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Pierre Danel 1902/1966

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Texte intégral

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Introduction

A

u matin du 13 septembre 1966 s'arrêtait brusquement la vie de Pierre DANEL, à l'issue sans doute d'une longue maladie qui n'avait cessé d'inquiéter son entourage, mais sans qu'elle ait porté aucune atteinte à la clarté de son génie: une longue discussion technique s'était encore déroulée avec quelques amis jusqü'à une heure très avan- cée de la nuit et ils avaient été frappés par la lucidité et la pénétration étonnantes de sa pensée. Son souvenir, après plus de quatre ans qu'il nous a quittés, reste vivant parmi ses collaborateurs et ses innombrables amis et il a semblé àLa Houille Blanche qu'il lui appartenait de tracer, par une série de courts articles réunis en un même numéro, un por- trait le plus complet possible de celui qu'elle considère à juste titre comme son fondateur, car la série rénovée de sa publication commencée en 1946 a été, en vérité, une revue entièrement nouvelle dans le fond comme dans la forme.

Pierre DAN EL a eu une influence considérable en de nombreux domaines tant de la science et de la technique hydrauliques que de la formation des ingénieurs et de la philosophie de la recherche et il est bon de rassembler l'essentiel de sa contribution et de son action dans quel- ques-uns des domaines où elles se sont exercées: c'est ce que l'on se propose ici, sans avoir bien entendu la préten- tion de traduire la totalité de son expérience, ni de ras- sembler les multiples aspects de ses enseignements.

Le 16 octobre 1948, lors de la remise à Pierre DANEL de la Légion d'honneur par le président Léon Perrier, qui avait voulu traduire ainsi que la Compagnie Nationale du Rhône reconnaissait son rôle primordial dans la coupure du fleuve à Génissiat, M. Gariel a été amené à retracer la carrière de l'Ingénieur en chef des Services techniques des Etablissements Neyrpic. Dès l'abord, en rappelant la rencontre fortuite sur les pentes de la montagne Sainte- Geneviève de DAN EL et du Directeur des études de l'Ecole Polytechnique, M. Eydoux, qui l'avait alors aiguillé sur Neyrpic, M. Gariel se demandait ce qui serait arrivé si ce contact imprévu n'avait pas eu lieu: « Il est certain, disait-il, que Beauvert ne serait pas ce qu'il est. Il serait peut-être mieux; il serait probablement plus mal, mais en tout cas il serait autre, étant donné l'apport vraiment fon- damental qu'a représenté sa personnalité dans le dévelop- pement de ce haut lieu de l'Hydraulique qu'est devenu Neyrpic. »

Il me semble que le jugement ainsi porté par M. Gariel sur l'influence primordiale de DANEL à Neyrpic, qui s'est prolongée et amplifiée ensuite à SOGREAH, pourrait carac- tériser tous les thèmes qu'abordent les articles qui suivent et qui, après avoir retracé la vie même de DANEL, le montrent à l'action, soit dans le cadre des organismes où il a exercé une influence importante, soit dans ses relations avec les milieux de la recherche hydraulique dans diffé-

rents pays, soit dans sa contribution à l'avancement des connaissances dans divers domaines de l'hydraulique.

Dans chacun d'eux, le lecteur pourra se poser la même question que s'est posée M. Gariel pour Neyrpic et je pense que partout il y verra la même réponse.

On trouvera donc, ci-après, une première série d'articles traitant du rôle de Pierre DANEL dans La Houille Blanche, puis dans l'Association Internationale de la Recherche Hydraulique AIRH, puis dans la Commission Internationale des Irrigations et du Drainage, puis dans la SHF et enfin ses relations avec l'Université.

En ce qui concerne les relations avec les milieux de la recherche hydraulique dans différents pays, on a retenu surtout celles avec les Etats-Unis.

Enfin, suivent différents articles relatant la contribution de DANEL à l'avancement de la recherche, au domaine des turbines, dans les questions de ports, pour les barrages, pour l'hydraulique fluviale et pour l'irrigation. Une dernière note donnera la bibliographie complète de l'œuvre publiée par DANEL. Tous ces articles parlent d'eux-mêmes et les commentaires semblent superflus.

Il me paraît cependant intéressant de donner, pour con- clure, la physionomie de DANEL telle que la voyait M. Ga- riel, après vingt ans d'une collaboration très étroite et d'échanges fréquents, et qu'il traduisait à la fin de son inter- vention lors de la remise de la Légion d'honneur :

«Nous savons tous que Pierre DAN EL est un grand ingé- nieur, un grand savant, l'animateur d'une grande équipe.

Je n'entreprendrai pas d'analyser son esprit, ni son œuvre.

« Je dirai simplement que, en matière de sciences, Pierre DANEL est d'abord un homme qui sait l'histoire et la géographie: l'histoire, c'est-à-dire la connaissance des hommes et des choses qui nous ont précédés, la géographie qui est la connaissance des hommes et des choses qui exis- tent en même temps que nous.

« Cette double connaissance, jointe à la maîtrise totale d'une langue universellement répandue, donne un avantage incalculable: elle évite de redécouvrir à chaque instant l'Amérique et de se donner la peine d'inventer perpétuel- lement des choses connues. Au contraire, elle permet d'utiliser à chaque instant toutes les ressources que vous offrent les autres soit dans le passé, soit dans le présent.

Si donc on a une documentation organisée complétée par une mémoire étendue, les matériaux dont on dispose à chaque instant sur n'importe quel sujet sont immenses.

Si, en outre, du génie anime cette connaissance, si une passion d'artiste la fait vibrer, les résultats deviennent étonnants.

« Je crois que c'est là le mécanisme profond des réus- sites de Pierre DANEL. »

Henri DAGALLIER.

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Pierre Danel

1902/1966

P

!ERREDANEL est néà Roubaix (Nord) le 19 octobre 1902.

C'est dans cette ville qu'il fit ses premières études, poursui- vies ensuite au lycée de Tourcoing, puis, de 1919 à 1924, au lycée Carnotà Paris. C'est de cette dernière période de sco- larité (1924) que date sa première publication intitulée:

«Note sur les cubiques circulaires unicursales »parue dans la Revue de mathématiques spéciales. Il venait d'obtenir le prix spécial de l'Association des anciens élèves, décerné au meilleur élève en mathématiques.

Entré à l'Ecole cenlrale des Arts et Manufactures de Paris, il obtint son diplôme d'ingénieur en 1927. Il effec- tua ensuite son service militaire comme oflicier observateur aérostier à l'Ecole milituire d'aéronautique de Versailles, ce qui lui donna sans doute sa première occasion d'expéri- menter la structure cie la turbulence.

La petite histoire raconte que, rentré dans la vie civile et alors qu'il arpentait les pentes de la Montagne Sainte- Geneviève en quête d'une situation, il rencontra M. Ey- cloux, à l'époque diïCcteur d'études cie l'Ecole polytech- nique; cie cette rencontre naquit la vocation de Pierre DAN EL; orienté, par M. Eydoux, vers le laboratoire des Ateliers Neyret-Beylier et Piccarcl-Pictet . - devenus par la suite les Etablissements Neyrpic - il y commence sa carrière professionnelle le 12 octobre 1928.

En 1918, cette firme avait éclifié un laboratoire de 65 m2 à Beauvert, au sud cie Grenoble, pour essayer sur modèle - les roues de turbines Francis; en 1923, Maurice Gariel et Georges Routin, exécutant un modèle réduit de l'ensemble de la centrale Drac-Romanche, avaient

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prouvé que cette technique permettait également de ré- soudre les problèmes posés dans ce nouveau domaine.

Année par année, Pierre DANEL allait s'attacher à le développer. Immédiatement passionné pour l'hydraulique, se rendant compte très vite des immenses possibilités des études sur modèle réduit, comprenant qu'il fallait être un précurseur dans cette voie, si l'on voulait prétendre y tenir une place à l'échelle internationale, il apporta à cette tâche toute l'impulsion de son génie créateur.

Refusant toute routine, il marque son travail de sa puis- sante originalité avec une équipe de pionniers dont on dit qu'elle poursuivait son travail bien en dehors des horaires et de l'enceinte de Beauvert.

