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L'ordre public d'envoi ou la notion d'ordre public en matière d'annulation des sentences arbitrales

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L'ordre public d'envoi ou la notion d'ordre public en matière d'annulation des sentences arbitrales

KAUFMANN-KOHLER, Gabrielle

KAUFMANN-KOHLER, Gabrielle. L'ordre public d'envoi ou la notion d'ordre public en matière d'annulation des sentences arbitrales. Revue suisse de droit international et de droit européen, 1993, vol. 3, p. 273-283

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:24038

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L'ordre public d'envoi ou la notion

d'ordre public en matiere d'annulation des sentences arbitrales

par

GABRIELLE KAUFMANN-KOHLER*

Sommaire Introduction

1. Premier aspect: le texte lgal

2. Deuxi~me aspect: les travaux l6gislatifs 3. Troisi~me aspect: la doctrine

4. Quatri~me aspect: la jurisprudence

5. Cinquifme aspect: 61ments de droit compar6 Conclusion

Introduction

L'art. 190 al. 2 lit. e LDIP pr~voit qu'une sentence arbitrale peut tre annul~e lorsqu'elle est «incompatible avec l'ordre public . La disposition est muette sur les sources de l'ordre public ainsi mis en ceuvre. A quel ordre juridique puise-t-on la notion, le contenu de l'ordre public en mati~re d'annulation de sentences? C'est la question que cette contribution se propose d'examiner. Pour 6viter toute ambiguit6, pr~cisons d'emble que dans les propos qui suivent le terme ordre public suisse d~signe l'ordre public international suisse, notion plus restreinte que celle d'ordre public interne.

La jurisprudence laisse la question de la source de l'ordre public ou- verte: «ob schliesslich tfir die Beurteilung des Ordre public die schweizeri- sche, eine ausldndische oder eine supranationale Wert- und Rechtsord- nung massgebend ist, kann offen bleiben '. Dans un arrt plus r6cent, le

* Docteur en droit, avocate. Texte, lgrement remani6 et accompagn6 de notes, d'un expos6 prononc6 le 31 octobre 1992 dans le cadre des Journ~es suisses de droit international.

I ATF 116 11634/637; arr& du 25 mai 1992, n. p.; arr~t du 11 mai 1992, ASA 1992, 381/400; dans le mme sens, ASA 1990, 51/54-55; Sem Jud 1991, 12.

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Tribunal f~dral a quelque peu affin6 sa formule: «ob schliesslich ffir die Beurteilung des Ordre public allgemein oder allenfallsje nach Inlandbezug der Streitsache die schweizerische, eine auslindische, eine supranationale oder gar eine universale Wert- oder Rechtsordnung massgebend ist, kann offen bleiben>2. Par cette adjonction, le Tribunal f~d6ral fait allusion A la Binnenbeziehung, sur laquelle nous reviendrons.

Arriv6 lA, le lecteur se demande peut- tre si tout cela n'est pas parfaite- ment th6orique, dans la mesure ofi une sentence choquante au point de violer des principes fondamentaux sera annule quel que soit l'ordrejuridique considri. Si tel &ait le cas, nous pourrions en effet nous arrter ici. Mais il en va diff~remment. Deux exemples l'illustrent:

- premier exemple: dans un litige qui n'a aucun lien avec la Suisse, une sentence rendue en Suisse en vertu du droit am~ricain 6lu par les parties condamne l'une d'elles A des <punitive damages s'6levant au triple du dommage effectif en raison d'une violation grave du contrat3. Les parties n'ont pas de biens en Suisse, de sorte que la sentence n'y sera en tout cas pas ex&cute;

- second exemple: une sentence rendue en Suisse dans une affaire sans lien avec ce pays condamne le d6fendeur au paiement de commissions dont il est &abli qu'elles ont 6t6 convenues dans un but de corruption4. Si l'on admet que l'art. 190 al. 2 lit. e vise l'ordre public suisse, on devrait probablement annuler la sentence du premier exemple, l'attribu- tion de dommages-int~r~ts exc~dant le dommage effectif&ant vraisembla- blement contraire A la conception suisse de l'ordre public en mati~re internationale5. Or, l'affaire n'a aucun lien avec la Suisse, la sentence est

2 ATF 117 II 604/606; c'est nous qui soulignons.

3 S'il est exact que le droit de New York ne permet pas aux arbitres d'allouer des

«punitive damages), il en va diff6remment dans d'autres Etats et en droit f~d6ral (Todd Shipyards Co. v. Cunard Line Ltd., 943 F2d 1056 (9th Cir. 1991), r~sum dans ASA 1992, 552; voir aussi DOMKE on Commercial Arbitration, 1992 Cumulative Supplement, Deerfield, para. 30:05).

