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L'applicabilité des traités internationaux de protection des droits de l'homme dans le système constitutionnel du Burkina Faso

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L'applicabilité des traités internationaux de protection des droits de l'homme dans le système constitutionnel du Burkina Faso

SOMA, Abdoulaye

SOMA, Abdoulaye. L'applicabilité des traités internationaux de protection des droits de l'homme dans le système constitutionnel du Burkina Faso. African Yearbook of International Law, 2008, vol. 16, p. 313-342

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:5689

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L’APPLICABILITE DES TRAITES INTERNATIONAUX DE PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME DANS LE SYSTEME CONSTITUTIONNEL DU BURKINA FASO

ABDOULAYE SOMA1

I- INTRODUCTION

La question de l’applicabilité des traités internationaux de protection des droits de l’Homme dans le système constitutionnel du Burkina Faso met en relation trois concepts juridiques fondamentaux, à savoir le système constitutionneldu Burkina Faso2, les traités internationaux et les droits de l’Homme.Aussi des clarifications notionnelles se doivent-elles être apportées.

Le système constitutionnel burkinabé s’entend de l’organisation constitutionnelle actuellement en vigueur au Burkina Faso. Il s’agit de l’ordonnancement juridique institué par la Constitution adoptée par référendum national le 2 juin 1991, proclamée le 11 juin3 de la même année et ayant fait l’objet de trois révisions, respectivement en 19974, 20005 et 20026. C’est la Constitution de la IVe République7, telle que promulguée par décret présidentiel du 05 février 2002. Si elle a pour

1 L’auteur est Assistant au Département de droit constitutionnel de la Faculté de droit de l’Université de Genève en Suisse ; juriste publiciste, spécialisation en droits de l’homme.Je remercie spécialement les professeurs GIORGIO MALINVERNI, AUGUSTIN LOADA MARIE-GERVAIS, et ANDREAS AUER, Monsieur le Député YARGA LARBA ainsi que mes collègues FREDERIC BERNARD, GREGRO T. CHATTON et MAKANE MOÏSE MBENGUE pour leurs conseils et commentaires.

2 Le Burkina Faso, Etat francophone de l’Afrique de l’ouest, était jadis connu sous le nom de Haute-Volta.

Politiquement indépendant et constitutionnellement fondé depuis le 5 août 1960, le pays a hérité sa dénomination actuelle le 4 août 1984 de la célèbre révolution sankariste. Cette terminologie à laquelle concourent les trois langues dominantes du pays (Mooré, Dioula et Fulfuldé) signifie «pays ou patrie des Hommes intègres ».

« Faso » traduit la forme républicaine de l’Etat, ce qui implique qu’il serait étymologiquement redondant de dire

« République du Burkina Faso ». Les habitants du Burkina Faso sont les « burkinabé », concept absolument invariable ne s’accordant ni au féminin ni au pluriel.

3 La Constitution a été publiée sous le décret de promulgation Kiti N° AN-VIII-330/FP/PRES du 11 juin 1991.

4 La première révision constitutionnelle a été opérée par la loi n°002/97/ADP du 27 janvier 1997 et promulguée par le décret n° 97- 063/PRES du 14 février 1997.

5 La deuxième révision constitutionnelle est intervenue par la loi n°003 -2000/AN du 11 avril 2000 et promulguée par décret n° 2000 - 151/PRES du 25 avril 2000.

6 La troisième révision, qui rend compte de la Constitution actuelle, a procédé aux modifications par la loi n° 001 -2002/AN du 22 janvier 2002 et à la promulgation par décret n° 2002 - 038/PRES du 05 février 2002.

7 Selon l’évolution politique et constitutionnelle du Burkina Faso, nous somme actuellement à la IVe République : La première république (en même temps que l’Etat dans sa forme moderne) a été fondée par la Constitution de 1960, la deuxième fut instituée par la Constitution de 1970, la troisième trouvait sa consécration dans la Constitution de 1977, la quatrième, l’actuelle, est proclamée par la Constitution de 1991. Il faut savoir qu’il a été rédigé le 28 février 1959 un texte « constitutionnel » dans le cadre de la Communauté franco-africaine amorcée en 1958. Etant donné que ce dernier s’inscrit dans les rapports coloniaux et à un moment où le peuple burkinabé les contestait farouchement par son aspiration légitime à l’autodétermination, à son émancipation, à son indépendance politique et à son accession de la souveraineté internationale, il ne saurait être considéré

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objet général l’organisation du fonctionnement de l’Etat8, la constitution définit également les rapports entre le pouvoir et les citoyens dans le sens d’une meilleure protection des droits de la personne et des libertés fondamentaux9.

Quant au traité international, il a été défini par la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités. Selon cette convention, « L’expression « traité » s’entend d’un accord international conclu par écrit entre Etats et régi par le droit international, qu’il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle que soit sa dénomination10 particulière »11.

L’expression « droits de l’Homme », qui sera tenue pour rigoureusement synonyme et interchangeable de « droits humains », est un concept à contenu multiforme aussi fréquemment usité que diversement défini12. Dans le cadre de la présente étude, les droits de l’Homme seront entendus comme les prérogatives et facultés assurant sans discrimination la liberté et la dignité de la personne humaine et bénéficiant de garanties normatives et institutionnelles. Leur objectif est de protéger et garantir d’une manière juridique et institutionnalisée les droits de la personne humaine contre les empiètements arbitraires du pouvoir et d’autrui, et de promouvoir parallèlement l’établissement de conditions humaines d’existence, ainsi que le développement multidimensionnel de la personnalité humaine13. En tant que discipline juridique spécialisée, au

comme acte fondateur d’une république burkinabé. Il revêt toutefois, et uniquement en cela, ainsi que les régimes d’exception qui sont intervenus comme des intermèdes politiques entre les régimes constitutionnels depuis la décolonisation (en 1966, 1974, 1983 et 1987), un intérêt socio-politologique dans l’histoire politique et constitutionnelle du Burkina Faso.

8 VEDEL GEOGES, Qu’est-ce que la Constitution ?, http://www.conseil- constitutionnel.fr/dossier/quarante/index.htm, 1998,

9 IBRIGA LUC MARIUS et GARANE AMIDOU, Constitutions du burkinabé ; textes et commentaires, Namur, éd. Boland, 2001, p.12 ; TROPER MICHEL, Constitutionnalisme et démocratie, in Du droit interne au droit international, Mélanges RAYMOND GOY, Publications de l’Université de Rouen, 1998, p.143-150.

10 Plusieurs dénominations sont en pratique utilisées pour désigné le traité international : En plus des deux termes génériques, traité ou convention, on peut rencontrer notamment les termes protocole, charte, pacte, statut, accord, code de conduite, mémorandum, modus vivendi, concordat, échange de notes ou échange de lettres. Selon la CIJ, dans son arrêt sur l’affaire du sud-ouest africain rendu en 1969, « la terminologie n’est pas un caractère déterminant quant au régime de l’accord ». La dénomination donnée par les parties au traité international est inopérante, c’est son régime juridique qui importe en ce sens qu’il lie chaque partie dès son entrée en vigueur pour elle. La Constitution du Burkina Faso fait plutôt un usage abondant des termes accord et traité comme en ses articles 36, 61, 146, 148, 149, 151, 152.

11 Définition conventionnelle consacrée par l’article 2, paragraphe 1, lettre a de la Convention de Vienne.

12 MOURGEON JACQUES, Les droits de l’homme, Paris, Que-sais-je ?, n°1728, 1985, p. 8.

13VASAK KAREL, Les dimensions internationales des droits de l’homme, Paris, UNESCO, 1978, p. 11 et SUDRE FREDERIC, Droit européen et international des droits de l’homme, Paris, P.U.F., 6e éd. refondue, 2003, p. 29-36.

