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Produits de comblement du visage : dispositifs médicaux ou médicaments ?

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D. S. Nikolic N. Balagué A. Campanelli B. Elias

A. Calmy

L. Toutous-Trellu

introduction

La lipodystrophie associée au VIH est un syndrome touchant jusqu’à 50% des patients sous multithérapie antirétrovirale ac- tive (HAART) au long cours.1,2 L’imputabilité de ce syndrome est surtout liée aux traitements antiviraux comme les inhibi- teurs nucléosidiques de la reverse transcriptase ou encore les antiprotéases, mais la pathogenèse en reste encore largement inconnue.3 Ce syndrome est caractérisé par une atrophie du tissu adipeux sous-cutané en divers sites du corps (visage, fesses, bras et jambes) d’une part et par une hypertrophie adipeuse multisites (abdominale, tronculaire par exemple) d’autre part.4,5 S’y associent également des troubles métabo- liques parfois sévères tels qu’une hypercholestérolémie ou un diabète. Ces perturbations métaboliques, parfois associées à la lipodystrophie, augmentent les risques de maladies cardio- vasculaires.6 Les modifications physiques de l’image corpo- relle induites par la lipodystrophie sont ressenties comme ex- trêmement invalidantes ;7 elles sont fréquemment à l’origine de perturbations psychologiques et peuvent avoir un impact sur la qualité de vie.8

Afin de réparer la perte de substance due à la lipoatrophie du visage, des tech- niques de comblement par injections sous-cutanées sont proposées depuis plu- sieurs années – à noter qu’aucune de ces techniques n’est remboursée en Suisse par les caisses maladie. La présente revue s’intéresse aux différentes approches à dis- position dans ce domaine et aux implications pharmaco-médicales qui en découlent.

la lipodystrophie

:

un syndromeàpartentière

La lipodystrophie recouvre en fait toute une conjonction d’anomalies morpho- logiques et métaboliques aux expressions diverses, formant un ensemble qu’il convient de regrouper sous le terme de syndrome. Brièvement, nous rappelons que la physiopathologie de la lipodystrophie relève de mécanismes multiples et actuellement encore largement méconnus. Une atteinte toxique adipocytaire, des troubles de régulation de l’adipokine, de la 11b-hydroxystéroïde déshydro- génase et de la production de cytokines pro-inflammatoires, des modifications dans les mécanismes de stress oxydatif ainsi qu’une toxicité mitochondriale ont Injectable soft tissue fillers : are they

medical devices or drugs ? Consequences for HIV lipoatrophy filling

Physical modifications associated to lipodys- trophy syndrome in HIV+ patients remain a challenge for management, even in a well controlled chronic infection. Indications, eva- luation and filling treatments of facial lipoa- trophy are described. Many exogenous filling products are on the market and their use and tolerance profile better known. These medical devices should be closely followed in patients with chronic HIV infection.

Rev Med Suisse 2012 ; 8 : 747-53

La prise en charge des troubles morphologiques, associés au syndrome de lipodystrophie des patients VIH positifs, demeure un enjeu dans le cadre d’une infection devenue chronique et bien contrôlée par les traitements antirétroviraux. Les objec- tifs, évaluation et traitements par comblements de la lipoatro- phie faciale sont ici détaillés. L’expérience des produits de comblement issus de l’industrie cosmétique permet d’optimi- ser leur utilisation et de connaître leurs effets secondaires.

Une amélioration de la prescription et du suivi de ces dispo- sitifs médicaux est encouragée et particulièrement auprès des personnes ayant une infection chronique VIH.

Produits de comblement du visage : dispositifs médicaux ou médicaments ?

Implication pour les patients VIH+ atteints de lipoatrophie

synthèse

Drs Damjan S. Nikolic, Alexandre Campanelli et Laurence Toutous-Trellu Service de dermatologie et vénéréologie

Drs Nicolas Balagué et Badwi Elias Service de chirurgie plastique et reconstructive

Drs Alexandra Calmy et Laurence Toutous-Trellu Service des maladies infectieuses HUG, 1211 Genève 14

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tous été incriminés.9 La toxicité mitochondriale, associée aux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse, a été la cause la plus attribuée à la lipoatrophie périphé- rique et génère dans les formes pures et sévères, outre l’hyperlactatémie plasmatique, des signes cliniques tels qu’une neuropathie périphérique, une myopathie, une stéatose hépatique, une pancréatite, une lipo-amyotro- phie, une acidose tubulaire rénale, une encépha lopathie ainsi qu’une acidose lactique. Le médicament le plus incri- miné lors de signes de dysfonction mitochondriale est la stavudine, médicament actuellement très rarement utilisé en Suisse (moins de 1% des prescriptions), en raison juste- ment de sa toxicité importante.

