à coup les bleuités, délires Et rythmes lents sous les rutilements du jour, Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres, Fermentent les rousseurs amères de l'amour !

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Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes Et les ressacs et les courants : je sais le soir, L'Aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes, Et j'ai vu quelquefois ce que l'homme a cru voir ! J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques, Illuminant de longs figements violets,

Pareils à des acteurs de drames très-antiques Les flots roulant au loin leurs frissons de volets ! J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies, Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs, La circulation des sèves inouïes,

Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs ! J'ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries Hystériques, la houle à l'assaut des récifs, Sans songer que les pieds lumineux des Maries Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs ! J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux D'hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux ! J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan ! Des écroulements d'eaux au milieu des bonaces, Et les lointains vers les gouffres cataractant !

Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises ! Échouages hideux au fond des golfes bruns

Où les serpents géants dévorés des punaises Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums ! J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades

Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants.

- Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades Et d'ineffables vents m'ont ailé par instants.

Parfois, martyr lassé des pôles et des zones, La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux

Montait vers moi ses fleurs d'ombre aux ventouses jaunes Et je restais, ainsi qu'une femme à genoux...

Presque île, ballottant sur mes bords les querelles Et les fientes d'oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds.

Et je voguais, lorsqu'à travers mes liens frêles Des noyés descendaient dormir, à reculons !

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Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses, Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau,

Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses N'auraient pas repêché la carcasse ivre d'eau ; Libre, fumant, monté de brumes violettes,

Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur Qui porte, confiture exquise aux bons poètes, Des lichens de soleil et des morves d'azur, Qui courais, taché de lunules électriques, Planche folle, escorté des hippocampes noirs,

Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ; Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues Le rut des Béhémots et des Maelstroms épais,

Fileur éternel des immobilités bleues, Je regrette l'Europe aux anciens parapets ! J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles

Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur : - Est-ce en ces nuits sans fond que tu dors et t'exiles, Million d'oiseau d'or, ô future Vigueur ? -

Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.

Toute lune est atroce et tout soleil amer : L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.

Ô que ma quille éclate ! Ô que j'aille à la mer ! Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache Noire et froide où vers le crépuscule embaumé Un enfant accroupi plein de tristesses, lâche Un bateau frêle comme un papillon de mai.

Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames, Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,

Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes, Ni nager sous les yeux horribles des pontons.

*

JULES VERNE, Le Tour du monde en quatre-vingts jours (1873)

Vers huit heures, la bourrasque de pluie et de rafale tomba à bord. Rien qu'avec son petit morceau de toile, la Tankadère fut enlevée comme une plume par ce vent dont on ne saurait donner une idée exacte, quand il souffle en tempête. Comparer sa vitesse à la quadruple vitesse d'une locomotive lancée à toute vapeur, ce serait rester au-dessous de la vérité.

Pendant toute la journée, l'embarcation courut ainsi vers le nord, emportée par les lames

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monstrueuses, en conservant heureusement une rapidité égale à la leur. Vingt fois elle faillit être coiffée par une de ces montagnes d'eau qui se dressaient à l'arrière ; mais un adroit coup de barre, donné par le pilote, paraît la catastrophe. Les passagers étaient quelquefois couverts en grand par les embruns qu'ils recevaient philosophiquement. Fix maugréait sans doute, mais l'intrépide Aouda, les yeux fixés sur son compagnon, dont elle ne pouvait qu'admirer le sang-froid, se montrait digne de lui et bravait la tourmente à ses côtés. Quant à Phileas Fogg, il semblait que ce typhon fît partie de son programme.

Jusqu'alors la Tankadère avait toujours fait route au nord ; mais vers le soir, comme on pouvait le craindre, le vent, tournant des trois quarts, hâla le nord-ouest. La goélette, prêtant alors le flanc à la lame, fut effroyablement secouée. La mer la frappait avec une violence bien faite pour effrayer, quand on ne sait pas avec quelle solidité toutes les parties d'un bâtiment sont reliées entre elles.

*

JULES VALLÈS, L'Enfant (1878)

Je vais d'un pupitre à l'autre : ils sont vides — on doit nettoyer la place, et les élèves ont déménagé.

Rien, une règle, des plumes rouillées, un bout de ficelle, un petit jeu de dames, le cadavre d'un lézard, une agate perdue.

