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LES JEUNES, LE SPORT ET LE LOISIR

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(1)JEAN-PAUL CALLEDE, UER ETHNOLOGIE, UNIVERSITE DE BORDEAUX II. LES JEUNES, LE SPORT ET LE LOISIR. Actuellement, quelle évolution constate-t-on chez les jeunes en matière de sport et de loisir ? Ne devient-il pas urgent de définir diverses pratiques du sport?Comment distinguer sport de compétition et sport de loisir ? Quels sont les cadres institutionnels dans lesquels ces pratiques s'exercent ? Une sociologie de la pratique sportive peut-elle — doit-elle — contribuer à l'élaboration d'une théorie générale de la personnalité ? Nous proposons ici quelques hypothèses indicatives et un certain nombre de thèmes relatifs aux jeunes, plus exactement aux différentes manières dont ils pratiquent le sport et le loisir. Le mot « jeunes » sera employé au pluriel car l'utilisation du singulier ou celle du concept de « jeunesse » introduirait l'équivoque d'une entité homogène et quelque peu mythique.. D u sport au loisir. D e l'activité au renoncement. Les diverses pratiques du sport Les auteurs s'accordent pour constater diverses pratiques d u sport. N o n pas tant qu'il y ait plusieurs « sports », mais surtout en considérant que les pratiques sportives diffèrent selon les cadres dans lesquels elles s'inscrivent : - « à l'école ; - dans le secteur du loisir et de la formation permanente ; - dans le secteur de la pratique spécialisée de compétition (dans le cadre d'un club par exemple) ; - dans le secteur du sport de haut niveau » (1). C'est dire qu'on peut, schématiquement. distinguer plusieurs types de besoins d'activités physiques. « Besoins de repos, d'entretien, besoins directement liés à la santé et à la récupération (...). Besoins d'activités sportives distractives - c'est le secteur du loisir (...). Besoins d'activités sportives de développement (...). L'homme emploie son savoir à déplacer ses propres limites » (2). Ces différents types de besoins, est-il encore nécessaire de le rappeler, sont déterminés par des conditions objectives : niveau scolaire ou professionnel, milieu social, niveau socio-économique et culturel, équipements, conditions de travail, budget-temps.... G. Lundt. R. Thomas, dans un ouvrage récent (3), consacre un chapitre à l'étude des facteurs sociaux. C'est dire que. quand bien même on note une évolution des conditions de vie. il demeure une répartition inégale de ces besoins selon les classes sociales. L a « civilisation des loisirs » L'expression est passée dans le domaine du langage courant. Mais le lyrisme de ceux qui l'utilisent soulève une certaine ambiguïté. L e premier point, toujours plus ou moins latent, c'est le sentiment qu'il est illusoire de faire du. 29 Revue EP.S n°144 Mars-Avril 1977. ©Editions EP&S. Tous droits de reproduction réservés.

(2) travail la source de l'épanouissement humain. Ainsi, loisir est synonyme de compensation. Il est nécessaire c o m m e compensation aux aliénations supportées dans le travail. C e concept permet de déplacer la problématique : on porte l'attention sur la compensation en négligeant le fait que toute compensation est engendrée par une déficience. Pourquoi ne pas s'interroger sur les conditions qui engendrent et perpétuent cet état de déficience de la personne ? La « civilisation des loisirs » s'affirme c o m m e négation de la « civilisation du travail » ; elle seule va permettre le plein épanouissement de la personne tandis que le travail ne fait que la mutiler et la désagréger.. Agôn-Ludus (sport discipline) Agôn-Paîdia (sport distraction) - Objectifs à long terme.. - Volonté explicite de progresser. - La volonté de progresser n'est pas au premier plan.. - Perfectionnement technique (entraînement régulier).. Il n'y a pas de ligne de séparation stricte entre l'Agôn-Ludus et l'Agôn-Païdia. Il est donc difficile de citer des exemples : des facteurs assez nombreux peuvent compliquer ce travail : cadre institutionnel (club pour l'Agôn-Ludus, foyer de jeunes pour l'Agôn-Païdia), niveau de compétition (championnat de « nationale » I ou II et tournoi inter-foyers), discipline sportive (athlétisme, haltérophilie ou équitation, voile)... Toutefois, il s'esquisse déjà un clivage entre pratique sportive de club et pratique sportive dans des institutions type « maisons de jeunes ».. Quelle peut être pour notre sujet l'utilité de cette classification catégorielle ? Posons deux grands axes de réflexion : a) « La pratique de l'Agôn suppose une attention soutenue, un entraînement approprié, des efforts assidus et la volonté de vaincre. Elle implique discipline et persévérance » (5). Si l'Agôn est une revendication de la responsabi-. Miroir Sprint. P o u r une sociologie du sport. L e club et le sport de compétition