Quarante années de recherches, d'essais, d'études mar- quées de quelques jalons :

- En 1934, avec le modèle du barrage de Jons, sont abordés les problèmes d'affouillements en rivière;

- En 1940, fonctionnait le premier modèle maritime (port de Boulogne-sur-Mer) qui utilisait des appareils à vagues conçus en 1937;

- Le processus de réalisation d'un batardeau en pierres lancées est mis au point à l'occasion de la coupure du Rhône à Génissiat;

- En 1944, dans des conditions exceptionnellement dif- ficiles et dans un temps record, le laboratoire étudie à la demande de l'état-major allié - les conditions du passage du Rhin;

- En 1955, le modèle réduit franchit une étape déci- sive, reproduisant fidèlement l'évolution de l'estuaire de la Seine depuis 1869 et permettant de projeter avec sécu- rité les ouvrages d'amélioration du chenal qui ont été, depuis lors, réalisés avec toute l'efficacité prévue.

Mais on ne peut non plus passer sous silence l'impor- tante contribution de Pierre DANEL dans le domaine de l'hydrallliquc appliquée à l'agriculture. Il imagina des appareils simples et ingénieux de répartition des débits et du contrôle des niveaux dans les canaux d'irrigation, désormais répandus dans un grand nombre de pays.

Par ailleurs, il prit une part déterminante dans les pro- grès de la technique des turbines et des vannes hydrau- liques; il fit équiper un laboratoire - devenu maintenant partie intégrante de SOGREAH - de remarquables moyens d'essais dans le domaine de la cavitation et, jus-

LA HOUILLE BLANCHE / N° 6-1970 qu'à ses derniers jours, contribua à l'étude de la première centrale marémotrice du monde.

Dans le même temps, Pierre DANEL se persuadait qu'il ne suffit pas cie connaître la science à travers les livres, science déjà figée, mais qu'il était indispensable de suivre la science telle qu'elle se crée à chaque minute du présent.

Il entreprit d'innombrables visites des laboratoires d'hy- draulique à travers le monde, consignant ses observations dans de minutieux comptes rendus, et participa à de très nombreux congrès internationaux, colloques ou symposia.

C'est lors de ses tournées, sans doute, qu'il renforça sa conviction de l'importance, pour les cherchcurs, de la documentation vivante, aisément accessible, qu'il s'attacha sans relâche à créer à Beauvert.

Là aussi naquit son désir de diffusion de la recherche hydraulique, désir qu'il réalisa après guerre en fondant La Houille Blanche, nouvelle série, qu'il dirigeait et ani- mait avec passion.

Prolongement naturel de son goùt de former autrui qu'il exerça de 1933 à 1945 comme directeur du Labo- ratoire d'hydraulique de l'université de G renohle et comme chargé de cours de l'Institut polytechnique, il sut profiter de la période d'activité réduite de la guerre pour fortifier son équipe, animant des séries de colloques permettant d'approfondir tels problèmes techniques qui le préoccupaient et de conserver intact le potentiel du Laboratoire.

Chevalier de la Légion d'honneur, officier de l'Instruc- tion publique, chevalier du Mérite agricole, membre du Comité technique de la Société Hydrotechnique de France, de la Société des ingénieurs civils, de l'Association tech- nique maritime et aéronautique, de la Société scientifique du Dauphiné et de nombreuses sociétés savantes étran- gères, Pierre DANEL était ancien président de l'Association internationale dc rechcrches hydrauliques ct de la Com- mission internationale des irrigations et du drainage.

C'est pour tout cela que nous devons considérer 1966, non comme un achèvement, mais comme un couronne- ment d'une carrière exemplaire de quarante années au cours desquelles se nouèrent, entre Pierre DANEL et le monde de l'hydraulique, mille liens d'amitié et d'estime que sa disparition n'a pu dénouer.

Georges HALBRONN.

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Pierre Danel

et

"La Houille Blanche"

Tous ceux qui ont connu Pierre DANEL s'en souviennent:

avec lui, les idées nouvelles jaillissaient sans cesse, à un rythme tel que seule une faible partie pouvait aboutir à une réalisation, souvent en éveillant chez l'un ou l'autre une résonance qu'il entretenait de temps en temps au moment opportun.

La Houille Blanche a été une de ses grandes idée" et surtout une de celles qu'il a suivies lui-même de hout en bout, avec l'équipe qu'il avait formée, en lui consacrant une part importante de son temps, et en agissant dans tous les domaines pour atteindre le but qu'il s'était fixé.

On peut dire que ce but a été atteint, peut-être même au-delà des espérances qu'il avait pu nourrir au départ.

L'idée initiale était de diffuser les résultats obtenus par les équipes de recherche grenobloises, mais jamais Pierre DANEL n'accepta la conception d'un bulletin d'entreprise.

Ce qu'il voulait, c'est une tribune où les hydrauliciens du monde entier puissent s'exprimer et dialoguer, en un mot une revue d'audience internationale. Imaginait-il, quand il se consacrait, entre août 1944 et la fin de 1945, à la mise sur pied de la revue, puis à la préparation du pre- mier numéro, que cette revue deviendrait rapidement l'une des premières dans son domaine, les trois quarts de son tirage sortant de nos frontières?

Cette période de préparation, avec les conceptions s'ans cesse renouvelées et améliorées, l'impatience de Pierre DANEL, qui supportait mal un délai entre l'idée et sa matérialisation, les difficultés de l'époque, où par exemple trouver du papier d'imprimerie était une aventure, lais- sera à ceux qui y ont participé un souvenir inoubliable, couronné par la sortie du premier numéro, en janvier 1946.

Pour la rédaction, Pierre DANEL avait fait appel à ses collaborateurs, leur suggérant des sujets d'articles, ainsi qu'à des spécialistes de la région. Le résultat est un numéro d'une haute tenue. On y trouve des articles qui

feront date, une rubrique documentaire très étoffée, des documents photographiques, tout ceci dans une présen- tation digne des meilleurs périodiques. Rien dans cette réalisation ne donne l'impression d'un travail d'amateur.

Comme dans tous les domaines où sa curiosité univer- selle l'entraînait, Pierre DAN EL était allé d'emblée au fond des choses, il avait appréhendé le problème sous tous ses aspects, et la solution qu'il avait élaborée était, dès le départ, viable.

Avec le premier numéro, la publication est lancée. Elle continue régulièrement, au rythme de six numéros par an.

Très vite, la revue va prendre le caractère qu'elle a conservé depuis. Dès le numéro 3, des auteurs étrangers participent à la rédaction, les Miscellanées apparaissent, sous l'égide de « Cyprien Leborgne », ainsi que des repro- ductions de gravures anciennes, dont Pierre DANEL était grand collectionneur. Le numéro 5 voit le début de la série des portraits d'hydrauliciens célèbres.

A partir de 1948, la revue publie huit numéros par an.

C'est qu'en effet elle est devenue l'organe de l'Association pour la diffusion de la documentation hydraulique. Bien entendu, la même équipe continue de l'animer. C'est d'ailleurs seulement à partir de cette année que le nom de Pierre DANEL figure au « générique ». La Société Hydrotechnique de France est un des piliers de l'asso- ciation, et les deux numéros annuels supplémentaires publient les comptes rendus des sessions de son Comité technique. Dès cette année, de nouvelles rubriques sont créées: les Notules hydrauliques, le Coin du labo, le Vocabulaire technique international de l'ingénieur. Le carac- tère international de la revue se confirme aussi par une participation accrue des auteurs étrangers, une utilisation de plus en plus systématIque du bilinguisme français- anglais, cher à Pierre DANEL. L'intérêt est soutenu par un dosage judicieux de théorie, d'observation, de pratique,

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d'érudition et d'humour, qui reHète les divers aspects de la personnalité du «patron ».

Au cours de ses nombreux voyages à l'étranger, celui-ci n'oublie jamais La Houille Blanche. Il la fait connaître, fait pour elle une moisson de documents et suscite de nouvelles collaborations.

