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Réflexions sur la protection des insectes

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Réflexions sur la protection des insectes

Par Jacques LECOMTE

ent

Une charte interdisant certaines commercialisations ... C'est peut-être une des solutions d'avenir au délicat problème de la protection des insectes menacés. Jacques Lecomte, grand spécialiste de ces questions, nous fait part de quelques-unes de ses réflexions sur ce sujet, sans complaisance mais objectivement et en bou- leversant bon nombres d'idées reçues.

On a déjà décrit, dans le monde, au moins 750000 espèces d'insectes; certains an- noncent des chiffres plus élevés, basés en particulier sur des campagnes de prospec- tion en forêt tropicale humide, pouvant excéder cinq millions d'espèces.

Rappelons, pour comparaison, qu'on con- naît seulement un peu plus de 9 000 espèces d'oiseaux et environ 4 000 espèces de mammifères.

Le très grand nombre d'espèces qui carac- térise les insectes doit être toujours présent à notre esprit quand nous pensons à prendre des mesures de protection efficaces. En effet, à l'heure actuelle, la nécessité d'envi- sager une protection s'impose car cet en- semble énorme contient une grande partie de la variabilité génétique de la planète.

De plus, beaucoup d'insectes occupent des positions clefs dans les écosystèmes: pol- linisateurs, coprophages ou nécrophages.

Pensons aussi que les insectes constituent la principale et parfois l'unique ressource alimentaire de très nombreux autres orga- nismes vivants.

Disparitions réelles ou simples cycles saisonniers?

Les disparitions peuvent affecter, soit la totalité d'une espèce, soit une population élevée au rang de sous-espèce, soit restrein- dre considérablement une aire de réparti- tion supprimant ainsi des localités suscep- tibles de donner lieu à une spéciation ou à une semi-spéciation.

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L'exemple le plus connu de disparition totale d'une espèce vraie est celui du papillon Glaucopsyche xerces qui n'a pas été revu depuis 1941 aux Etats-Unis.

TI ne faut cependant pas confondre les cy- cles saisonniers de raréfaction ou d'abon- dance avec la disparition ou le renouveau d'une espèce. C'est pourquoi il faut atten- dre plusieurs années de recherches minu- tieuses en se gardant bien de porter tout ju- gement définitif.

Les menaces se situent principalement au niveau des altérations des milieux et parti- culièrement dans les pays à agriculture intensive où la dissémination de molécules

Vo/ucella zonaria (clichéR. Couti,,)

toxiques à spectre insecticide large et do- tées d'une longue rémanence est particuliè- rement abondante.

Le ciment, le bitume et les insectes

Toutes les modifications de niche écologi- que peuvent avoir un effet désastreux, qu'elles soient dues aux activités humaines ou à des causes naturelles. Ces modifica- tions peuvent porter en particulier sur les ressources alimentaires, les sites de nidifi- cation ou de diapause.

Insectes n°72, 1989(1)

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Lucilia sericata (cliché R. COUlill)

Parfois les activités humaines incriminées peuvent sembler sans liens directs avec la protection des insectes, mais quelques exemples pris parmi les Hyménoptères apoïdes, peuvent nous convaincre qu'il n'en est rien: les osmies habitent les vieux murs, les andrènes et les halictes creusent leurs terriers dans des chemins de terre, et les chalicodomes affectionnent les toits des lavoirs provençaux ... Bien entendu, en enduisant les murs de ciment, en bitumant les chemins ou en détruisant les lavoirs, on défavorise singulièrement ces espèces.

Souvent aussi la disparition d'une espèce est la conséquence d'un changement global dans la structure d'un écosystème ; les espèces dont la biologie est des plus singu- lière et spécialisée sont les plus menacées.

Une histoire édifiante permet de s'en per- suader.

Un papillon tué par la myxomatose!

Il y a quelques années, vivait dans le nord du Devon en Grande-Bretagne une popula- tion assezréduited'unpapillonbleuMacu- linea arion. Il s'agissait d'ailleurs sans doute d'une sous-espèce différenciée de l'espèce répandue dans le reste de l'Europe.

Ce papillon présente des traits biologiques étonnants: se situant sur le thym, son lieu de ponte et de croissance larvaire.

