• Aucun résultat trouvé

ÉLECTRICITÉ : La Maison d'Ampère, à Poleymieux0

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "ÉLECTRICITÉ : La Maison d'Ampère, à Poleymieux0"

Copied!
4
0
0

Texte intégral

(1)

LA HOUILLE BLANCHE 71

É L E C T R I C I T É

L a M a i s o n d ' A m p è r e , à P o l e y m i e u x

0

Le samedi 2 juin, la Société française des Electriciens prenait possession de la maison d'Ampère à Poleymieux. Elle lui était remise solennellement par le général llellot, au nom des donateurs, MM.

llernand el Sosthène Behne.

Cette journée restera fortement gravée dans la mémoire de ceux qui ont eu la bonne fortune d'y prendre part. Peu de manifestations atteignent celte hauteur et en même temps cette simplicité.

De nombreux discours ont été prononcés à Poleymieux et la fête s'es terminée à Lyon par une conférence de M. Paul Janet sur André-Marie Ampère.

Xous pensons être agréables aux Lecteurs de la Houille Blanche, en reproduisant quelques documents relatifs au grand savant, et quelques lignes extraites de ses œuvres.

A M P È R E (André-Marie)

La découverte dXErsted arriva à Paris par la Suisse. Dans notre séance hebdomadaire du lundi 11 septembre 1820, un académicien qui venait de Genève répéta devant vous les expé- riences du savant danois. Septs jours après, le 18 septembre, Ampère vous apportait déjà un fait beaucoup plus général que celui du physicien de Copenhague. Dans un si court inter- valle de temps, il avait deviné que deux fils conjonctifs, que deux fils parcourus par des courants électriques, agiraient l'un sur l'autre ; il avait imaginé des dispositions excessivement ingénieuses pour rendre ces fils mobiles, sans que les extrémités de chacun d'eux eussent à se détacher des pôles respectifs de leurs piles ; il avait réalisé, transformé ses conceptions en ins- truments susceptibles de fonctionner ; il avait, enfin, soumis son idée capitale à une expérience décisive. Je ne sais si le vaste champ de la physique offrit jamais une si belle découverte, conçue, laite et complétée avec tant de rapidité.

Cette brillante découverte d'Ampère, en voici l'énoncé : Deux fils conjonctifs parallèles s'attirent quand l'électricité les par- court dans le m ê m e sens ; ils se repoussent, au contraire, si les courants électriques s'y meuvent en sens opposé, s

Ampère chercha avec ardeur une théorie claire, rigoureuse, mathématique, qui comprît dans un lien c o m m u n les phéno- mènes électro-dynamiques déjà à cette époque très nombreux et très variés. L a recherche était hérissée de difficultés de tout genre. Ampère les surmonta par des méthodes où brille à chaque pas le génie d'invention. Ces méthodes resteront c o m m e un

(1) Lyon, 1775; Marseille, 1856.— Physicien, mathématicien et philosophe. D'abord professeur à Bourg et à Lyon. Professeur ensuite à l'Ecole polytechnique et au Collège de France. Ins- pecteur général de l'Université. — Cet h o m m e de génie cultivait la poésie, la musique, la botanique, la métaphysique ; il était religieux, bon et distrait.

A développé la découverte d'Œrsted sur l'électro-magné- tisme et peut être considéré c o m m e l'inventeur du télégraphe électrique. - O n a appelé Ampère l'unité d'intensité d'un courant.

Œuvres : Considérations sur la théorie mathématique du jeu. — Observations électro-dynamiques. - - Théorie mathématique des phénomènes électro-dynamiques. — Mémoire sur Faction mutuelle de deux courants électriques. — Essai sur la philosophie et la clas- sification des sciences (2 vol.) — O n a réimprimé ses principaux mémoires,

des plus précieux modèles dans l'art d'interroger la nature, de saisir, au milieu des formes complexes des phénomènes, les lois simples dont ils dépendent.

Il craint que les caractères tracés sur le tableau noir soient peu visibles pour ses auditeurs les plus éloignés ? Il croit devoir les consulter, ce qui semble bien naturel. E h bien, à la suite du colloque ainsi établi avec des jeunes gens réunis en grand nombre plusieurs d'eux eurent l'espièglerie, en argumentant de la pré- tendue faiblesse de leur vue, d'amener par degrés le bienveillant professeur à des caractères d'une telle grosseur, que le plus vaste tableau, loin de suffire à des calculs compliqués, n'aurait pas contenu seulement cinq chiffres.