4 On pourrait aussi imaginer une sentence donnant effet A des mesures spoliatrices prises par un Etat &ranger, ftat de faits proche de celui de I'ATF Bangladesh (ATF 102 Ia 574).

5 Ainsi une dcision du Tribunal de district de Sargans du I" octobre 1982, cit&e par J. DROLSHAMMER et H. SCHAERER, Die Verletzung des materiellen ordre public als Verweigerungsgrund bei der Vollstreckung eines US-amerikanischen <(punitive dama- ges)-Urteils (Urteilsanmerkung) RSJ 82 (1986), 309; extraits publi6s ASA 1987, 263;

T. STOJAN, Die Anerkennung und Vollstreckung auslindischer Zivilurteile in Handels- sachen, Zurich 1986, 151. En mati6re de responsabilit6 du fait des produits et d'en- traves d la concurrence, cette conception se refl&te dans les art. 135 al. 2 et 137 al. 2 LDIP. A propos de ces dispositions, A. BUCHER, Les actes illicites dans le nouveau droit internationalpriv4 suisse, in: Le nouveau droit international priv6 suisse, Travaux

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rendue en vertu du droit que les parties ont expressfment choisi et n'est pas destin&e A tre ex&ut&e en Suisse. Dans de telles circonstances, l'annu- lation n'aurait pas de sens.

Pour l'6viter on pourrait songer A introduire l'exigence de la Binnenbe- ziehung. Cela serait conforme A la r6gle g~nfrale selon laquelle l'ordre public suisse n'intervient que si l'affaire pr~sente un lien avec la Suisse6. Mais si Y'on exige la Binnenbeziehung pour faire jouer F'art. 190 al. 2 lit. e, cela nous contraindra ii laisser intacte la sentence du second exemple, pr6cisfment parce qu'elle ne pr~sente pas de lien, alors qu'elle est de toute 6vidence choquante7.

desjournes d'&ude des 9 et 10 octobre 1987, 129-130 et 135; A.C. IMHOFF-SCHEIER/

P.M. PATOccHI, L'acte illicite et l'enrichissement ill6gitime dans le nouveau droit international priv6 suisse, Zurich 1990, 63.

Un rcent arr&t du BGH allemand a tranch& dans le m~me sens que le Tribunal de Sargans, arrt du 4juin 1992, EuZW 1992, 705/707.

Un jugement du Zivilgericht de Bale-ville du ier f~vrier 1989 (BJM 1991, 31), confirm6 par l'Appellationsgericht le 1Vr dcembre 1989 (arr&t non publi&, note BJM 1991, 38), a toutefois ex~quatur6 une d6cision californienne contenant une condamna- tion A des <punitive damages>) prononc6e en vertu du droit anglais (A propos de cette affaire, K. SIEHR, Zur Anerkennung und Vollstreckung ausliindischer Verurteilungen zu

< punitive damages>, RIW 1991, 705). Le recours au TF fut dclar6 irrecevable (ATF 116 11376). Sur l'ex~cution de jugements condamnant A des dommages multiples, voir aussi G. KAUFMANN-KOHLER, Enforcement of United States Judgments in Switzerland, Wirtschaft und Recht 1983, 242-244.

6 C'est ainsi que le juge 6cartera l'application du droit &ranger d&sign6 par sa r~gle de conflit parce qu'elle aboutit A un rsultat choquant seulement si l'affaire pr~sente un lien avec la Suisse (F. VISCIffR/A. VON PLANTA, Internationales Privat- recht, 2'e6d., Bdle 1982, 23 -24; F. KNOEPFLER/Ph. SCHWEIZER, Prcis de droit interna- tionalpriv6 suisse, Berne 1990, 123). L'art. 17 LDIP ne mentionne pas express~ment la Binnenbeziehung, mais il est admis qu'il l'implique (Message concernant une loi f6d~rale sur le droit international priv6, FF 1983 I 303; Y. SCHWANDER, Die Handha- bung des neuen IPR-Gesetzes, in Y. Hangartner (6d.), Die allgemeinen Bestimmungen des Bundesgesetzes ilber das internationale Privatrecht, St.-Gall 1988, 75- 78, admet que le l~gislateur n'a pas voulu modifier la situation existante, mais plaide n6anmoins contre la Binnenbeziehung). La Binnenbeziehung joue 6galement un r6le lors de 'ex&ution des jugements &rangers: elle contribue A fonder la r~gle de l'«effet att~nu6>