Lorsque paraît le premier numéro de 1949, trois années ont passé. La revue a pris sa forme presque définitive, sa renommée s'est étendue à travers le monde. Il suffit de persévérer dans la même voie, patiemment. Cependant, en continuant à feuilleter la collection (193 numéros publiés à l'heure actuelle), on trouve sans cesse des amé- liorations, des nouveautés, fruits de l'imagination de Pierre DANEL et du travail de son équipe. Les Conduites forcées, J'hydraulique au Brésil, le Rhin, les Grands aménagements hyclrau/iques, le Plan Delta, le Danube, les thèmes des sessions de la Société Hydrotechnique de France font l'objet de numéros spéciaux. L'Histoire de l'hydraulique, de Hunter Rouse et Simon Ince, est publiée en anglais et en français, par fascicules, entre 1954 et 1956. Ces livrai- sons constituent l'édition originale de l'œuvre. La Houille Blanche entreprend aussi la publication d'une collection d'ouvrages hors série : Génissiat, Hydraulique et élec- tricité françaises, celui-ci comportant une édition fran- çaise et une édition anglaise, Bort, Donzère-Mondragon, Tignes ...

]] est certain que ces quelque vingt mille pages impri- mées n'auraient pas vu le jour sans Pierre DANEL, un homme qui, de notoriété publique, n'aimait pas écrire (on dit qu'il était diHkile de lui arracher même une signa- ture). Peut-être aurait-il aimé que l'on considère cette floraison comme une manifestation éclatante de ses dons d'illusionniste, et qu'on ne retienne pas le travail patient, les multiples démarches, le harcèlement incessant qu'il exerçait sur les uns et les autres. C'est cependant de tout

LA HOUILLE BLANCHE / N° 6-1970

cela que se souviennent, avec joie, ceux qui ont eu la chance de participer avec lui à cette aventure, et qui main- tenant essaient de la poursuivre comme il l'aurait souhaité.

Pierre DANEL a pensé sans cesse à La Houille Blanche, il a mobilisé à son service son intelligence, son imagination, ses lectures (s'il n'écrivait pas, il lisait beaucoup), ses col- laborateurs, ses amis, :;es relations internationales. Le résultat n'est certainement pas indigne de son génie et de sa patience. Par les articles que nous publions aujourd'hui, on peut se faire une idée, à coup sür très incomplète, de la dimension de son œuvre et de l'étendue de son inHuence.

Dans cette œuvre, et comme support de cette inHuence, La Houille Blanche occupe une place, modeste en valeur relative, mais essentielle. A son nom, le nom de Pierre DANEL est inséparablement lié.

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Pierre Danel et r Association

Internationale de Recherches Hydrauliques

L'AsSOCIATION INTERNATIONALE DE RECHERCHES HYDRAU- LIQUES fut fondée en 1935 sous l'impulsion du professeur Fellenius et du professeur Rehbock, dans le but de pro- mouvoir la coopération et les échanges de vue entre les chercheurs hydrauliciens du monde entier.

Moins de deux ans plus tard, en 1937, Pierre DANEL, qui dirige alors le Laboratoire d'Hydraulique des Etablisse- ments Neyret-Beylier et Piccard-Pictet (depuis lors Neyr- pic), devient membre de l'Association à laquelle il consacre, pratiquement jusqu'à sa mort en 1966, une intense et fruc- tueuse activité.

L'année 1937 est celle du premier Congrès de l'AIRH à Berlin. Pierre DANEL y participe.

La période de la guerre suspend évidemment la vie active de l'Association, puis celle-ci reprend assez rapidement son cours normal sous l'égide du président Fellenius qui orga- nise en 1948 à Stockholm le deuxième Congrès, auquel Pierre DANEL prend une part active.

L'Assemblée générale qui se tient à l'occasion de ce Congrès l'élit comme membre du Conseil.

Les statuts de l'Association prévoient un intervalle de deux ans entre chaque Congrès, mais il faut rattraper le temps perdu et le troisième Congrès a lieu dès 1949 à Gre- noble: c'est Pierre DANEL qui en est l'organisateur.

Le rythme bi-annuel reprend ensuite. Pierre DANEL sera activement présent à tous les congrès jusqu'à celui de 1963 à Londres. Seule sa santé, déjà altérée, l'empêchera d'assis- ter au Congrès de Léningrad en 1965.

En 1951, il avait accédé à la vice-présidence et en 1955, à La Haye, l'Assemblée générale l'élit président; son mandat sera renouvelé en 1957 à Lisbonne. Sous sa présidence se poursuivra la progression en effectifs et en audience inter- nationale de l'Association.

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Le professeur A.T. Ippen qui lui succéda en 1960 lui demanda, en même temps qu'au professeur L. Straub et au professeur Thijsse, de poursuivre leur œuvre au sein du Conseil en tant que membres cooptés: c'est à ce titre que Pierre DANEL continua, presque jusqu'à sa mort, à prendre une part active aux travaux du Conseil de l'Association.

Le Laboratoire d'Hydraulique des Etablissement Neyrpic que Pierre DANEL dirigeait au moment où il devint membre de l'AIRH, se consacrait principalement aux études de ma- chines hydrauliques et à la mise au point sur modèles réduits d'ouvrages hydroélectriques.

Ces activités du début, Pierre DANEL les développera considérablement et leur donnera la marque du grand hy- draulicien qu'il était. Mais la forme de son esprit le pousse à élargir les connaissances que lui-même et ses collabora- teurs ont acquises dans l'hydraulique des ouvrages et à susciter de nouveaux champs d'application de la recherche en mécanique des fluides. C'est de cette façon que se for- mera progressivement le très important centre de recher- ches et d'ingéniérie qui, en 1956, deviendra, sous le nom de SOGREAH, une société indépendante sous la présidence de Pierre DANEL.

En 1962, sa santé l'oblige à abandonner la présidence active de SOGREAH, mais il continuera d'être un anima- teur et un conseiller scientifique écouté des équipes qu'il a rassemblées.

Pendant de nombreuses années, Pierre DANEL dirigea le Laboratoire de Mécanique des Fluides de l'Université de Grenoble et assuma la charge d'un cours d'hydrodynamique dans cette même université.

Ce bref rappel de ce que fut la carrière professionnelle et l'activité universitaire de Pierre DANEL nous paraît néces- saire ici, car une même raison explique, à notre sens, l'am-

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pleur de son rôle à SOGREAH, l'efficacité de son enseigne- ment et l'importance de la trace de son action à l'AIRH : toutes ces activités étaient inspirées par les mêmes idées directrices, clairvoyantes et généreuses.

Ainsi, il pensait profondément que la recherche, pour être efficace doit être menée par des groupes animés d'un authentique esprit d'équipe. Mais ces équipes ne doivent pas se replier sur elles-mêmes; elles doivent communiquer le plus largement possible avec celles qui explorent le même domaine de la Science, avec celles qui, dans des domaines voisins, exploitent des méthodes analogues.

On retrouve ce souci de communication la plus large possible dans la création, sous sa présidence, du Comité

«Membership », du Comité pour les études fondamentales, du Comité pour les machines hydrauliques et la cavitation, du Comité pour l'étude des côtes (Lisbonne 1957) et du Comité pour les problèmes des glaces (Montréal 1959).

Pierre DANEL pensait aussi que l'esprit d'équipe et les communications confiantes entre chercheurs ne peuvent s'établir qu'au prix d'une certaine vigilance: il faut éviter que les individus ne soient noyés dans les groupes, il faut éviter également que des structures trop rigides s'inter- posent entre les chercheurs. C'est en partant de ces idées qu'il défendit toujours le caractère d'association de per- sonnes qui est celui de l'AIRH et qu'il marqua toujours sa préférence pour la présentation individuelle des commu- nications dans les congrès.

C'est aussi pourquoi il prit une part active à la création des séminaires et des symposiums spécialisés, plus favora- bles que les congrès à des contacts directs entre spécialis- tes. L'un des premiers symposiums qui fit suite aux déci- sions prises par le conseil à Lisbonne en 1957 fut le sympo- sium tenu à Nice en 1960 sur les machines hydrauliques et

la cavitation organisé conjointement par l'AIRH et la Société Hydrotechnique de France, et dont Pierre DANEL fut l'un des animateurs.

Il ne semble pas utile de rappeler dans cette revue, dont il fut le fondateur, l'importance que Pierre DANEL atta- chait à la diffusion des connaissances par la presse tech- nique, mais il faut peut-être souligner l'intérêt qu'il prit à la création, sous l'impulsion du président A.T. Ippen, du Journal de l'AIRH.