L’ensemble de ces modifications métaboliques aboutit à une fonte du pannicule adipeux sous-cutané, phénomène qui s’avère être le plus visible au niveau de la face, des bras, des jambes et des fesses. Au contraire, une lipoaccu- mulation s’installe elle aussi progressivement de façon prépondérante au niveau du tissu adipeux intra et extrapé- ritonéal, mais aussi de la région dorso-cervicale (bosse de bison) et des seins. Des accumulations de tissu adipeux au niveau du foie, du myocarde et des muscles ont également été rapportées.10 Les implications cliniques de la lipodys- trophie liée au VIH sont d’ordre médical et psychosocial.

Les patients lipodystrophiques ont une image d’eux- mêmes dégradée 7 et rapportent souvent un impact sur leur qualité de vie. L’accumulation intrapéritonéale de tissu adipeux semble jouer un rôle pivot dans la survenue des complications métaboliques telles que la résistance à l’in- suline ou la dyslipidémie.11-13

En conséquence, tant les implications psychosociales que les répercussions strictement médicales ont favorisé la re- cherche d’outils préventifs et thérapeutiques contre la lipo- dystrophie. La prise en charge de la lipoatrophie faciale fait appel, avant tout, à une bonne évaluation des modifi- cations morphologiques : en effet comme précédemment précisé, la plainte de la personne atteinte est subjective et exprimée spontanément lors de l’entretien médical «je n’ose plus me regarder dans le miroir», soit indirectement lors de l’évaluation de troubles anxio-dépressifs. Plus ob- jectivement, le médecin traitant ou l’entourage proche peu- vent aider la personne à définir chronologiquement la fonte graisseuse et sa sévérité. Elle survient à poids stable, à la différence des atrophies constatées lors d’amaigrisse- ments marqués associés à des maladies graves (cancers, anorexie, sida). Le visage restant visible, le patient VIH pourtant bien contrôlé et bien portant cliniquement paraîtra

«malade», ceci contribuant à la pérennité de la stigmatisa- tion de l’infection : cachexie du sida qui hante de nouveau la personne séropositive sans sida. Plusieurs outils sont à disposition pour l’objectivation et le suivi de la lipoatro- phie faciale.14 L’iconographie avec des clichés haute réso- lution est un bon outil pour le suivi de base. L’ultrasonogra- phie est utilisée par certaines équipes comme aide dans l’évaluation des injections, la tomodensitométrie ou encore l’imagerie par résonance magnétique nucléaire n’ont pour leur part été utilisées que rarement dans le cadre d’études concernant les produits. Divers scores pour évaluer la pré- sence et la sévérité de la lipodystrophie sont disponibles, le plus utilisé étant la lipodystrophy case definition.15

La toute première approche dans la prise en charge de la lipoatrophie périphérique réside dans un choix optimisé des antirétroviraux dès la première initiation de la multi- thérapie efficace, ou dans un changement des molécules les plus imputables (d4T, 3TC et AZT)16 chez un patient déjà traité dès qu’il constate des modifications physiques gênantes. L’autre approche consiste à réparer localement le défect graisseux et est malheureusement difficilement applicable aux membres ou encore au niveau de la région glutéale. A noter qu’aucune de ces techniques n’est rem- boursée par les assurances de base en Suisse ; à Genève, un hôpital de jour, permettant une prise en charge pluri- disciplinaire de patients infectés par le VIH et sous théra- pie antirétrovirale, offre la possibilité à des personnes concernées par la lipoatrophie faciale d’être incluses dans un essai clinique évaluant l’impact à long terme des pro- duits de comblement à base d’acide hyaluronique.

