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[Compte-rendu de :] Comprendre et analyser les processus d'innovation à l'université

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[Compte-rendu de :] Comprendre et analyser les processus d'innovation à l'université

PERAYA, Daniel

Abstract

L'ouvrage prend pour objet le parcours de quatre collègues, enseignants chercheurs, qui ont consacré leur carrière à la conception et à la mise en œuvre d'innovation dont les répercussions pédagogiques autant qu'institutionnelles ont été perçues comme remarquables, sans doute à cause de l'ampleur de leur développement et de leur caractère pérenne. Les auteurs cherchent à rendre compte de ces parcours d'innovateurs en tant qu'ils sont aussi des acteurs individuels et singuliers. Ils adoptent donc une approche compréhensive inspirée de la sociologie de Weber, mais aussi une perspective anthropologique de l'agir humain, « appuyée sur une analyse sémio-narrative de A.J. Greimas et la "créativité de l'agir" étudiée par H. Joas (1992). » (p.10). Ouvrage intéressant aussi pas la méthodologie mise en œuvre et par l'explicitation rigoureuse de celle-ci.

PERAYA, Daniel. [Compte-rendu de :] Comprendre et analyser les processus d'innovation à l'université. Distances et Savoirs , 2009, vol. 7, no. 3, p. 513-516

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:5535

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Comprendre et analyser les processus d'innovation à l'université

Brigitte Albero, Monique Linard et Jean-Yves Robin

Petite fabrique de l’innovation à l’université. Quatre parcours de pionniers L’Harmattan, 2009

Cet ouvrage1 s’inscrit dans le contexte du Programme e-pathie/FMSH (http://www.epathie.com/), programme thématique de recherche sur les usages des TIC dans l'enseignement supérieur de la maison des Sciences de l’homme (Paris). Les auteurs tentent de mettre en dialogue l’action et la recherche « afin de diffuser les résultats propres à alimenter les initiatives et faire connaître les pratiques inscrites dans les dynamiques de changement » (p. 7). Ils prennent pour objet le parcours de quatre collègues, enseignants-chercheurs, qui ont consacré leur carrière à la conception et à la mise en œuvre d’innovations dont les répercussions pédagogiques autant qu’institutionnelles ont été perçues comme remarquables, sans doute à cause de l’ampleur de leur développement et de leur caractère pérenne. Les auteurs cherchent à rendre compte de ces parcours d’innovateurs également en tant qu’acteurs individuels et singuliers. Ils adoptent donc une approche compréhensive inspirée de la sociologie de Weber, mais aussi une perspective anthropologique de l’agir humain, « appuyée sur une analyse sémio-narrative de A.J. Greimas et la “créativité de l’agir” étudiée par H.

Joas (1992). » (p. 10). Le parti pris d’« approcher au plus près ces petites fabriques de l’invention ordinaire », de s’intéresser à « la “cuisine” des acteurs sur le terrain » (p. 11) et à « la pratique vécue des acteurs » (p. 12) implique des choix épistémologiques et méthodologiques qui contribuent sans nul doute à l’intérêt de l’ouvrage.

Le volume comporte cinq chapitres et une conclusion. Le premier des chapitres présente la démarche méthodologique et, nous y reviendrons, constitue une véritable leçon de méthodologie que l’on conseillerait volontiers à tout jeune chercheur tenté par une approche compréhensive et par une analyse qualitative. Le deuxième chapitre présente une « réécriture narrative » de la transcription des entretiens individuels menés avec chacun des quatre innovateurs2 : il s’agit de « rendre compte de ce qu’ils avaient fait […] à partir du récit de ce qu’ils sont et des rencontres qui

1. On renverra le lecteur à une présentation de l’ouvrage, par l’auteure, disponible en ligne à l’adresse : http://www.lemensuel.net/2009/10/22/quelle-innovation-a-luniversite/.

2. Nicole Bernard (Université de Paris 6, Pierre et marie Curie), Michel Armatte (Université Paris-Dauphine, Campus CANEGE), Nicole Poteaux (Université de Strasbourg, Louis Pasteur), Alain Rahm (université de Bordeaux 1).

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514 D&S – 7/2009. Information scientifique

les ont portés » (p. 179). Le troisième chapitre propose une analyse thématique de l’ensemble des entretiens et une comparaison des parcours de chacun. Contrairement au chapitre précédent, il s’agit ici d’une démarche d’analyse objectivante. Le quatrième chapitre constitue une synthèse des deux chapitres précédents et construit progressivement une ébauche de théorisation de l’usage innovant des technologies dans l’enseignement et la formation au niveau universitaire. Il compare les formes et les enjeux de l’innovation entre les milieux industriels et universitaires. Le cinquième chapitre articule les points de vue sémio-narratif et « anthropo-logique ».