Pour décrire de façon plus complète tout ce que Pierre DANEL a apporté à l'AIRH, il nous faudrait aussi parler de son œuvre scientifique. Nous lui sommes redevables d'un grand nombre de communications présentées lors de nos congrès successifs: celles qu'il a préparées et présen- tées lui-même et toutes celles bien plus nombreuses encore présentées par des auteurs dont il avait inspiré et guidé les recherches.

Pierre DANEL était, nous l'avons dit, profondément animé du désir de communiquer ce qu'il savait. Il était aussi un auditeur et un lecteur attentif, toujours soucieux de recon- naître l'intérêt de l'apport de ses interlocuteurs. Ce com- portement traduisait non seulement la clairvoyance de son esprit scientifique, mais aussi la générosité de ses senti- ments.

Plusieurs années ont passé depuis la disparition du pré- sident Pierre DANEL, mais il apparaît aujourd'hui que se confirme pleinement ce que nous écrivions au lendemain de sa mort dans le Journal de l'AIRH :

« Cet homme de dialogue avait de très nombreux amis, en particulier au sein de notre Association. Pour cette rai- son, autant que pour ce qu'il a légué à l'AIRH, son souve- nir s'y perpétuera. »

Léopold ESCANDE et Jacques DUPORT.

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Pierre Danel et la Commission

Internationale des Irrigations et du Drainage

LA

disparition de Pierre DANEL a été durement ressen- tie par tous ceux qui l'ont bien connu, qui ont travaillé avec lui et qu'il honorait de sa confiance et de son amitié.

Ce fut le cas pour le signataire de cette courte notice qui, au cours d'une longue carrière entièrement consacrée aux multiples problèmes de l'eau avait eu tellement à profiter de ses éminentes qualités, du dynamisme intelligent des équipes de chercheurs qu'il dirigeait, et à qui il avait su insuffler son goût de l'imagination scientifique mise au ser- vice des problèmes techniques.

Encore que ceci soit quelque peu hors du sujet de cet article, il m'est difficile de ne pas évoquer les temps loin- tains et heureux où, avec Pierre DANEL et ses collabora- teurs, nous cherchions notamment à mettre en œuvre la commande intégrale par l'aval de la longue conduite qui alimente la région oranaise, en Algérie, à partir du barrage de Beni-Bahdel, ce qui était probablement la première réa- lisation du genre et s'est traduit par un succès total. Ces années-là avaient vu aussi, sous l'impulsion de M. René Martin, alors directeur du Service de l'Hydraulique d'Algé- rie, et de moi-même, l'étude par les mêmes équipes puis la réalisation de toute la gamme des appareils automatiques destinés à l'irrigation et qu'on rencontre maintenant un peu partout dans le monde (vannes à niveau amont ou à niveau aval constant, partiteurs de divers types, modules à masques, etc.). Pierre DANEL avait consacré à ces études dont il voyait clairement toute l'importance et tout l'avenir, et à d'autres aussi d'un très grand intérêt, le meilleur de son intelligence et de sa foi dans le progrès technique. Si l'on mentionne ici, en passant, cette période et ces souvenirs, c'est simplement pour jeter quelque lumière sur les cir- constances d'une longue collaboration avec un homme à la personnalité particulièrement attachante, lesquelles nous avaient permis de le connaître bien et d'en apprécier l'ir- remplaçable valeur.

Revenons maintenant à notre propos, celui du rôle de Pierre DANEL au sein de la Commission Internationale de l'Irrigation et du Drainage et de l'Association Française pour l'Etude des Irrigations et du Drainage.

En 1951 s'était tenu à New Delhi, en Inde, le premier congrès d'une Commission Internationale des Irrigations et du Drainage, dont la création était due à l'initiative de nos collègues indiens. Cette commission était donc encore dans l'enfance. La France y était représentée par Pierre DANEL, par le regretté Henri Hupner, inspecteur général des Ponts et Chaussées, et par le signataire de ces lignes. A la suite de ces réunions, les trois représentants français se sont ingéniés à constituer, avec l'accord de tous les services techniques intéressés, et notamment la Direction générale du Génie Rural, un organisme national capable d'étudier ces problèmes complexes sous tous les aspects, de promou- voir progressivement une doctrine française en matière d'ir- rigation et de drainage, et d'assurer sa diffusion grâce à une représentation de bon aloi au sein de la Commission Internationale. C'est ainsi qu'est née l'Association Française pour l'Etude des Irrigations et du Drainage (AFEID) qui groupe non seulement des ingénieurs des différentes disci- plines intéressées, de grands services publics, mais aussi des industriels et des entrepreneurs dont l'activité est liée aux buts de l'Association, enfin des praticiens de l'irrigation et du drainage. La structure particulière et la composition de cet organisme, qui vit certes difficilement de ses propres ressources, sans qu'à des détails près le Gouvernement ait jamais cru possible de lui accorder une aide, lui a permis de faire très bonne figure sur le plan international et de faire apprécier à l'étranger les vues scientifiques et tech- niques élaborées dans notre pays. On doit ici affirmer que cette Association n'aurait pu voir le jour ni fonctionner au moins dans les premières années hors de la présence de Pierre DANEL, qui en était l'animateur principal, le conseil- ler très écouté et qui de plus avait accepté de faire assumer la lourde tâche du secrétariat par son propre service et en payant largement de sa personne.

Dès 1953 s'était posée, au sein de la Commission Interna- tionale, la question d'un dictionnaire technique bilingue (anglo-français) des irrigations et du drainage. Il s'agissait d'une tâche d'un puissant intérêt, mais longue et difficile.

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LA HOUILLE BLANCHE 1 N° 6-1970

La contribution personnelle de Pierre DANEL lors des tra- vaux préliminaires a été d'une importance fondamentale.

Sa profonde connaissance des deux langues de base et de leurs variations techniques suivant les pays où elles sont parlées, sa vaste expérience acquise au cours de longs séjours dans la plupart des pays du monde lui permettaient d'être en fait le «chef d'orchestre ». Nul autre que lui ne pouvait jouer ce rôle avec autant d'efficacité. Quand on a pu passer à la phase de réalisation pratique, sa super- vision a été d'une très grande utilité. Le dictionnaire bilin- gue est maintenant édité. Il est extrêmement apprécié de tous les utilisateurs et sert maintenant de base à toute une série d'éditions, en nombre d'autres langues, actuellement en cours de préparation. La France peut être fière de la très large contribution qu'elle a apportée dans ce domaine, mais il convient de ne pas oublier qu'elle le doit essentiellement à Pierre DANEL et à ses proches collaborateurs.

Le deuxième congrès international s'était tenu à Alger en 1954, sur invitation de la France. Pierre DANEL avait été chargé du rapport général d'une des questions inscrites à J'ordre du jour, celle de la revanche dans les canaux. La tâche de rapporteur général est pour une bonne partie assez ingrate, et n'est pas toujours parfaitement comprise. Il n'est certes pas aisé de faire une synthèse utile des différents rapports particuliers, de distinguer les idées présentant certains caractères de généralité et de progrès, ni de met- tre en lumière les points qui méritent une discussion ou des études complémentaires. Les rapports généraux des congrès techniques sont de ce fait de valeur inégale. Celui de Pierre DANEL au congrès d'Alger a été à juste titre remarqué com- me un des modèles du genre, et sa lecture, à quatorze ans d'intervalle, est encore pleine d'enseignements et toujours d'actualité.

Depuis cette époque, Pierre DANEL avait été fort assidu à la plupart des réunions internationales, auxquelles il pre- nait toujours une part très active, et où il était fort écouté:

congrès de San Francisco en 1957, de Madrid en 1960, de Tokyo en 1963. Dans toutes les réunions annuelles du

Conseil exécutif, il jouait un rôle éminent, excellant à clari- fier des questions souvent mal posées, à trouver des moyens de sortir de situations confuses, et à rapprocher des points de vue divergents.

Cette activité, si constante et si féconde, avait reçu sa consécration le 14 mai 1963 lorsque le Conseil exécutif tenu à Tokyo en liaison avec le congrès qui avait lieu cette année-là, avait porté Pierre DANEL, à l'unanimité et dans l'enthousiasme, à la présidence de la Commission Interna- tionale.