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carrefour du droit international et du droit constitutionnel, les droits de l’Homme ont connu leurs développements les plus complexes au lendemain de la deuxième guerre mondiale14.

Dans sa politique de promotion et de protection des droits de l’Homme, le Burkina Faso s’est inscrit dans une logique d’élaboration, de signature, de ratification ou d’approbation d’instruments pertinents. Cela va des instruments nationaux, dont la Constitution est le principal et le fondement, aux instruments universels, conclus sous l’égide des Nations Unies, en passant par les instruments du système régional15africain de protection des droits de l’Homme et des peuples16. Le droit international des droits de l’Homme, qui s’est développé surtout à partir de la Déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948 (DUDH)17, a considérablement influencé et continue toujours d’orienter de façon décisive la politique et la pratique internes des Etats. L’activité internationale de protection des droits de l’Homme se fonde sur une multitude de textes internationaux par lesquels l’Etat burkinabé s’est engagé, en en ratifiant certains, à promouvoir et à protéger les droits humains et les libertés fondamentales conformément aux standards qui y sont érigés.

Comme il est établi en droit, un traité international de protection des droits de l’Homme liant l’Etat, de quelque façon que ce soit18, doit être intégré dans son cosmos juridique pour être invocable par les sujets du droit sous sa juridiction. Les modalités qui gouvernent cette intériorisation, cette internalisation ou le processus d’appropriation par l’Etat du droit international19

14 HIGUCHI YOÏCHI, De la possibilité et de la problématique de la « réception » de la conception des droits de l’homme : Quelques leçons tirées de l’expérience japonaise de 140 ans, in du droit interne au droit international, Mélanges RAYMOND GOY, Publications de l’Université de Rouen, 1998, p. 98-103.

15 L’activité de promotion et de protection internationale des Droits de l’Homme a progressivement pris, sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies, une envergure systémique au lendemain du second conflit mondial.

Le système actuel de la protection des Droits humains comporte, au delà des mécanismes constitutionnels nationaux, un système universel, régenté par l’ONU, et plusieurs systèmes régionaux, plus ou moins élaborés. La doctrine et les spécialistes s’accordent à reconnaître l’existence du système africain de protection des droits de l’homme et des peuples, du système interaméricain et du système européen des droits de l’homme. L’attention doit être également attirée sur les systèmes arabe et asiatique naissants. Cf. ROUGET DIDIER, Le guide de la protection internationale des droits de l’Homme, Grenoble, éd. La pensée sauvage, 2000. p. 25 et ss. ; MORIN JACQUES-YVES, Libertés et droits fondamentaux dans les constitutions des Etats ayant le Français en partage, Bruxelles, Bruylant, 1999. p. 18 et ss.

16 MUBIALA MUTOY, Le système régional africain de protection des droits de l’homme, Bruxelles, Bruylant, 2005. p. 14 et ss.

17 La DUDH est largement considérée comme l’acte fondateur et inspirateur de la protection internationale et même nationale des droits de l’homme. Plusieurs Constitutions nationales y font référence et d’innombrables textes internationaux procèdent de son esprit.

18 Dans les Commentaires assemblées par elle sur la Convention de Vienne de 1969, GROSSRIEDER ERIKA indique que les expressions « ratification », « acceptation », « approbation » et « adhésion » s’entendent, selon les cas, de l’acte international ainsi dénommé par lequel un Etat établit sur le plan international son consentement à être lié par un traité.

19 SCIOTTI-LAM CLAUDIA, L’applicabilité des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme en droit interne, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 115 et ss.

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des droits de l’Homme et la valeur interne qu’il lui accorde sont des facteurs déterminants ayant des incidences sur la pratique des droits humains dans le contexte particulier de cet Etat. Le pouvoir constituant originaire burkinabé de 1991 a spécialement consacré un titre entier de la Constitution (articles 148 à 151) au régime juridique de l’application des traités ou accords internationaux en droit burkinabé20. La règlementation qui y est posée a vocation à s’appliquer à tous les traités internationaux de façon générale, indépendamment de leur domaine et de leur objet et but notamment. C’est ainsi que la question peut se poser de savoir si les articles 148 à 151 de la Constitution, tels qu’inscrits et interprétés jusqu’à ce jour, doivent s’appliquer uniformément à tous les traités internationaux. Le droit international des droits de l’Homme, ne comporte t-il pas quelques règles propres qui détermineraient et qui distingueraient de façon significative la mise en œuvre interne des droits matériels qu’il consacre? Ou encore, les traités internationaux de protection des droits de l’Homme doivent-ils répondre strictement au régime constitutionnel uniforme des traités internationaux ? Les réponses à ces questions sont d’une importance indéniable pour les mises au point nécessaires à l’efficacité de la protection des droits de l’Homme au Burkina Faso, un pays en pleine recherche de ses repères démocratiques et institutionnels21.

L’étude sera menée autour de quatre axes de réflexion. Il conviendra d’abord de révéler les droits de l’Homme garantis dans le système constitutionnel du Burkina Faso (II). A ce niveau seront précisés les droits protégés dont tout citoyen peut se prévaloir en vertu de la Constitution burkinabé.

Ensuite, l’accent sera mis sur le régime de la transposition du droit international des droits de l’Homme en droit interne (III) burkinabé. Ainsi, après avoir réglé la question du caractère moniste ou dualiste du système constitutionnel du Burkina Faso, il faudra tirer les conséquences qui en découlent en termes d’incorporation des traités relatifs aux droits de l’Homme au Burkina Faso. Cela ouvre le champ de l’examen des conditions d’application du droit international des droits de l’Homme (IV) dans l’ordonnancement juridique interne de l’Etat burkinabé, telles que fixées par la Constitution.

Enfin, les conséquences (VI) du statut des traités relatifs aux droits de l’Homme dans la hiérarchie des normes seront analysées à la lumière des conclusions qui émaneront de l’ensemble de la réflexion qui aura été menée précédemment. La question semble trouver, souvent trop hâtivement d’ailleurs, une réponse classique, qui ne me semble pas être satisfaisante à tout point de vue. Avant de traiter de cette question, il peut être utile de rappeler les droits de l’Homme protégés au Burkina Faso.

20 Le Titre XIII de la Constitution s’intitule « Des traités et accords internationaux ». (Articles 148 à 151).

21 Cf. International IDEA, La Démocratie au Burkina Faso, Stockholm, International IDEA, 1998, p. 17 et ss.

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II- LES DROITS DE L’HOMME GARANTIS DANS LE SYSTEME CONSTITUTIONEL DU BURKINA FASO

Il convient de préciser les sources formelles des droits de l’Homme dans le système constitutionnel burkinabé, ainsi que les droits humains matériellement garantis par celui-ci.