La résignation d'Ampère à ses derniers moments étonna tous ceux qui connaissaient son caractère ardent, sa vive ima- gination, son cœur chaud. Jamais on ne se fût attendu à trouver en lui le calme de cet ancien philosophe qui, au lit de mort, repoussait toute distraction, afin, disait-il, de mieux observer ce qui se passerait au m o m e n t précis où l'âme abandonnerait le corps. Peu d'instants avant que notre confrère perdît entiè- rement connaissance, M . Deschamps, proviseur du lycée de Marseille, ayant commencé à demi-voix la lecture de quelque passage de Y Imitation, Ampère l'avertit qu'il savait le livre

par cœur. ARAGO.

h'électro-magnétisme est ainsi devenu la gloire c o m m u n e d'Œrsted et d'Ampère, et la renommée, en réunissant les noms de ces deux savants illustres, appelle naturellement l'attention sur les ressemblances et les contrastes qui ont existé entre eux.

Ils étaient presque exactement contemporains, Ampère étant né le 22 janvier 1775 et Œrsted le 14 août 1777.

Tous deux avaient débuté dans une fort modeste condition de fortune ; tous deux avaient eu de faibles moyens d'instruc- tion et s'étaient d'abord instruits eux-mêmes avec le secours de très peu de maîtres et m ê m e d'assez peu de livres.

Œrsted avait composé des poésies qu'on ne trouvait pas sans mérite ; Ampère écrivait dans sa jeunesse des vers français pleins de délicatesse et de grâce, dont quelques-uns ont paru à M . Arago devoir former l'un des ornements de son éloge : Œrsted vit toujours dans les harmonies de la nature une poésie supérieure à toute autre poésie ; Ampère, au déclin de ses jours, a encore

Article published by SHF and available athttp://www.shf-lhb.orgorhttp://dx.doi.org/10.1051/lhb/1928013

(2)

72 L A H O U I L L E B L A N C H E

composé on vers latins, un tableau général de la classification des sciences, où l'élégance le dispute à la précision.

Œrsted, disciple déclaré de Kant, appliquait ses idées au monde matériel en physicien consommé ; Ampère, partenaire souvent passionné de Maine de Biran, de Royer-Collard, de M . Cousin, se montrait éminemment doué de ces vives et puissantes facultés qui permettent d'approfondir les questions métaphysiques les plus subtiles et d'y prendre un vif intérêt.

ELIE D E B E A U M O N T (Eloge d9 Œrsted.)

Jamais h o m m e s en apparence ne se ressemblèrent moins.

M . D u m a s (1) nous montre Ampère grand, mélancolique, gauche dans ses mouvements, lent dans ses allures, maladroit de ses mains au point de n'avoir jamais pu tracer correctement un cercle ou un carré, incapable de supporter une occupation régu- lière et forcée ; Faraday, au contraire, vif, gai, Tœil alerte, le

mouvement, prompt et sûr, d'une adresse incroyable dans l'art d'expérimenter, exact, précis, tout à ses devoirs, entrant le matin dans son laboratoire pour en sortir le soir toujours aux m ê m e s heures, c o m m e un négociant, qui passe sa journée dans ses bureaux. Mais, les différences ne sont qu'à la surface : par les qualités essentielles, Faraday et Ampère se ressemblaient,. « Ils avaient l'un et l'autre, nous dit M . D u m a s , le cœur ouvert et rame haute, ils ignoraient la jalousie ; foute lumière les remplissait de joie, qu'elle jaillît de leur cerveau ou de celui d'un émule; tout succès les rendait heureux; ils aimaient l'hu- manité et sa grandeur; ils se considéraient c o m m e les instru- ments d'une volonté suprême à laquelle ils obéissaient avec respect; et si, pour ceux qui ne connaissent que leurs œuvres, ils comptent parmi les génies qui sont l'orgueil des fils des hom- mes, pour ceux qui ont connu leur personne, ils se placent parmi les plus humbles el les plus soumises créatures de Dieu. »

L'électromagnétisme (1821-1822) (2)

L'histoire des Sciences nous offre des époques marquées par des découvertes fécondes qui amènent à leur suite une multitude d'autres découvertes. Telle fut à la fin du dernier siècle, celle où Yolta inventa l'instrument que la juste recon- naissance du m o n d e savant a consacré à son auteur, en lui donnant le n o m de pile voltaïque.