Le sport donne le goût de l'effort désintéressé mais il ne saurait se réduire au jeu qui. lui. n'a pas de visée, qui vit et meurt dans l'instant. Or. le est. fondamentalement, règle et discipline. L'identification à l'idole, à la «sport vedette C'est « du travail » ; un ensemble d'exercices méthodiques, gradués et patients », écrit lité personnelle. l'Aléa est une démission de la G. Magnane (8). volonté ; l'individu s'en remet au destin, il Quelles sont les caractéristiques du sport de s'abandonne à la fatalité. « L'Aléa marque et compétition ? Michel Bouet (9) dans son ourévèle la faveur du destin. Le joueur y est vrage : Signification du sport, réunit une s o m m e entièrement passif, il n'y déploie pas ses qualités importante de documents, mais c'est bien plus ou ses dispositions, les ressources de son adresse, une analyse philosophique qu'une approche de ses muscles, de son intelligence » (6). sociologique !. La dissimulation caractérise Mimicry : c'est l'acceptation de l'illusion, la dissolution de la réalité Caractéristiques : par l'irruption dans (ou la participation à) un a) Activité corporelle manifeste : expression mounivers clos et fictif. Il ne s'agit plus d'agir mais trice explicite de la volonté. de simuler l'action. Mimicry, c'est aussi l'identifi- b) Perfectionnement : efficacité optimale par cation à l'idole, à la vedette comme participation l'entraînement régulier et l'apprentissage techaffective indissociable de l'immobilité corporelle nique. du spectateur. c) Réalisation de performances : dans le cadre Enfin. l'Ilinx consiste pour la personne à modifier son rapport au m o n d e ; la poursuite du vertige provoque une panique artificielle et voluptueuse ; « détruire pour un temps la stabilité de la vision et la coordination des mouvements, délivrer du poids du souvenir, des affres de la responsabilité et de la pression du m o n d e » (7). Il y a donc une opposition fondamentale entre l'Agôn (compétition) qui est principe actif, revendication de la volonté et de l'attention, et les autres catégories régies par un principe passif de soumission (Aléa), de substitution (Mimicry) et de déstructuration (Ilinx). b) La seconde opposition est celle que l'on peut établir entre l'Agôn-Ludus et l'Agôn-Païdia, autrement dit, entre le jeu de compétition où la dominante est une tendance à la discipline et le jeu de compétition où l'emporte le principe de divertissement. S'il est possible de présenter quelques facteurs qui caractérisent le sportdiscipline ou le sport-distraction, il est plus délicat de désigner les disciplines sportives de manière explicite car de nombreux facteurs interviennent.. institutionalisé de la compétition.. EPS. Les comportements ludiques des jeunes dans la société Pour cet aspect, nous empruntons à R. Caillois sa classification des jeux. Le but de l'auteur : découvrir un principe de classement qui permette de répartir tous les jeux entre un petit nombre de catégories strictement définies. « Après examen des différentes possibilités, je propose a cette fin une division en quatre rubriques principales selon que, dans les jeux considérés, prédomine le rôle de la compétition, du hasard, du simulacre ou du vertige. Je les appelle respectivement Agôn. Aléa, Mimicry et Ilinx (4). D e plus, chacun d'eux peut être rangé selon deux pôles antagonistes : ces deux composantes sont, d'une part une tendance à la discipline (Ludus) et à l'opposé, un principe de divertissement et de turbulence (Païdia).. - Ambiance du groupe.. - Registre objectif des perfor- - Satisfaction ponctuelle et jumances. gement subjectif. Sur le plan individuel, il y a transposition de la même dichotomie. Deux types d'obligation : les obligations primaires imposées par les organismes de base de la société et les obligations secondaires définies par les organismes de loisir eux-mêmes (équipe sportive, foyers de jeunes, club...). Cette dichotomie, si elle est fondée apparemment sur des faits réels, est fausse dans son principe. Elle est engendrée par une conception étriquée de la culture ; le sport et le loisir sont des composantes de la culture et non un complément ou une compensation ; la définition du sport est coextensive à celle de la culture. Il est de la plus haute importance de dégager les rapports que cette « civilisation des loisirs » entretient avec le système socio-politique et l'idéologie qui le sous-tendent. D'abord, ces concepts induisent des attitudes démobilisatrices. Ensuite, il y a le lyrisme poétique avec lequel se déploie un discours qui donne l'apparence du changement alors qu'il s'agit simplement d'un changement des apparences.... - Objectifs à court terme.. Le sport est, fondamentalement, règle et discipline. 30 Revue EP.S n°144 Mars-Avril 1977. ©Editions EP&S. Tous droits de reproduction réservés.