Son décès, survenu le 13 septembre 1966, a été durement ressenti non seulement en France, mais dans tous les pays membres de la Commission Internationale. Les très nom- breux et touchants témoignages de sympathie reçus en cette tragique conjoncture par le bureau de l'Association Fran- çaise révèlent non seulement les regrets que laisse la dis- parition d'un grand ingénieur et d'un animateur hors pair, mais aussi une peine plus profonde, plus affective et plus humaine.

Dans la vie et dans l'œuvre de Pierre DANEL, ses activi- tés tant au sein de l'Association Française qu'en celui de la Commission Internationale des Irrigations et du Drai- nage, depuis les origines de ces deux organismes, ne sont certes pas ce qu'il y a de plus fondamental et c'est pour- quoi on s'est permis de les résumer en peu de mots. Mais il est remarquable qu'elles aient été assumées avec tant de constance et d'efficacité, et qu'elles aient tant contribué à promouvoir dans les disciplines en cause le rayonnement français à l'étranger.

On rappellera aussi en terminant que, parmi tant d'au- tres, ces fructueuses activités ont été exercées pendant de longues années avec un exceptionnel courage, au mépris de la fatigue et des souffrances physiques souvent très dures infligées par un corps déjà profondément blessé.

Pierre DANEL est mort à la tâche, et sa fin nous fait mieux comprendre encore J'homme éminent et l'ami que nous avons perdu.

Georges DROUHIN.

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Pierre Danel et la

Société Hydrotechnique de France

PIERRE DANEL a peu écrit pour la SHF. Une recherche bibliographique a mis en évidence dans les Mémoires et Tra- vaux de la SHF seulement deux numéros où on retrouve son nom:

1" Vol. I / année 1952, pages 30 et 32, deux communi- cations aux 2'>8 Journées de l'Hydraulique (Grenoble), l'une présentée en l'absence de M. Chapus sur l'entretien des oscillations des eaux portuaires sur l'action de la haute mer: « Extraits de la thèse soutenue devant l'Université de Grenoble par M. McNown, professeur à l'Université d'Iowa (U.S.A.) »; l'autre de lui-même sur la houle limite et le clapotis limite.

2" Vol. II / année 1953, pages 217 à 233, un important article signé par lui-même d'une part et par' MM. Durand et Condolios d'autre part, intitulé: «Introduction à l'étude de la saltation. »

Ceci ne rend absolument pas compte de l'important apport de Pierre DANEL à la SHF. Sa personnalité très puis- sante, très originale et très attachante a influencé nos tra- vaux tout au long de sa vie professionnelle et je me sou- viens avoir, de très nombreuses fois, pendant mes dix an- nées à la présidence du Comité technique, discuté avec

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lui soit de technique, soit d'organisation de séance ou de journées. Son influence était très grande, des qualités de cœur très précieuses assuraientà sa pensée un grand rayon- nement.

Les communications de 1952, très résumées, ne se prê- tent pas aisément à des commentaires. Par contre, l'article de 1953 est très révélateur de l'esprit de Pierre DANEL.

Mes amis Durand et Condolios ne m'en voudront certaine- ment pas si j'ai tendance à lui attribuer la façon dont le problème est pris puis exposé, leur contribution technique très importante sur cette question étant bien connue.

Cet article est, à mon avis, un petit chef-d'œuvre et si on a commencé à le lire, on va sans effort jusqu'au bout.

Pour ma part je n'ai cessé en le parcourant d'entendre en moi-même la voix de DANEL expliquant et réexpliquant, j'ai aussi retrouvé certains jeux de physionomie ou certains mouvements de mains très caractéristiques de sa personna- lité. Que ses amis le relisent, ils le verront revivre devant eux.

Je rappelle le thème: on sous-estime le rôle important joué par la saltation dans les problèmes d'entraînement des matériaux alors qu'en fait son rôle est essentiel, par

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LA HOUILLE BLANCHE / N° 6-1970

exemple dans le comportement des rivières à fond mobile.

Dès le début, DANEL fait une grande place à l'histoire.

Les ingénieurs sont persuadés que le passé technique est périmé. C'est très souvent exact sur le plan de l'utilisation immédiate d'un résultat technique, mais ils auraient tort de croire à l'inutilité de l'analyse des chemins par où la pensée est passée, cela les aidera beaucoup à prolonger ou à élargir le résultat obtenu. DANEL le savait et a, toute sa vie, utilisé ou fait utiliser l'histoire technique. Il nous faut en retenir la leçon.

Deuxième point caractéristique; il aime aussi faire un peu d'épistémologie, il aime « philosopher ». Après avoir montré combien le phénomène avait été bien décrit dès 1908 à l'occasion des dunes de sable du désert, il s'étonne qu'il soit « tombé dans un demi-oubli et que l'on n'ait pas cherché à l'intégrer dans les descriptions et théories du transport solide au même titre que, par exemple, les effets de la turbulence sur la suspension ». Il en vient à se demander, donnant ainsi beaucoup de vie par cette touche personnelle à un article austère, pourquoi, « connaissant ce problème, il a mis tant de temps avant d'en apprécier toute l'importance ».

Troisième point, enfin, digne de remarque: toute la partie technique ne comporte ni formule ni développement mathématique. Des petits croquis très parlants, des raison- nements de bon sens faisant d'abord appel à l'intuition puis à des considérations d'hydrodynamique parfois de niveau élevé permettent à ses collègues et à lui-même d'aboutir à vingt-six conclusions chargées de sens et qu'il faut relire près de vingt ans après. Tout cela n'a été possible que grâce à un esprit d'observation exceptionnel, qualité que mettait Pierre DANEL bien au-dessus de l'utilisation bri11ante des calculs.

Au total, M. Gariel, présidant la séance, pouvait dire dans la discussion: « Voilà le commencement d'Un en- semble de travaux qui font honneur à la science fran- çaise et à la SHF. »

Pour ma part, on me permettra de le répéter, il y a là un texte modèle, mettant bien en évidence certaines quali- tés fondamentales de Pierre DAN EL; on ne peut donc que regretter qu'il ait si peu écrit pour nous. Mais son souvenir restera; l'ami, le savant, l'observateur, l'historien seront toujours présents parmi nous.

Robert GIBRAT.

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Pierre Danel

et

l'Université

PARMI les pages du présent recueil qui se proposent de faire revivre la personnalité d'une richesse peu commune de Pierre DANEL, il est naturel que certaines soient consa- crées aux aspects universitaires de son œuvre et le signa- taire de ces lignes, ancien collaborateur de Pierre DANEL, devenu universitaire, est heureux du privilège qui lui est donné de lui rendre ce témoignage.

Associé aux Etablissements Neyrpic dès le début de ma carrière en 1936, c'est aux années qui ont précédé, qui ont inclus et qui ont immédiatement suivi la guerre, que mes souvenirs se reporteront le plus volontiers. Parce que les commencements et la croissance d'une œuvre sont les plus émouvants, parce que le contexte historique de cette époque fut exceptionnel et aussi, pourquoi le nier, parce que ce furent pour plusieurs d'entre nous des années de jeunesse, heureuses malgré l'adversité qui les traversa. On voudra bien ne pas y chercher le souci de l'historien pour la chronologie mais plutôt l'évocation d'un passé sur lequel s'exerce inévitablement le filtre de la mémoire. L'enseignement et la recherche étant les missions principales de l'Université, ce sont, dans l'œuvre dont Pierre DANEL a enrichi Grenoble, ces aspects que je voudrais mettre en lumière.

Il apparaît aujourd'hui évident que le développement des aménagements hydro-électriques entre les deux guerres, exigeait l'acquisition d'une technique nationale de machi- nes hydrauliques, la création de laboratoires puissants de recherche et de développement, la formation d'ingénieurs qualifiés. Et en quelle ville autre que Grenoble, patrie de la houille blanche, cette triple mission pouvait-elle mieux s'accomplir. Le renom international de Neyrpic et de SOGREAH d'une part, de l'Institut National Polytechni- que de Grenoble de l'autre, témoignent aujourd'hui du mérite des hommes inspirés qui, dans l'Industrie et l'Uni- versité, surent percevoir les besoins, entreprendre de les satisfaire, demeurer toujours en tête d'une évolution tech- nique au rythme de croissance exceptionnel.

