actualité, info
en marge
Il est des ouvrages qui apparais
sent comme éclairés par leur pré
face. C’est le cas de celui que le biologiste Jean Deutsch, professeur émérite de l’Université Pierre et Marie Curie (Paris) consacre au gène et que les éditions du Seuil ont eu l’heureuse idée de pu
blier.1 Cette préface est signée du Pr Jean Gayon (Université Paris I
Panthéon Sorbonne), éminent spé
cialiste dans les champs voisins de la philosophie et de l’histoire des scien ces de la vie. Le Pr Gayon voit dans l’ouvrage du Pr Deutsch des points communs avec les œuvres, que l’on ne pré
sente plus, de François Jacob et Stephen Jay Gould : nourrir les ré
flexions de scientifiques de l’his
toire des idées. On pourrait voir là des compliments mandarinaux de circonstance. Tel n’est pas le cas.
La science n’est sans doute en rien une pratique sacrée. Encore faut
il le démontrer. Et rien de mieux, ici, rien de plus opérant que l’his
toire de la science. Il en irait d’ail
leurs de même de la médecine si la médecine était sacralisée. Le préfacier dit de l’auteur qu’il est un exceptionnel pédagogue comme l’ont montré plusieurs ou
vrages, grands
classiques de l’enseignement de la génétique en langue française.
C’est aussi un fort bon conteur, récompensé d’un prestigieux prix de la vulgarisation.2 Cette fois, il prend à braslecorps le concept de gène, son histoire et son état présent. Et il use de l’histoire au service d’une distanciation criti que ;
cette histoire «indispensable au généticien d’aujourd’hui com me elle l’a été aux mécaniciens tant de fois dans l’essor de leur disci
pline». Mais l’auteur, pédagogue vulgarisateur, s’adresse autant au généticien de profession qu’à l’épistémologue ; sans oublier les honnêtes hommes qui ne feraient pas déjà partie des deux premiè res catégories.
Sans doute le profane devratil faire un effort, lire et relire certai
nes phrases. Mais il sait aussi, ce profane, qu’il peut y avoir bien des plaisirs à entrer dans la com
plexité. Mendel bien sûr, plus pré
sent que jamais ; Monod, Jacob et la révolution de l’opéron lactose et ce fil conducteur qu’est la résur
gence récurrente de l’inoxydable concept de gène qui ne cesse de retrouver de nouvelles formes d’existence. «Loin de cautionner les propos désabusés d’un nombre croissant de biologistes (et de phi
losophes) sur le caractère obsolète du concept de gène, Jean Deutsch invite à l’élargir, souligne Jean Gayon. Ni les gènes morcelés, ni
les découvertes sur le rôle des microARN, ni l’épigéné
tique ne devraient nous faire renoncer au con
cept de gène. La manière dont il dé
veloppe ce point tout en usant des
connaissances les plus récentes de la biologie moléculaire est fasci
nante (…). Cet ouvrage est habité de part en part par l’idée que la génétique est une science qui exige un fort engagement conceptuel et qu’une bonne part des crises ré
centes qu’elle a connues a résulté d’une insuffisante réflexion théo
rique.»
Nous sommes ainsi dans l’actua
lité rémanente des fulgurances de Mendel, mais une actualité traitée en 2012 par un homme qui a eu la chance de voir in statu nascendi les décou
vertes et les méditations théo riques de François Jacob, Jac ques Monod et de leurs collaborateurs. Un passeur en somme. Et un passeur qui s’ex
prime à un moment bien particulier où la médecine semble abandonner l’espoir du gène thérapeutique au profit, massif et collectif, du gène diagnostique c’estàdire bien sou
vent du gène dépistage. Sans même parler de toutes ces promesses médiatiquement véhiculées et qui sont placées sous le double ban
deau des cellules souches et de la médecine régénératrice. Pour comprendre le con cept de gène (et aussi, ditil modestement, pour tenter d’éclaircir ses propres idées) Jean Deutsch a entrepris d’en retracer l’histoire, qui est d’ailleurs relativement courte.