Cet instrument est composé d'un certain nombre de plaques de deux métaux différents, qui alternent entre elles, et avec une substance liquide, de manière que, d'une extrémité de l'appareil à l'autre, les deux métaux et le liquide se suivent toujours dans le m ê m e ordre.

L a première et la dernière plaque portent chacune un fil métallique : tant que ces fils restent séparés, ils présentent tous les caractères des corps électrisés ; mis à la fois en con- tact avec u n corps susceptible de décomposition, leur action devient u n des plus puissants moyens d'analyse, et la Chimie doit à l'emploi de ce m o y e n de nouvelles substances et des idées plus justes sur la nature des principaux matériaux du globe que nous habitons ; enfin lorsque ces deux fils sont intimement unis, les phénomènes purement électriques et les phénomènes chimiques disparaissent, mais l'électricité qui parcourt alors les fils d'un mouvement continu avec une incon- cevable rapidité manifeste son activité par de nouveaux effets qui ne sont pas moins remarquables. L'élévation de la tempé- rature de ces fils, leur incandescence, leur combustion étaient les seuls qu'on eût remarqués quand M . Œrsted (2) en décou- vrant que les m ê m e s fils exercent, dans ce cas, un nouveau genre d'action, diffèrent à tous égards des attractions et des répulsions produites par l'électricité ordinaire, a pour jamais attaché son n o m à une nouvelle époque qui sera peut-être mar- quée dans l'histoire des Sciences, par des résultats aussi nom- breux et aussi importants que ceux qu'elles ont dûs à la décou- verte de Voîta.

O n donne ordinairement à ce nouveau genre d'action le n o m d'action électromagnétique, parce que, dans le premier exemple d'une telle action, celui qu'a observé M . Œrsted, elle s'exerce entre un aimant et le fil conducteur de l'électricité qui joint les deux extrémités de la pile.

Sir H . D a v y ayant remarqué que les différents métaux ne conduisent pas le courant électrique avec une égale facilité, a mesuré, par des moyens simples et précis, les divers degrés

(1) Eloge de Faraday.

(2) Extrait des œuvres d'Ampère.

de leur faculté conductrice. Il a déterminé l'influence de la température sur les effets de la pile ; il a montré que dans le cas où le courant voltaïque traverse, sous la forme d'une gerbe lumineuse, de l'air raréfié, il est attiré ou repoussé par un barreau aimanté de la m ê m e manière que quand il est conduit par un fil métallique. Cette expérience est d'autant plus remarquable qu'elle confirme l'ingénieuse explication qu'a donnée M . Arago du singulier et brillant phénomène des aurores boréales. Enfin, voici un dernier fait que le savant physicien anglais vient de découvrir : quand on place un barreau fortement aimanté dans une position verticale, au-dessus ou au-dessous d'une coupe qui contient du mercure où plongent deux conducteurs mis en communication avec les extrémités de la pile, il se forme dans le mercure u n tourbillon autour de chaque conducteur.

M . Faraday, à qui la Chimie doit l'importante découverte des chlorures de carbone, a fait connaître entre un aimant et un conducteur voltaïque, une action toute différente dans ses effets de celle qu'a découverte M . (Ersted ; elle s'en rap- proche seulement en ce qu'on peut les déduire toutes deux de la loi générale à laquelle j'ai tenté de ramener tous les phé- nomènes électromagnétiques. Cette action produit un m o u - vement de révolution qui se continue toujours dans le m ê m e sens. Ce mouvement s'observe également dans un conducteur libre de se mouvoir autour d'un aimant fixe, el dans un aimant que l'on rend mobile en le faisant flotter sur du mercure. L'ai- mant tourne alors autour du point où le conducteur est en contact avec le mercure.

(Mémoires publiés par la Société de Physique T. II, p.238.)