Les débuts de la carrière de Pierre DANEL se situèrent simultanément sur les deux plans de l'Industrie et de l'Uni- versité. Tandis qu'il donnait une impulsion considérable aux Laboratoires d'essais des Etablissements Neyrpic, il fut en effet de 1934 à 1947, chargé de cours à l'Ecole des Ingénieurs Hydrauliciens de Grenoble dont il assuma à la mort de Routin le cours d'hydraulique. Porté avant tout vers la recherche, préoccupé d'éveiller l'esprit de créa- 522

tion et de découvrir les vrais talents au-delà des critères strictement scolaires, il fut sans doute un professeur bril- lant, mais assez peu conformiste.

Petit à petit, ses obligations professionnelles, de nom- breux voyages à l'étranger, le développement qu'il donna à certaines recherches, l'amenèrent à associer certains de ses collaborateurs à son enseignement dans les domaines, par exemple, des coups de bélier, des mesures hydrauliques, de l'hydrodynamique graphique. Il institua même un cours de français, ayant reconnu avec M. Gariel l'intérêt qu'au- raient beaucoup d'ingénieurs à s'initier à un meilleur ma- niement de leur langue, en lisant par exemple Pascal.

Pierre DANEL fut aussi, plusieurs années durant, directeur du Laboratoire d'Hydraulique de l'Institut Polytechnique.

Il y monta à ce titre diverses installations originales de tra- vaux pratiques, comme la cuve àniveau constant (le presse- purée dans l'argot des élèves) destinée à l'étude des orifices et dérivée d'une de ses brillantes inventions dans le domaine des vannes d'irrigation. De même les machines à transfor- mation conforme sont dues à son initiative et lui sont rede- vables de plusieurs innovations mécaniques. En dehors des travaux pratiques d'élèves, Pierre DANEL développa à l'Ins- titut Polytechnique un courant de recherches, et c'est mê- me un ingénieur confirmé des Etats-Unis qui y prépara (circonstance rare avant 1939) une des premières thèses sur la méthode Allen. Ce courant d'échanges internatio- naux devait bien sûr s'amplifier considérablement après la guerre.

Toujours porté vers quelque création nouvelle, passionné d'histoire des sciences et des techniques, Pierre DANEL amorça également la fondation d'un Musée de l'hydrauli- que, qui plus tard eut malheureusement à souffrir de la pénurie de locaux.

Il résulte de ce qui précède que la personnalité de Pierre DANEL fut tout à fait au centre du développement initial de l'Institut Polytechnique de Grenoble dans le domaine de l'hydraulique. Plus tard, quand SOGREAH prit une di- mension considérable, quand l'Université put elle-même assurer son extension par des créations de postes, l'auto- nomie des deux institutions relevant respectivement des secteurs privé et puhlic devint inévitable.

Cependant, tant d'années de travail en commun (et ce point apparaîtra mieux quand je parlerai de la recherche) devaient entraîner inévitablement un climat de collabora- tion, qui est peut-être la meilleure manifestation de ces liens entre l'Industrie et l'Université dont on se plaît à

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noter le caractère exemplaire à Grenoble. C'est ainsi que l'œuvre de pionnier de Pierre DANEL a conduit aujour- d'hui plusieurs ingénieurs éminents de SOGREAH, à don- ner à l'ENSI d'Hydraulique de Grenoble, cinq heures et demie annuelles d'enseignement sur l'hydrodynamique gra- phique, les machines hydrauliques, l'hydraulique urbaine et la théorie des asservissements. C'est ainsi également que deux anciens ingénieurs du service scientifique de SOGREAH sont devenus professeurs à part entière de l'enseignement supérieur.

L'intérêt que Pierre DANEL porta à l'Université ne fut jamais accessoire. Peut-être même rêva-t-il tout au début de sa carrière, de développer entièrement dans ce cadre son œuvre d'études et de recherches hydrauliques. Sa personna- lité exceptionnelle dépassait en réalité les classifications trop étroites et l'essentiel est qu'il ait pu créer une entreprise de toute façon originale.

PierreDANELfut un chercheur inspiré et un remarquable animateur de recherches et peut-être est-il bon, avant de caractériser son style, de rappeler quelques-unes des idées qui lui étaient chères sur les moyens de favoriser la pro- ductivité de la recherche. Si certaines paraissent aujour- d'hui naturelles, on voudra bien, pour en apprécier plei- nement la valeur, se rapporter à l'époque où elles se situent, c'est-à-dire quarante ans en arrière, et au cadre où il put les mettre en œuvre, qui est celui d'une entreprise indus- trie11e, où dans la hiérarchie des valeurs, la fabrication avait forcément la primauté.

Contrairement à une certaine tendance de l'époque, à se replier sur la science et la technique française, PierreDANEL

comprit très tôt l'importance d'une information étendue sur les travaux étrangers (notamment des Etats-Unis) et en con- séquence la nécessité d'un service de documentation forte- ment équipé. L'objectif était de ficher tout ce qui était publié dans le vaste domaine d'activités de l'entreprise et de pouvoir retrouver très rapidement les documents relatifs à n'importe quel point très précis. Pierre DANEL s'intéressa toujours personnellement à cette œuvre de longue haleine et y associa les ingénieurs de recherche tout en veillant à leur épargner tout travail matériel qui aurait pu les dis- traire de leur mission.

A la suite d'une longue série de recherches, une équipe pouvait être amenée à acquérir une connaissance appro- fondie unique en France d'un sujet (par exemple coups de bélier, ondes dans les liquides à surface libre). Pierre DA-

LA HOUILLE BLANCHE / N° 6-1970

NEL envisageait la publication éventue11e dans l'avenir de monographies, et à cet effet faisait entreprendre une docu- mentation analytique très fine de la question, suivant un canevas qui préfigurait la table des matières de l'ouvrage futur.

L'accroissement du potentiel scientifique et technique du personnel des Laboratoires était une préoccupation ma- jeure de Pierre DANEL. C'est ainsi que sur le plan de la formation ou du recyclage, il organisa pendant quelque temps à l'intérieur de l'entreprise de véritables cours de calcul et de mécanique des fluides. En ce qui concerne la diffusion des connaissances, il fonda pendant les années de guerre, en collaboration avec l'Université, un séminaire d'hydraulique qui se tenait après dîner dans un amphithéâ- tre de l'Institut Polytechnique. Très suivi (y compris par des mathématiciens éminents), il permit parfois de poser des questions théoriques d'un niveau élevé (à l'occasion par exemple du calcul des réseaux maiIIés). Pierre DANEL ne se laissait pas abuser par l'apparente simplicité de certaines questions dites élémentaires (par exemple les applications du théorème des quantités de mouvement ou l'analyse di- mensionnelle) et il n'hésitait pas à organiser à leur sujet de longues séries de conférences internes.

Pierre DANEL savait le puissant stimulant de la recher- che que constituent les échanges internationaux. Grand voyageur, hautement estimé dans de nombreux pays et par des hommes de profils très variés depuis les responsables d'aménagements hydrauliques jusqu'aux théoriciens des universités, il porta loin le renom de la recherche accom- plie à Grenoble et lui donna une dimension nouvelle par le courant de visites et d'échanges qu'il suscita. Est-il be- soin enfin de rappeler le rayonnement international que Pierre DANEL sut donner à la revue La Houille Blanche quand il en assuma la direction.

Pierre DANEL avait une personnalité comme on en ren- contre rarement et dont la richesse se laisse difficilement enfermer dans quelques catégories simples et sans nuances.

Je voudrais cependant essayer de dégager dans le remar- quable animateur de recherches qu'il fut, quelques traits caractéristiques de son style et surtout quelques aspect~

exemplaires de son message.

II m'apparaît d'abord que Pierre DANEL doit être situé dans la lignée de ces hommes de la Renaissance, doués d'une curiosité universelle, capables de tout apprendre et de tout dominer. Cete gamme étendue d'intérêts, pouvait

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HOMMAGE A PIERRE DANEL

parfois tromper l'interlocuteur peu perspicace et l'induire à soupçonner une pointe de superficialité. Il n'en était rien et l'une des caractéristiques de l'esprit de Pierre DANEL était précisément d'aller au cœur des choses où tout est simple et d'où toute création peut procéder. Un de ses critères de jugement des hommes était d'ailleurs l'aptitude à posséder à fond une question, fut-elle très éloignée de ses préoccupations, et il n'avait que sarcasmes pour le savoir livresque.