Les sources formelles des droits de l’Homme sont les procédés d’élaboration qui les inscrivent dans le droit positif22. Ce sont les instruments normatifs élaborés ou acceptés par le Burkina Faso, tels que ressortant du Préambule de la Constitution. On peut distinguer, en fonction de leur niveau d’élaboration et de leur champ d’application géographique, les instruments universels, les instruments régionaux interafricains et les instruments nationaux. Au niveau universel, il est significatif de noter que le Burkina Faso s’est engagé à respecter ce qu’il est convenu d’appeler la Charte internationale des droits de l’Homme23, qui se compose de la Déclaration universelle des droits de l’Homme24, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC ou Pacte I)25 et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP ou Pacte II), ainsi que des deux protocoles facultatifs26 de ce dernier. En sus de ces textes généraux, des instruments spécifiques lient le Burkina Faso. On retiendra essentiellement à ce titre la Convention internationale sur l’Elimination de toutes les Formes de Discrimination raciale (CEDR)27, la Convention sur l’Elimination de toutes les Formes de Discrimination à l’égard des Femmes (CEDEF)28, la Convention contre la Torture et autres Peines ou Traitements cruels, inhumains ou dégradants (CAT)29 et la Convention relative aux Droits de l’Enfant (CDE)30. Sans être exhaustive, cette liste rend compte du large consentement du Burkina Faso à être lié par les normes régissant, sous les auspices des Nations Unies, la

22 DAILLET PATRICK et PELLET ALAIN, Droit international public, op. cit., p. 112 et ss.

23Département de l’information des Nations unies, La Charte internationale des droits de l’homme, New York, Nations Unies, 1988 ; SUDRE FREDERIC, Droit européen et international des droits de l’homme, op.cit., p.128.

24 Nul Etat ne peut adhérer à l’ONU sans avoir approuvé préalablement à la fois la Charte des Nations unies du 26 juin 1945 et la Déclaration universelle des droits de l’homme. Le Burkina Faso a été admis à l’ONU le 20 septembre 1960.

25Le PIDESC a été conclu le 16 décembre 1966 et est entré en vigueur le 3 janvier 1976. Le Burkina Faso est lié par le PIDESC depuis le 4 janvier 1999.

26 Le PIDCP a été signé le 16 décembre 1966 et est entré en vigueur le 23 mars 1976. Le 4 janvier 1999 le Burkina Faso l’a ratifié ainsi que son protocole I additionnel reconnaissant ainsi que le Comité des droits de l’Homme de l’ONU institué en vertu du Pacte a compétence pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers relevant de sa juridiction qui prétendent être victimes d'une violation de l’un quelconque des droits énoncés. Le protocole additionnel II au Pacte visant à abolir la peine de mort n’a toutefois pas été accepté.

27 Adoptée le 21 décembre 1965, en vigueur le 4 janvier 1968 et approuvée par le Burkina le 18 juillet 1974.

28 Signée le 18 décembre 1979, en vigueur le 3 septembre 1981 et ratifiée par le Faso le 14 octobre 1987.

29 Conclue le 10 décembre 1984, en vigueur le 26 juin 1987 et acceptée par le Burkina Faso le 4 janvier 1999.

30 Elaborée le 20 novembre 1989, en vigueur le 2 septembre 1990 et ratifiée par le pays le 31 août 1990.

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protection universelle des droits de l’Homme. En ce qui concerne les instruments du système régional interafricain de protection des droits de l’Homme, une importance particulière doit être accordée à la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples31 (CADHP) qui lie tous les Etats32 de l’Union africaine33, ainsi qu’à la Charte africaine des Droits et du Bien-être de l’Enfant34. Le protocole additionnel I à la CADHP portant création de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples35 et le protocole facultatif II à la CADHP portant droits de la femme africaine36complètent l’échiquier normatif des droits de l’Homme en Afrique. Au plan interne, comme pour se conformer à ces différents textes internationaux fondamentaux, le Burkina Faso a indiqué dans le Préambule de sa Constitution, qu’il souscrit à la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 et aux instruments internationaux traitant des problèmes économiques, politiques, sociaux et culturels; et ainsi a-t-il consacré le Titre premier de sa Constitution à la définition des droits et devoirs fondamentaux matériellement protégés.

Ces droits matériels garantis37 doivent être déterminés à travers les instruments susmentionnés, applicables au Burkina Faso et protégeant un ensemble de droits individuels et/ou collectifs38. La présente contribution se limitera à l’évocation de quelques droits de

31KEBA M’BAYE, La charte africaine des droits de l’homme et des peuples : de Lagos à Banjul, in Essays in honour of Judge Taslim Olawale Elias, Dordrecht ; Boston [etc.], M. Nijhoff, 1992. - Vol. 1, p. 427-446 ; du même auteur, Les droits de l'homme en Afrique, Paris, A. Pédone, 2e éd., 2002, p. 7 et ss. ; OUGOUERGOUZ FATSAH, La charte africaine des droits de l’homme et des peuples ; historique, portée juridique et contribution à la protection des droits de l’homme en Afrique, Genève, IUHEI, thèse n° 476, 1991, p. 10 et ss. ; du même auteur, La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples : une approche juridique des droits de l'homme entre tradition et modernité, Paris, P.U.F., 1993, p. 8 et ss.

32 Adoptée le 27 juin 1981 à Nairobi, Kenya, lors de la 18e Conférence de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA). Entrée en vigueur le 21 octobre 1986 après ratification de la Charte par 25 Etats. Tous les 53 membres de l'Union africaine l'ont ratifié dont le Burkina Faso le 6 juillet 1984. Dernière ratification par l’Erythrée le 14 janvier 1999.

33AVES EKOUE AMAÏZO, De l'OUA à l'Union africaine : les chemins de l'interdépendance, in Revue Afrique contemporaine, no. 197, 2001, p. 97-107.

34 La charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant a été adoptée lors de la 26ème conférence des chefs d'État et de gouvernement de l'Organisation de l'unité africaine en juillet 1990. Elle est entrée en vigueur le 29 novembre 1999, après avoir reçu la ratification de 15 États, conformément à son article 47. Elle lie actuellement 40 des 53 Etats de l’Union africaine. Le Burkina l’a ratifiée le 8 juin 1992.

35Le Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples, signé à Ouagadougou, Burkina Faso, le 9 juin 1998, prévoit la création d'une Cour africaine des droits de l'Homme. Il est entré en vigueur le 25 janvier 2004, 30 jours après sa ratification par les Comores, le quinzième Etat membre de l'Union africaine à le faire. Les autres Etats parties à ce Protocole sont l'Algérie, l'Afrique du Sud, le Burundi, la Côte d'Ivoire, la Gambie, le Lesotho, la Libye, le Mali, Maurice, l'Ouganda, le Rwanda, le Sénégal et le Togo. L’ayant ratifié, le Burkina Faso est le premier Etat à avoir fait la déclaration au titre de l’article 34.6 autorisant les requêtes individuelles contre lui devant la Cour.

36 Le Burkina Faso a ratifié le 9 août 2006 ce protocole adopté le 11 juillet 2003 et entré en vigueur le 25 novembre 2005 et comptant 20 ratifications et 42 signatures.

37 ROUGET DIDIER, Le guide de la protection internationale des droits de l’Homme, Paris, éd. La pensée sauvage, 2000. p. 25 et ss.

38 V° Conseil de l’Europe., « Les droits de l’Homme : droits collectifs ou droits individuels : (actes du colloque de Strasbourg des 13 et 14 mars 1979 », Paris, L.G.D.J., 1980, p.12 ss. ; KOUBI GENEVIEVE, Réflexions sur

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l’Homme dont une personne pourrait se prévaloir au Burkina Faso. Dans cette perspective, il est plus approprié de procéder à une typologie qui dégage les principaux droits de l’Homme dont bénéficie toute personne sous la juridiction du Faso. Ils se répartissent en principes fondamentaux des droits de l’Homme, en garanties de l’Etat de droit, en libertés, en droits civils, politiques, économiques, sociaux, culturels, en droits des peuples, en devoirs de l’Etat et en devoirs de l’individu.