de l'ordre public (consacr6 par le terme «manifestement>> A l'art. 27 al. 1 LDIP) et constitue un «Bewertungsmoment>> (plus qu'une vraie condition d'intervention) de l'intensit& de la violation; voir not. M. NIEDERMANN, Die ordre public-Klauseln in den Vollstreckungsvertriigen des Bundes und den kantonalen Zivilprozessgesetzen, Zurich 1976, 156- 158; STOJAN, pr~cit6 note 5, 149; M. KELLER/K. SIEHR, AlIgemeine Lehren des internationalen Privatrechts, Zurich 1986, 544.

7 Un contrat ayant pour but un trafic d'influence est nul au sens de l'art. 20 CO (A. HERITfER, Les pots-de-vin, Gen~ve 1981, 196 et 109, avec r~f~rences) et, a notre sens, l'ex~cution d'un tel contrat doit &re consid~r~e contraire A l'ordre public international suisse. Plusieurs sentences arbitrales estiment que la corruption est incompatible avec l'ordre public transnational (sentence CCI 1110 de 1963, cit~e et

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A moins que l'on consid~re que le siege de l'arbitrage est une Binnenbe- ziehung suffisante8. Outre qu'elle est contestable9, cette position ne nous avancerait gu~re, car elle nous amine A nouveau A annuler la sentence du premier exemple, r~sultat que nous cherchions pr&is~ment A 6viter en requ~rant la Binnenbeziehung.

On le voit A ces exemples: l'enjeu d~passe la dissertation th~orique.

Alors quel est l'ordre juridique dans lequel on puisera l'ordre public? Pour r~pondre, il faut examiner cinq aspects.

1. Premier aspect: le texte 16gal

Comme nous l'avons vu, le texte parle d'ordre public sans plus de pr~cisions. En particulier, il n'ajoute pas -suisse>, contrairement A l'art. 17 LDIP sur la reserve de l'ordre public en mati~re d'application de droit &ranger; contrairement 6galement A l'art. 27 LDIP excluant l'ex&.

cution d'une d&ision 6trang~re incompatible avec l'ordre public suisse.

De surcroit, l'art. 190 ne requiert pas une violation <<manifeste de l'ordre public. En cela, il est conforme A l'art. 17, mais se distingue de

'art. 27.

Que tirer de ce premier aspect? Un indice tendant A ne pas assimiler sans autre raison l'ordre public de l'art. 190 A l'ordre public suisse tel qu'il est habituellement compris. Mais il s'agit-lA d'un indice seulement, qui ne saurait tre concluant en lui-m~me. I1 faut donc poursuivre la demarche.

publie en partie par LEW, Applicable Law in International Commercial Arbitration, New York 1978, 553; sentence CCI 3913 de 1981 publi&e en extraits dans une note de Y. DERAINS, Clunet 1984, 914/920; sentence CCI 3916 de 1982, Clunet 1984, 930;

sentence CCI X. Ltd. c/ Y. SA de 1988, Bulletin ASA 1988, 136/141; sur le sujet en g~n~ral, voir P. LALIVE, Transnational (or Truly International) Public Policy and International Arbitration, in: Comparative Arbitration Practice and Public Policy in Arbitration, ICCA Congress Series nr. 3, Deventer 1987, 291-294; K.H. BbCKSTM- GEL, Public Policy and Arbitrability, in: Comparative Arbitration Practice and Public Policy in Arbitration, ICCA Congress Series nr. 3, Deventer 1987, 200-202; A.S. EL KOSHERI/Ph. LEBOULANGER, L'arbitrage face d la corruption et aux trafics d'influence, Rev arb 1984, 3.

8 Question laiss~e ouverte par le TF dans l'arr& Bangladesh ATF 102 Ia 574/581;

ni6e, dans le contexte de l'immunit6 d'ex6cution d'un Etat, dans un cas ofi le lieu d'arbitrage avait 6 fix par l'arbitre, non par les parties, ATF 106 Ia 142/150.

