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Lamermoor : étude historique

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Lamermoor : étude historique

EL-WAKIL, Leïla & Office des constructions fédérales

Abstract

Etude historique de la demeure de Lamermoor, soit maison Barton, à la demande des architectes Janos Farago et Marc Vatré pour le compte de la Confédération

EL-WAKIL, Leïla & Office des constructions fédérales. Lamermoor : étude historique. Lausanne : Office des constructions fédérales, 1989, 24 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:106534

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Janos Farago, Marc Vatrê Architectes SIA 4, Vieux-Collège 1204 Genève

Amt fUr Bundesbtluten ·

0

Office des constructions fédérales UHiclo delle costruzlonl federal!

IUHEI PARC BARTON

Arrondlsaement 1 1006 lausanne

GENEVE PASSE - PRESENT - FUTUR

RAPPORT

liERSIOAJ EXPURGE~

(2.3/tt-./..1!1)

Octobre 1989

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1. ETUDE HISTORIQUE

L a m m e r m o o r E t u d e

Leila El Wakil Docteur ès Lettres Architecte EAUG

19, Bd des Philosophes 1205 Genève

h i s t o r i q u e

Septembre 1969

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LAMMERMOOR ETUDE HISTORIQUE

Origines du domaine

Il est possible de retracer l'histoire du domaine depuis le XVlle siècle.

Nous n'entrerons toutefois pas ici dans le détail en ce qui concerne la préhistoire du domaine de Lammermoor pour laquelle on se référera avec profit aux Papiers (AEG, 319/4, 483) d'Edmond Barde qui font état de la succession des propriétaires.

Au XVllle siècle le fonds compte déjà des bâtiments, comme le confirme le plan à vue Oeharsu de 1712 (Plans réguliers des possessions contenues dans les Franchises rière le quartier de Cornavin ... , feuilles S-6 No 11, cf. fig. 1). La parcelle, qui porte le no 11, est intitulée "Vigne à Noble Jean Dupan, capitaine, soit à la Dame, sa femme"; elle se trouve comprise entre la "Vigne à Noble Rilliet" au sud, le lac à l'est, la "Vigne à Noble

& Spectable François Pictet" et le "chemin tendant de Genève 5 Versoix" à

1 'ouest. Les trois bâtiments alors existants sont regroupés à proximité de l'entrée qui donne sur la route; la maison, précédée d'un jardin du côté lac, ferme une cour bordée symétriquement par deux bâtiments de dépen- dances. Cette organisation en fer à cheval, chère au XVllle siècle, se re- trouvera dans maints domaines genevois comme, par exemple, Varembé (aujourd' hui partiellement conservé, puisqu'il ne subsiste qu'une des deux dépendances de la Villa Rigot) ou La Grange, encore intacte. Ainsi que l'indique le plan Deharsu, la contrée de Sécheron-dessous est alors cultivée en vigne; les diverses parcelles sont aux mains des patriciens genevois. Seule la Vigne

~upan comporte à ce moment des constructions.

En 1720 Suzanne Dupan vend à Etienne Jeandin son fonds pour la somme de 84.000 florins . En 1769 ledit fonds qui compte Lme "maison de maitre,

rustique jardin, prés, vigne" {AEG, Notaires, F1ournois, 17/2/1769, f. 570) passe entre les mains du synÇic Jacob de Chapeaurouge, puis successivement, en 1 'état, entre celles de Théodore Ri1liet en 1783, d'Isaac Terras en 1787, de Philippe Dunant en 1791. Ce dernier le rachète pour 49.000 livres, dont 9.000 pour le mobilier (AEG, Notaires, G. Mallet, 12/9/1791, vol. Vll f. 110). A la mort de celui-ci, le domaine est attribué par préciput pour 10.000 écus à Jean-Pierre Philippe Dunant, époux d'Antoinette Gallatin (AEG, Notaires, Salomon Binet, 7/l/1823, 21/l/1823).