L a théorie de 1* électrodynamisme

L'époque que les travaux de Newton ont marquée dans l'histoire des Sciences n'est pas seulement celle de la plus im- portante des découvertes que l'homme ait faites sur les causes des grands phénomènes de la nature, c'est aussi l'époque où l'esprit humain s'est ouvert une nouvelle route dans les sciences qui ont pour objet l'étude de ces phénomènes.

Jusqu'alors on en avait presque exclusivement cherché les causes dans l'impulsion d'un fluide inconnu qui entraînait les particules ; et partout où l'on voyait un mouvement révolutif, on imaginait un tourbillon dans le m ê m e sens.

Newton nous a appris que cette sorte de mouvement doit, c o m m e tous ceux que nous offre la nature, être ramené par le calcul à des forces agissant toujours entre deux particules maté- rielles suivant la droite qui les joint, de manière que l'action exercée par l'une d'elles sur l'autre soit égale et opposée à celle que cette dernière exerce en m ê m e temps sur la première, et

(3)

L A H O U I L L E B L A N C H E 73 qu'il ne puisse, par conséquent, lorsqu'on suppose ces deux

particules liées invariablement entre elles, résulter aucun mou- vement de leur action mutuelle. C'est cette loi, confirmée au- jourd'hui par toutes les observations, par tous les calculs, qu'il exprima dans le dernier des trois axiomes qu'il plaça au com- mencement des Philosophiœ naturalis principia mathematica.

Mais il ne suffisait pas de s'être élevé à cette haute concep- tion, il fallait trouver suivant quelle loi ces forces varient avec la situation respective des particules entre lesquelles elles s'exer- cent, ou, ce qui revient au m ê m e , en exprimer la valeur par une formule.

Newton fut loin de penser qu'une telle loi pût être inventée en partant de considérations abstraites plus ou moins plau- sibles. Il établit qu'elle devait être déduite des faits observés, ou plutôt de ces lois empiriques qui, c o m m e celles de Kepler, ne sont que les résultats généralisés d'un grand nombre de faits.

Observer d'abord les faits, en varier les circonstances autant qu'il est possible, accompagner ce premier travail de mesures précises pour en déduire des lois générales, uniquement fondées sur l'expérience, cl déduire de ces lois, indépendamment de toute hypothèse sur les forces qui produisent les phénomènes, la valeur mathématique de ces forces, c'est-à-dire la formule qui les représente, telle est la marche qu'a suivie Newton. Elle a été en général, adoptée en France par les savants auxquels la Physique doit les immenses progrès qu'elle a faits dans ces derniers temps, et c'est elle qui m'a servi de guide dans toutes mes recherches sur les phénomènes électrodynamiques. J'ai consulté uniquement l'expérience pour établir les lois de ces phénomènes, et j'en ai déduit la formule qui peut seule repré- senter les forces auxquelles ils sont dus ; je n'ai fait aucune recherche sur la cause m ê m e qu'on peut assigner à ces forces, bien convaincu que toute recherche de ce genre doit être précé- dée de la connaissance purement expérimentale des lois, et de la détermination, uniquement déduite de ces lois, de la valeur des forces élémentaires dont la direction est nécessairement celle de la droite menée entre les points matériels entre les- quels elles s'exercent. C'est pour cela que j'ai évité de parler des idées que je pouvais avoir sur la nature de la cause de celles qui énmanent des conducteurs voltaïques... il ne paraît pas que cette marche, la seule qui puisse conduire à des résultats indépendants de toute hypothèse, soit préférée par les physi- ciens du reste de l'Europe, c o m m e elle l'est par les Français ; et le savant illustre qui a v u le premier les pôles d'un aimant transportés par l'action d'un fil conducteur dans des direc- tions perpendiculaires à celle de ce fil en a conclu que la matière électrique tournait autour de lui et poussait ces pôles dans le sens de son mouvement, précisément c o m m e Descartes faisait tourner la matière de ses tourbillons dans le sens des révo- lutions planétaires. Guidé par les principes de la philosophie newlonienne, j'ai ramené le phénomène observé par M . Œrsted, c o m m e on l'a fait à l'égard de tous ceux du m ê m e genre que nous offre la nature, à des forces agissant toujours suivant la droite qui joint les deux particules entre lesquelles elles s'exer- cent ; et si j'ai établi que la m ê m e disposition ou le m ê m e mou- vement de l'électricité qui existe dans le fil conducteur a lieu aussi autour des particules des aimants, ce n'est certainement pas pour les faire agir par impulsion à la manière d'un tour- billon, mais pour calculer, d'après m a formule, les forces qui en résultent entre ces particules el celles d'un conducteur ou d'un autre aimant, suivant les droites qui joignent deux à deux les particules dont on considère l'action mutuelle, el pour montrer que les résultats du calcul sont complètement vérifiés...