9 Pratiquement, elle arrive au mme r6sultat que la solution consistant i nier l'exigence de Binnenbeziehung. Si tel est le r6sultat recherch6, pourquoi l'atteindre par des voies d&toum6es? En outre, la logique impose que la Binnenbeziehung existe entre le litige et la Suisse et non entre la proc6dure et la Suisse. En effet, il y a toujours une Binnenbeziehung proc~durale, faute de quoi la question de la Binnenbeziehung ne se poserait pas; NIEDERMANN, pr~cit6 note 6, 157, note 67.

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2. Deuxi6me aspect: les travaux 16gislatifs

Le projet du Conseil f~d6ral retenait encore 1'arbitraire comme A 'art. 36 f du Concordat1". Ce n'est qu'au cours des travaux des commis- sions des Chambres que le concept d'ordre public a 6t6 introduit". Au Conseil des Etats, un d~put6 a parl de <.Wahrung der Werte, die bei uns massgebend sind>>12. Certains auteurs se sont fondus sur de telles dclara- tions pour &ayer leur conception des sources de l'ordre public13. D'autres ont contest6 cette approche en s'appuyant sur d'autres declarations en- core14. Face A des travaux lgislatifs limit~s5, A un sujet technique dont les parlementaires ne maitrisaient probablement pas toutes les implications6 et A des interpr&ations contradictoires, nous ne nous aventurerons pas A tirer des conclusions de ce deuxi6me aspect.

3. Troisieme aspect: la doctrine

La doctrine est divis~e. Nous nous trouvons en presence de trois theses principales:

10 Art. 177 al. 2, FF 1983 I 498.

11 Voir BO CE 1985 173, BO CN 1986 1368, BO CE 1987 195-198, BO CN 1987 1072; voir aussi les explications de P. LALIVE, Le Chapitre 12 de la Loif&drale sur le droit international priv6: L'arbitrage international, in: Le nouveau droit international priv6 suisse, Travaux des journ6es d'6tude des 9 et 10 octobre 1987, Lausanne 1988, 228-229.

12 BO CE 1987 197.

13 P. LALIVE/J.F. POUDRET/C. REYMOND, Le droit de l'arbitrage interne et interna- tional en Suisse, Lausanne 1989, 427.

14 A. BUcHER, Le nouvel arbitrage international en Suisse, Bale 1988, 121 - 122; M.

BLESSING, The New International Arbitration Law in Switzerland, Journal of Interna- tional Arbitration 1988, 70.

15 Le message du Conseil f&dral accompagnant le projet visait encore l'arbitraire.

16 C'est 6vident

A

la lecture de certaines d6clarations, BO CE 1987 196.

17 P. LALIVE/J.F. POUDRET/C. REYMOND, pr6cit6s note 13, 427; P. LALIVE, pr6cit6

note 11; 229; P. LALIVE/E. GAILLARD, Le nouveau droit de l'arbitrage international en Suisse, Clunet 1989, 954-955; J.F. POUDRET, Les voies de recours en matikre d'arbi-

trage international en Suisse selon le Concordat et la nouvelle loiftdrale, Rev arb 1988, 619-620; J.F. POUDRET, Challenge and Enforcement of Arbitral Awards in Switzerland, Arbitration International 1988, 288; R. BRINER, Die Anfechtung und Vollstreckung des Schiedsentscheides, in: Die internationale Schiedsgerichtsbarkeit in der Schweiz (II), B6ckstiegel (6d.), Cologne 1989, 105; F. KNOEPFLER, Note ? l'arrt 116 1 634, in:

Jurisprudence suisse en mati&re d'arbitrage international, RSDIE 1991, 363; G. WAL- TER/W. BOSCH/J. BR(NNIMANN, Internationale Schiedsgerichtsbarkeit in der Schweiz, Berne 1991, 225.