(3) d) Se réaliser : le sportif surmonte des obstacles matériels pour atteindre des objectifs et des buts fixés. Il faut insister sur la relativité essentielle de la performance ; toute performance réalisée implique un dépassement ultérieur à accomplir. L'objectif, dés lors qu'il est atteint, est réduit par le sportif à une étape par l'imposition volontaire d'un nouvel objectif plus difficile. Ainsi, on peut dire que le sportif est toujours au-delà de ses possibilités actuelles. Il n'y a jamais réification de la performance, car l'activité sportive est essentiellement un devenir et un devoir-faire. C'est, en fait, le statut philosophique de la valeur que nous explicitons ici : la performance est acte, orientation vers un but fondamentalement inactuel. Prenons l'exemple d'une discipline sportive de compétition : l'haltérophilie, pratiquée dans un club de Bordeaux : l'ASPOM. La salle d'entraînement du club se trouve dans un bâtiment S.N.C.F. des services sociaux et culturels (gare Saint-Jean). Pourquoi choisir cette discipline, et pourquoi l ' A S P O M (10) ? D'abord, il s'agit d'un sport fondamentalement de competition (premier élément de comparaison avec les activités sportives de maisons déjeunes). Ensuite, l'haltérophilie est un sport « populaire » (quelques licenciés de l ' A S P O M ont également pratiqué la boxe, la lutte et le cyclisme ; on retrouve probablement ici le mirage du professionnalisme, et c'est par ce biais que ces disciplines présentent une homogénéité culturelle certaine). Enfin, l ' A S P O M nous intéresse parce que. pour les 24 licenciés en haltérophilie. 8 jeunes fréquentent aussi le Foyer Carle Vernet, situé, approximativement, à l'autre extrémité de la gare de triage. Profil sociologique des licenciés : 6 scolaires : 1 lycéen, 5 étudiants (bac et + ) . 1 artisan. 3 employés qualifiés. 9 divers, sans qualification : manœuvre, docker occasionnel, porteur aux abattoirs... Pour les 15 qui connaissent une situation scolaire ou professionnelle stable, on note seulement 2 cas d'abandon en cours de saison ; pour les 9 autres, caractérisés par une instabilité professionnelle et un chômage endémique, tous ont abandonné la compétition sauf 2.. ley-ball, tennis de table, ski. voile, tennis... Il11 en classe type III. s'agit toujours d'activités de loisir et de détente, 2 étudiants. opposées à la forme traditionnelle de la pratique : de compétition. On note même des attitudes 74 ouvriers ouvriers professionnels. affectées envers les clubs et les pratiquants de 1 apprenti. club « en club, c'est que des mules ! » « il faut être bourrin »... Même lorsqu'il s'agit de sports62 chômeurs. « populaires » : football, lutte. On constate desemployés : résistances à la pratique du sport de compétition.4 employés professionnels. Les très jeunes adhérents du foyer sont à peu près2 employés sans qualification. tous licenciés dans un club local : l'Eveil, en PTT. football. Mais lorsqu'ils sont en âge de fréquenterIl1 cadre y a 15 cas « d'inadaptés temporaires », soit le foyer (à partir de 12-13 ans), ils préfèrent 15/31 proportion déjà importante, sur la jouer les matches du samedi après-midi avec la totalité :desla effectifs, passe néanmoins du simple bande de copains, matches organisés par le foyerau double pour la seule population de la cité et ils négligent les compétitions de club du Carle Vernet. dimanche. En 1975, trois adhérents plus âgés Il y a donc une opposition radicale, sur le plan (20, 21 et 23 ans) se sont inscrits dans un scolaire ou professionnel entre la clientèle locale club (CAB : Club athlétique béglais) pour pratiquer le football, mais ils gardent la qui fréquente le foyer et les jeunes qui sont nostalgie del'«équipedu foyer ». Rappelons domiciliés hors des limites du quartier. aussi que l'inscription dans un club est toujours Catégories socio-professionnelles ou scolaires des une démarche de groupe, et l'abandon égale- 39 jeunes habitant hors des limites du quartier : ment... 6 scolaires : Peut-on dégager les caractéristiques des activités sportives pratiquées à Carle Vernet ? a) Satisfaction ponctuelle : il s'agit pour le groupe (pour la bande) de se distraire, de jouer, de passer un bon moment. b) Le souci de se perfectionner, de progresser n'est pas exprimé : le jeune se contente d'un « bagage » technique élémentaire. c) Les valeurs affectives de la bande sont fortes : le pratiquant s'identifie au groupe (12). d) Eclectisme (et non spécialisation dans une ou deux disciplines précises).. Comme dans le cas de l'ASPOM. nous allons proposer un profil sociologique des adhérents du foyer (situation scolaire et catégories socioprofessionnelles des 114 jeunes inscrits). Les scolaires sont moins nombreux que les jeunes qui exercent une activité professionnelle. 