Le propos est cette fois-ci d’articuler les dimensions d’une part subjective et singulière de l’acteur et d’autre part objective des « configurations propres aux contextes institutionnels, aux circonstances et à l’actualité des différentes époques de leur action » (p. 13). Les conclusions, enfin, proposent une généralisation « des cadres théoriques à la compréhension plus des processus d’innovation et à une proposition de typologie incluant certains microprocessus de changement en tant qu’action ordinaire de transformation sociale ». (p. 13)

Le chapitre méthodologique propose une solide réflexion sur la « coupure », en sciences humaines, entre sujet observateur et objet observé, entre le chercheur et la réalité qu’il cherche à décrire, à comprendre et à modéliser. Ce dont il est question, on l’aura compris, c’est de l’objectivité de la démarche en sciences humaines, et donc de la scientificité de celles-ci, question cruciale née avec leur émergence. Il est vrai que le projet implique une dimension fortement réflexive puisqu’il s’agit d’une « étude par des universitaires de pratiques conduites à l’université à partir du discours d’autres universitaires » (p. 16), situation qui interdit toute coupure franche entre le sujet et l’objet de l’observation. Les auteurs choisissent donc d’élucider au mieux leur propre positon et les conséquences de celle-ci pour la validité de leur démarche tout en produisant ce que Bourdieu a nommé des connaissances praxéologiques « dans une tentative d’intégration et3 de la “connaissance objectiviste” et4 de la “connaissance phénoménologique” (Bourdieu, 1972, 2000) » (p. 16). La résolution méthologique de cette difficulté épistémologique intéresse tous les chercheurs impliqués en sciences humaines mais plus spécifiquement ceux qui travaillent aujourd’hui dans le champ de la pédagogie universitaire. Elle passe par une claire explicitation de la démarche du chercheur afin que cette dernière puisse être vérifiée, discutée par les pairs, les partenaires mais aussi les lecteurs (p. 16). De ce point de vue, ce chapitre méthodologique nous paraît exemplaire. Il répond en effet aux questions telles que : pourquoi s’intéresser à des parcours d’individus singuliers ? Pourquoi avoir choisi ces quatre pionniers et en quoi cet échantillon « minimal » peut-ils être considéré comme représentatif ? Quelle méthode d’interaction choisir entre chercheurs et interviewés compte tenu du fait que ceux-ci sont eux aussi enseignants-chercheurs ? Comment et pourquoi justifier et développer une méthode itérative, favorisant la réflexivité, qui débouche sur une coproduction des résultats ? Comment éviter les pièges de la proximité entre enquêteur et enquêté, ceux de l’illusion biographique qui pourrait

3. En italiques dans le texte.

4. Idem.

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amener la confusion entre récits et faits, enfin ceux de la tentation hagiographique qui conduirait à l’éloge sans distances des pionniers et de leurs pratiques ? Le partenariat - terme qui désigne et donc institue déjà une relation contractuelle particulière – enquêteur vs. enquêté s’est construit sur l’analyse des trois dimensions de cette relation : sa nature caractérisée par la réciprocité, son support symbolique ou autrement dit le contrat, enfin le processus-clé de restitutions.

La relation de réciprocité se fonde sur le fait que l’enquêté est reconnu comme un

« sujet de connaissance » et qu’il contribue donc à la production de celle-ci. Cette relation s’inscrit dans le cadre d’une asymétrie fonctionnelle, basée « sur une réciprocité limitée aux deux seules caractéristiques partagées par tous : l’ontologie humaine et le statut professionnel » (p. 28) tandis que le chercheur conserve son autonomie et son autorité dans son activité de recherche. La notion de contrat se réfère à la notion de contrat de communication chère à P. Vermersch, sorte de réajustement permanent de modalités de communication entre les partenaires visant à construire une relation de confiance et de responsabilité qui articule, « lie méthodologie et éthique dans la recherche ». (p. 29). La restitution progressive des résultats par les chercheurs, à chaque étape de la recherche au fur et à mesure de son évolution, joue alors un rôle important comme l’a analysé Bergier (2000, 2001) auquel se réfèrent les auteurs : une fois de plus la recherche peut se construire sur une base éthique autant que sur les exigences méthodologiques rigoureuses.