Les discussions avec son état-major scientifique étaient toujours enrichissantes. Elles pouvaient se tenir au bureau, ou dans des lieux plus propres à la relaxation, comme un restaurant des environs ou une brasserie grenobloise. Là, au milieu d'une demi-douzaine de livres, Pierre DANEL parlait du dernier sujet qui le passionnait (par exemple de la suspension des matériaux) sans se soucier de l'orchestre tzigane qui distrayait ses interlocuteurs, moins capables que lui de s'abstraire de l'environnement. Parfois aussi, un enchaînement imprévu permettait d'abandonner l'hy- draulique et de bénéficier d'un exposé éblouissant par exem- ple sur les écritoires crétoises. Mais il fallait pour cela que s'établisse un état de gri'tce, ou que fonctionne ce que M.

Gariel appelait le synchronoscope, et malheur à l'inter- locuteur, fut-il de haut rang, qui était jugé indigne d'en bénéficier.

Pierre DAN EL, on s'en doute après ce que je viens de dire, appréciait avant tout l'intuition et la capacité d'inno- ver. D'où dans ses jugements, volontiers tranchés, la dis- tinction entre ceux à qui il décernait la classe internatio- nale et les autres qu'il vouait aux ténèbres extérieures. Cette hiérarchie de valeurs l'amenait aussi à des idées person- nelles sur l'éducation, pour laquelle il souhaitait qu'appren- dre fut synonyme de redécouvrir, un peu à la limite comme avait fait Pascal pour la géométrie, mais ce à quoi pou- vaient peut-être difficilement prétendre des élèves moins doués.

Pierre DANEL et les mathématiques pourraient être un autre sujet de méditation. Il estimait, bien entendu, l'ap- port indispensable de la théorie et du calcul à l'art de l'ingénieur, et c'est le lieu de rappeler l'intérêt très vif qu'il porta aux transformations conformes appliquées à l'hydro- dynamique et les aspects originaux qu'il sut y découvrir. Il respectait aussi les missions les plus hautes de l'analyse et regrettait parfois que le destin ne l'y ait pas engagé.

Mais il ne cachait pas son impatience vis-à-vis de certaines théories qui prétendaient servir la physique et qui la per- daient de vue. Comme V. Karman nous le disait un jour, il s'attachait d'abord à savoir si un mets était de la viande ou du poisson sans accorder à la sauce plus d'importance qu'elle n'en méritait. Il est d'ailleurs remarquable que, se voulant d'abord ingénieur, il ait noué des liens avec des théoriciens et même des mathématiciens purs en France et à l'étranger, qui tous tenaient en haute estime son dyna- misme intellectuel et l'acuité de son jugement.

Chercheur, créateur, animateur, organisateur, on peut dire que Pierre DANEL n'avait pas un goùt très vif pour les tâches administratives. On se souvient de la véritable coupe géologique que fut jadis son bureau olt il parvenait quand même à retrouver infailliblement un document. Mais heu- reusement une Direction générale, qui voyait loin, sut le comprendre et lui réserver la liberté d'esprit qui est néces- saire à la recherche et que lui-même s'attacha à défendre pour les collaborateurs qui y étaient engagés.

Grenoble doit son remarquable développement dans le domaine de l'industrie et de la recherche de pointe à quel- ques hommes de génie. Pierre DANEL fut incontestablement de ceux-là.

Antoine CRAYA.

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LA HOUILLE BLANCHE / N° 6-1970

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Pierre Daners inDuence on

American hydraulics

My

assigned topic in this well-deserved eulogy of Pierre DANEL might more aptly be worded to highlight his influence on American hydraulicians, for the latter action was as direct and strong as the former was indirect and difficult to pinpoint. But influence us he did, whether by personal charm, perceptive criticism, warmth of hospitality, compet- itive keenness, brilliance in conversation, or simply pur- poseful and provocative exaggeration of any point he wished to make. He once told me that he pursued magic as a hobby mainly because of the psychological study of people that it permitted. 1 am sure that this also played a role in his approach to hydraulics and hydraulicians, particularly those of our country, for he caused lots of healthy think- ing-even among those who disagreed with him.

DANEL was a frequent visitor to the States. In the course of his initial visit in 1936, he met Martin A. Masan, who was then on the staff at the National Bureau of Standards, and eventually persuaded him to spend his fifteen months as a Freeman Scholar (1937-38) at Grenoble. There Mason divided his time between the University and Neyrpic (at both of which DANEL was then employed), did research toward and defended his thesis for the engineering doctor- ate, assisted DANEL and his colleagues in matters of En- glish and American language and contacts, and met many French hydraulicians including Louis and Paul Bergeron.

The eIder Bergeron accompanied DANEL in 1937 on one of his many tours of American laboratories and design of- fices. 1 can well recall chatting with them both on the sloping platform of Arthur T. Ippen's high-velocity-flow facility during their visit to Robert T. Knapp's laboratories at Caltech in Pasadena. World War II soon intervened, and it was not till a post-war inspection of still-active Eu- ropean establishments in 1946 that 1 was able to visit him at Grenoble. Socially my reception was a very cordial one, and professionally the tour of the Neyrpic experimental plant was most striking-not, perhaps, for the beauty of the equipment, but surely for the breadth of activity and com- petence of the staff. In fact, the entire situation there im- pressed me so favorably that Grenoble was one of three places that 1 recommended to prospective Freeman Scholars in a post-trip letter (February 1947) to the editer of Civil Engineering.

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The second Freeman Scholar, George S. Dixon, Jr., of the Corps of Engineers, actually arrived in Grenoble that fall and had received the engineering doctorate by 1949.

My enthusiasm next led my colleague, John S. McNown, ta spend his year as Fulbright Research Scholar with DANEL in 1950-51; there he wrote a comprehensive paper on fall velocity, did research on seiche, and passed the examina- tion for a doctorate in sciences. During McNown's absence from the Iowa Institute of Hydraulic Research, his chair was filled for a year by Antoine Craya of Grenoble, who later returned to the States ta teach at Columbia after the death of Boris A. Bakhmeteff. McNown was followed immediately at Grenoble by Charles W. Thomas, of the Bureau of Reclamation, also a Fulbrighter, as was 1 in 1952-53. At Grenoble 1 met Enzo O. Macagno, of Argen- tina, who was studying there for the doctorate, and in 1956 he moved from La Plata to Iowa City as a member of the Institute staff. My Fulbright successor at Grenoble was Maurice L. Albertson, of Colorado State College, who was the fourth to receive the local doctorate. Ira A. Hunt, of the Corps of Engineers, was the third Freeman Scholar, in 1953-54, and the fifth doctor. The fourth Freeman Scholar at Grenoble, in 1961-62, was Jacques W. Delleur, of Purdue University (and previously one of Craya's stu- dents at Columbia). Several other Americans were there for a month or more, and literally hundreds must have visited Neyrpic, and more recently SOGREAH, at one time or another.