Domaine Dunant-Gallatin

Grâce à la représentation du cadastre français, Section A des Pâguis, 1ère feuille, Petit-Saconnex, 1812, on peut se faire une idêe du domaine

à l'époque de Philippe Dunant. Ce dernier, "banquier à Genève", est dé- claré propriétaire des numéros 84 à 96, qui correspondent aux possessions suivantes: (cf. fig. 2):

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no 84, une v1gne toute en longueur, seule trace des anc1ens vignobles, no 85, un pré,

no 86, un verger en bordure de la route, no 87, un jardin au nord des bâtiments,

no 88, un vaste verger descendant jusqu'au lac,

no 89, un bois de marronniers, en fait la "promenade" qu1 se trouve devant la maison, probablement une "salle de marronniers"

selon l'expression consacrée

no 90, une écurie en bordure de la route, no 91, "cour, maison & grange",

no 92, un jardin au sud des bâtiments,

,.. et, de l'autre côté de la "Route de Genève à Lausanne", no 93, un verger,

no 94, une allée située dans l'axe de la maison, no 95, un champ,

no 96, des bosquets.

Sous le no 91, on trouve donc la maison, située au même emplacement

que précédemment, présentant une implantation rectangulaire augtncntêe par rapport au plan Oeharsu d'un appendice au nord. Le bâtiment de dépcndi)n- ces qui était situé au sud de la cour a disparu; celui au nord a changé de configuration, peut-être du fait d'une transformation ou sitnplement d'un plus rigoureux relevé. Un bâtiment d'écurie est apparu en bordure de route.

, On peut conclure de ce qui précède qu'en 1812 la maison n'a pas encore été reconstruite. Malheureusement aucun autre document iconographique ne nous a permis pour 1 'heure de savoir à quoi ressemblait cette première maison de maître.

C'est vraisemblablement après 1823, date à laquelle Jean-Pierre Philippe Dunant prend possession du domaine, et avant 1848, date à laquelle est dressé le cadastre genevois (cadastre Dufour) pour la commune du Petit- Saconnex, que prend place la reconstruction. Sur ce cadastre en effet (Saconnex-le-Petit, feuille 5, 1848, cf fig. 3) la maison qui porte le no 102 se trouve à quelque distance de la première implantation, en aval vers le lac. Le plan au sol fait état d'une construction rectangulaire pourvue de deux légers avant-corps sur chacune des deux façades longitudi- nales. Sa superficie donnée dans Je Regristre des numéros su1v1s, registre qui indique 1 'état des contenances, est de 2 ares et 40 metres.

La parcelle porte à ce moment le no 29 (30) et comprend 3 hectares, 46 ares de terrain. On y trouve 'les constructions suivantes :

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no 102, "maison de maître",

no 103, "maison de dépendances", soit le no 91 (partiel) du cadastre français,

no 104, "bûcher, atelier", français,

no 104bis, serre.

qu1 correspond à l'écurie no 90 du cadastre

Dans les Registres de l'Assurance mu tue 11 e contre l'incendie figurent deux mentions des constructions de la propriété Dunant. La première date de 1838, la seconde de 1850. Dans les deux cas les bàtiments sont assurés pour la même valeur, à savoir

no 102 pour 50.000 frs.

no 103 pour 4.600 frs.

no 104 pour 500 frs, ce qui laisse penser qu'il s'agissait d'une dépendance de caractère précaire, probablement en bois.

no l04bis pour 7.000 frs., vaste serre nouvellement construite, adoptant le même plan en U que celle de la propriété Bartholoni.

Le fait que la prem1ere mention trouvée dans les registres d'assurance date de 1838 pourrait indiquer que la nouvelle maison, ainsi que la serre vien- nent d'être construites à ce moment-là; nous avons en effet souvent pu cons- tater qu'une inscription à 1 'assurance cofncide avec 1 'achèvement des bâ- timents. Mais ce n'est pas une règle absolue étant donné que 1 'on assure systématiquement toutes les constructions du Canton de Genève depuis la création de l'assurance ob 1 i gatoi re en 1821.

La maison de la première moitié du XlXe siècle. Reconstitution

La lecture des photographies anciennes de Lammermoor, ainsi que 1 'étude attentive des relevés de 1937 et 1956 (Villa "Lammermuir". Anet Propriété Barton. 20 mars 1937, série de plans, et Villa Lammermuir. Ancienne

propriété Barton, Genève. Relevé en avril 1956, plans, êlévations, coupes) conservês aux archives des Constructions Fédérales peuvent nous révéler quelques aspects de ce que fut cette seconde maison du domaine de Sécheron.

Orientée en direction du lac, elle tournait, conformément aux canons de l'époque, sa façade principale en direction du Mont-Blanc et des Alpes.

Le terrain à ses pieds descendait en pente douce. Large de 5 travées sur ses façades longitudinales, le bâtiment comportait vraisemblablement 3 travées sur les façades transversales. Chacune des façades longitudinales s'articulait en un avant-corps central de 3 travées flanqué de 2 arrière- corps latéraux d'une travée chacun.