Le respect, la protection et la mise en œuvre39des droits de l’Homme se poursuivent conformément à certains principes universellement reconnus. C’est l’exemple des principes d’égalité et de non discrimination dans la jouissance des droits de l’Homme. Ce sont deux principes fondamentaux qui se recoupent40 et qui président à l’exercice de tous les droits de l’Homme. Consacrés par tous les instruments internes41 et internationaux de protection des droits humains, les principes d’égalité42 et de non-discrimination43 conduisent conjointement à interdire toute distinction, exclusion, ou préférence de droit ou de fait de nature à compromettre la reconnaissance ou la jouissance des droits de l’Homme inhérents à l’égale dignité de tous les êtres humains. Et exception faite des discriminations ou actions positives44, toute différenciation entre les bénéficiaires ou titulaires des droits fondamentaux en matière de jouissance de ceux-ci en constitue une violation45 grave à sanctionner vigoureusement. Ainsi, en vertu de ces principes, les traitements inégalitaires et les discriminations de toutes sortes, notamment celles fondées sur la race, l’ethnie, la couleur, le sexe, la langue, la religion, la caste, les opinions politiques, la fortune et la naissance, sont prohibées46 au Faso. Les garanties de l’Etat de droit visent à promouvoir un certain comportement de l’Etat47 dans l’exercice démocratique de son pouvoir de gestion politique, économique, sociale et judicaire. Ce sont, soit des droits procéduraux protégeant les

les distinctions entre droits individuels, droits collectifs et « droits de groupe », in du droit interne au droit international, Mélanges RAYMOND GOY, Publications de l’Université de Rouen, 1998, p.105-117.

39 Nations unies, Comité DESC, « Nature des obligations des Etats parties », 1990, Observation générale n°3 (art.2 §1 du pacte), htpp://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf7(symbol).

40GOY RAYMOND, La Cour internationale de justice et les droits de l’homme, Bruxelles, Bruylant, 2002, p.111 et ss.

41MELIN-SOUCRAMANIEN FERDINAND, Le principe d’égalité dans la jurisprudence du conseil constitutionnel, Paris, Economica, 1997, p.33 et ss.

42 Art.1et 7 DUDH ; 26 et 3 PIDCP ; 2.2 ; 3 du PIDESC, 3 CADHP, 1 et 4 de la Constitution burkinabé.

43V° les Art.2 DUDH ; PIDESC ; PIDCP ; CEDR, CEDEF, CADHP ; 1, 19 et 23 de la Constitution burkinabé.

44Elles visent les mesures spéciales et concrètes prises à seule fin de favoriser certains groupes ou individus particulièrement vulnérables ayant besoin d’une protection supplémentaire qui peut être nécessaire pour leur garantir, dans un souci d’égalisation, la jouissance effective des droits de l’Homme. Selon les cas, il peut s’agir des enfants, des vieilles personnes ou des femmes enceintes, des handicapés etc.

45Nations unies, Comité DESC, Observation générale n°12 « Le droit à une nourriture suffisante » (art. 11), 12 mai 1999, E/C.12/1999/24, §18.

46 Article 1 alinéa 3 de la Constitution.

47 AUER ANDREAS, MALINVERNI GIORGIO et HOTTELIER MICHEL, Droit constitutionnel suisse, l’Etat, vol. I, op.cit., p.10.

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citoyens contre une ingérence abusive ou une défaillance inadmissible imputable à l’Etat, comme le droit à un procès équitable48 ou à un recours effectif49, soit des droits substantiels qui font écran à l’arbitraire de l’Etat comme la maxime nullum crimen, nulla poena sine lege ou principe de la légalité des peines et de la non-rétroactivité en matière pénale50. Les libertés, susceptibles de restrictions conditionnelles51, ont pour finalité d’autoriser un certain comportement de l’individu52 en adéquation avec les valeurs d’une société démocratique53. A titre illustratif, évoquons la liberté d’expression54 et le droit de l’Homme à la jouissance paisible de sa propriété55, qui participent d’un certain niveau de cohésion sociale. Les droits civils, considérés comme ressortant de la première génération56 des droits de l’Homme, sont ceux qui sont le plus classiquement et universellement homogènes et dont certains bénéficient du caractère de normes coutumières ou de jus cogens57, car leur caractère obligatoire ne dépend pas de la volonté des Etats souverains58. Citons l’incontournable droit à la vie59 et l’interdiction de la torture60. Les droits politiques sont les droits de l’Homme qui garantissent le meilleur environnement et le statut politiques de l’individu. Ils lui donnent droit à la participation dans le jeu et le contrôle de la démocratie61, système politique propice à l’exercice des droits de l’Homme. Participent indéniablement de ce souci le droit de vote et le droit d’éligibilité, qui sont souvent inextricablement consacrés62. Les droits sociaux plaident toujours en faveur de la réalisation des

48 Articles 10 DUDH ; 14 §1 PIDCP ; 14 CEDR ; 7 §1 CADHP. C’est un droit général à une bonne administration de la justice comme garantie aux articles 44 et 129 de la Constitution.

49 Articles 8 DUDH ; 2 §3 PIDCP ; 7 §2 CADHP. C’est la garantie de ce droit qui est recherchée par l’organisation judicaire interne, telle que définie par la Constitution en ses articles 124 à 136.

50 Articles 11 §2 DUDH ; 15 §1 PIDCP ; 7 §2 CADHP et 5 de la Constitution.

51 AUER ANDREAS, MALINVERNI GIORGIO et HOTTELIER MICHEL, Droit constitutionnel suisse, l’Etat, vol. I, op.cit., p.71 et ss.

52 Ibidem, p. 11.

53 Le système constitutionnel burkinabé est largement permissif en matière de liberté car selon l’article 5 de la Constitution, « Tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas ».

54 Articles 19 DUDH ; 19 PIDCP ; 5 d) viii) CEDR ; 13 CDE, 9 CADHP et article 8 de La Constitution.

55 Articles 17 DUDH ; 5 d)v) CEDR ; 14 CADHP et 15 de la Constitution. Il ne peut y être porté atteinte que par nécessité publique ou dans l’intérêt général.

56 Selon une tendance doctrinale récente, il y aurait quatre générations de droits de l’homme : les D.C.P., les DESC, les droits de l’homme dits de solidarité et les droits de l’homme bioéthiques. V°BENAR GEORGES, Vers des droits de l’homme de la quatrième dimension, in Les droits de l’Homme à l’aube du XXIe siècle, liber Amicorum Karel Vasak, Bruxelles, Bruylant, 1999, p.75-114.

57GIL AMPERO SANJOSE, La responsabilité internationale des Etats pour violation des droits de l’homme, in Les droits de l’homme à l’aube du XXIe siècle, Bruxelles, Bruylant, op .cit., p.783-818. ; Aff. Barcelona Traction Light and Power Company Limited, arrêt du 5 février 1970, C.I.J., Rec. 1970, p.32.

58 Aff. des réserves à la convention sur le génocide, Avis consultatif, C.I.J., Rec. 1951, p.23. La Cour voit dans cette convention « des principes reconnus par les nations civilisés comme obligeant les Etats, même en dehors de tout lien conventionnel ».