Nous allons nous focaliser ci-après sur la description des produits de comblement et sur l’importance de leur surveillance.

produits decomblementduvisage

:

unegrandevariétéd

approches

Afin de réparer la perte de substance liée à la lipoatro- phie au niveau du visage, diverses techniques de comble- ment par injections sous-cutanées sont proposées. Ces produits sont utilisés à visée esthétique dans le monde entier et commercialisés par des firmes de cosmétiques.

Toutes reposent sur un principe identique, à savoir rem- placer le volume perdu par un agent volumateur. La plu- part d’entre eux ont été utilisés aussi chez les personnes séropositives pour le VIH (tableau 1).

Collagènes

Les collagènes d’origine bovine sont utilisés depuis près de 30 ans dans cette indication mais sont grevés de plusieurs désavantages dont une durée de vie brève (en- viron six mois) et un risque non négligeable de formations de granulomes.17 Par ailleurs, la fréquente apparition de réaction d’hypersensibilité impose la réalisation de tests de sensibilisation préalables avant leur utilisation. Des col- lagènes humains ont également été utilisés depuis quel- ques années comme produits de comblement.18 L’avantage de ce type de collagène est qu’il permet d’éviter les réac- tions d’hypersensibilité et ainsi la réalisation préalable de prick-tests. La durée de vie est la même que pour le colla- gène bovin et la formation occasionnelle de granulomes a ici aussi été rapportée.19

Acide L-polylactique

L’acide L-polylactique est un produit de comblement lentement biodégradable qui a reçu de la Food and Drug Administration (FDA), en 2004, une autorisation de mise sur le marché dans le traitement de la lipoatrophie liée au VIH. En pratique, toutes les démarches de prise en charge sont suspendues depuis mars 2008. En effet, sa composi- tion en polymère synthétique en fait un produit à risque pour la formation de réactions granulomateuses à type de corps étranger, ainsi que pour la survenue de nodules per-

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sistants.20 Ses avantages résident dans sa durée de vie élevée (L 24 mois) et la survenue d’une correction volu- mique graduelle culminant six mois après injection. Des complications sévères à type d’infections tardives à myco- bactéries ou des réactions anaphylactiques ont été rappor- tées. L’acide L-polylactique reste un agent volumateur très utilisé en France où son remboursement est garanti dans l’indication lipoatrophie.

Hydroxyapatite de calcium

Les microsphères d’hydroxyapatite de calcium repré- sentent un produit de comblement alternatif lentement ré- sorbable ayant une durée de vie maximale de douze mois.

Cet agent volumateur a été utilisé avec succès dans la lipo- atrophie liée au VIH, mais quelques cas d’induration à long terme ont été rapportés.21 Une migration à distance des microsphères semble également possible.

Paraffine

La paraffine, produit de comblement non résorbable, n’est plus utilisée de nos jours comme agent volumateur. Son utilisation a été compliquée par l’apparition de réactions gra- nulomateuses majeures telles que le lipogranulome scléro- sant, entité décrite dans le cadre de l’utilisation de la paraf- fine comme produit volumateur pénien.18 En tout état de cau- se, son utilisation est actuellement formellement proscrite mais le fait qu’il s’agisse d’un produit non résorbable im- plique que des patients ayant reçu de telles injections sont encore à risque de développer des complications tardives.

Silicone

Le silicone représente un autre produit non résorbable et est actuellement le volumateur le plus utilisé. Toutefois, des migrations de silicone à distance sont rapportées dans la littérature18 et un lien entre l’injection de silicone et la survenue de sclérodermies localisées a été suspecté.22 La survenue de réactions granulomateuses semble également fréquente.

Silicone et polyvinylpyrrolidone

L’association de silicone et de polyvinylpyrrolidone en suspension a également été utilisée comme agent de com- blement. Le faible nombre d’études au sujet de cette as- sociation rend difficile toute interprétation. Tout au plus, on retrouve dans la littérature la description de réactions granulomateuses, semblables à celles rapportées avec le silicone seul.18 Il en va de même pour l’association des mi- crosphères de polyméthylméthacrylate (volumateur non résorbable) et du collagène bovin. La présence de colla- gène non humain impose ici aussi la réalisation de prick- tests avant toute utilisation. La survenue de réactions re- tardées à distance de l’injection (24 mois) a également été décrite.23

