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Mais où sont passés les gènes d’antan ?

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Academic year: 2022

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actualité, info

en marge

Il est des ouvrages qui apparais­

sent comme éclairés par leur pré­

face. C’est le cas de celui que le biologiste Jean Deutsch, professeur émérite de l’Université Pierre et Marie Curie (Paris) consacre au gène et que les éditions du Seuil ont eu l’heureuse idée de pu­

blier.1 Cette préface est signée du Pr Jean Gayon (Université Paris I­

Panthéon Sorbonne), éminent spé­

cialiste dans les champs voisins de la philosophie et de l’histoire des scien ces de la vie. Le Pr Gayon voit dans l’ouvrage du Pr Deutsch des points communs avec les œuvres, que l’on ne pré­

sente plus, de François Jacob et Stephen Jay Gould : nourrir les ré­

flexions de scientifiques de l’his­

toire des idées. On pourrait voir là des compliments mandarinaux de circonstance. Tel n’est pas le cas.

La science n’est sans doute en rien une pratique sacrée. Encore faut­

il le démontrer. Et rien de mieux, ici, rien de plus opérant que l’his­

toire de la science. Il en irait d’ail­

leurs de même de la médecine si la médecine était sacralisée. Le préfacier dit de l’auteur qu’il est un exceptionnel pédagogue comme l’ont montré plusieurs ou­

vrages, grands

classiques de l’enseignement de la génétique en langue française.

C’est aussi un fort bon conteur, récompensé d’un prestigieux prix de la vulgarisation.2 Cette fois, il prend à bras­le­corps le concept de gène, son histoire et son état présent. Et il use de l’histoire au service d’une distanciation criti que ;

cette histoire «indispensable au généticien d’aujourd’hui com me elle l’a été aux mécaniciens tant de fois dans l’essor de leur disci­

pline». Mais l’auteur, pédagogue vulgarisateur, s’adresse autant au généticien de profession qu’à l’épistémologue ; sans oublier les honnêtes hommes qui ne feraient pas déjà partie des deux premiè res catégories.

Sans doute le profane devra­t­il faire un effort, lire et relire certai­

nes phrases. Mais il sait aussi, ce profane, qu’il peut y avoir bien des plaisirs à entrer dans la com­

plexité. Mendel bien sûr, plus pré­

sent que jamais ; Monod, Jacob et la révolution de l’opéron lactose et ce fil conducteur qu’est la résur­

gence récurrente de l’inoxydable concept de gène qui ne cesse de retrouver de nouvelles formes d’existence. «Loin de cautionner les propos désabusés d’un nombre croissant de biologistes (et de phi­

losophes) sur le caractère obsolète du concept de gène, Jean Deutsch invite à l’élargir, souligne Jean Gayon. Ni les gènes morcelés, ni

les découvertes sur le rôle des micro­ARN, ni l’épigéné­

tique ne devraient nous faire renoncer au con­

cept de gène. La manière dont il dé­

veloppe ce point tout en usant des

connaissances les plus récentes de la biologie moléculaire est fasci­

nante (…). Cet ouvrage est habité de part en part par l’idée que la génétique est une science qui exige un fort engagement conceptuel et qu’une bonne part des crises ré­

centes qu’elle a connues a résulté d’une insuffisante réflexion théo­

rique.»

Nous sommes ainsi dans l’actua­

lité rémanente des fulgurances de Mendel, mais une actualité traitée en 2012 par un homme qui a eu la chance de voir in statu nascendi les décou­

vertes et les méditations théo riques de François Jacob, Jac ques Monod et de leurs collaborateurs. Un passeur en somme. Et un passeur qui s’ex­

prime à un moment bien particulier où la médecine semble abandonner l’espoir du gène thérapeutique au profit, massif et collectif, du gène diagnostique c’est­à­dire bien sou­

vent du gène dépistage. Sans même parler de toutes ces promesses médiatiquement véhiculées et qui sont placées sous le double ban­

deau des cellules souches et de la médecine régénératrice. Pour comprendre le con cept de gène (et aussi, dit­il modestement, pour tenter d’éclaircir ses propres idées) Jean Deutsch a entrepris d’en retracer l’histoire, qui est d’ailleurs relativement courte.