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la premiere pr6ne la r&f+rence A l'ordre public international suisse 17, gene- ralement sans Binnenbeziehung' 8;

- la deuxi~me prconise la r~ffrence A l'ordre public universel, appel6 aussi ordre public transnational ou rbellement international9;

la troisikme postule la rf'frence A l'ordre public de l'arbitre°. Selon cette troisikme these, le Tribunal f~d~ral devrait revoir la sentence en se r~f~rant A l'ordre public que l'arbitre lui-mme doit respecter, A savoir l'ordre public de la lex causae, l'ordre public (c'est-A-dire les lois d'application immediate ou lois de police) d'Etats tiers et l'ordre public transnational ou rfellement international de par sa source21. Si cette th~orie s~duit par le parallklisme qu'elle introduit entre la d~mar- che de l'arbitre et celle du juge, elle n'en soukve pas moins des difficultfs pratiques consid6rables. Elle implique que le Tribunal ffd&

ral revoie la dtermination du droit applicable et contr6le l'applica- tion des lois de police par l'arbitre, avec les problmes de preuve du droit 6tranger et de justification du recours A des dispositions impratives

&trang~res (int~rft des parties, lien avec la cause, etc.)22.

Parmi ces auteurs, LALIVE, POUDRET et REYmoND dans leur ouvrage collectif et

POUDRET dans ses deux articles assimilent express&ment l'ordre public de 'art. 190 d celui de l'Etat requis au sens de l'art. V ch. 2 let. b de la Convention de New York.

KNOEPFLER admet 6galement l'effet indirect de l'ordre public de l'art. 190 comme en mati~re d'ex~cution.

18 p. LALIVE/J.F. POUDRET/C. REYMOND, prcit~s note 13, 428 pour qui le siege 6quivaut A une Binnenbeziehung suffisante; dans le mame sens apparemment KNOElF- LER, pr~cit6 note 17, 363.

19 A. HEINI, Der materiellrechtliche Ordre public im neuen Schweizerischen Recht der internationalen Schiedsgerichtsbarkeit, in: Festschrift ffur W. Habscheid, 1989, 154;

BLESSING, pr~cit6 note 14, 70 semble 6galement d~fendre cette th~se. L'ordre public universel est constitu6 de «Grundwerte, auf welche alle zivilisierten Nationen ver- pflichtet sind>> (HEINI pr~cit6).

20 BUcHER, prcit6 note 14, 120-121.

21 Sur l'ordre public de l'arbitre, sujet qui d~passe cette contribution, voir not.

BUCHER, pr~cit6 note 14, 88-90 et 103 -109; Y. DERAINS, Public Policy and the Law Applicable to the Dispute in International Arbitration, in: Comparative Arbitration Practice and Public Policy in Arbitration, ICCA Congress Series nr. 3, 227; P. MAYER, Mandatory Rules of Law in International Arbitration, Arb Int 1986, 274; E. GEISINGER/

M.A. RENOLD, Arbitrage international, ordre public et reconnaissance en Suisse de sentences arbitrales trangres, in: Le juriste suisse face au droit et aux jugements 6trangers, Fribourg 1988, 89; J.C. POMMIER, La rdsolution du conflit de lois en matire contractuelle en prdsence d'une lection de droit: le r6le de l'arbitre, Clunet 1992,

5/27 ss; J.H. MOITRY, Arbitrage international et droit de la concurrence: vers un ordre public de la lex mercatoria? Rev arb 1989, 3.

22 P. LALIVE/E. GAILLARD, pr~cit~s note 17, 954.

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Vu cette objection et la divergence des positions, la doctrine ne permet pas non plus d'avancer notre d~marche.

4. Quatrieme aspect: la jurisprudence

Nous l'avons vu d'embl~e, le Tribunal f~d~ral a dclar6 laisser la question des sources ouverte, parce que jusqu'A aujourd'hui il a toujours ni6 l'existence d'une violation. Mais il faut aller au-delA de cette dclara- tion de principe pour examiner comment, concr~tement, le Tribunal fedral proc~de.

Parfois, pour nier la violation de l'ordre public, il ne se r~fere A aucun ordrejuridique tellement l'absence de violation est patente. Dans d'autres cas, la situation est toutefois moins 6vidente. Dans un litige sans lien avec la Suisse, un tribunal arbitral avait rendu une sentence rejetant l'excep- tion de prescription soulev~e par le d~fendeur. Condamn& et mcontent, le d~fendeur avait fait recours allkguant que les arbitres avaient viol6 l'ordre public en dormant effet A une cr~ance prescrite. Le Tribunal f6d~ral s'est donc demand6 si la notion de prescription pouvait <<&tre tenue pour un principe fondamental de l'ordre juridique suisse>>. Ii a expresse- ment 6crit <<suisse>> alors qu'il affirmait ailleurs que la question 6tait ouverte. I1 a ensuite examin6 diverses dispositions du CO et conclu par la negative" .