Le soubassement en roche à abat-jour éclairait le niveau des caves voûtées.

Au dessus du rez-de-chaussée dévolu aux pièces communes et de réception se trouvait l'étage des chambres. Un toit à quatre pans, peut-être pourvu d'un belvédère central, contenait l'étage de combles répartis probablement en combles et en chambres de domestiques.

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Toutes les ouvertures étaient rectangulaires sauf les trois grandes portes-fenêtres centrales du rez-de-chaussée à arc en plein cintre.

Les fenêtres du rez-de-chaussée étaient encadrées d'un chambranle sur consules; celles de l'étage simplement soulignées d'une tablette.

Intérieurement elle était divisée par un jeu de refends orthogonalement disposés, soit un refend longitudinal et deux refends transversaux.

Elle comportait un escalier tournant à colonnes toscanes à main droite del 'entrée s'ouvrant sur un vestibule à colonnes également. Cet élément se compare à la cage d'escalier de la Pastorale, édifiée pour la famille Budé vers 1830 au Petit-Saconnex, ou à celle du Petit Malagny, construit en 1845 par J.-L. Brocher pour le sysdic Jean-Jacques Rigaud. Dans l'axe de l'entrée, donnant du côté du lac, s'ouvrait le grand salon, pièce cen- trale de l'enfilade qu'il constituait sans doute alors avec la salle à

manger et le petit salon. Chacune de ces pièces comportait une cheminée.

Il se peut par ailleurs que les parquets étoilés et à chevrons relevés en 1956 aient été ceux d'origine.

De ce qui vient d'être décrit, la maison Dunant s'inscrivait parfaitement dans la typologie des maisons de campagne couramment construites en ter- ritoire genevois dans la première moitié du XlXe siècle. Par ses proportions, l'articulation de ses façades et larépartition de ses percements, on peut la comparer plus particulièrement à la Pastorale, mentionnée ci-dessus,

à Montriant, autre résidence Budé sise au Grand-Saconnex, ou encore à Rive- Belle, propriété Pictet-de-Rochemont Jr. à Chambésy-dessous.

Domaine Peel-Barton, soit Lammermoor

En 1858, Sir Robert Peel, alors domicilié à Londres où il possède sa résidence principale, rachète à Jean-Pierre Philippe Dunant son domaine d\e Sécheron-dessous. Il la baptise aussitôt Lammermoor, du nom du domaine écossais de son beau-père, le marquis de Tweeddale. Ce nom est alors d'ac- tualité, puisque c'est celui de la chaine de collines qui constituent la frontière occidentale du Berkwickshire en Ecosse, décor dans lequel se déroule la récente nouvelle de Walter Scott intitulée The Bride of Lammermoor qui donnera lieu au livret de l'opéra de Donizetti.

Sir Robert Peel est une personnalité étrangère importante, comme l'est son vo1s1n François Bartholoni, constructeur de la "Perle du Lac", ou encore le baron Adolphe de Rothschild, qui la même année que lui vient s'établir à Pregny où il fait construire le château qui porte son nom. Né en 1822, Peel est un citoyen britannique de la high society;

il est 3e baronnet. De 1846 à 1850 il occupe le rôle de secrétaire de la Légation de Grande-Bretagne à Berne. Il mène une fort brillante carrière de politicien et de diplomate, suivant en cela la voie tracée par son père, le célèbre premier ministre britannique, Robert Peel Sr. On ne sait pas bien les circonstances qui 1 'attirent à Genève où il se montre actif dès le début des années 1850 à propos de l'édification de l'église

anglaise.

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C'est un homme jeune, au sommet de sa carr1ere, qui en 1858 se rend acquéreur du domaine Dunant. La maison qu'il achête est neuve, agréable sans doute, mais ne peut lui suffire. Tandis que, dans les mêmes cir- constances, le baron Rothschild rase la pourtant somptueuse ''maison de délices" de Saladin de Lubières, Peel opte pour la transformation.

L'opération sera habilement exécutée par l "'architecte des altesses", Francis Gindroz, probablement sur des plans ou tout au moins d'après un modèle venu de Grande-Bretagne.