Le propos est ici heureusement et synthétiquement ordonné qui nous guide d’avant le concept du gène à sa naissance (le gène symbolique) au gène chromosomique, au gène moléculaire jusqu’à la crise actuelle qui taraude ce concept. Soit de Pierre­Louis Moreau de Mauper­

tuis (1698­1753) – et August Weis­

mann (1834­1914) – jusqu’à aujour­

d’hui. Notre bel aujourd’hui, où l’on en revient à la grande ques­

tion, éternelle, soulevée au XIXe siècle : expliquer à la fois la trans- formation des caractères au cours des générations et leur formation au cours du développement.

«C’est encore et toujours établir la relation entre le génotype et le phénotype, de comprendre les mécanismes biologiques complexes par lesquels l’être vivant transforme les signaux transmis, y compris épigénétiques, inscrits dans les gènes au sens large en information et en information en forme, en phénotype.»

Ainsi, un des aspects les plus in­

téressants (sinon les plus simples) de l’ouvrage réside dans les cha­

pitres traitants des rapports entre le gène et l’information génétique, entre la forme du gène, ses codes et les informations qu’il recèle et qu’il véhicule. Que penser aujour­

d’hui de la célèbre sentence, vieille d’un demi­siècle, selon laquelle l’ADN est le vecteur de l’hérédité ? Une formule qui commence à im­

prégner les esprits avec de Mau­

pertuis qui fait basculer l’hérédité du social au biologique. Or il nous faut bien nous sortir de la pression dominante. Il faut accepter l’idée selon laquelle toute l’hérédité n’est pas biologique. «Bien des "carac­

tères" sont transmis de génération en génération, non pas par la voie biologique mais par la voie cultu­

relle» écrit l’auteur. Une bonne nouvelle en somme pour tous les tenants du droit du sol de préfé­

rence à ceux du droit du sang ? Pour Jean Deutsch, citant Etienne Danchin, cette hérédité culturelle ou sociale n’est pas spécifique à l’humain : on a pu l’observer chez bien des animaux et peut­être même chez les plantes. Vertiges.

«Il est fort probable qu’elle soit un paramètre dont il faille tenir compte dans l’évolution des êtres vivants, écrit l’auteur. La généti que n’a rien à voir, du moins directe­

ment, avec cette hérédité cultu­

relle.» C’est dire la révolution co­

pernicienne qui s’opère sous nos

Mais où sont passés les gènes d’antan ?

la génétique est une science qui exige un fort engagement conceptuel

sure urgente sera limitée aux spécialis­

tes. Alain Berset souhaite y recourir pendant trois ans avant d’appliquer une réforme plus ample de l’offre médicale.

Avec le recours au moratoire, les cantons pourront à nouveau gérer temporairement l’admission des spé­

cialistes. La limitation concerne ceux qui n’exerceront pas leur activité avant l’entrée en vigueur de la loi, prévue au 1er avril 2013. (...) Avec le retour du moratoire, le mi­

nistre de la Santé, Alain Berset, veut parer au plus pressé avant la mise en place d’une solution plus globale permettant d’éviter tant une pénurie qu’un excès de soins dans les diffé­

rentes régions du pays.

La proposition de renouer avec le

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Revue Médicale Suisse

www.revmed.ch

28 novembre 2012

2311

A découvrir sur la plateforme

revmed.ch

pour toute information yeux. C’est sans doute dire, aussi,

les dimensions nouvelles qui s’ouvrent et s’ouvriront à nous.

Cette hérédité culturelle a­t­elle un substrat ? Si oui, où est­il entre la chromatine et l’éther des mémoi res collectives ? N’est­elle faite que de connexions immatérielles entre substrats déjà existants ? Est­elle décryptable et intégrable dans des codes assurant une lecture repro­

ductible et prospective ? La méde­

cine occupera­t­elle demain une place dans les nouvelles dimen­

sions de la compréhension du vi­

vant qu’explorent les généticiens contemporains ? Et si oui s’agira­

t­il d’une place qui correspondra à l’idée que nous nous faisons, aujourd’hui encore, de la pratique de la médecine humaine ? Avec le livre éclairé de Jean Deutsch comme bréviaire pour les temps à venir, ces questions prendront sans doute de bien surprenantes réso­

nances.

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

1 Deutsch J. Le gène, un concept en évo­

lution. Paris : Le Seuil, 2012.

2 Deutsch J. Le Ver qui prenait l’escargot comme taxi, et autres histoires natu­

relles. Paris : Le Seuil, 2008 (prix Jean Rostand).

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