Dans un autre cas, les arbitres avaient interpr6t6 un contrat et, sur la

* base de cette interpretation, admis l'exigibilit6 d'une cr~ance. La partie perdante faisait valoir devant le Tribunal f~d~ral que cette interpretation violait le principe pacta sunt servanda. A quoi le Tribunal f6d~ral r6pon- dit que tant qu'en interprtant le contrat les arbitres ne lui avaient pas donn6 un contenu qui serait nul en droit interne - ou suivant les circonstan- ces selon un autre ordre juiidique plus siv~re - il ne saurait tre question d'une violation de pacta sunt servanda2 4.

Que retenir de la jurisprudence, quatri~me aspect de notre r~flexion?

Mme si la question reste ouverte, on denote une tendance A approcher le

23 Arrat n.p. du 13 mars 1992.

24 ATF 117 II 604/607 = ASA 1993 54/57. A un autre endroit du mme arr~t, on lit: <<Dabei verst6sst die materielle Beurteilung einer Schiedssache gemdss Rechtspre- chung nur dann gegen diese 6ffentliche Ordnung, wenn sic fundamentale Rechts- grundsdtze verletzt und daher mit der schweizerischen Rechts- und Wertordnung schlechthin unvereinbar ist>> (ATF 117 II 604/606), alors que quelques phrases plus loin la question de la source de l'ordre public est dite rester ouverte (loc. cit.).

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probl~me a la lumiere de l'ordre public suisse. Cette tendance ne surprend d'ailleurs pas vu l'ancrage desjuges dans l'environnementjuridique suisse.

5. Cinqui6me aspect: 616ments de droit compare

Quelques 61rments de droit compar6 feront peut- tre encore avancer l'analyse.

L'art. V ch. 2 lit. b de la Convention de New York pour l'ex6cution des sentences arbitrales trang~res permet aujuge de refuser l'ex&ution d'une sentence &rang~re parce qu'elle viole l'ordre public du pays d'ex&ution.

Cette disposition constitue en mati~re d'exfcution de sentences &rangeres le pendant de l'art. 27 al. 1 LDIP. Peut-on assimiler l'ordre public de l'art. 190 LDIP A celui de la Convention de New York25? Nous ne le pensons pas, car - nous le verrons plus loin - leurs fonctions sont difffrentes.

L'art. 34 (2) (b) (ii) de la loi-mod~le CNUDCI pr6voit l'annulation de la sentence contraire i l'ordre public du pays du si~ge de l'arbitrage. C'est la loi du juge de l'annulation qui d&ermine le contenu de 1'ordre public5.

L'art. 1502-5' NCPC fran~ais applicable aux recours de l'art. 1504 permet 'annulation d'une sentence arbitrale pour incompatibilit& avec

«d'ordre public international>. Doctrine et jurisprudence y voient une rdffrence A la conception fran~aise de l'ordre public international27.

Ces quelques points de comparaison rfvlent une nette predomninance de 1'ordre public du pays d'annulation2 8.

25 Certains auteurs le font; voir note 17.

26 G. HUSSLEIN-STICH, Das UNCITRAL-Modellgesetz iiber die internationale Han- delschiedsgerichtsbarkeit, Cologne 1990, 186.

27 J. ROBERT, L'arbitrage - droit interne, droit international priv6, 5' 6d., Paris 1983, 336; S. CREPIN, Le contr6le des sentences arbitrales par la Cour d'appel de Paris depuis les rdformes de 1980 et 1981, Rev arb 1991, 580; M. de BOISSESON, Le droit fran~ais de l'arbitrage interne et international, Paris 1990, 845-846 et r~f~rences jurisprudentielles; Cass. Civ. Ire, 15 mars 1988, Rev arb 1990, 115/116.

Voir cependant Paris Ire, 25 mai 1990, Clunet 1990, 753 ofi la Cour d'appel de Paris ne conteste pas 1'existence d'un ((ordre public d'essence v~ritablement internatio- nale et d'application universelle>) (756) sans, toutefois, en tirer les consequences qui s'imposaient.