47 scolaires soit 42.3 % 24 ouvriers 21 % 24 employés 21 % 1 1 infirmières et puéricultrices 9,6 % 6 membres de l'enseignement 5,2 %. 1 cadre PTT. 0.9 %. 1 débile (sans profession) 0,9 % Les catégories dites « scolaire ». « employé », « ouvrier » ne sont pas assez précises ; elles regroupent des individus qui, en réalité, se trouvent dans des situations radicalement différentes.. En ce qui concerne les licenciés qui fréquentent également le Foyer Carle Vernet. même phénomène : 4 ont effectué une saison complète et pratiquent toujours la compétition (2 étudiants. Ainsi, les 47 scolaires sont à sous-diviser en : 1 employé qualifié et 1 ouvrier professionnel) : 14 élèves CES ou Lycée.. Il. 4 ont renoncé rapidement (4 O S et manœuvres). 19 en classes type III. Les raisons invoquées tournent autour de l'idée 14 étudiants (bac et + ) . illustrée par l'un d'eux : « O n sort du travail et ici Les 24 ouvriers en : il faut encore mailler ! » (C'est ainsi qu'ils 15 ouvriers professionnels (qualification) préfèrent l'atmosphère du foyer qui permet de 5 O.S. ou manœuvres. « buller tranquille » (sic). 24 employés en : y a corrélation certaine entre stabilité scolaire et Les professionnelle et la pratique sportive régulière et 20 employés qualifiés.. disciplinée. C'est l'évidence même : « Quand on 4 employés sans qualification. connaît leur métier, on peut savoir ceux qui vont On a donc 28 cas « d'inadaptés temporaires » plus un débile : cet échantillon est représentatif rester » remarque un entraîneur. puisqu'il est de 29/114, soit 25,4 %. Et ce pourcentage est encore plus accentué si l'on Les activités sportives et de plein air dans les foyers de jeunes considère la clientèle locale du foyer. Pour les jeunes domiciliés à la cité H.L.M.CarleVernet. Prenons l'exemple du Foyer Carle Vernet de Boron a la répartition suivante : deaux (11). C'est le type d'activité qui regroupe le I 7 scolaires : plus d'adhérents et c'est aussi le cas de nombreuses maisons de jeunes. Quelles sont ces activités ? 4 élèves CES ou Lycée (avec 2 : l'un 14 ans en Equitation, football, canoé-kayak. natation, volsixième et l'autre 17 ans en troisième).. 5 étudiants (bac et + ). 1 en classe type III. 8 ouvriers : 6 ouvriers professionnels. 2 O.S. ou manœuvres. 11 employés : 10 employés qualifiés. 1 employé sans qualification. 10 infirmières et puéricultrices. 4 membres de l'enseignement. Il faut rappeler que l'un des deux O.S. est un ancien du quartier ; c'est aussi le cas de l'élève de secteur III. Bien que la moyenne d'âge de ces adhérents soit supérieure à celle des jeunes de la cité, on note le contraste des deux situations : 4 cas « d'inadaptés temporaires » pour 39 (soit : 1,2 % ) contre 15 pour 31 à la cité (48,3 % ) . Comparaison et rapport des deux pratiques Les jeunes qui pratiquent le sport en club sont issus d'un milieu social différent de celui des jeunes qui forment la clientèle locale des foyers de jeunes. L'examen de la situation socio-culturelle de la famille le prouve (13). Dans les clubs, nous trouvons des jeunes ayant une situation familiale solide : ils sont actifs, prennent des responsabilités et connaissent une scolarité ou une vie professionnelle stable. A u contraire, la situation familiale des adolescents du foyer est altérée : séparation durable ou momentanée du ménage, famille nombreuse, déficience de l'autorité parentale, conflits avec les parents. Ils connaissent des difficultés scolaires, une instabilité professionnelle et un chômage épisodique dûs à l'absence de qualification ; la fréquentation intensive du