C'est également sur le thym que la larve du dernier stade se fait enlever par une fourmi Myrmica subuleti qui la transporte dans son nid. Bien entendu cette chenille "myr- mécophile" se fait accepter par ses hôtes en offrant une sécrétion attirante. En échange, elle se nourrit des larves de ses fourmis.

Cette espèce est donc dépendante d'un végétal, le thym, et d'une espèce animale, une fourmi. Tout se passait très bien tant que le thym était abondant. Différents her- bivores maintenaient les graminées suffi- samment rases pour que le thym puisse prospérer.

Puis l'agriculture modifia ses pratiques et le thym ne put subsister qu'en dehors des zones cultivées, ceci grâce au broutage effectué par le lapin. Les superficies conve- nables pour le papillon se trouvaient alors réduites, mais encore suffisantes.

Puis vint la myxomatose, le lapin disparut et le thym aussi, étouffé par la végétation concurrente.

En conséquence, en peu de temps Maculi- nea arion fut rayé de la liste des espèces présentes en Grande-Bretagne.Les insecti- cides Il 'y étaient pour rien, pas plus que les activités de ramassage des collectionneurs.

Les amateurs au secours des institutions

La chasse effectuée dans un but scientifi-

que ou non peut cependant, pour certaines espèces sensibles du fait de leurs stratégies de reproduction, avoir une influence très négative.

D'autre part, la connaissance indispensable du statut des différentes populations, voire de la localisation spatio-temporelle des espèces, repose en grande partie sur l'acti- vité d'un grand nombre d'entomologistes amateurs, souvent en liaison avec des insti- tutions qui seraient incapables à elles seules d'effectuer ce travail.

La prévention de toute capture ne serait sans doute pas la solution idéale; on ne peut cependant pas laisser faire n'importe quoi.

Une protection raisonnée doit donc s' orien- ter vers une sauvegarde des milieux mena- cés et des espèces, se réalisant principale- ment par la prévention contre les activités lucratives dont elles sont l'objet.

Dans l'état actuel de la législation fran- çaise, l'arrêté de biotope peut paraître un outil adapté à un certain type de protection, à condition qu'on dispose de listes d'insec- tes menacés permettant de prendre les dits arrêtés.

Une charte interdisant certaines

commercialisations

La création de listes régionales, compre- nant des insectes inféodés à des milieux précis et susceptibles d'être menacés de disparition devrait permettre d'atteindre ce but. La liste serait donc établie, non seule- ment en fonction de la rareté de l'espèce ou des menaces qui pèsent sur elle, mais sur- tout en fonction des milieux qui lui sont indispensables; les activités de recherche des entomologistes amateurs ou profes- sionnels dans ces divers espaces protégés n'étant autorisées que dans des conditions particulières.

Les modalités qui doivent être précisées comporteraient l'adhésion à une charte interdisant la commercialisation des spéci- mens récoltés ou leur cession.

Tout en reconnaissant l'impossibilité d'aboutir à une détermination spécifique de tous les groupes par la seule observation, contrairement à ce qui se passe pour les oiseaux, la charte recommandera la modé- ration des prélèvements.

Par ailleurs on pourra encourager, surtout à

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des fins pédagogiques, l'établissement et l'utilisation de clefs de détermination per- mettant des activités analogues au

"bird watching"

des ornithologistes.

Enfin le cas des insectes réellement obtenus à partir d'élevages, donc ne dépendant plus des populations naturelles, peut faire l'ob- jet de dispositions similaires à celles rete- nues pour d'autres groupes, ceci en tenant cependant compte des particularités ento- mologiques.

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Pour en savoir plus ...

1987 - Les Insectes protégés en Europe Bi1ans et perspectives. Cahiers de liai- son de l'OPIE 24 (67), 87 pp (80 F. plus port à rOPIE)

1986 - Une révolution culturelle: 1a

"Charte sur les Invertébrés" du Conseil de l'europe. En vente à 1a librairie Ber.:

ger-Levrault à Strasbourg.

L'auteur

Directeur de recherche à l'INRA depuis 1971, Jacques Lecomte est un des cher- cheurs les plus actifs dans le domaine de la protection de la nature.

Il siège dans de très nombreuses instances françaises et internationales s'occupant de .. ces questions et notamment à l'OPIE dont il

fut le Président de 1974 à 1976.

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Insectes n°72, 1989(1)

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