Hydrogel de polyacrylamide

L’hydrogel de polyacrylamide est également utilisé com- me produit de comblement permanent. La formation de granulomes et nodules est ici aussi fréquemment rappor- tée. Par ailleurs, la survenue de surinfections bactériennes Type de produit Produit de comblement Durée de vie Principaux désavantages Noms de produits de comblement

Produits de comblement Paraffine Permanent Réactions granulomateuses

permanents majeures

Silicone Permanent Migrations à distance Silskin

Silicone et polyvinylpyrrolidone Permanent Granulomes Bioplastique en suspension

Polyméthylméthacrylate et collagène Permanent Réactions d’hypersensibilité Artecoll, Arteplast, Artefill bovin

Hydroxyéthylméthacrylate/ Permanent Granulomes/kératoacanthomes Dermalive, Dermadeep éthylméthacrylate et acide hyaluronique

Hydrogel de polyacrylamide Permanent Surinfections bactériennes Aquamid, Formacryl, Argiform

Polyalkylimide Permanent Nodules Bio-Alcamid

Produits de comblement Microsphères de polyvinylhydroxide 9 à 18 mois ? Evolution lentement résorbables et polyacrylamide

Acide hyaluronique et microparticules 8 à 16 mois Granulomes Matridex, Reviderm de dextranomère

Acide L-polylactique 18 à 24 mois Granulomes New-Fill, Sculptra Microsphères d’hydroxylapatite de calcium 2 ans Nodules Radiance, Radiesse Produits de comblement Collagène bovin 3 à 6 mois Réactions d’hypersensibilité Zyplast, Zyderm rapidement résorbables

Collagène humain 3 à 6 mois Granulomes Cymetra, Cosmoplast,

Cosmoderm

Acide hyaluronique 3 à 12 mois Granulomes Modelis, Restylane, Juvederm

Graisse autologue Variable Atrophie du transplant

Tableau 1. Types et caractéristiques des produits de comblement commercialisés

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en regard des nodules postinjections semble représenter un effet secondaire particulièrement redoutable de ce vo- lumateur.24

Gel de polyalkylimide

Le gel de polyalkylimide est, pour sa part, reconnu com- me pouvant induire de fortes réactions inflammatoires au site d’injection avec formation secondaire de nodules.25 Il ne semblerait toutefois pas y avoir de risque de formation de lésions granulomateuses avec ce produit de comblement non résorbable.18 Des infections tardives ont cependant été rapportées.26

Microsphères de polyvinylhydroxide

Un autre produit de comblement permanent disponible sur le marché est formé de l’association de microsphères de polyvinylhydroxide en suspension dans un gel de poly- acrylamide. Ce composé est peu utilisé et il n’y a pas de donnée médicale à son sujet concernant de potentiels effets secondaires. Sa durée de vie serait d’environ neuf mois.18

Acide hyaluronique

Une alternative intéressante dans le domaine a récem- ment émergé et est représentée par l’acide hyaluronique.

C’est un composé résorbable d’une durée de vie moyenne estimée à six mois qui correspond à un composant physio- logique de la matrice extracellulaire du derme. Le fait que l’acide hyaluronique n’ait pas de spécificité d’espèce ou d’organe le rend totalement non allergénique.27 Ainsi, au- cun test préalable d’intradermoréaction n’est nécessaire.

Malgré son utilisation à large échelle, il n’y a eu que de rares descriptions de réaction d’hypersensibilité à l’acide hyaluronique.28 La seule complication majeure rapportée est l’apparition rare de réactions granulomateuses.29 Le développement ainsi que l’évolution des lésions granulo- mateuses liées à l’injection d’acide hyaluronique semblent toutefois pouvoir être prévenus par l’injection locale de hyaluronidase, une enzyme impliquée dans la dégradation de l’acide hyaluronique.30 D’autres complications plus rares d’ordre systémique ont été décrites ; il s’agit en particulier de scléromyxœdème généralisé,18 de sarcoïdose 31 ou de micro-épidémies d’infections à Mycobacterium chelonae,32 sans qu’il soit dans ce cas possible d’incriminer l’acide hyaluro- nique lui-même ou une contamination procédurale. Notre expérience, obtenue dans le cadre du suivi en hôpital de jour, spécialisé pour le syndrome de lipodystrophie et les comorbidités non infectieuses des patients VIH lipoatro- phiques sévères, a permis de mettre en évidence une très bonne tolérance à l’injection sous-cutanée d’acide hyalu- ronique.33 Le protocole de comblement comprenait une injection initiale suivie d’une réinjection si nécessaire à un mois d’intervalle. Au total, 23 patients ont été suivis entre 2008 et 2011. L’âge moyen des patients était de 48,1 ans et l’index de qualité de vie a été mesuré à environ 53 à l’in- clusion. 1 à 4 ml d’acide hyaluronique ont été injectés en une ou deux fois de chaque côté. Le suivi, entre un à trois ans, montre que près de 48% des patients avaient noté une fonte du volume initial tandis qu’environ 30% rapportaient la présence de nodules sous-cutanés aux sites d’injection.