59 Articles 3 DUDH ; 6 §1 CDE ; 6 PIDCP ; 4 CADHP et 2 de la Constitution.

60 Articles 5 DUDH ; 7 PIDCP ; 37 a CDE ; 5 CADHP ; la CAT et 2 de la Constitution.

61 AUER ANDREAS, MALINVERNI GIORGIO et HOTTELIER MICHEL, Droit constitutionnel suisse, l’Etat, vol. I, op.cit., p.14.

62 Article 21 DUDH ; 25 PIDCP ; 5 CEDR ; 7 CEDEF ; 2 CADHP ; et 11à 13 de la Constitution.

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droits de subsistance, visant à assouvir les besoins les plus élémentaires de l’Homme en lui octroyant le bénéfice d’un minimum vital. De ce point de vue, ils peuvent exiger davantage de prestations positives de la part de l’Etat en soutien à ses couches sociales les plus défavorisées et vulnérabilisées. Les droits à l’alimentation63, au logement64, ou à la santé65 entre autres participent de cet objectif. Les droits culturels sont ceux des droits de l’Homme dont la préoccupation intrinsèque est de promouvoir la culture intellectuelle et les traditions instructives des individus et des groupes. Ils jouent un rôle crucial dans l’émancipation de toute nation et dans son rayonnement externe. S’inscrit typiquement dans cette mouvance le droit à l’éducation66. Les droits des peuples67 font la grande originalité et l’apanage du système régional africain des droits de l’Homme et des peuples. Inhérents au concept additionnel et à la valeur ajoutée de ce système, les droits des peuples sont perçus comme des prérogatives appropriées et exercées adéquatement en collectivité, sous-jacentes à une certaine évolution historique commune à un groupe de personnes ayant nourri réciproquement et communément un fort esprit de solidarité et de collectivisme. Les peuples ont droit au développement68 et à un environnement sain69, etc. Par ailleurs, la CADHP met en exergue les devoirs des Etats, notamment dans le respect de tous les droits de l’Homme70, ainsi que les devoirs des individus envers eux-mêmes et envers la société71.

Il est à signaler que cette classification des droits humains revêt plutôt un intérêt didactique et méthodologique dans la mesure où en pratique, les cloisons théoriques qui séparent ces catégories s’amenuisent considérablement. En outre, on s’abstiendra de tirer de cette énonciation une quelconque hiérarchisation de ces droits de l’Homme, car ceux-ci doivent être conçus comme étant égaux, universels, indissociables, interdépendants, intimement liés et complémentaires72. La référence aux droits susmentionnés permet de prendre conscience des

63 Article 25 DUDH, 11 PIDEC; 5 CEDR; Commission A.D.H.P., aff. du peuple Ogoni, Social and Economic Rights Center, Center for Economic and Social Rights c. Nigeria, octobre 2001. SOMA ABDOULAYE, « Droit de l’Homme à l’alimentation : contenu normatif et mécanismes juridiques de mise en œuvre », mémoire de DEA, Université de Genève, sous-dir. Pr. GIORGIO MALINVERNI, février 2006, disponible aussi à la Bibliothèque centrale et à la Bibliothèque de la Faculté de droit de l’Université de Ouagadougou.

64 Articles 25 DUDH, 11 PIDEC et 18 de la Constitution.

65 Articles 25 DUDH ; 12 PIDESC ; 5 CEDR ; 16 CADHP ; 18 et 26 de la Constitution.

66 Articles 26 DUDH ; 13 PIDESC ; 5 CEDR ; 17 CADHP et 18 de la Constitution.

67 Pour les différentes acceptions du mot peuple, v° OUGOUERGOUZ FATSAH, La charte africaine des droits de l’homme et des peuples ; historique, portée juridique et contribution à la protection des droits de l’homme en Afrique, Genève, IUHEI, thèse n° 476, 1991 ; La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples : une approche juridique des droits de l'homme entre tradition et modernité, op.cit., p.146 et ss. ; MUBIALA MUTOY, Le système régional africain de protection des droits de l’homme, op.cit. p.

68 Article 22 CADHP et préambule de la Constitution.

69 Article 24 CADHP ; 29 et 30 de la Constitution.

70 Articles 25 et 26 de la CADHP.

71 Articles 27, 28 et 29 de la CADHP.

72 Cf. Déclaration et Programme d’action de Vienne du 25 juin 1993, § 5.

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droits dont on peut jouir au Burkina Faso73. L’appréhension de la substance et de la consistance de ces droits de l’Homme doit se faire conformément à l’interprétation qu’en ont fait les organes internationaux des droits de l’Homme devant lesquels le Burkina est justiciable, à la loi burkinabé lato sensu, à la jurisprudence burkinabé, à la doctrine burkinabé et accessoirement à toutes autres sources qui conviendraient. L’expression « droits collectifs et individuels» dans le Préambule de la Constitution doit être interprétée de manière globale comme désignant cumulativement les droits expressément cités par les articles de la Constitution et les droits reconnus implicitement ou ultérieurement aux burkinabé dans les instruments normatifs internationaux. A l’égard du Burkina, ces derniers doivent être entendus restrictivement comme se limitant uniquement aux traités des droits de l’Homme ratifiés ou approuvés et en vigueur au Faso, à l’exclusion de ceux pour lesquels le pays n’a pas formellement exprimé son consentement à être lié et qui ne peuvent s’imposer à lui d’aucune autre manière juridique74. De ce point de vue, l’énumération des droits dans le corps de la Constitution doit être regardée comme indicative, illustrative et non exhaustive et doit être interprétée de façon inclusive et évolutive, compte devant absolument être tenu des engagements internationaux successifs du Burkina Faso en faveur de la protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales75. L’effet pratique de cette protection doit être évalué à travers une analyse du régime de la transposition du droit international des droits de l’Homme en droit interne burkinabé.

III- REGIME DE LA TRANSPOSITION DU DROIT INTERNATIONAL DES DROITS DE L’HOMME EN DROIT INTERNE BURKINABE

Les règles des droits de l’Homme internationalement acceptées par un Etat, en tant que normes conventionnelles, ont vocation à s’appliquer dans l’ordonnancement juridique interne de cet Etat76 : soit l’Etat est moniste77 et ces règles sont d’applicabilité immédiate78, soit il est

73 YONABA SALIF, La place des droits de l’homme dans la nouvelle constitution burkinabé, in Mélanges Velu Jacques, Bruxelles, Bruylant, 1992. p.1223-1235.

74 Par exemple par le biais de la coutume.

75 J’ai de graves préoccupations à l’égard de la classification opérée par YONABA SALIF (op.cit.) qu’il me paraît difficile de suivre lorsqu’il établit sa typologie, car celle-ci risque d’être interprétée comme distinguant les droits de l’homme dans le préambule qui seraient qualifiés de droits (simplement) évoqués des droits de l’homme cités dans les articles qui seraient qualifiés de droits proclamés ou reconnus.

76 SASSOLI MARCO, Mise en oeuvre du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme: une comparaison, in A.S.D.I., 1987, p. 34-61.