Le principal avantage des formules qui sont ainsi conclues immédiatement de quelques faits généraux, donnés par un nombre suffisant d'observations pour que la certitude n'en puisse être contestée, est de rester indépendantes, tant des hypothèses dont leurs auteurs ont pu s'aider dans la recherche de ces formules, que de celles qui peuvent leur être substituées dans la suite. L'expression de l'attraction universelle déduite des lois de Kepler ne dépend point des hypothèses que quel- ques auteurs ont essayé de faire sur une cause mécanique qu'ils voulaient lui assigner. L a théorie de la chaleur repose réelle- ment sur des faits généraux donnés immédiatement par l'obser- vation ; et l'équation déduite de ces faits, se trouvant confirmée par l'accord des résultats qu'on en tire et de ceux que donne l'expérience, doit être également reçue c o m m e exprimant les vraies lois de la propagation de la chaleur, et par ceux qui l'attri- buent à un rayonnement de molécules calorifiques, et par ceux qui recourent, pour expliquer le m ê m e phénomène, aux vibra- tions d'un fluide répandu dans l'espace ; seulement, il faut que les premiers montrent comment l'équation dont il s'agit résulte de leur manière de voir, et que les seconds la déduisent des formules générales des mouvements vibratoires ; non pour rien ajouter à la certitude de cette équation, mais pour que leurs hypothèses respectives puissent subsister. L e physicien qui n'a point pris de parti à cet égard admet cette équation c o m m e la représentation exacte des faits, sans s'inquiéter de la manière dont elle peut résulter de l'une ou de l'autre des explications dont nous parlons ; et si de nouveaux phénomènes et de nouveaux calculs viennent à démontrer que les effets de la chaleur ne peuvent être réellement expliqués que dans le système des vibrations, le grand physicien qui a le premier donné cette équation, et qui a créé pour l'appliquer à l'objet de ses recherches, de nouveaux moyens d'intégration, n'en serait pas moins l'auteur de la théorie mathématique de la chaleur, c o m m e Newton est delui de la théorie des mouve- ments planétaires, quoique cette dernière ne fût pas aussi com- plètement démontrée par ses travaux qu'elle l'a été depuis par ceux de ses successeurs.

Il en est de m ê m e de la formule par laquelle j'ai repré- senté l'action électrodynamique. Quelle que soit la cause phy- sique à laquelle on veuille rapporter les phénomènes produits par cette action, la formule que j'ai obtenue restera toujours l'expression des faits. Si l'on parvient à la déduire d'une des considérations par lesquelles on a expliqué tant d'autres phé- nomènes, telles que les attirerions en raison inverse du carré de la distance, celles qui deviennent insensibles à toute distance appréciable des particules entre lesquelles elles s'exercent, les vibrations d'un fluide répandu dans l'espace, etc., on fera un pas de plus dans cette partie de la Physique ; mais cette recherche, dont je ne m e suis point encore occupé, quoique j'en recon- naisse toute l'importance, ne changera rien aux résultats de m o n travail, puisque, pour s'accorder avec les faits, il faudra toujours que l'hypothèse adoptée s'accorde avec la formule qui les représente si complètement.

(Théorie mathématique des phénomènes élecùv-dynamiques. p, 2.)

Les classifications

Aussitôt que l'homme a acquis un certain nombre de notions sur quelque objet que ce soit, il est porté naturellement à les disposer dans u n ordre déterminé pour les mieux posséder, les retrouver, les communiquer au besoin. Telle est l'origine des classifications qui, non seulement procurent à l'homme les avantages dont nous venons de parler, mais encore contri- buent à augmenter la s o m m e de ses connaissances relatives à chacun des objets dont il s'occupe, en l'obligeant à consi-

(4)

74 L A H O U I L L E B L A N C H E

clércr cet objet sous différentes faces et en lui faisant décou- vrir de nouveaux rapports que sans cela il aurait pu ne pas apercevoir...