DANEL'S hospitality to ail of these visitors-and, in fact, to any professional friend who came to see him-took many delightful forms. Some of us had Neyrpic cars placed at our continuous disposaI, and some even complete apart- ments. 1 well remember the cabin that he secured for me on a Turkish steamer bound for the Applied Mechanics Congress at Istanbul, after ail other efforts to arrange pas- sage had failed, not to mention a mountain luncheon in which his family and mine consumed twelve dozen snails among the eight of us. 1 know only by hearsay that he helped Knapp and McNown celebrate Ippen's fiftieth birth- day at Sette Ais, Portugal, thirteen years ago, hut the tales of the dinner party still echo. The Neyrpic experimental

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LA HOUILLE BLANCHE / N° 6-1970

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facilities were ever at the disposai of those visitors doing their own research, with DANEL'S inexhaustible flow of ideas and constructive criticism thrown in. As with his own staff, he preached a judicious blend of theory and exper- iment, and hammered without mercy at any practice (i.e., American) which tended to separate the two. The beauti- fully managed Neyrpic library was without peer in the fluids world, and he welcomed its use by the visitor as much as he insisted upon it by his own staff. 1 had a desk therein for a dozen months, and the result has long since taken a tangible form of appreciation in the dedica- tion to History of Hydraulics:

To PIERRE DANEL HYDRAULICIAN OF MANY INTERESTS

NOT THE LEAST OF WHICH IS THE HlSTORY OF HIs

PROFESSION

Those who knew DANEL in his own surroundings undoubt- edly saw a quite different side From those who received him during his trips through the States. At home he was a lavish host, yet on the roacl a business man who seemed to have the knack of giving little as he acquired much. 1 remember telling him once that he was gaining the reputa- tion among Americans of leaving nothing but promises in exchange for the literature and information that were freely afforded him on every hand. This statement (surely more American than French in its bluntness) may weil have influenced his subsequent reception of our travellers, or even his publication of La Houille Blanche in English as weil as French, for Neyrpic was assuredly different enough From a university or governmental establishment to hamper an otherwise completely free exchange. In any event, on his return to France he sent me a copy of Boussinesq's 1877 "Essai sur la théorie des eaux courantes" and what is apparently a life subscription to the magazine. Aside from the bibliographical index cards and laboratory in- struments which have a limited sale in the States, perhaps the most tangible mark of his company's influence on this country's hydraulic engineering is found in its ubiquitous

tetrapod-the development of which, rumor has it, was prompted by his observation on one visit or another of the vast American need for better shore protection.

No American who ever chatted with DANEL could have failecl to be impressed by the strength of his accent and the wealth of his knowledge about esoteric matters normally known only to our native-born. 1 firmly believe that he held to his accent as assiduously as he sought out the fine points of our culture, if only for the effect that each had in breaking down the artifical barriers that too often ob- struct the free flow of ideas. To sorne extent he did his country a disservice by his insistence on speaking English himself on every possible occasion and by the premium he placed on the learning of English (and other foreign lan- guages) by members of his staff. For a foreigner to speak French to him and receive a French reply was no mean accomplishment, and those of us who finally succeeded felt complimented beyond measure.

Pierre DANEL'S greatest influence on the most Americans definitely came from his conviction that the strong Ger- man-American liaison in hydraulic research of pre-war days should give way to a post-war Franco-American entente, and he accomplished it almost single-handedly. La Houille Blanche is perhaps the continuing symbol of this effort, but the actual vehic1e was the now-flourishing International Association for Hydraulic Research. Formed in 1935 large1y on German initiative (18 of the 63 charter members were German, 8 American, and only 3 French), the IAHR held but two meetings, at Berlin in 1937 and Liège in 1939, before disruption by the war. With charter members J.

Thijsse of Holland and L. G. Straub of the States, DANEL rejuvenated the organization in the post-war years, and the presidency has tended to alternate between the French and the Americans (Straub, DANEL, Ippen, L. Escande, and now .LW. Daily). The 1969 IAHR Register of Members indicates that 636 of the total enrollment of 1,573 are from the Americas, and 348 of these from the United States. For that we can be grateful to Pierre DANEL'S initiative, enthusiasm, and originality of be1ief in what could be accomplished through international collaboration.

Hunter ROUSE.

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Pierre Danel

et

la recherche

DEPUIS 1942 jusqu'en 1966, nous avons travaillé pres- que quotidiennement avec Pierre DANEL. Depuis long- temps nous le savions malade, mais très rarement il nous parlait de sa maladie; jamais une plainte, à peine une allu- sion nostalgique lorsqu'il nous avouait ne pouvoir faire tel voyage ou participer à telle réunion. A part ces rap- pels cruels, il nous paraissait oublier son mal, tout impré- gné d'une joie intellectuelle insatiable qu'il éprouvait en présence des merveilles de la création. Cette joie fut le secret de la vie et de l'œuvre de Pierre DANEL.

Joie de connaître d'abord: Elle ne se manifestait pas dans un débordement lyrique ou dans une extase indo- lente, mais au contraire dans une curiosité active et intel- ligente, qui essayait de classer les phénomènes observés;

sa grande mémoire lui permettait ainsi d'accumuler une grande somme d'un savoir trié, sélectionné, dont l'acces- soire et l'inutile étaient bannis pour laisser toute la place au fondamental. Il s'intéressait d'ailleurs aux sujets les plus divers: outre l'hydraulique et la mécanique des fluides, il se passionnait pour les sciences de la nature comme la géologie, la zoologie et la botanique. Mais dans cette prise de connaissance du savoir humain, il aimait observer les progrès des hommes et les démarches de leur esprit dans leurs découvertes et ainsi se dégageaient pour lui des vues très perspicaces sur la philosophie des scien- ces.

Mais au fur et à mesure du développement des sciences et de la multiplication des publications, il conçut, à l'image de son cerveau, l'organisation d'une documenta- tion efficace et humaine. Son premier principe: inu- tile de réinventer ce que les autres ont déjà découvert, d'où la conséquence immédiate sur la doctrine d'achat des livres et documents: acheter tout ce qui paraît en France ou à l'étranger dans les spécialités dont relève un bureau d'études.

Son deuxième principe: sur un problème à l'ordre du jour, s'assurer de la valeur technique des différentes publi- cations. Pour atteindre cet objectif, d'abord opérer un fichage détaillé afin de rassembler la plus riche documen- tation sur une même question: ensuite, s'il y a divergence d'opinion sur un sujet important, alors alerter les diffé- rents lecteurs intéressés et s'efforcer, par un programme d'études générales adapté, de séparer « lc bon grain de l'ivraie ».

Troisième principe: chaque lecteur d'un livre. d'Un article, peut demander avis, opinion ou conseil aux pré- cédents lecteurs qu'il connaît et apprécie; la documenta-

tian présente de cette façon une forme très vivante et très humaine.

Ainsi s'élabora une documentation qui reste, après sa mort. le plus magnifique outil de travail pour l'ensemble des chercheurs de la SOGREAH.

Cependant, pour Pierre DANEL, la documentation ne se limitait pas à un entassement de connaissances qui en- combrent le sol fertile de l'intelligence; elle fournissait essentiellement une matière première à son esprit, sans cesse en activité, épris de la joie de comprendre. A l'école déjà, il se passionnait pour certains cours, en particulier celui de géométrie cinématique; il étudia par exemple les proportions à respecter dans un trois barres pour rempla- cer le dispositif de Whitworth, étude que nous exposa par la suite notre ancien et distingué maître Bricard.

Il aimait trouver dans l'exposé d'une question la pro- fondeur et la clarté simultanément réunies; son esprit ai- guisé savait découvrir la partie vacillante d'un raisonne- ment ainsi que l';.lmbiguité dans la description d'une ob- servation ou d'une expérience. Nul mieux que lui ne sut avec autant de doigté utiliser la documentation pour diagnostiquer la faille d'un livre ou d'un article: sa mé- thode consistait à rassembler plusieurs livres sur une mê- me question et à noter entre auteurs les divergences d'opi- nion ou même les contradictions sur lesquelles il faisait porter principalement sa réflexion afin de lever si pos- sible les incertitudes ou les obscurités qu'avait engendré la polylecture.

Très souvent il exposait ou rappelait à ses collabora- teurs cette méthode af1n de développer entre eux l'esprit critique, car son amour de la vérité le rendait intransi- geant et il avait fait sien le principe de Descartes qui n'admettait jamais une vérité s'il ne pouvait la considérer comme « évidemment être telle ». Il restait particuliè- rement méfiant à l'égard des mathématiciens dont les laïus ressemblent très souvent à ceux des illusionnistes et il importait, selon lui, de ne pas se laisser duper, car les mathématiques ne sont et ne resteront qu'un outil qui,

mal employé, peut égarer le chercheur.

Mais cette joie de comprendre se complétait chez lui par la joie de créer. Le nouveau l'attirait. Sa grande mé- moire, ses larges connaissances longuement mûries et mé- ditées, son imagination prodigieuse dégagée de toute con- trainte grâce à une indifférence totale à l'égard du grand nombre de règlements administratifs, lui suggéraient des idées originales sur maints sujets. Ainsi, préférant la vision géométrique aux longs calculs analytiques, il bâtit,

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LA HOUILLE BLANCHE 1N° 6-1970

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HOMMAGE A PIERRE DANEL

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