28 On pourrait &largir la comparaison, mais cela d~passerait le present cadre. Nous renverrons donc simplement aux dispositions suivantes: para. 1041 (1) (2) CPC D (contrari&t6 avec les principes essentiels du droit allemand), art. 1065 (1) (e) CPC NL (contrari&t avec l'ordre public ou les bonnes mceurs), art. 45 ch. 4 loi espagnole 36/1988 concernant l'arbitrage (sentence contraire d F'ordre public); d'autres lgisla- tions n'utilisent pas le terme d'ordre public, mais connaissent des concepts d premiere

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Conclusion

Nous voilA au terme de l'examen de nos cinq aspects. Que conclure? S'il est vrai que les exemples de droit compar6 vont dans une certaine direc- tion, il faut bien constater qu'aucune solution ne s'impose vraiment.

Alors que faire? Peut-tre s'attacher A la fonction de l'ordre public en mati~re d'annulation de sentences. I1 ne s'agit pas de la mme fonction qu'en mati~re d'ex6cution de jugements ou de sentences 6trang~res oii le juge refuse de donner effet sur son territoire A un jugement ou A une sentence qu'il estime injuste. I1 ne s'agit pas non plus de la mme fonction que celle de la r6serve d'ordre public oii le juge national refuse de r6soudre lui-mme le litige en vertu d'une norme qu'il consid~re injuste. I1 s'agit plut6t d'assurer que, par le biais du respect des principes fondamentaux com- muns A une grande majorit6 d'Etats, les sentences rendues en Suisse seront accept6es par la communaut6 internationale29. Autrement dit, nous avons affaire A un ordre public, non pas d'accueil ou de r6ception, mais au contraire d'envoi.

Qu'est-ce que cela signifie? Tout d'abord, que la Binnenbeziehung n'a plus de raison d'ftre. Pour que l'ordre juridique suisse laisse partir la sentence dans le monde, celle-ci doit bien 6videmment passer le test de l'ordre public mme si elle n'a aucun lien avec notre pays. C'est IA une cons6quence logique de la fonction d'envoi. Cette cons6quence 6vitera notamment la r6p6tition de <<catastrophes>> du type de l'arrt Bangladesh"°. Que signifie encore la fonction d'envoi de l'ordre public? Elle signifie que la source de l'ordre public reste suisse, mais que son contenu doit tre adapt6 pour tenir compte de sa vocation r6ellement internationale1s.

Cette adaptation est une n6cessit6 dict6e par la finalit6 d'envoi que poursuit le contr6le judiciaire au siege de l'arbitrage. I1 n'en va pas

vue comparables, dont une analyse fouill6e dirait s'ils sont v6ritablement similaires:

«misconduct>; <<manifest disregard of the law>>; Section 23 Arbitration Act 1950 anglais; jurisprudence am6ricaine Merrill Lynch, Pierce, Fenner & Smith, Inc. v.

Bobker, 808 F2d 930 (2d Cir. 1986), Brandeis Intsel Ltd. v. Calabrian Chemicals Corp., 656 F Supp 160 (SDNY 1987), r6sum& in: Yearbook ICCA 1988, 544.

29 F. VISCHER/M. KELLER/A. HEINI/K. SIEHR/P. VOLKEN, Kommentar zum IPRG, d paraitre.

30 ATF 102 Ia 574.

31 KNOEPFLER, pr~cit6 note 17, en pr6conisant la th&se de l'ordre public suisse pr6cise que celui-ci peut tenir compte des usages du commerce international. LALIVE/

POUDRET/REYMOND, pr6cit6s note 13, 428 -429, pr6cisent que <<rien n'emp&he>> le juge suisse d'interpr6ter la notion d'ordre public en tenant compte des usages du commerce et des principes g6n6raux que la soci6t6 internationale tient pour fonda- mentaux.

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KAUFMANN-KOHLER

forc~ment de mme de l'origine suisse de la notion d'ordre public. Une source supra- ou transnationale remplirait 6galement l'objectif d'envoi recherch6. Si nous y pr6ffrons la source suisse, qui est au demeurant parfaitement compatible avec le but d'envoi, c'est pour des motifs plus pragmatiques que logiques; mme si le r~sultat ne varie guere, le juge suisse sera plus facilement enclin A adapter la notion d'ordre public de source suisse A des donn6es r6ellement internationales que d'appliquer directement une notion d'origine transnationale. L'analyse de lajurispru- dence suisse et les 6l6ments de droit compar6 invoqu~s confirment cette inclinaison qu'une solution viable ne peut ignorer.

