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Frontières et circulations au Moyen-Orient

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Academic year: 2022

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« Frontières et circulations au Moyen-Orient »

- Dynamiques des espaces frontaliers et des circulations transfrontalières - 1. Le Projet

Ce projet doit nous emmener à travailler sur des espaces frontaliers concernés par des circulations migratoires transfrontalières denses, ou, à l’inverse, sur certains espaces caractérisés par une absence de circulations et d’échanges. Notre objet trouve sa place dans le contexte moyen-oriental caractérisé par une évolution parfois rapide des dynamiques frontalières en lien avec la situation géopolitique.

Notre hypothèse de départ est que l’espace relationnel de circulation de certains groupes dispersés sur plusieurs pays (communautés, réfugiés…) ne s’est pas constitué sur la base de liens transnationaux, en ce qu’ils relieraient des individus ancrés dans des Etats déjà constitués ; mais sur des liens antérieurs et établis avant la mise en place des frontières actuelles, héritages de constructions d’espaces relationnels anciens mais parfois toujours actifs. Les liens familiaux ou encore communautaires, par exemple, apparaissent comme des ressources pour les pratiques circulatoires d’acteurs divers (migrants de travail, circulants, entrepreneurs transfrontaliers…) qui sont amenés à franchir des frontières aujourd’hui étatiques : les systèmes de mobilités et de circulation transfrontaliers s’adossent généralement à l’existence d’espaces de circulation antérieurs à l’apparition des appareils étatiques et leurs frontières. Penser l’espace comme un produit social permet d’analyser les espaces frontaliers du Moyen-Orient en tenant compte des processus de construction socio-territoriale générés par les sociétés elles-mêmes, processus en position d’antériorité par rapport à la territorialité étatique. Ces espaces de relation s’apparentent à des « pays », lieux de destins partagés, réels ou imaginaires, de taille diverse. Comment les personnes, les familles, les communautés religieuses, les groupes sociaux ont-ils cherché à maintenir leur présence dans ces « pays », malgré les obstacles érigés par les puissances publiques ? Comment ont-ils négocié leur mobilité vis-à-vis de ces obstacles ? Pour cela, nous chercherons d'abord à faire un repérage des types de mobilités transfrontalières qui appartiennent au registre intime de la spatialité : les mobilités ordinaires de travail, les mobilités temporaires induites par les pratiques religieuses, les mobilités liées à des styles et des projets de vie (visites familiales, études, visites de courtoisies, mariages inter-territoriaux, etc.).

Le second point et donc la seconde idée forte du projet réside dans le fait que certains espaces frontaliers, compte tenu d’une mobilité accrue et de l’intensification des échanges économiques – processus d’intégration régionale –, constituent des zones de développement à étudier en tant que telles. Surtout lorsque les dynamiques socio-spatiales transfrontalières existantes sont doublées par une volonté politique de renforcer la fluidité des échanges à la frontière (accords de libres échanges entre pays voisins ; politiques de collaboration transfrontalière1). Alors que la ligne-frontière garde, au Moyen-Orient, toute sa fonctionnalité, il y a des endroits où elle n’est plus – presque plus – soumises à des tensions ou des revendications territoriales. Quand la ligne perd de sa fonctionnalité, qu’elle laisse passer de plus en plus de flux, que sa fonction de coupure laisse le pas aux échanges, c’est la région frontalière dans son intégralité qui devient l’objet d’étude le plus pertinent ! En certains endroits la frontière internationale œuvre véritablement dans le sens d’une discontinuité socio- spatiale (exemple de la frontière sud-libanaise) ; à l’opposé du spectre, l’existence d’une frontière forte et difficile à franchir, comme celle qui existe entre les Territoires palestiniens et la Jordanie, si elle morcelle les espaces, crée de la discontinuité et entrave les mobilités,

1 Comme ce fut le cas entre la Turquie et la Syrie jusqu’en 2011.

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n’empêche pas les liens de se maintenir de part et d’autres, créant des formes d’espaces relationnels qu’il nous appartient de définir. Dans ce cas, le chercheur ne s’intéresse pas tant la limite, qu’à la reformulation des espaces en lien avec l’effet frontière.

L’étude des circulations – humaines et matérielles – aux frontières terrestres permettrait de travailler sur le fonctionnement et le rôle de transit de ces espaces frontières.

Dans ce cas, la frontière crée de l’interface2 et/ou du territoire3, deux effets spatiaux très présents dans la région, effets renforcés par les liens vivaces entretenus par des populations séparées par une frontière non choisie alors qu’elles formaient auparavant une continuité démographique et culturelle (populations kurdes et arabes le long de la frontière turque ; rive Est et Ouest du Jourdain ; espace syro-libanais) ou bien un ensemble de réseaux forts au sein d’un espace fluide (grandes familles d’entrepreneurs entre des métropoles arabes, communautés confessionnelles éclatées).

La relation entre espace, société qui l’a produit et circulations migratoires aux frontières étatiques, et ce sur un temps suffisamment long pour saisir l’origine des processus anciens toujours en cours alors même qu’ils se sont réadaptés, constitue le fil conducteur de ce projet de recherche. Notre démarche scientifique s’inscrit dans le cadre des sciences sociales, dans le sens où la spatialité est une dimension de la société et de son historicité.

Nous chercherons à traiter notre objet dans une pensée interdisciplinaire : penser la frontière c'est de facto repousser/refuser, sans jeu de mots, les limites disciplinaires.

2. L’équipe de recherche :

Véronique Bontemps, anthropologue, IRD, Ifpo Amman.

Philippe Bourmaud, historien, Université Lyon III.

Didem Daniş, anthropologue, Université de Galatasaray, Istanbul.

Daniel Meier, sociologue du politique, Université d’Oxford.

Cyril Roussel, géographe, Ifpo Amman.

2 Interface car la frontière filtre et canalise les relations entre des espaces qui existeraient de manière plus diffuse sans elle.

3 Territoire frontalier dupliqué de chaque côté de la ligne.

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