Formé à l'école des Beaux-Arts de Paris, Gindroz, alors en début de car- rière, travaille simultanément à l'édification du château Rothschild, dont les plans ont été dressés à Londres par Robert Stokes, le beau-fils de Joseph Paxton, à la construction de Fleur d'Eau à Versoix pour le banquier Théodore Vernex d'Arlandes et à·Lammermoor pour Sir Robert Peel. Il s'em- ploie indifféremment, peut-être sur le projet d'autres architectes, à réa- liser un château dans le·style cosmopolite de la famille Rothschild, une demeure aux forts accents Napoléon III et un "cottage" d'une puissante tradition anglo-saxonne. Eclectique à souhait, cet architecte dont Paul Bissegger a dressé le portrait à propos de la construction d'un hôtel de Morges, travaillera pour d'autres riches commanditaires, le plus éminent étant sans doute le prince Napoléon pour lequel il dessinera une rési- dence à Prangins.

Première métamorphose : Lammermoor, un cottage

En décidant de transformer la maison Dunant, Peel obéit non seulement à un besoin, mais aussi à un goût. Il apporte à Genève un peu de son pays, cette tradition du cottage, revivifiée au début du XIXe siècle déjà par le paysagiste Humphrey Repton et dont les traités de l'américain Downing feront les beaux jours. Ainsi la maison néo-classique de Dunant va-t-elle

~evenir la demeure pittoresque dont font état, pour notre plus grande nosta 1 gi e, 1 es photographies an ci en nes (cf. fig. 4. à 7).

La démarche de Peel n'a en soi rien d'extraordinaire en son temps : nombreux sont les acquéreurs de maisons qui décident de le mettre au goût du jour ou à leur propre goût. A deux pas de là, J.-Marie Jean Mirabaud transforme Sécheron-dessus en lui ajoutant un attique et en modifiant la toiture, sans compter 1 'intérieur. Le comte Jean-Jacques de Sellon applique à la modeste métairie qu'il appellera la Fenêtre d'une façade à fronton et pilastres doriques, une manière de façade- temple. Pour ne citer que ces deux exemples-là encore en place, le

premier dans 1 es an ci ens a te 1 i ers de Sécheron, 1 e second dans l 'enceinte de 1 'ONU.

L'intervention remplit deux objectifs qui sont 1 'augmentation de la super- ficie et du gabarit d'une part et la métamorphose stylistique d'autre part.

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L'agrandissement

Il est obtenu par un double moyen : 1) 1 'augmentation des surfaces grâce à 1 'ajout de deux ailes formant avant-corps du côté lac et arrière-corps du côté de la cour. Cette opération est comparable à celle effectuée au même moment par Théodore Molyneux-Williams sur Bryn Bella (actuel Musée de l'Horlogerie). La superficie du bâtiment, murs compris, passe ainsi de 230 mZ à 379m2. 2) la surélévation de l'ancien corps central par une façade-pignon de chaque côté de la maison.

Intérieurement le gain est le suivant : au sous-sol, une vaste cu1s1ne excavée dans l'aile nord, l'aile sud n'étant quant à elle pas excavée.

La distribution par un couloir longitudinal central est respectée, ceci

à tous les niveaux. Au rez-de-chaussée, une pièce de réception de plus, ceci dans chacune des deux ailes. On se serait attendu à trouver la salle

à manger au-dessus de la nouvelle cuisine; or il n'en est rien. Au con- traire la salle à manger est à l'extrémité opposée de la maison, dans l'aile sud, accessible par un système de monte-plats. Cette disposition tient sans doute au fait que Peel installa là les intérieurs et particu- lièrement la salle à manger de Jean Jaquet sur lesquels nous reviendrons ultérieurement. Au premier étage, trois chambres de plus, chacune chauffée par une cheminée. Au second étage des chambres d'hôtes et de domestiques supplémentaires.

La métamorphose stylistique

Les photographies anciennes mettent en évidence le caractère pittoresque du bâtiment ainsi transformé. C'est tout d'abord l'extrême découpe de la silhouette qui saute aux yeux : l'alternance des faites et des pignons, l'animation des masses, atténue habilement l'importance du développement longitudinal de la maison agrandie. Par ailleurs l'articulation de ces toitures pentues répond à celle des avant et arrière-corps et permet d'éviter tout effet de lourdeur.

Tous les détails architecturaux corroborent la tendance esthétique pit- toresque. La forte pente des toits-pignons, la présence de pièces de charpente cintrées à des fins décoratives, les souches de cheminées étirées, le festonnage ornemental des bordures du toit en bois découpé, la dentelle de zinguerie et les épis surmontant le faîtage, voilà autant de caractéristique anti-classiques et novatrices dans le contexte

architectural genevois, où de tels détails feront leur apparition un bon demi-siècle plus tard et à de rares occasions.