En pratique, comment mettre en oeuvre la finalit6 d'envoi et la nces- saire adaptation du contenu de l'ordre public? Pour simplifier la tache du juge, on commencera par jauger la sentence au regard de l'ordre public suisse. Si la sentence y est conforme, l'examen s'arrftera lA. En effet, on peut raisonnablement exclure une contrarift6 A des principes transnatio- naux. En revanche, si la sentence viole l'ordre public suisse, il faudra alors avant de l'annuler se demander si la r~gle d'ordre public en cause fait partie de l'ordre public transnational. Ce n'est que dans l'affirmative que la finalit6 d'envoi de la sentence justifiera une annulation.

Face A cette d6marche pratique, objectera-t-on que l'on risque de laisser intacte une sentence contraire A l'ordre public du lieu d'ex&ution? Ou encore que le juge suisse ne saurait tenir compte de consid6rations r6elle- ment internationales? Certainement, mais A tort, pensons-nous.

La sentence incompatible avec l'ordre public du lieu d'excution sera sanctionn~e en ce lieu conform~ment A la Convention de New York. C'est lA une protection suffisante du dfbiteur. A cela il y a, certes, une exception:

celle de la sentence susceptible d'excution en Suisse. D&s sa communica- tion, la sentence sera assimilke A un jugement d6finitif et constituera un titre de mainlevfe dffinitive3 2. Si l'intervention du juge de l'annulation ne sanctionnait que la violation de l'ordre public transnational, la sentence 6chapperait ainsi au test de conformit6 avec l'ordre public du lieu d'exicu- tion33, ce qui n'est pas le but vis& Dans cette hypoth~se, l'ordre public d'envoi doit en quelque sorte ceder le pas A l'ordre public de rfception34.

32 Art. 61 Cst. fed. et art. 80 LP.

33 Les exceptions des art. 81 al. 2 LP et 6 Concordat sur 1'ex&cution des jugements civils RS 276 (incompetence et violation du droit d'8tre entendu), dans la mesure oii elles s'appliquent en mati~re d'excution forc~e de sentences rendues conform~ment au chap. 12 LDIP, ce qui est contest6 (BUCHER, pr6cit& note 14, 136 contra; LALIVE/

POUDRET/REYMOND, pr~cit~s note 13, 451 pro), ne r~solvent pas le problme puisqu'elles ne couvrent pr~cis~ment pas l'ordre public.

34 C'est d'ailleurs pour 6viter une telle consequence que; dans le contexte de la renonciation au recours, le lgislateur a introduit l'art. 192 al. 2 LDIP. En tout cas

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Quid de la seconde objection selon laquelle lejuge suisse ne saurait tenir compte de principes transnationaux? S'il est exact que, dans l'arrt Bang- ladesh, le Tribunal f~d~ral s'est montr6 pour le moins sceptique face A la notion d'ordre public transnationa 35, d'autres plus qualifi6s que nous ont prouv6 que les juges nationaux savaient fort bien tenir compte d'int~r~ts vitaux non seulement de la socit6 A laquelle ils appartenaient, mais aussi d'une communaut6 internationale plus large, mettant ainsi en oeuvre l'ordre public transnationa36.

Ces objections 6cartfes, revenons A la solution reposant sur la fonction d'envoi de l'ordre public. Tout en lui conservant une source suisse, elle assouplirait le maniement de l'ordre public. Par IA, elle permettrait de laisser intacte la sentence de notre premier exemple pr~voyant des «puni- tive damages>, d'une part, et d'annuler la dcision arbitrale de notre second exemple sur les pots-de-vin, d'autre part.

selon ses termes, celui-ci ne s'applique toutefois pas d la renonciation partielle, p. ex.

d la seule renonciation au motif de recours de l'ordre public, situation dans laquelle les auteurs sugg~rent d'appliquer n~anmoins la Convention de New York pour les motifs de recours exclus par les parties (BucHER, prbcit& note 14, 132; LALIVE/POUD- RET/REYMOND, prcit~s note 13, 452; BLESSING, pr6cit6 note 14, 76).

35 ATF 102 Ia 574/583, qui utilise d'ailleurs le terme d'international pour transna- tional ou r~ellement international.

36 LALIVE, pr6cit& note 7, 276-286.

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