Dans une fente, un livre : j'en vois le dos, je m'écorche les ongles à essayer de le retirer.

Enfin, avec l'aide de la règle, en cassant un pupitre, j'y arrive ; je tiens le volume et je regarde le titre :

ROBINSON CRUSOÉ II est nuit.

Je m'en aperçois tout d'un coup. Combien y a-t-il de temps que je suis dans ce livre ? — quelle heure est-il ?

Je ne sais pas, mais voyons si je puis lire encore ! Je frotte mes yeux, je tends mon regard, les lettres s'effacent, les lignes se mêlent, je saisis encore le coin d'un mot, puis plus rien.

J'ai le cou brisé, la nuque qui me fait mal, la poitrine creuse ; je suis resté penché sur les chapitres sans lever la tête, sans entendre rien, dévoré par la curiosité, collé aux flancs de Robinson, pris d'une émotion immense, remué jusqu'au fond de la cervelle et jusqu'au fond du cœur ; et en ce moment où la lune montre là-bas un bout de corne, je fais passer dans le ciel tous les oiseaux de l'île, et je vois se profiler la tête longue d'un peuplier comme le mât du navire de Crusoé ! Je peuple l'espace vide de mes pensées, tout comme il peuplait l'horizon de ses craintes ; debout contre cette fenêtre, je rêve à l'éternelle solitude et je me demande où je ferai pousser du pain...

La faim me vient : j'ai très faim.

Vais-je être réduit à manger ces rats que j'entends dans la cale de l'étude ? Comment faire du feu ? J'ai soif aussi. Pas de bananes ! Ah ! lui, il avait des limons frais ! Justement j'adore la limonade !

Clic, clac ! on farfouille dans la serrure.

Est-ce Vendredi ? Sont-ce des sauvages ?

C'est le petit pion qui s'est souvenu, en se levant, qu'il m'avait oublié, et qui vient voir si j'ai été dévoré par les rats, ou si c'est moi qui les ai mangés.

*

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JOSÉ-MARIA DE HEREDIA, Les Trophées, 1893 LES CONQUÉRANTS

Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal, Fatigués de porter leurs misères hautaines, De Palos de Moguer1, routiers et capitaines Partaient, ivres d'un rêve héroïque et brutal.

Ils allaient conquérir le fabuleux métal

Que Cipango2 mûrit dans ses mines lointaines, Et les vents alizés inclinaient leurs antennes Aux bords mystérieux du monde Occidental.

Chaque soir, espérant des lendemains épiques, L'azur phosphorescent de la mer des Tropiques Enchantaient leur sommeil d'un mirage doré ; Ou penchés à l'avant des blanches caravelles, Ils regardaient monter en un ciel ignoré Du fond de l'Océan des étoiles nouvelles.

*

PHILIPPE LE GUILLOU, La Rumeur du soleil, 1989

Ce désir de mer m'est né dès l'enfance. Tout en bas du jardin épineux où rôdait la tortue, une plage de galets blancs descendait dans les vagues. C'est là, la nuit tombée, seul dans ma chambre qui surplombait l'océan, que j'ai pour la première fois reçu l'appel du large, le grondement et le galop des masses marines lancés contre les roches.

Sous les flots, dans la nuit d'écume, les galets roulaient, chahut de pierres, de crânes sonores sous la lune. Le rivage s'éboulait dans la tempête, les lames couvraient la rumeur des oiseaux : de la fenêtre, j'apercevais le front levé des crêtes charriant leurs massifs d'algues, leurs vestiges de temples sous-marins. Cette palpitation de la mer Océane me terrifiait : j'étais là, derrière la fenêtre ouverte, la chemise trempée de sel, à regarder les lambeaux d'astres que déployait la mer, ce vertige de vagues dressées, murailles blanches jusqu'à la lune, j'entendais l'ossature de la terre s'égrener en fracas de galets et de vertèbres cosmiques.

Une énergie phénoménale se ruait contre la falaise, la clameur de l'eau se propageait dans les grottes qui criblaient les assises de notre maison, je rêvais d'aller au-delà de ces crêtes, de ces murailles translucides que fronçaient les débordements d'écume.