Comme souvent dans les réalisations de veine pittoresque, une propension gothique se manifeste dans les détails. On remarque les triplets à lan- cettes ogivales qui percent les pignons principaux et les quadrilobes des pignons secondaires (ultérieurement remplacés par des fenêtres rectan- gulaires). Les chambranles des nouveaux percements comportent un linteau sculpté d'une accolade applatie. Sur la modénature délicate qui rythmait et animait le bâtiment, reprise de l'arc ogival sur les pilastres d'angle, ainsi que du quadrilobe sculpté. Par ailleurs un corps de moulures,

souvenir de l'ancienne corniche, arrêtait délicatement le bâtiment, faisant bien sentir la surélévation.

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A noter encore les balcons à garde-corps de fonte aux fenêtres du 1er étage, les bow-window des nouvelles ouvertures latérales du rez-de- chaussée; enfin, mais peut-être furent-ils posés plus tardivement, les treillages de bois accolés à 1 'étage inférieur et le long des pilastres.

Une photographie ancienne montre la végétation grimpante qui s'y accro- chait, illustrant à merveille les descriptions lyriques de 1 'architecte vaudois Henri Baudin sur la symbiose entre 1 'architecture et la nature dans son ouvrage du début de ce siècle sur les maisons de campagne et villas de Suisse.

Il n'était jusqu'au charmant porche vitré abritant 1 'entrée qui repre- nait à travers sa structure métallique le thème récurrent del 'arc ogival.

L'intérieur du bâtiment

Nous sommes mal documentés sur ce que fut l'aspect intérieur du bâtiment.

Peel semble avoir conservé beaucoup de la structure et de la décoration intérieure; les relevés montrent qu'il ne modifia par exemple pas la cage d'escalier d'origine, pas plus que la distribution d'ailleurs.

L'apport nouveau fut essentiellement le transport, peu courant à 1 'époque, de boiseries appartenant à une autre maison. En effet, dans des circonstances que 1 'on ignore, Peel se porta acquéreur d'un ensemble de deux pièces d'ap- parat, un salon et une salle à manger, réalisés vers 1780 par le sculpteur- ornemaniste Jean Jaquet. C'est ainsi que furent installés ces deux inté- rieurs, la salle à manger dans 1 'aile neuve au sud et le salon dans ce qui fut précédemment le petit salon de la maison Dunant.

La salle à manger entièrement lambrissée comporte notamment, de part et d'autre de la fenêtre donnant sur le lac, deux fontaines de terre cuite vernissée faux marbre, flanquées de colonnes. En face de la fenêtre fait face une console et son miroir. Le petit salon est doté d'une cheminée à chambranle de marbre et d'une console lui faisant face. L'ensemble de ce décor, conservé encore de nos jours malgré de nombreuses modifications survenues au bâtiment et classé Monument Historique, obéit à 1 'esthétique décorative du premier néo-classicisme, encore teinté d'esprit rococo. On se référera avec profit en ce qui concerne Jean Jaquet au mémoire de licence de Christian Brun, intitulé Jean Jaguet, sculpteur-ornemaniste, Genève, 1988, dactyl .

Ainsi donc il apparaît que Peel n'a pas redouté 1 'éclectisme décoratif à 1 'intérieur même de sa demeure. Sa démarche conservatoire, originale pour son temps, anticipe d'autres déposes et reposes d'intérieurs Jaquet, comme celui du petit salon ovale de Vieusseux placé dans le vestibule des Délices ou celui du grand salon de Cartigny installé au Musée d'Art et d'Histoire.

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Le domaine de Lammermoor

Si le cottage constituait incontestablement la p1ece de résistance de la propriété, il ne faut pas perdre de vue qu'il n'en êta i t que l 'un des jalons. Toutefois, avant de passer en revue les bâtiments de dépendance qui appartenaient au domaine, nous citons ici quelques jugements de l'historiographie locale concernant la maison de maître.

Edmond Barde dans son ouvrage sur les maisons de campagne genevoise (pp. 211-212) s'exprime en ces termes: "Sir Robert Peel( ... ) la (maison Dunant) transforma en un élégant cottage décoré de boiseries signées Jaquet provenant de la maison Roux â Chantepoulet et l'entoura d'un parc qui fait l'admiration de milliers de visiteurs. "Guillaume Fatio consacre deux passages à Lammermoor, le premier dans son ouvrage sur Alexandra Sarton de 1936 (p. 21), le second dans celui intitulé

Genève, cité des parcs de 1938 (pp. 28-30) que nous reproduisons ci-après.