foyer peut être interprétée c o m m e un retrait par rapport à la société globale. Ils restent dans les limites du quartier. Il s'agit d'un contexte sociopolitique à l'échelle de la société globale et non d'un phénomène isolé (14). Q u e faire dans les limites de cette opposition entre deux cadres institutionnels différents que sont les clubs sportifs et les équipements socio-éducatifs type maison de jeunes ? La discipline du sport de club est-elle parfois trop stricte ? Faut-il créer une structuration compétitive de certaines disciplines sportives dans les foyers de jeunes ? Et pour quelles disciplines ? Le foyer peut-il (doit-il !) inciter les jeunes à la pratique de compétition ? Faut-il dégager les. 31 Revue EP.S n°144 Mars-Avril 1977. ©Editions EP&S. Tous droits de reproduction réservés.

(4) L e s types de pratiques sportives : contribution à une théorie de la personnalité. Activité sportive et typologie des pratiquants Pour clarifier l'analyse et illustrer le chapitre précédent, nous présentons ici quelques schémas. Il est possible d'élaborer une classification des « catégories » de jeunes en combinant deux critères : l'activité et la temporalité (15). Activité + durée. première catégorie n° 1. Activité + présent. deuxième catégorie n° 2. In-activité + avenir mythique. troisième catégorie n° 3. In-activité + passivité. quatrième catégorie n° 4. Structuration spatiale et temporelle des jeunes : par rapport aux quatre catégories présentées cidessus.. Pour ces distinctions qualitatives de l'espace, il n'est pas possible de présenter quatre schémas, c'est-à-dire un schéma différent par catégorie. Aussi, les catégories n° 1 et 2 sont caractérisées par la figure A ; les catégories n° 3 et 4 par la figure B. La figure A correspond aux catégories n" 1 et n° 2 : ces jeunes ont une situation familiale solide : ils n'ont pas de difficultés scolaires ou professionnelles. Dans les foyers de jeunes, ils ne constituent presque jamais la clientèle locale. Ceux qui habitent le quartier fréquentent en général des équipements situés hors du quartier. Ainsi, lorsqu'ils pratiquent le sport, c'est toujours dans le cadre d'un club. La figure B correspond aux catégories n° 3 et n° 4 : c'est la situation des jeunes qui connaissent une insertion scolaire ou professionnelle précaire et problématique. L'espace privilégié est l'espace communautaire où ils se retrouvent entre copains : la cité, le quartier, le bar et le foyer de jeunes. L'espace est un espace affectif et clos, un « territoire ». C e sont les jeunes qui fréquentent quotidiennement le foyer. C e sont encore eux qui pratiquent l'essentiel des activités sportives. football, equitation, tennis de table, canoëkayak.... Le jeu, c'est l'exercice pour lui-même. Structuration de la temporalité : là aussi, plusieurs dimensions : catégorie catégorie catégorie catégorie. n° 1 n° 2 n° 3 n 4. passé passe. présent présent présent présent. Figure A. Figure B. Espace « ouvert » : insertion sociale de l'individu normale. ACTION. MOBILITE.. Espace « clos » : insertion sociale de l'individu problèmatique. AFFECTIVITE FAIBLE MOBILITE.. Légende : ( + ) : valorisation positive de l'espace. (—) : valorisation négative de l'espace.. F. Levieux. rapports qu'ils pourraient entretenir avec les clubs ? Faut-il des structures compétitives dans le cadre restreint d u quartier ? Quel en serait l'encadrement technique ? Autant de questions qui vont se poser d'ici peu... L'importance du déterminisme sociologique est le point crucial à retenir. Les diverses pratiques sportives sont l'illustration d'une situation de classes sociales. Tant que la problématique n'est pas formulée à ce niveau, aucune solution adéquate ne peut être envisagée. L'explication et les solutions ne sont pas d'ordre psychologique 1. 1 : espace familial. 2 : espace du quartier (ex. : foyer de jeunes). 