La maison vibrait, la tortue aussi sous sa carapace. Déjà je devinais que je ne saurais admettre l'idée d'une mer close, d'un monde connu, fini, je délirais, et dans mon délire m'obsédait la faille dans les fonds qui libérait cette force, le bras secret qui agite les eaux, je croyais à l'existence d'une force souterraine, l'oeil de la tempête, sanglant dans l'écume, brasillait pour moi au cœur des flots.

1 Palos de Moguer, encore appelé Palos de la Frontera, dans la province de Huelva, en Espagne, est le port, aujourd'hui ensablé, d'où partit Christophe Colomb, le 3 août 1492.

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JACQUES RÉDA, L’Adoption du système métrique, 2004.

LA BAGUETTE

A neuf heures du soir, un dimanche, en été, Comment trouver une boulangerie ouverte ? Il avait plu continûment. La lueur verte D’une vague éclaircie au couchant, du côté Des hauteurs de Saint-Cloud et Sèvres calcinées, Découpait les feuillages bas du boulevard

Sans dissiper, dans l’air aussi mou qu’un buvard Humide, l’ombre morte où j’allais. Mes journées S’achèvent très souvent ainsi par un grand tour Machinal à travers des quartiers sans surprise : On marche pour marcher, on se volatilise, On n’est plus qu’un reflet mobile du faubourg.

Etais-je moins distrait, le soir de ce dimanche, Parce que je croyais avoir besoin de pain ? Je me passe pourtant facilement de pain, De biscottes ou d’autre denrée. En revanche, La ration d’asphalte est vitale. Donc j’ai Bientôt vite oublié ce motif de ma course,

Pour m’enfoncer dans l’ombre égale vers la source De lumière filtrant à l’horizon figé.

C’était une autre ville et dans une autre époque, Cependant la même heure et la même saison Et moi comme un voleur évadé de prison Je n’étais plus ce vieux passant qui soliloque Mais un libre arpenteur du cadastre divin.

Aucun mal à présent, pensais-je, ne me guette, Et je tenais comme un talisman la baguette Achetée à son prix d’alors (quatre francs vingt).

*

ANDRÉ VELTER, Jusqu'au bout de la route, 2014

Quelle mélodie que le monde quand il n'est aucun parcours à suivre, nulle halte à honorer ni temps à mesurer. Toute nécessité est livrée au hasard, toute raison au songe, toute fin à l'errance. On capte les énigmes des déserts, des pistes, des oasis, des bas-côtés et des villes. On ne cesse d'improviser, de changer d'harmonies, d'accueillir des silences, tandis que monte droit devant un fort soleil d'orient, un doux chorus d'aubes, un grand souffle d'azur.

Chaque action se sait ultime, éphémère. Chaque pensée se veut intacte, mouvante. Le destin s'en tient à la magie simple d'un déplacement d'ouest en est. Et il n'y a rien à espérer, et il n'y a rien

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à prévoir, et il y a tout à parier qu'il s'agit seulement de remonter le cours de la lumière. Inséparables jusqu'au bout de la route, la poésie et la vie se font escorte, même si le final se joue à mesure, tragique et follement gai, comme un requiem fredonné par la sauvageonne qui, au bord du Gange, fouille la cendre des bûchers.

Ce voyage au vrai est de tous les voyages. Nullement une suite d'escales mais une avancée continue, une trajectoire scandée, une marche, un déboulé, un galop d'approche, une prise d'altitude.

Du réel à l'état pur et de l'imaginaire embarqué sans excédent de bagages. Car il est aussi question d'un délestage, d'une allégresse à se dessaisir, de ce moins qui délivre, et de ce manque soudain transmué en vecteur de renaissance.

Evidemment, comme il se doit, c'est écrit à l'oreille, avec la couleur de tous les sons qui me hantent d'Andalousie en Inde et du Tibet au Japon, mais qui tous émanent et s'échappent du violoncelle de Gaspar Claus. Avec lui, le parcours s'accomplit, s'égare, se réinvente à chaque carrefour, à la fois orienté et imprévisible, bouleversé et suave. Sous son archet hors d'âge, il y a des guitares, des contrebasses, des mandolines, des luths d'Orient, des sazs, des rababs, des santours, des sarods, des sitars, des tablas, des damarus, des biwas, des kokyus : tout un arc-en-ciel de cordes frappées, frottées, effleurées qui mènent où l'on ne s'attend pas, alors même qu'on veut y aller.

* *

*

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