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Étudier à Québec un demi-siècle après Raoul Blanchard

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Academic year: 2022

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Cahiers de géographie du Québec

Étudier à Québec un demi-siècle après Raoul Blanchard

Paul Villeneuve

Volume 30, Number 80, 1986

URI: https://id.erudit.org/iderudit/021805ar DOI: https://doi.org/10.7202/021805ar See table of contents

Publisher(s)

Département de géographie de l'Université Laval ISSN

0007-9766 (print) 1708-8968 (digital) Explore this journal

Cite this article

Villeneuve, P. (1986). Étudier à Québec un demi-siècle après Raoul Blanchard.

Cahiers de géographie du Québec, 30(80), 281–291.

https://doi.org/10.7202/021805ar

Article abstract

The object is to draw a comparison between Blanchard's approach and the one put forward in present-day urban research. It is remarkable that many research themes investigated today were present in Blanchard's monograph...

without the analytical jargon. It appears, however, that Blanchard had difficulty to take sufficiently into account social structures as constraints and individuals as actors in his interpretations. Why was this the case since, in theory, his mode of thinking, a possibilism not unrelated to the cybernetic form of explanation, would have allowed it?

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Vol. 30, no 80, septembre 1986, 281-291

ÉTUDIER QUÉBEC UN DEMI-SIÈCLE APRÈS RAOUL BLANCHARD

par

Paul VILLENEUVE

Département de géographie Université Laval, Québec

RÉSUMÉ

L'auteur compare la perspective qui émerge de certaines recherches urbaines actuelles à celle de Blanchard dans son «esquisse» de 1935 sur Québec. La thématique blanchardienne fait d'abord l'objet d'un certain nombre de commentaires. Il est remarquable de constater que plusieurs des thèmes abordés par la géographie urbaine dite « moderne» sont présents chez lui...

cependant dépouillés de toute lourdeur analytique. On note par contre la difficulté qu'éprouve Blanchard à considérer de façon satisfaisante les structures sociales comme contraintes et les individus comme acteurs. Son mode de pensée, un possibilisme apparenté à l'explication de type cybernétique, l'aurait pourtant permis.

MOTS-CLÉS : Raoul Blanchard, ville de Québec, genre de vie, méthode, possibilisme, explication cybernétique.

ABSTRACT

Studying Québec City Fifty Years After Raoul Blanchard

The object is to draw a comparison between Blanchard's approach and the one put forward in present-day urban research. It is remarkable that many research thèmes investigated today were présent in Blanchard's monograph... without the analytical jargon. It appears, however, that Blanchard had difficulty to take sufficiently into account social structures as constraints and individuals as actors in his interprétations. Why was this the case since, in theory, his mode of thinking, a possibilism not unrelated to the cybernetic form of explanation, would hâve allowed it?

KEY WORDS: Raoul Blanchard, Québec City, way of living, method, possibilism, cybernetic explanation.

RELIRE BLANCHARD SUR QUÉBEC

Pourquoi ne pas commencer par une question impertinente? Combien parmi ceux qui s'intéressent à la géographie de l'agglomération urbaine de Québec ont lu au complet « Québec, esquisse de géographie urbaine» (Blanchard, 1935, t. 2, p. 159-292) ?

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Plusieurs y ont fait des incursions, mais combien ont tenté de saisir la cohérence d'ensemble du texte ? L'impression s'est peut-être répandue trop tôt qu'il s'agit d'une géographie urbaine vieillotte et dépassée, qu'on ne lit que pour le « style». Et si le style était plus signifiant qu'on ne le pense!

Non pas que Blanchard ait été oublié. Encore en 1981, après avoir cité un passage où il qualifie Montréal « d'énorme métropole invertébrée... [où]... il y a quelque chose d'un peu monstrueux», alors que, à l'opposé, Québec est « la plus plaisante des villes du Canada français», la conclusion était tirée un peu rapidement que, de toute façon, il ne pouvait comprendre Montréal à l'aide du paradigme qui était le sien : celui de la géographie régionale française (Villeneuve, 1981, p. 58). Contrairement à Montréal, Blanchard retrouvait à Québec l'harmonie des villes françaises de province : « ... aucune disproportion ; un état de choses que nous qualifierions volontiers de français, car il se trouve dans beaucoup de villes de France d'importance analogue» (Blanchard, 1935, t. 2, p. 257). Ainsi, la géographie régionale française, habituée à décrire des paysages bucoliques, perdrait ses moyens devant la grande ville industrielle, dont elle ne peut saisir la structure (les vertèbres), alors que la capitale de province se révèle aussi harmonieuse et bien proportionnée que les campagnes environnantes.