3 : espace extérieur au quartier (ex. : club).. futur futur rêve. Activité Activité In-activité In-activité. + + + +. durée présent fabulation apathie. De la catégorie n° 1 à la catégorie n° 4, on passe d'une temporalité ouverte (le jeune est caractérise par l'activité, la formulation et la réalisation de projets) à une réduction progressive (apathie, phénomènes de retraits, activité discontinue) de cette temporalité. Dans le domaine sportif, cela se traduit par les oppositions définies dans le premier chapitre : distinction entre l'Agôn-Ludus (sport-discipline de compétition) et l'AgônPaïdia (sport-divertissement des foyers de jeunes) ; distinction également entre l'Agôn (manifestation impliquant l'investissement de la volonté et de l'attention dans l'activité corporelle) et le Non-Agôn (les formes de renoncement à l'activité individualisante que sont Aléas-démission. Mimicry-dissimulation et substitution, et Ilinxdestructuration de la personne). La structuration de l'espace et du temps varie selon les jeunes et les groupes de jeunes. Elle résulte d'une situation sociologique bien déterminée. Elle est à la fois conséquence et cause ; cause parce qu'elle contribue à perpétuer cette situation, et conséquence parce qu'elle en est également l'héritière. L'espace et le temps sont des formes simultanées indispensables dans lesqueljes la personne n'a pas besoin d'être introduite puisqu'elles sont conjointement la condition de son existence. Ce sont les bases objectives de la BIOGRAPHIE de l'individu (ces bases étant la structure des rapports sociaux) qui affectent le développement de sa personne. Même dans le cas du sport et de la pratique sportive, des lois de nature sociale déterminent ce développement et sont un point d'appui de toute « formation » des aptitudes.. 32 Revue EP.S n°144 Mars-Avril 1977. ©Editions EP&S. Tous droits de reproduction réservés.

(5) Au contraire, le sport permet l'intégration, l'appropriation de fonctions complexes qui caractérisent le processus d'individualisation de la personne (fonctions motrices, perceptives et conceptuelles). Le jeu c'est l'exercice pour luimême ; l'éducation sportive est passage de la fonction ludique à une fonction plus complexe subordonnée à des projets formulés et des motifs différés. Dans cette structuration spacio-temporelle, l'instant n'est plus la dimension absolue ; un mouvement s'opère entre le perceptif (sensoriellement actuel) et le représentatif (fondamentalement inactuel). Le sport a un pouvoir régulateur : il apprend à apprendre. Il met en œuvre des schèmes transposables et plurivalents dans les perspectives coextensives de l'action et de la représentation.. J.-P. C A L L E D E. (1)P. Laurent, R. Barran. J.-J. Faure : Les communistes et le sport. Editions sociales. Paris, 1972 (page 53). (2) Ibid. (page 73). (3) R. Thomas : La réussite sportive. PUF. Paris, 1975. (4) R. Caillois : Les jeux et les hommes. Idées, NRF (page 47). de la plus haute importance. « La classe sociale (5) Ibid. (page 52). Les catégories n° 2. 3 et 4 correspondent à la (6) Ibid. (page 56). conditionne le type de sport pratiqué, elle clientèle « classique » des foyers et des maisons conditionne aussi, dans une certaine mesure, la (7) Ibid. (page 115). de jeunes. personnalité. Celle-ci oriente le choix du sport et (8) G. Magnane : Sociologie du sport. Idées. NRF. la réussite. Il existe vraisemblablement des 1964 (page 166). Personnalité et pratique sportive influences réciproques. Le sport pratiqué agit à (9) M. Bouet : Signification du sport. Editions UniverE n présentant une typologie des jeunes et des son tour sur la personnalité » (16). La personne sitaires. 1968. pratiques sportives corrélative à leur situation dans n'est pas un état, elle est un processus en ASPOM : Association sportive de préparation le système des rapports de production, o n mouvement et le sport contribue étroitement à (10) lympique du Midi;le club recevait autrefois des constate que l'étude de l'activité de l'individu est cette appropriation d u devenir. R. T h o m a s o subventions des Armées dans le cadre de la préparation indissociable de celle des rapports sociaux qui la montre que la personne est unité. Contre cette militaire. sous-tendent. La structure sociale détermine unicité fondamentale de la personne se dresse une (11) Le Foyer de JeunesCarleVernet,créé depuis (impose ! ) sur le plan du psychisme individuel conception analytique et atorraste de l'individu : 1967. fait partie de l'Association des foyers de jeunes de des modes (et des cadres) de penser et d'agir. Ces ici, o n retrouve l'idée (et ses limites) d'une Bordeaux (Assoc. type 1901) : la ville s'occupe du formulations psychologiques sont donc pour une « civilisation des loisirs » qui permettrait à financement (V Direction. Jeunesse et sports). 