77 La théorie moniste considère qu’il n’y a qu’un seul ordre juridique se préoccupant à la fois des questions internes et internationales qui sont inextricablement indissociables. A ce titre, les différences qui peuvent exister entre le droit international et le droit interne sont moins de nature que de degré ; et en fonction des sensibilités doctrinales, le monisme, qui peut être radical ou modéré, peut aussi être à primauté du droit interne ou à primauté du droit international. Ce qui est constant dans la pratique actuelle, c’est qu’il appartient à l’ordre juridique interne, mais en conformité avec le droit international, de déterminer l’effet qu’il entend conférer à celui-ci et de fixer les compétences respectives des autorités internes à son égard. La coordination ainsi opérée entre l’ordre juridique interne et l’ordre juridique international aboutit à de nécessaires rapports d’autonomie

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dualiste79 et alors pèse sur lui l’obligation de résultat80 d’introduire dans son ordre juridique interne les traités relatifs aux droits de l’Homme81, ce qui est un principe général du droit international82 fondé sur la règle pacta sunt servanda. Déterminer le régime auquel adhère le Burkina Faso revêt un intérêt si l’on veut invoquer devant une juridiction nationale un droit humain consacré dans un instrument international auquel est partie le Burkina Faso, car cette option constitutionnelle sous-tend l’efficacité concrète des droits de l’Homme en droit interne83

Au Burkina Faso, l’option constitutionnelle semble pouvoir être déduite de ce que « Les traités et accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie »84. Cette disposition n’a

relative, d’interdépendance et de complémentarité qui se retrouvent dans l’option constitutionnelle de chaque Etat. Cf. DENIS ALLAND, Droit international public, Paris, P.U.F., 2000, p. 355 et ss. ; VERDROSS ALFRED, La place de la Convention européenne des droits de l’homme dans la hiérarchie des normes juridiques, in Les droits de l’homme en droit interne et en droit international, Bruxelles, P.U.B., 1968, p. 85 et ss. ; HUBERT THIERRY, SUR SERGE, COMBACEAU JEAN et VALLEE CHARLES, Droit international public, op.cit., p.

180 et ss. ; DUPUY PIERRE-MARIE, Droit international public, Paris, Dalloz, 8e éd., 2006, p.419 et ss.

78SCIOTTI-LAM CLAUDIA, L’applicabilité des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme en droit interne, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 115 et ss.

79 Le dualisme, incarné par Triepel et Anzilotti, conçoit le droit international et le droit interne comme constituant deux ordres juridiques radicalement distincts, indépendants et égaux ; le premier s'adressant aux organes de l'Etat chargés des relations internationales et non aux particuliers pour lesquels il n'établit directement ni droits ni obligations. L’inexistence d’une interaction entre ces deux systèmes induit qu’une règle internationale ne peut avoir d’efficacité en droit interne qu’à la condition d’y avoir été expressément réceptionnée et transposée. D'une part, il faut que la norme internationale soit introduite par un acte interne spécial, telle la promulgation, et de façon générale toute disposition interne, qui prévoit ses conditions d'application ; d'autre part, que ses dispositions soient reprises par des instruments internes qui en transposent les termes en les rendant efficaces à l'égard des sujets de droit interne, par exemple une loi ou un règlement. Une défaillance de l’Etat dans cette opération de transmutation, rendant non invocables les droits reconnus par l’instrument international sous sa juridiction, ne peut se résoudre que par les mécanismes de la responsabilité internationale. V° HUBERT THIERRY, SERGE SUR, JEAN COMBACEAU ET CHARLES VALLEE, Droit international public, Paris, éd. Montchrestien, 1986, p. 180 ; Union économique et monétaire ouest africain, L'application des droits communautaires UEMOA et OHADA par le juge national, http://droit.francophonie.org/doc/html/znao/doc/dcum/fr/2003/2003dfznaodcumfr9.html.

80 SORENSEN MAX, Obligations d’un Etat partie à un traité sur le plan de son droit interne, in Les droits de l’homme en droit interne et en droit international, Bruxelles, P.U.B., 1968, p.36 et ss.

81SCIOTTI-LAM CLAUDIA, L’applicabilité des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme en droit interne, Bruxelles, Bruylant, op.cit., p.35 et ss. ; Cour E.D.H., 21 février 1986, aff. James et autres, série A n°98,

§ 84 ; Cour inter américaine des droits de l’homme, avis consultatif du 29 août 1986, OC7/86, série A n°7, § 28.

82 Cour permanente de Justice internationale (C.P.J.I.), Avis consultatif du 21 février 25, aff. Echange des populations grecques et turques, série B, n°10, p. 20.

83 Le dualisme et le monisme traduisent l’attitude générale de l’Etat à l’égard du droit international. Dans une perspective de droit comparé sur cette attitude en Europe, cf. HAGUENAU CATHERINE, L’application effective du droit communautaire en droit interne ; analyse comparative des problèmes rencontrés en droit français, anglais et allemand, Bruxelles, Bruylant, 1995, p. 22 et ss. Pour une étude approfondie du droit français qui peut inspirer à bien des égards le droit burkinabé v° GAÏA PATRICK, Le Conseil constitutionnel et l’insertion des engagements internationaux dans l’ordre juridique interne, Aix-en Provence, Economica, P.U.A- P, 1991, p. 23 et ss.

84 Il s’agit d’une reproduction exacte des lettres de l’article 151 de la Constitution.

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pas fait l’objet d’interprétation propre du juge constitutionnel burkinabé85. Toutefois, les dispositions de l’article 55 de la Constitution de la République française stipulent également que

« Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie ». Comme on le voit, cette dernière disposition est similaire à celle de l’article 151 de la Constitution du Burkina Faso. Et l’approche exégétique qui a été faite au sujet de cette formule en France peut, à juste titre, servir de source d’inspiration pour comprendre le texte constitutionnel burkinabé susvisé. En effet, selon Allain Pellet, et la doctrine française en général86, cette formule « est généralement interprétée comme traduisant le « monisme » »87 juridique de l’Etat français. Considérant que le droit burkinabé, tel que conçu, enseigné à l’Université et interprété par les juridictions nationales, est fortement inspiré et influencé par le droit français, compte tenu des rapports historiques, il peut être retenu que l’article 151 de la Constitution burkinabé institue un monisme juridique. Ce résultat qui ne pervertit en rien le système constitutionnel du Faso, rend plutôt compte de ce qu’il est en réalité.

Dès lors, du fait de la nature moniste du système constitutionnel burkinabé, le droit international, et particulièrement les droits protégés par les traités internationaux des droits de l’Homme ratifiés et en vigueur dans le pays, sont directement applicables dans son ordre juridique interne. En vertu de ce monisme, il ne saurait y avoir de procédures internes d’incorporation du droit international88 des droits de l’Homme au-delà de celles qui contribuent à l’expression par l’Etat burkinabé de son consentement international à être lié. Rien ne peut non plus s’opposer à ce que les individus invoquent directement leurs droits de l’Homme internationalement garantis devant les juridictions nationales, ni même aux avocats de plaider les droits de l’Homme de leurs clients ou aux juges de motiver leurs décisions en se fondant sur les droits humains applicables devant eux dans les contentieux horizontaux interindividuels ou verticaux opposant l’individu à l’Etat. Cette possibilité devrait plutôt être encouragée, promue, vulgarisée voire divulguée89, compte tenu des particularités liées à la nécessité de l’instruction des burkinabé en matière de ces

85 C’est d’ailleurs l’occasion d’en appeler au sens de la promotion et du développement du droit du Conseil constitutionnel, en l’exhortant fortement à rendre disponible sa jurisprudence notamment sur INTERNET. Cela vaut également pour les autres juridictions du pays.

86 DUPUY PIERRE-MARRIE, Droit international public, op.cit., p. 422 ; HUBERT THIERRY, SUR SERGE, COMBACEAU JEAN et VALLEE CHARLES, Droit international public, op.cit., p. 183 ;

87 PELLET ALAIN, Le droit international et la Constitution de 1958, article publié sur Internet : http://www.conseil-constitutionnel.fr/dossier/quarante/q11.htm, §6.

88 DAILLET PATRICK et PELLET ALAIN, Droit international public, op. cit., p. 94.

89 Cela devrait vraisemblablement faire partie des missions et compétences du Ministère burkinabé de la promotion des droits humains qui, dans son organigramme, a une Direction de la promotion et de la vulgarisation.