"La maison était construite dans le goût du début du XIXe siècle, mais sir Robert Peel la fit entièrement transformer et agrandir dans le style des cottages anglais~ Plus tard la salle à manger et un petit salon furent décorés de remarquables boiseries Louis XVl, oeuvres du sculpteur Jean Jaquet, et provenant d'une vieille maison de la rue de Chantepoulet à Genève". Puis "En 1858 sir Robert Peel, le fils du grand ministre anglais, acheta une propriété à Sécheron et la baptisa villa Lammermoor, du nom du domaine que son beau-père, le marquis de Twedale, possédait en Ecosse.

La maison d'habitation était construite dans le goût du début du XIXe siècle, mais sir Robert Peel la fit transformer et agrandir dans le style des cottages anglais."

Les deux nouvelles dépendances

Les registres d'assurance contre l'incendie mentionnent deux nouvelles constructions: le no l04bis, soit une "loge de portier" (ou pavillon

d~ concierge) déclarée en 1863 pour la va~eur de 20.000 frs. et sans no, une "habitation/grange/écurie" pour la somme de 50.000 frs. Le coût indique qu'il s'agit de bâtiments importants relativement à la construction de dépendances en ce temps-là.

Les photographies anciennes, ainsi que surtout les relevés des Construc- tions fédérales (Ancienne propriété Sarton. Genève. Pavillon du concier e et Communs, Releve en ma1 5 . Inspectorat des constructions fédéra es, Lausanne) en gardent le souvenir. Du bâtiment des communs, qui se trouvaient

à l'emplacement del 'actuel parking, on entraperçoit sur une prise de vue ancienne (cf. fig. 8) le raffinement du travail de bois découpé des balcons conduisant à l'étage, ainsi que des ciselures bordant les toits. Le même jeu de treillis qui revêt la maison recouvre la partie maçonnée du rez- de-chaussée des communs; un lierre ou une vigne vierge s'y accroche.

Seules les chaînes d'angle en harpe se détachent. La même ardoise argentée qui recouvrait les toits de la maison est employée sur ceux des dépendances;

ceux-ci du reste reprennent à leur compte le motif des pignons à répétition.

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Le bàtiment dont la superficie était importante (environ 217 m2) était construit selon un plan en fer à cheval très articulé : la façade est, donnant sur la cour, comportait deux forts avant-corps latéraux et un avant-corps central moins proéminent. Les ailes abritaient au rez-de~

chaussée l'écurie et le local à harnais, la buanderie et le garage (du moins selon le relevé de 1956); au centre se trouvait la remise des voitures. Au premier étage chacune des ailes abritait un appartement de domestiques; ces deux appartements jumeaux, accessibles selon l'usage dans ce type de construction par un escalier extérieur, étaient distribués en trois (quatre) chambres et une cuisine. Deux balcons agrémentaient la chambre de l'extrémité de l'aile. Les gal et as occupaient le centre du premier étage. Le bàtiment n'était pas excavé.

Le pavillon du concierge ou loge de portier s~ trouvait immédiatement à droite de l'entrée ménagée dans le mur d'enceinte de la propriété. Une photographie ancienne, datant cependant déjà de l'époque de l'Institut Universitaire des Hautes Etudes Internationales, le,montre dans le détail de son architecture en tout point semblable à celle du bàtiment dès

communs (cf. fig. 9). La minutie du décor ornemental y apparaît dans toute sa finesse : guirlandes découpées et ajourées en bordure du toit, garde-corps.traduisant dans un style chalet des effets de balustrade, s'appuyant sur une sorte de rangée d'ove (même dessin que l'on retrouve sur les chambranles des fenêtres). Frise de volutes et feuilles d'acanthe entrelacées garnissant le dessous des poutres du balcon ... Ce petit bâtiment de plan rectangulaire était partiellement excavé; il abritait deux logements, l'un au rez-de-chaussée, l'autre à l'étage. Un corridor dans l'axe longitudinal desservant les deux chambres et la cuisine.

Un escalier tournant, dont on ne sait pas bien dans quel sens il se

développait (selon Ancienne Propriété Barton. Genève. Pavillon du Concierge.

Pl ans du rez-de-chaussée et de l' éta e. Re 1 evé en mai 1956. Inspectorat des Construct1ons fédera es. Lausanne desservait la construction. Un balcon sur poteaux de bois enveloppait le premier étage sur tout son pourtour.