Il y a enfin cette articulation des deux types d’analyse des données recueilles auprès des quatre enseignants chercheurs, l’approche biographique des récits de vie et l’analyse thématique qui loin de s’opposer, comme on pourrait l’imaginer, apportent chacune sa spécificité, son regard et, finalement se complètent. La première a permis d’identifier et d’analyser les rapports que chaque acteur entretient avec son expérience dans ses dimensions les plus singulières mais aussi de découvrir, au-delà de celles-ci, des dimensions ou des facteurs récurrents dont peut rendre compte une analyse thématique de contenu dont les catégories sont construites a posteriori sur la base de la lecture et de l’analyse des verbatim.

Une synthèse des deuxième et troisième chapitres est difficile tant les analyses, construites sur cette double approche, sont riches et détaillées. Celles-ci répondent avec minutie et rigueur aux diverses questions que rappelle le prière d’insérer : « Au nom de quelles raisons et de quels mobiles ces acteurs se sont engagés dans une telle entreprise ? Comment décrivent-ils la genèse et le développement de leur action souvent loin des normes ? Quels obstacles ont-ils rencontrés ? En quoi ces pédagogues convaincus, travailleurs de l’ombre, sont-ils devenus des acteurs importants dans leur établissement ? Les nouvelles conceptions du métier qui ont émergé de leurs initiatives annoncent-elles une évolution radicale de l’institution universitaire ? Plus généralement, en quoi l’analyse comparée de leur parcours individuel éclaire-t-elle les mécanismes de l’innovation et certains problèmes de fond posés par les mutations technologiques ?

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Des chapitres 4 et 5, nous retiendrons l’originalité de la démarche qui compare l’innovation en milieu industriel, notamment sur la base des textes d’Alter, et celle qui se déploie en milieu universitaire. Les conclusions mettent en évidence la caractéristique propre de cette dernière : l’importance de la relation éducative humaine qui rend le service d’éducation irréductible à une logique marchande. Cette analyse, inspirée notamment de la conception néo-servicielle de Grevet, sonne le glas du modèle économique de la formation à distance classique, fondé, on le sait, sur les économies d’échelle. Nous soulignerons aussi la capacité des auteurs à resituer l’histoire singulière des acteurs dans leurs contextes tant personnel qu’institutionnel rompant ainsi avec le cloisonnement qu’impose l’opposition entre micro- et macro-analyses qu’une perspective systémique peine souvent à dépasser.

Du point de vue méthodologique, nous relèverons la rigueur exemplaire de cet ouvrage, la volonté déjà évoquée, d’expliciter et de construire une démarche objectivante d’une observation à haut risque : les pratiques universitaires menées par des universitaires et observées par des collègues universitaires. Cette situation paraît assez commune dans la recherche en pédagogie universitaire et plus particulièrement dans le domaine de l’innovation intégrant la dimension technopédagogique. Mais rares sont ceux et celles qui analysent les enjeux comme les risques d’une telle configuration, qui en tirent enfin toutes les conséquences méthodologiques. Du point de vue formel, le choix éditorial de documenter les analyses de contenu par les extraits des entretiens référencés en notes de bas de page s’avère une solution extrêmement confortable et efficace pour le lecteur.

Pour conclure, je dirais qu’il m’est difficile, au moment où TECFA (TEchnologies de Formation et d'Apprentissage) vient de fêter ses 20 ans, de ne pas être touché par ce remarquable travail : lire cette recherche constitue une invitation à relire ses propres parcours personnel et institutionnel. Tant il est vrai que le lecteur, porteur de projet innovant, trouve quasiment à chaque page, l’évocation d’un événement, d’une situation, d’une intuition ou encore d’une analyse dans laquelle il peut se reconnaître et qu’il peut donc partager. Telle est aussi la réussite de l’ouvrage : analyser la complexité à partir du singulier pour construire une vision et une compréhension généralisables, sinon modélisantes, en tous les cas structurantes pour des pairs.

Sans vouloir tomber dans le piège de l’hagiographie contre lequel les auteurs ont, tout au long de leur travail, tenté de construire des garde-fous méthodologiques, j’aimerais, au risque de paraître peu académique, rappeler à propos de cette recherche ces deux vers de Brassens « Tout est bon chez elle il n'y a rien à jeter, Sur l'île déserte il faut tout emporter ». Que le lecteur donne à cette métaphore la valeur ainsi que le cadre d’interprétation qui conviennent à ses propres contextes.

Daniel PERAYA TECFA, Université de Genève

daniel.peraya@unige.ch

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