La tolérance après injection s’est pour sa part avérée ex-

cellente (91,3% de patients sans réaction immédiate (in- flammation, hémorragie, surinfection)). 21,7% des patients ont malgré tout rapporté une asymétrie faciale persistant après injection. La satisfaction globale était toutefois éle- vée après injection avec un score de 73,7/100. Finalement, trois quarts des patients souhaiteraient être réinjectés avec de l’acide hyaluronique. Les résultats s’avèrent donc glo- balement encourageants avec une tolérance à l’injection excellente et un rendu esthétique satisfaisant chez la ma- jorité des patients traités. D’autres études plus détaillées, incluant également une analyse par imagerie IRM, sont en cours afin de mieux évaluer l’évolution postinjection.

Combinaisons avec d’autres agents volumateurs

Des combinaisons d’agents volumateurs comprenant de l’acide hyaluronique ont également été évaluées. En pre- mier lieu, l’association d’acide hyaluronique et de micro- particules de dextranomère est désormais utilisée comme agent de comblement. Un seul cas décrivant une réaction granulomateuse a été rapporté à ce jour.34 L’association de fragments d’hydroxyéthylméthacrylate/éthylméthacrylate et d’acide hyaluronique est un agent volumateur permanent biphasique. Dans ce cas également, des réactions granulo- mateuses de type corps étranger ont été décrites.35 Des réactions plus rares à type de kératoacanthomes sont éga- lement possibles.36

Greffe adipeuse

La transplantation adipeuse autologue s’est pour sa part avérée difficile chez le patient atteint de lipodystrophie en raison, d’une part du manque de graisse sous-cutanée don- neuse liée à ce syndrome, et d’autre part de la progression de l’atrophie graisseuse du tissu transplanté.

Les dermatologues et chirurgiens plasticiens ont ainsi, actuellement à disposition, un choix élevé de produits de comblement applicables, pour une demande de correction de marques de vieillissement cutané ou dans l’indication de «réhabilitation» ciblée à la lipoatrophie associée au VIH.

Comme décrit ci-dessus, aucun composé n’est exempt d’effet secondaire. Certaines réactions, principalement dans le cadre de l’injection de produits non résorbables, semblent toutefois trop graves ou trop invalidantes pour pouvoir continuer à justifier leur utilisation. En tout état de cause, il semble préférable de privilégier des produits résor- bables ayant une activité immunogénique faible ou nulle.

En ce sens, l’acide hyaluronique représente un bon com- promis étant biodégradable en l’espace de six à douze mois.

La disponibilité d’un «antidote» à l’acide hyaluronique, à savoir la hyaluronidase, amène une sécurité supplémentaire dans l’emploi de cet agent de comblement.

dela notiondedispositifmédical

:

implications pratiquespour lepraticien dansl

usagedesproduitsdecomblement

Les produits de comblement rentrent dans le cadre de l’utilisation réglementée des dispositifs médicaux. Malheu- reusement pour les patients, aucune prise en charge n’existe en Suisse ni dans la majorité des pays européens. La rela- tion de cause à effet de la maladie chronique est pourtant

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Figure 1. Formulaire. Dispositifs médicaux annonce incident

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bien démontrée ainsi que les lourdes conséquences psy- chosociales et donc économiques. La Sécurité sociale fran- çaise propose un remboursement pour les patients VIH mais uniquement pour le polyamide, qui n’est pas, en 2012, le produit le plus utilisé par les spécialistes du comblement.