Le parc qui entourait la maison fut aménagé à l'anglaise avec des allées ondoyant dans la pente, des pelouses opulentes, des bosquets d'arbres.

Fatio, dans Genève, cité des parcs, p. 28 en donne la description sui- vante :11Ce qui constitue la beauté de la villa Lammermoor, c'est sa situation et ses superbes ombrages. Sous ses arbres séculaires, les pe- louses descendent mollement jusqu'au lac. Celui-ci, se présentant dans toute sa longueur, donne une impression de grandeur qui ne se retrouve pas au même degré dans la plupart des propriétés voisines, orientées vers le Mont-Blanc. Le.tableau qui s'offre au regard a pour cadre, d'un côté, la chaîne vaporeuse du Jura, qui fuit à l'horizon, et, de l'autre, les flancs brisés de la montagne des Voirons. Quant aux deux rives, elles alignent le rythme harmonieux de leurs coteaux et de leurs promontoires".

Le domaine devait rester dans les mains de la famille Peel jusqu'en 1936.

En effet il sera racheté en 1892 par le gendre de Robert Peel, Daniel- Fitzgerald Barton, époux d'Alexandra Peel. Tous deux devaient y résider jusqu'à leur mort respective en 1907 et 1935. Les dispositions testamen- taires de Madame Peel-Barton instituaient la Confédération héritière du domaine. Dans le testament olographe du 14 août 1929, il est notamment stipulé ce qui suit :

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"Je lègue à la Confédération suisse ma propriété dite Villa Lammermoor, 132, route de Lausanne à Sécheron à Genève, soit les immeubles composant cette propriété, ainsi que les boiseries et fontaines Louis XVI de Jaquet du petit salon et de la salle à manger, ceci à l'expresse condition que la propriété ne soit jamais partagée et que les arbres restent dans leur état actuel sans être coupés."

Sur le cadastre de 1936, Genève, Petit-Saconnex, feuille 5, la parcelle porte le no 6441 et a une superficie de 45.606 m2.

On y trouve les bâtiments suivants no 102, logement maçonnerie

no l02bis, hangar maçonnerie/bois no l02ter, dépendance maçonnerie

no 103, logement/écuries/dépendance maçonnerie/bois no l03bis, château d'eau

no l03ter, dépendance maçonnerie/bois no 104, loge de portier maçonnerie/bois no l04bis, serre maçonnerie

no l04ter, chalet et dépendance maçonnerie/bois.

Deuxième métamorphose : la modernisation des années '60.

Les Archives du Service des Constructions et de la Voirie de la Ville de Genève conservent un dossier relatif à la propriété depuis 1 'époque de son legs à la Confédération (Dossier 891, Route de Lausanne, Propriété de Mme Barton-Peel, Parcel·le 245). On y trouve plusieurs piêces concer- nant l'entretien du parc confié au Service Parcs et Promenades de la Ville, ainsi que les doubles des correspondances relatives à la maison.

Immédiatement après le legs le parc est raccordé à 1 'ensemble de parcs du domaine public de la rive droite : les murs seront abattus, les che- minements modifiés. Au début de 1 'année 1938 les serres, couches, ainsi que le potager seront démolis, parce qu'on n'en avait plus 1 'utilité et afin de gagner de nouveaux terrains à l'agrément collectif.

Puis se pose la question del 'affectation de la maison. La Confédération, d'entente avec la Canton de Genève, décide d'y installer 1 'Institut Uni- versitaire des hautes Etudes Internationales. Celui-ci se contentera pendant longtemps des locaux existants. Puis, au vu de 1 'importance de son développement dans les années '50, la Confédération et le Canton seront contraints d'envisager des possibilités pour son extension.

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Les discussions qui vont présider â la seconde métamorphose de la maison prennent place en 1958. Un article du Journal de Genéve du 28 mai 1958 fait état de l'animation qui régne autour de ce projet. A ce moment le

Conseil Fédéral adresse aux Chambres une demande de crédit de l .940.000 frs.

pour remettre en état la maison de Lammermoor. On apprend â cette occasion que la direction des Constructions fédérales a étudié parallélement deux projets, celui de la transformation et celui de la démolition-reconstruction

"La direction des Constructions fédérales a étudié deux projets différents.