Le propos est ici heureusement et synthétiquement ordonné qui nous guide d’avant le concept du gène à sa naissance (le gène symbolique) au gène chromosomique, au gène moléculaire jusqu’à la crise actuelle qui taraude ce concept. Soit de PierreLouis Moreau de Mauper
tuis (16981753) – et August Weis
mann (18341914) – jusqu’à aujour
d’hui. Notre bel aujourd’hui, où l’on en revient à la grande ques
tion, éternelle, soulevée au XIXe siècle : expliquer à la fois la trans- formation des caractères au cours des générations et leur formation au cours du développement.
«C’est encore et toujours établir la relation entre le génotype et le phénotype, de comprendre les mécanismes biologiques complexes par lesquels l’être vivant transforme les signaux transmis, y compris épigénétiques, inscrits dans les gènes au sens large en information et en information en forme, en phénotype.»
Ainsi, un des aspects les plus in
téressants (sinon les plus simples) de l’ouvrage réside dans les cha
pitres traitants des rapports entre le gène et l’information génétique, entre la forme du gène, ses codes et les informations qu’il recèle et qu’il véhicule. Que penser aujour
d’hui de la célèbre sentence, vieille d’un demisiècle, selon laquelle l’ADN est le vecteur de l’hérédité ? Une formule qui commence à im
prégner les esprits avec de Mau
pertuis qui fait basculer l’hérédité du social au biologique. Or il nous faut bien nous sortir de la pression dominante. Il faut accepter l’idée selon laquelle toute l’hérédité n’est pas biologique. «Bien des "carac
tères" sont transmis de génération en génération, non pas par la voie biologique mais par la voie cultu
relle» écrit l’auteur. Une bonne nouvelle en somme pour tous les tenants du droit du sol de préfé
rence à ceux du droit du sang ? Pour Jean Deutsch, citant Etienne Danchin, cette hérédité culturelle ou sociale n’est pas spécifique à l’humain : on a pu l’observer chez bien des animaux et peutêtre même chez les plantes. Vertiges.
«Il est fort probable qu’elle soit un paramètre dont il faille tenir compte dans l’évolution des êtres vivants, écrit l’auteur. La généti que n’a rien à voir, du moins directe
ment, avec cette hérédité cultu
relle.» C’est dire la révolution co
pernicienne qui s’opère sous nos
Mais où sont passés les gènes d’antan ?
…
la génétique est une science qui exige un fort engagement conceptuel
…sure urgente sera limitée aux spécialis
tes. Alain Berset souhaite y recourir pendant trois ans avant d’appliquer une réforme plus ample de l’offre médicale.
Avec le recours au moratoire, les cantons pourront à nouveau gérer temporairement l’admission des spé
cialistes. La limitation concerne ceux qui n’exerceront pas leur activité avant l’entrée en vigueur de la loi, prévue au 1er avril 2013. (...) Avec le retour du moratoire, le mi
nistre de la Santé, Alain Berset, veut parer au plus pressé avant la mise en place d’une solution plus globale permettant d’éviter tant une pénurie qu’un excès de soins dans les diffé
rentes régions du pays.
La proposition de renouer avec le
D.R.
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Revue Médicale Suisse
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www.revmed.ch–
28 novembre 20122311
A découvrir sur la plateforme
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pour toute information yeux. C’est sans doute dire, aussi,
les dimensions nouvelles qui s’ouvrent et s’ouvriront à nous.
Cette hérédité culturelle atelle un substrat ? Si oui, où estil entre la chromatine et l’éther des mémoi res collectives ? N’estelle faite que de connexions immatérielles entre substrats déjà existants ? Estelle décryptable et intégrable dans des codes assurant une lecture repro
ductible et prospective ? La méde
cine occuperatelle demain une place dans les nouvelles dimen
sions de la compréhension du vi
vant qu’explorent les généticiens contemporains ? Et si oui s’agira
til d’une place qui correspondra à l’idée que nous nous faisons, aujourd’hui encore, de la pratique de la médecine humaine ? Avec le livre éclairé de Jean Deutsch comme bréviaire pour les temps à venir, ces questions prendront sans doute de bien surprenantes réso
nances.
Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com
1 Deutsch J. Le gène, un concept en évo
lution. Paris : Le Seuil, 2012.
2 Deutsch J. Le Ver qui prenait l’escargot comme taxi, et autres histoires natu
relles. Paris : Le Seuil, 2008 (prix Jean Rostand).
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