O n a distingué deux sortes de classifications; les naturelles et les artificielles. Dans ces dernières, quelques caractères choisis arbitrairement servent à déterminer la place de chaque objet ; on y fait abstraction des autres, et les objets se trouvent par là m ê m e rapprochés ou éloignés souvent de la manière la plus bizarre. Dans les classifications naturelles, au contraire, on em- ploie concurremment tous les caractères essentiels aux objets dont on s'occupe, en discutant l'importance de chacun d'eux ; et les résultats de ce travail ne sont adoptés qu'autant que les objets qui présentent le plus d'analogie se trouvent toujours les plus rapprochés, et que les groupes des divers ordres qui en sont formés se trouvent aussi d'autant plus voisins qu'ils offrent des caractères plus semblables, de manière qu'il y ait toujours une sorte de passage plus ou moins marqué de chaque groupe au groupe qui le suit.

Par cela m ê m e que les classifications artificielles reposent sur des caractères dont le choix est arbitraire, on peut en ima- giner à volonté. Mais ces différents systèmes, qui se succèdent et s'effacent c o m m e les flots de la mer, loin de contribuer au progrès des sciences, ne servent trop souvent qu'à y porter une confusion fâcheuse. Leur principal inconvénient est de disposer ceux qui les suivent à n'examiner dans les objets que ce qui se rapporte au m o d e de classification qu'ils ont adopté. C'est ainsi que les disciples de Linné ne tenaient souvent compte, dans leurs descriptions des animaux et des végétaux, que des caractères relatifs au système de leur maître. A u contraire, les classifications naturelles, précisément parce qu'elles emploient tous ceux qu'offrent les objets, exigent qu'on en considère toutes les faces, qu'on en étudie tous les rapports, et conduisent ainsi à la connaissance la plus complète qu'il soit donné à l'homme d'atteindre.

Mais cette nécessité m ê m e d'étudier à fond les objets dont on s'occupe fait qu'à mesure qu'on découvre de nouveaux rapports, il faut modifier les classifications, modifications qui tendent de plus en plus à les rapporcher de la perfection, à laquelle elles ne pourraient parvenir que si l'homme n'igno- rait rien de tout ce qui est relatif aux objets classés... Je m e bornerai ici à remarquer combien la marche de celui qui cher- che à faire une classification vraiment naturelle, diffère de la marche suivie par l'auteur d'une classification artificielle.

Ce dernier, maître des caractères d'après lesquels il l'établit, choisit d'abord ceux des premières divisions et ensuite ceux d'après lesquels il forme leurs subdivisions successives ; l'autre, au contraire, doit commencer par les dernières subdivisions, composées d'individus moins nombreux et dont les analogies sont plus frappantes et plus aisées à déterminer. E n réunis- sant celles de ces subdivisions qui se rapprochent le plus, il établit les divisions de l'ordre précédent et n'arrive ainsi qu'en dernier lieu aux grandes divisions par lesquelles le premier avait commencé. Ce n'est qu'après ce travail qu'il doit cher- cher à déterminer les caractères par lesquels il définira chaque groupe, de m ê m e que ce ne fut qu'après la distribution en familles naturelles, faite par Bernard de Jussieu, des genres déjà formés par Linné et ses prédécesseurs, qu'on dut s'occuper de la clas- sification de ces familles, et chercher dans le nombre des coty- lédons, dans l'insertion des étamines, dans la présence ou l'ab- sence de la corolle, les caractères d'après lesquels on devait définir les groupes composant cette classification.

(Essai sur la philosophie des sciences. Introduction.)

Division de la mécanique.