Le premier prévoit de maintenir la villa et de la transformer en l 'agran- dissant, sans en modifier le plan, mais en surélevant le second étage et en simplifiant le toit, ce qui porterait le volume total de 4.680 à 6.810 m3. On construirait en outre une annexe de 4.275 m3, comprenant une grande salle de réunion, un foyer, 14 chambres d'étudiants et le logement du concierge. Le second projet sacrifiait la villa en faveur d'une cons- truction nouvelle, dont le coût, avec toutes les annexes et dépendances, était devisé à 2.240.000 frs."

C'est au cours de l'année 1959 que la maison prend son allure actuelle (cf. fig. 10). Selon les termes euphémiques de l'époque, l'opération est qualifiée de rénovation et on parle du maintien de la maison. La

demande en autorisation de construire A36.593, déposée le 19 janvier 1959, et qui sera acceptée sans objection aucune, requiert dans une seule et même phrase les objets suivants : "démolition de la toiture actuelle, construction d'un 2e étage et d'une toiture à 4 pans comportant un étage habitable, transformations intérieures diverses, réfection des façades, citerne à mazout."

Les plans, conservés aux Archives des Constructions fédérales (Propriété de la Confédération suisse, 132, rue de Lausanne à Genéve. Transformation de la "Villa Lammermuir", 1958-19609 sont signés des architectes Tzala et Buffat.

L''étude de ces documents confirme la nature radicale de l'intervention. De l'ancienne maison seuls les murs porteurs de façad~ et une partie des refends sont maintenus. L'escalier d'origine est remplacé au profit d'une vaste cage; les planchers sont reconstruits et des dalles comportant des poutres d'acier leur sont substituées. La distribution est complétement modifiée ainsi que le systéme de galandages.

Mais ce qui frappe sans doute le plus c'est le changement d'aspect

extérieur. Sous le crayon des architectes, le cottage s'est métamorphosé en une sorte de maison classique à fronton sous un grand toit. Mais du classicisme de sa belle époque, elle n'a plus ni les proportions, ni

l'élégance. C'était il est vrai une gageure de vouloir déguiser un immeu- ble de 4 niveaux en villa. On pourrait s'étendre à relever les anomalies de cette construction transformée une fois de trop. Là n'est pas le propos.

S'il est vrai qu'aujourd'hui, dans l'état dans lequel il se trouve, ce bâtiment n'a plus beaucoup de valeur architecturale, on ne peut en vouloir

à Messieurs Tzala et Buffat. Leur intervention, au service d'un programme

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trop lourd, s'inscrit par ailleurs tout à fait dans le type d'opération qu'il arrivait quel 'on pratique sur d'anciens bàtiments dans les années

'60. Pour exemple l'empaillage exemplaire du château Pictet-de-Rochemont devenu en 1957, gràce à l'architecte Schwertz, la mairie de Lancy.

Villa Lammermoor : perspectives

L'état actuel du bàtiment ne drinne satisfaction ni sur le plan esthétique, ni sur le plan fonctionnel. Architecturalement on regrette l'état (ou les états) antérieur(s) et fonctionnellement on déplore toujours l 'étroi- tesse des locaux, la complexité de la distribution et des circulations verticales, au demeurant en infraction avec les plus élémentaires règles de sécurité.

Dans ces circonstances on ne peut que souhaiter voir se réaliser certaines transformations, dont quelques unes s'imposent du reste. Ainsi il impor- terait au moins de régler d'une manière convenable le problème des circu- lations verticales et horizontales. La solution, au vu de l'état du

bàtiment, pourrait être trouvée aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur.

Une solution extérieure permettrait peut-être d'apporter un plus à l'aspect de l'enveloppe actuelle, dépourvue de tout incident et de toute anecdote.

Quant à l'esthétique de l'enveloppe, dont on ne saurait priser l'aspect même à des fins exemplatives de témoin des interventions des années '60,

l'historien lui préfère sans discussion l'état antérieur. De là à pro- poser une "dérestauration", opération qui serait bien entendu onéreuse qu'exemplaire, l'esprit se prend à rêver ! A défaut, une manière de réminiscence du passé : allusions, évocations, fictions des anciennes apparences, trompe-l'oeil. En l'occurence tout semble possible. Il

s'agirait d'en profiter, car en matière de patrimoine, rares sont aujourd' hui les bàtiments qui tolèrent l'intervention.

Leïla el-Wakil Septembre 1989.

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20 Fig. 4 Cliché MVG 5279

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22 Fig. 6 Cliché MVG 3553

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Fig. 8 Cliché MVG 3554 Bâtiment des communs

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Fig. 10 Lammermoor actuel

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