Un dispositif médical est défini comme un instrument, un équipement ou un appareil destiné à être utilisé chez un patient à des fins de diagnostic, de prévention, de con- trôle, d’atténuation d’une maladie ou d’une blessure mais également, et c’est ici le cas, à des fins de traitement. L’ac- tion principale d’un dispositif médical n’est par ailleurs pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunolo- giques, ni par métabolisme, mais elle est essentiellement mécanique. Les produits de comblement décrits dans cette revue répondent à la définition d’un dispositif invasif chirur- gical à long terme, puisqu’ils sont administrés de manière invasive dans la peau, à l’aide d’une seringue, et sont des- tinés à demeurer en place pendant une période minimale d’un mois. Ils répondent ainsi à la même règle de classifi- cation que les implants utilisés, par exemple, dans les opérations mammaires. Les dispositifs médicaux à visée de comblement sont issus d’une extension de l’utilisation des dispositifs médicaux de comblement des volumes corpo- rels, utilisés à des fins reconstructrices dans le traitement de la lipoatrophie faciale.37 Les effets secondaires, liés à l’injection de produits de comblement, devraient être signa- lés selon les mêmes procédures que celles utilisées pour la pharmacovigilance. La seule différence réside dans la terminologie car l’on préfère ici le terme de matériovigi- lance. L’Institut suisse des produits thérapeutiques (Swiss- medic) met à la disposition des praticiens des formulaires de déclaration concernant l’annonce des incidents graves liés à des dispositifs médicaux (figure 1).38 Il est important de relever que sont considérées comme incidents graves toutes les réactions immédiates ou retardées, que l’on peut mettre en lien avec une injection préalable de produit de comblement. Cela inclut donc également les réactions gra- nulomateuses rencontrées de façon sporadique avec la plupart des produits rapportés dans le présent article. La topographie exacte des réactions ainsi que leur caractère stigmatisant doivent également être documentés. Il semble néanmoins que le nombre d’effets secondaires rapportés à l’organe de surveillance que représente Swissmedic soit relativement faible ; cela peut être dû soit à leur relative faible prévalence (d’autant plus que l’utilisation de dispo- sitifs médicaux non résorbables semble désormais être l’exception plutôt que la règle), soit que leur annonce est encore rare du fait que les professionnels de la santé ne sont pas encore suffisamment sensibilisés aux procédures de matériovigilance.

conclusion

La lipoatrophie faciale liée au traitement antirétroviral du VIH reste une problématique fréquente dans la popu- lation séropositive. L’optimisation des antirétroviraux et des traitements par injections compensent l’anomalie morpho- logique. Mais les injections, n’étant pas prises en charge par les assurances suisses, demeurent d’usage limité. Les pra- ticiens en charge de ces patients restent confrontés à un vaste choix de produits dont les effets à moyen et long termes, au niveau des sites d’injection ou systémiques, sont étudiés selon des modèles éloignés des procédures de validation des médicaments. Les organismes nationaux de santé encouragent à rapporter rigoureusement tout évé- nement associé à ces injections de comblement. Des étu- des plus complètes incluant de grandes séries de patients, associées à l’imagerie médicale, voire l’histopathologie, per- mettront dans le futur de mieux connaître ces produits.

Remerciements

• Groupe LIPO et Métabolisme, groupe pour une prise en charge pluridiscipli- naire des personnes infectées par le VIH sous traitement antirétroviral (A. Calmy et L. Toutous-Trellu), et le soutien de nos sponsors (fondation SIDAIDE, Abbott SA, Gilead Suisse, Janssen-Cilag).

• Antheis SA, Suisse, pour son soutien à l’étude comblement.

• Au Dr D. Salomon, Clinique internationale de dermatologie. www.

cidg.ch

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Bibliographie

Implications pratiques

La prise en charge des lipoatrophies faciales est demandée par les patients VIH positifs afin de retrouver une apparence moins stigmatisante et a été démontrée comme améliorant leur qualité de vie

De nombreux produits injectables existent et ne sont pas remboursables par les assurances en Suisse, car considérés dans le domaine cosmétique

Il en découle des errances d’indication et une absence de suivi sur les moyen et long termes qui, chez ces patients fra- giles, ne sont pas dénués de risque

Une utilisation de ces produits proche de celle des médica- ments permettrait d’optimiser leur bénéfice et d’anticiper leurs effets secondaires

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