L a cinématique doit renfermer tout ce qu'il y a à dire des

différentes sortes de mouvements, indépendamment des forces qui peuvent les produire. Elle doit d'abord s'occuper de toutes les considérations relatives aux espaces parcourus dans les différents mouvements, aux temps employés à les parcourir, à la détermination des vitesses d'après tes diverses relations qui peuvent exister entre ces espaces cl ces temps. Elle doit ensuite étudier les différents instruments à l'aide desquels on peut changer un mouvement en un autre; en sorte qu'en comprenant, c o m m e c'est l'usage, ces instruments sous le n o m de machines, il faudra définir une machine, non pas c o m m e on le fait ordinairement « u n instrument à l'aide duquel on peut changer la direction el l'intensité d'une force donnée », mais bien « un instrument à l'aide duquel on peut changer la direction et la vitesse d'un mouvement donné ». O n rend ainsi cette définition indépendante de la considération des forces qui agissent sur la machine; considération qui ne peut servir qu'à distraire l'attention de celui qui cherche à en com- prendre le mécanisme. Pour se faire une idée nette, par exemple, de l'engrenage à l'aide duquel l'aiguille des minutes d'une montre fait douze tours tandis que l'aiguille des heures n'en fait qu'au, est-ce qu'on a besoin de s'occuper de la force qui met la montre en mouvement ? L'effet de l'engrenage ne reste-t-il pas le m ê m e lorsque le mouvement est dû à une force quelconque autre que celle du moteur ordinaire ; quand c'est par exemple avec le doigt qu'on fait tourner l'aiguille des minutes ?...

A la cinématique doit succéder la science où l'on traite, au contraire, des forces indépendamment des mouvements, et.

que, conformément à l'usage universellement reçu je désigne- rai sous le n o m de statique, L a statique ne doit venir qu'après la cinématique, parce que l'idée de mouvement est celle qui est donnée par l'observation immédiate, tandis que nous ne voyons pas les forces qui produisent les mouvements dont nous sommes témoins, et que nous ne pouvons m ê m e conclure leur existence que de celle des mouvements observés. Il con- vient d'ailleurs que les rapports des vitesses virtuelles aient déjà été calculés dans la cinématique pour que la statique puisse s'en servir à déterminer les conditions d'équilibre des différents systèmes de force.

Après que la cinématique a étudié les mouvements indé- pendamment des forces, et que la statique a traité de ces der- nières indépendamment des premiers, il reste à les considé- rer simultanément, à comparer les forces aux mouvements qu'elles produisent, et à déduire de cette comparaison les lois générales du mouvement d'après lesquelles, les mouvements étant donnés, on calcule les forces capables de les produire, ou, au contraire, on détermine les mouvements quand on connaît les forces. Ces deux problèmes généraux el les lois dont nous venons de parler, constituent une science à laquelle on a donné le n o m de dynamique, que je lui conserverai.

(Essai sur la philosophie des sciences. T. I, p. 48.)

Les mathématiques et l'observation.

J'ai trouvé que le caractère d'après lequel on doit définir les sciences mathématiques consiste en ce qu'elles n'empruntent à l'observation que des idées de grandeur et des mesures ; et qu'on ne dise pas, c o m m e on ne l'a fait que trop souvent, qu'uni- quement fondées sur des abstractions, les sciences mathéma- tiques proprement dites n'empruntent absolument rien à l'obser- vation. Est-ce que nous aurions m ê m e l'idée de nombre, si nous n'avions pas compte des objets en y appliquant successivement notre attention, et n'est-ce pas là observer le nombre de ces objets ? D e m ê m e c'est à l'observation des formes des corps, ou à celle des figures qu'on en trace lorsqu'on veuf les représenter, que nous devons foutes les idées sur lesquelles repose la géo-

métrie. (Idt T. I, p. 192.)

Références

Documents relatifs

Pour les propositions et rapports l'irrecevabilité est appréciée par le Bureau de la Commis sion des Finance s, qui peut de sa propre initiative opposer lui-même

Terminez votre visite librement et à votre rythme dans le «jardin» du musée pour découvrir les bateaux traditionnels, le matériel ostréicole d’antan, les tuiles chaulées, le

Standard, sur-mesure, en intérieur ou en extérieur…Parce que votre bien-être est notre passion, et que chaque projet est unique, Nordique France met tout en oeuvre pour répondre

Dans le nitrate d'ammoniaque , une parti- cule d'acide 'nitrique sec est unie à deux par- ticules de gaz ammoniacal ; en sorte qu'une particule de sel est formée par la réunion

[r]

[r]

Toute diffusion d’une copie ou reproduction, qu’elle soit totale ou partielle, dans quelque forme que ce soit, à but commercial est strictement interdite; il ne

Je tiens à vous écrire cette lettre pour vous remercier de tout mon cœur d'avoir partagé avec nous votre passion pour l'enseignement!. J'apprécie beaucoup