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droits humains si importants pour leur épanouissement. Mais notons encore que la Constitution burkinabé semble soumettre l’invocabilité directe des règles du droit international à certaines conditions d’ordre général dont il convient d’examiner la portée et la pertinence en matière de droits de l’Homme.

IV- EXAMEN DES CONDITIONS D’APPLICATION DES TRAITES DES DROITS DE L’HOMME EN DROIT INTERNE

Le texte constitutionnel burkinabé est-il trop général quand il prescrit en son article 151 que les traités et accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie ? Le moins que l’on puisse dire c’est que cette formule soumet l’invocabilité et la justiciabilité au Burkina Faso d’un droit de l’Homme garanti par le droit international à trois conditions cumulatives, à savoir la régularité, la publication et la réciprocité, qu’il convient d’examiner successivement à la lumière de la théorie spécifique des droits de l’Homme.

La régularité s’applique à la validité de l’expression du consentement de l’Etat à être engagé par un traité international. Le texte constitutionnel semble exiger que, pour être valablement invocable, une convention internationale consacrant des droits de l’Homme doit avoir été ratifiée ou approuvée par le Burkina Faso conformément aux prescriptions constitutionnelles qui régissent la ratification des accords internationaux, notamment quant à la compétence et à la procédure internes. Il convient de préciser que cette disposition constitutionnelle n’a vraisemblablement pas vocation à s’appliquer aux phases du processus de formation conventionnelle du droit international qui se déroulent antérieurement à la ratification. Les solutions aux problèmes liés à l’altération de l’engagement de l’Etat pendant ces étapes sont consignées dans les articles 48 à 52 de la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969. Cette disposition constitutionnelle, qui semble vouloir apporter une précision supplémentaire, se rapporte manifestement à la ratification ou à l’approbation. Mais la question qui s’impose avec acuité à cet égard est celle de savoir si l’irrégularité intervenue à un moment ou à un autre de la procédure interne de ratification d’une convention internationale de protection des droits de l’Homme peut fonder un refus de l’Etat de reconnaître être dans leur bon droit des individus sous sa juridiction qui réclament sa mise en œuvre. Théoriquement on pourrait se

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trouver dans cette hypothèse si, en violation de l’article 149 de la Constitution90, l’exécutif ratifie ou approuve un traité international de protection des droits de l’Homme sans avoir préalablement requis du Parlement une loi d’habilitation ou en outrepassant un avis parlementaire s’y opposant. C’est ce que la doctrine nomme irrégularité formelle ou ratification imparfaite91. Le problème semble trouver sa réponse par une lecture combinée des articles 4692 et 4793 de la Convention de Vienne précitée. Sous l’angle de l’article 47, il est clair que si la condition d’information qui y est posée n’est pas remplie par l’Etat, les droits de l’Homme consacrés dans la convention internationale demeurent pleinement invocables malgré l’irrégularité de la ratification résultant par exemple du dépassement par le représentant de l’Etat des pouvoirs de négociation dont il avait été investi. L’article 46 de la Convention de Vienne amène concrètement à se demander si l’exigence d’une loi de ratification prévue par l’article 146 de la Constitution est une règle du droit interne « d’importance fondamentale » dont l’inobservation pourrait s’analyser en un vice international du consentement constituant un motif qui pourrait rendre inopérant l’invocation des droits de l’Homme. C’est une question fondamentale. Il est raisonnable de penser qu’une telle problématique doit se résoudre, compte tenu de la nature, du but et de l’objet du traité international de protection des droits de l’Homme, dans la mesure la plus protectrice possible et la plus favorable à l’individu qui doit être fondé à jouir du droit en question ; les crispations entre le Gouvernement et le Parlement devant se dénouer dans le cadre des mécanismes politico-juridiques d’engagement de la responsabilité gouvernementale94.

La deuxième condition qu’introduit l’article 151 de la Constitution est la publication qui, en pratique, consiste en l’édition du texte du traité international au Journal Officiel. De ce point de vue il y a lieu de clarifier ce qui doit se passer si une personne se prévaut d’un droit humain garanti par un traité international déjà ratifié mais non encore publié. Cette non publication peut-elle lui être opposable? Il faut rappeler que le Burkina Faso est un Etat moniste et que les traités ratifiés y

90 Selon l’article 149 de la Constitution, « Les traités de paix, les traités de commerce, les traités qui engagent les finances de l’Etat, ceux qui modifient les dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi ».

91 DAILLET PATRICK et PELLET ALAIN, Droit international public, op. cit., p.192.

92 Cet article 46 prévoit que « Le fait que le consentement d'un Etat à être lié par un traité a été exprimé en violation d'une disposition de son droit interne concernant la compétence pour conclure des traités ne peut être invoqué par cet Etat comme viciant son consentement, à moins que cette violation n'ait été manifeste et ne concerne une règle de son droit interne d'importance fondamentale. Une violation est manifeste si elle est objectivement évidente pour tout Etat se comportant en la matière conformément à la pratique habituelle et de bonne foi ».

93 Et l’article 47 complète que « Si le pouvoir d'un représentant d'exprimer le consentement d'un Etat à être lié par un traité déterminé a fait l'objet d'une restriction particulière, le fait que ce représentant n'a pas tenu compte de celle-ci ne peut pas être invoqué comme viciant le consentement qu'il a exprimé, à moins que la restriction n'ait été notifiée, avant l'expression de ce consentement, aux autres Etats ayant participé à la négociation ».

94 V° les articles 62, 68, 114, 115 etc. de la Constitution sur la responsabilité gouvernementale et la motion de censure du Parlement contre le Gouvernement.

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sont immédiatement applicables dès leur entrée en vigueur liant internationalement l’Etat95. Cette publication est, en théorie, un acte purement matériel qui na d’autre but que d’assurer, à l’intention des justiciables, la publicité et la divulgation nécessaires du traité comme de toute nouvelle norme juridique adoptée dans l’ordre juridique interne. De ce fait, lorsqu’une question se posera quant à la protection et la jouissance des droits de l’Homme pour un défaut de publication d’un traité, cette défaillance de l’Etat ne saurait être opposable aux individus car, non seulement la publication relève de la compétence et de la diligence exclusives de l’exécutif, mais aussi, pour paraphraser la Constitution dans un sens affirmatif, ces traités prennent effet après leur ratification ou leur approbation en vertu de l’article 149 in fine de la Constitution.

A teneur de l’article 151 de la Constitution, le Burkina Faso soumet l’exécution, par lui, d’un traité international à la condition de réciprocité, c'est-à-dire à l’exécution à son égard de l’accord par l’autre partie contractante. Le Burkina Faso n’accorderait donc aux ressortissants d’autres Etats que des droits équivalents à ceux accordés par ces Etats aux ressortissants burkinabé sur leur territoire96 ? Il est vrai que le principe de réciprocité occupe une place centrale dans les traités internationaux et dans le fonctionnement de la communauté internationale97. Il est dès lors compréhensible que la Constitution ait érigé une telle condition générale. Mais la Constitution doit être interprétée de façon dynamique et évolutive à la lumière du droit international et spécifiquement du droit international des droits de l’Homme qui comporte des particularités. Si la condition de réciprocité se conçoit aisément pour les « engagements internationaux en vue de participer à la création ou au développement d’une organisation internationale permanente, dotée de la personnalité juridique et investie de pouvoir de décision par l’effet de transfert de compétences consenti par l’Etat »98, cette condition ne peut s’appliquer aux traités protection des droits de l’Homme. Ces derniers font naître à la charge des Etats des obligations dont la singularité réside dans le fait que leur exécution n’est pas soumise, comme en droit international général, au principe de réciprocité, compte tenu de l’universalité et du caractère objectif99 des droits humains

95 SCIOTTI-LAM CLAUDIA, L’applicabilité des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme en droit interne, op.cit.