11 faut grande part des reflets d'une situation structuchacun, indépendamment de sa situation de également mentionner les subventions de la Caisse des relle ; ce qui n'interdit pas — bien au contraire travail, de se réaliser pleinement. Dans cette allocations familiales, du Conseil général, de la — de rendre compte de la singularité des Jeunesse et des sports : soit moins de 5 %. Le Foyer perspective, on prête au sport le pouvoir personnes. s'inscrit dans un cadre ouvrier : habitat collectif, usines, d'humaniser et de résoudre les problèmes soSans la volonté explicite de transformation de ces ciaux. C'est le « sport-compensation », remède emnatrrcehpeô-tgsa,reisodeléBrdeiennlae.ville par la gare Saint-Jean et le bases objectives, on reste dans le domaine de aux contraintes et aux sacrifices de la « civilisation (12) Tandis que dans un sport d'équipe de club, le l'humanisme traditionnel et de son « discours technicienne ». de référence ou d'appartenance est différent : le social » ; la conception humaniste est captive L'école et le sport : l'éducation physique et jmode rôle déterminé et spécifique (principe d'une représentation abstraite de la personne qui sportive doit être un élément spécifique de la do'uineduirviaduaun tion). détache la personnalité des conditions sociales culture générale acquise à l'école. Elle ne doit pas Il s'agit d'une situation de classe sociale ; dans lesquelles elle se forme. L'individu, loin (ne devrait pas !) se réduire à un aménagement et (13) la place qu'occupe le chef de famille dans d'apparaître comme un produit social, est alors à une extension de la récréation qui. elle, répond aleustrerampepnotrtdit. représenté comme la base réelle de la personna- à d'autres besoins. Par une pareille restriction, on « sociologiqsuede» deproldaucftaimoilnle.caractérise la situation lité : rapports sociaux et conduites psychiques mutile l'enfant sur le plan physique, social et (14) F. Dubet : Dimensions et conditions de l'adaptasont confondus sur un plan unique. tion sociale des jeunes. (Essai d'interprétation d'une intellectuel. L'éducation physique et sportive est enquête dans la banlieue bordelaise - 1969-1970). Il s'agit donc de dé-psychologiser la problémaune composante fondamentale de l'éducation et Doctoral de Troisième Cycle, Université de tique, autrement dit de mettre l'accent sur de la culture. La formation de l'enfant, le BordeauxII.Sociologie. 1974 (362 pages), et. l'excentration sociale de l'essence humaine : les développement de ses aptitudes, s'organisent de F. Dubet : Pour une définition des modes d'adaptation perspectives d'épanouissement de la personnalité manière féconde et irréversible, dès le plus jeune sociale des jeunes à travers la notion de projet. (In humaine (culture, loisirs, sports...) impliquent âge, autour de la motricité. Revue Française de Sociologie. XIV) pages 221-241. nécessairement la transformation des rapports Le pédagogue amène progressivement l'enfant du 1973. sociaux jeu à l'éducation du sport et à l'éducation par le (15) Nous reprenons ici quelques éléments d'un travail sport. C'est toute la différence constatée entre le effectué en 1974 : J.-P. Callède : Les Jeunes de la Cité Sport, culture, éducation sport de compétition pratiqué en club et les CarleVernetde Bordeaux. Mémoire d'Ethnologie de La détermination sociologique des facteurs indivi- activités sportives proposées dans les maisons de second cycle. Université de BordeauxII.1974 duels, dans le domaine du sport comme dans jeunes. Dans le second cas. la contribution (155 pages). (16) R « Thomas : op. cit. (page 111). celui de toutes les manifestations de la culture est pédagogique est extrêmement faible. e. 33 Revue EP.S n°144 Mars-Avril 1977. ©Editions EP&S. Tous droits de reproduction réservés.

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