96 Service du Conseil constitutionnel français, l’exigence de réciprocité dans la Constitution ; son interprétation par le juge, http://www.conseil-constitutionnel.fr/dossier/quarante/q1 1n1.htm , 2006, p.3.

97 VIRALLY MICHEL, Le principe de réciprocité en droit international contemporain, in Recueil des cours de l’Académie de droit international, Leyde, A.W. Sijthoff, 1969, III, tome 122, p. 6-106.

98 DAILLET PATRICK et PELLET ALAIN, Droit international public, op. cit., p.157-158.

99 Sur ce caractère des droits de l’Homme., on consultera avec intérêt VASAK KAREL, Vers un droit international spécifique des droits de l’homme, in, les dimensions internationales des droits de l’homme, Paris, Unesco, 1978, p. 707 et ss.

99 Une tendance doctrinale admise par le Professeur Sudre Frédéric y voit un « effacement du principe de la compétence nationale exclusive » et une dérogation au « principe de non ingérence dans les affaires intérieures

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qui sont, pour ainsi dire, garantis erga omnes100. Cette solution, largement adoptée en doctrine est formellement posée par la Convention de Vienne sur le droit des traités en son article 60 paragraphe 5 qui précise que la condition de réciprocité ne saurait s’appliquer aux dispositions relatives à la protection de la personne humaine contenues dans des traités de caractère humanitaire. La jurisprudence est également abondante à soutenir que l’application des droits de l’Homme ne peut être suspendue par un Etat sous prétexte de violation substantielle par l’autre partie101. L’article 151 de la Constitution du Burkina Faso doit désormais être lu en conformité et en harmonie avec la dérogation spéciale des droits de l’Homme au principe de réciprocité qu’il formule ; l’exception confirmant la règle. Les obligations en matière de droits de l’Homme doivent être respectées en tout état de cause en ce sens qu’elles n’obéissent pas au régime des conventions synallagmatiques.

Cette spécificité du droit international des droits de l’Homme a-t-elle encore des incidences sur le statut des traités de protection des droits de l’Homme en droit interne ?

V- STATUT DES TRAITES DES DROITS DE L’HOMME EN DROIT INTERNE BURKINABE

L’efficacité d’un traité international de protection des droits de l’Homme est fortement déterminée par la valeur qui lui est accordée en droit interne. Réfléchir sur le statut, c'est-à-dire le rang, des conventions internationales des droits de l’Homme dans un Etat c’est vouloir prendre la mesure de leur opérationnalité potentielle ou théorique dans cet Etat.

D’une façon générale, en matière de hiérarchisation des normes entre droit interne et droit international, les institutions interétatiques, qui fondent leurs décisions sur le droit international, appliquent le principe de la primauté de celui-ci sur le droit étatique102, car nul État ne peut

de l’Etats » en D.H. ; V°Sudre Frédéric, Droit européen et international des droits de l’Homme, op. cit., p.110 et ss.

100 C.I.J., Aff. Barcelona Traction Light and Power Company Limited (Belgique contre Espagne), arrêt du 5 février 1970, Rec. 1970, p.32 ; Avis consultatif du 21 juin 1971, « Conséquences juridiques de la présence continue de l’Afrique du sud en Namibie en dépit de la Résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité », REC., P.16 et 31 ; arrêt du 24 mai 1979, affaire du personnel diplomatique et consulaire à Téhéran (Etats-Unis contre Iran), Rec., p. 3 et 42.

101 C.I.J., Avis sur les réserves à la convention sur le génocide, Rec. 1951, p.734 ; Cour européenne des droits de l’homme, arrêt du 11 janvier 1961, Autriche c./ Italie, Rec.7, p.23 ; Cour interaméricaine des droits de l’homme, Avis consultatif du 24 septembre 1982 sur les effets des réserves à l’entrée en vigueur de la Convention interaméricaine des droits des l’homme, I.L.M. 1983, p. 37.

102 Sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en la matière, cf. SUDRE FREDERIC, Droit européen et international des droits de l’homme, op.cit., p. 187.

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invoquer une règle de droit interne pour se soustraire à ses obligations internationales103, comme le précise l’article 27 de la Convention de Vienne sus- évoquée104. Le droit international s'impose aux organes exécutifs, législatifs et juridictionnels de l'État, même si une règle de droit interne lui est contraire. Il faut pourtant reconnaître que la principale sanction du droit reste la mise en jeu de la responsabilité internationale de l’Etat lorsque celui-ci adopte des règles contraires à ses engagements internationaux. Mais l’effet direct du droit international ne conduit qu’exceptionnellement à une reconnaissance de l’illégalité de la norme interne et à son annulation105.

En droit interne, la fameuse formule de l’article 151 de la Constitution burkinabé ne laisse place à aucune tergiversation sur la supériorité du traité international sur la loi. Ainsi, toute Convention internationale remplissant les conditions de validité posées par cet article prime sur la loi burkinabé ; et le terme loi doit être entendu ici stricto sensu comme indiquant la loi formelle ; ce qui emporte par voie de conséquence la primauté du traité international sur tout acte juridique interne hiérarchiquement inférieur à la loi formelle, tels que les ordonnances, décrets et arrêtés aussi bien antérieurs que postérieurs106. Toutefois, la Constitution n’est pas autant claire sur les rapports hiérarchiques à établir entre la loi fondamentale et le traité international. En effet, la Constitution ne comporte aucune disposition reconnaissant la primauté de la règle internationale sur la norme constitutionnelle, elle ne consacre pas non plus expressément la suprématie de la norme constitutionnelle sur la norme internationale. La supériorité de la Constitution sur les conventions internationales découlerait implicitement, et peut-être nécessairement, d’une lecture de l’article 151 en combinaison avec l’article 150 de la Constitution aux termes duquel : « Si le Conseil constitutionnel, …a déclaré qu’un engagement international comporte une disposition contraire à la Constitution, l’autorisation de le ratifier ou de l’approuver ne peut intervenir qu’après la révision de la Constitution ». Cette disposition marquerait la primauté en droit interne de la Constitution, puisqu’il peut arriver que la Constitution, que rien n’oblige à modifier, fasse

103 V° C.P.J.I., Question des Communautés gréco-bulgares, Sér. B n°17, p. 32 où la Cour constate que « c’est un principe généralement reconnu du droit des gens que, dans les rapports entre puissances contractantes d’un traité, les dispositions d’une loi interne ne sauraient prévaloir sur celles du traité ».

104 Cet article 27 stipule exactement que : « une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non-exécution d'un traité. Cette règle est sans préjudice de l'article 46 ».

105 DAILLET PATRICK et PELLET ALAIN, Droit international public, op. cit., p. 97.

106 V° Conseil d’Etat français, 20 octobre 1989, décision Nicolo (RTDE, 1989, p. 771) et 21 décembre 1990, Confédération nationale des associations familiales catholiques et autres (AJDA, 1991, p.158). Pour se rendre compte de la diversité des systèmes constitutionnels à ce sujet, v° SORENSEN MAX, Obligations d’un Etat partie à un traité sur le plan de son droit interne, in Les droits de l’homme en droit interne et en droit international, op.cit.

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