Cette impression persiste après une relecture attentive du texte de Blanchard sur Québec. Elle est toutefois moins nette, dans l'exacte mesure où sa grille de lecture, toute simple qu'elle puisse paraître, réussit à capter l'éventail presque complet des thèmes abordés par la géographie urbaine dite « moderne».

D'UNE GRILLE À L'AUTRE

Ce retour à Blanchard n'est peut-être pas motivé par la seule préparation d'un numéro anniversaire des Cahiers. La géographie actuelle vit un malaise au Québec comme ailleurs. Elle est en proie à une sorte de dispersion, certains diraient à un éclatement. Ceci ne semble nulle part plus vrai qu'en géographie urbaine. Non seulement voyons-nous s'y ériger des sous-spécialités, mais il arrive même qu'à l'intérieur de chacune de celles-ci, plusieurs courants idéologiques se manifestent.

Ainsi la géographie sociale urbaine se partage-t-elle entre : 1) l'écologie humaine qui culmine avec l'analyse des aires sociales et l'écologie dite «factorielle» ; 2) la démarche structurale qui conserve des velléités globalisantes, surtout dans sa version marxiste; et 3) un nouvel humanisme qui valorise la richesse de la vie quotidienne (Villeneuve, 1984).

Ainsi encore, la géographie économique urbaine est-elle traversée par: 1) une tendance néo-classique qui fait résulter l'utilisation des sols de la maximisation des utilités individuelles; 2) un courant keynésien ancré dans la théorie de la base économique; et 3) un mouvement ricardo-marxiste qui veut fusionner les théories de la localisation avec celles de la production (Aydalot, 1985).

Nous pourrions également identifier des tendances idéologiques divergentes en géographie politique urbaine, en géographie culturelle urbaine, et même en géographie physique urbaine. Qu'exprime au juste cette mosaïque de sous-spécialités et de courants idéologiques? La réponse à cette « méta-question» dépendra sans doute elle-même des référents idéologiques, voire même epistemologiques, de ceux et celles qui la formuleront: éparpillement excessif pour les tenants de l'unité disci- plinaire, diversité enrichissante pour ceux qui valorisent le pluralisme et le savoir

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spécialisé. Des analystes plus téméraires pourraient même aller jusqu'à prétendre que cet éclatement est une retombée non voulue de la pauvreté du questionnement épistémologique à la belle époque de la géographie régionale.

Face à la multiplicité des grilles actuelles de lecture urbaine, et souvent à la complexité de chacune d'elles, la grille blanchardienne apparaît fort simple. Elle s'articule autour des cinq thèmes les plus courants de la géographie urbaine monographique: la situation, le site, l'évolution, les fonctions et les formes. Ces thèmes sont loin de constituer des tiroirs qu'on ouvrirait et qu'on fermerait indé- pendamment les uns des autres.

La situation et le site regroupent les facteurs physiques à deux échelles dont l'une forme le contexte de l'autre. Et il ne faut surtout pas sous-estimer cette articulation du texte (le site) au contexte (la situation). Blanchard ne s'engage pas dans une longue explicitation des liens entre les thèmes qui cadrent son propos. Depuis, toutefois, la réflexion épistémologique et sémiologique nous suggère que la signification est redevable au contexte (Bateson, 1980). L'ampleur du contexte est en quelque sorte garante de la prégnance de l'interprétation. Ceci est de la plus haute importance pour une géographie qui se veut descriptive et interprétative plutôt qu'analytique et explicative. Or il est clair que Blanchard opère sur le monde interprétatif, voire

« historico-herméneutique» (Habermas, 1973, p. 145).

Le thème de l'évolution fait référence aux étapes de la mise en valeur de la situation et du site de Québec. Ici également, le contexte historique est largement évoqué : « Ce fut encore une guerre européenne, celle de Crimée, qui marqua l'apogée de (la construction navale)» (Blanchard, 1935, t. 2, p. 205). On pourrait remettre en cause la « périodisation» proposée: 1) la forteresse; 2) la période anglaise et la prééminence du port; 3) la période française et le développement de l'industrie. Elle fait beaucoup de place aux fonctions économiques. Ceci est bien sûr conforme à la logique de la notion de «genre de vie», même si cette dernière est pratiquement absente de « l'Esquisse de géographie urbaine de Québec».

Une telle absence attire l'attention. La notion de «genre de vie» n'est-elle pas centrale dans la géographie humaine française (Vidal de La Blache, 1911) ? Blanchard l'utilise explicitement dans ses premiers travaux sur le Québec : de ses excursions de 1929 à 1933 dans les régions de l'Estuaire, il rapporte une description des «genres de vie anciens» et des «genres de vie contemporains». Déjà pourtant, la notion lui sert plus à coiffer des chapitres qu'à échafauder des hypothèses interprétatives, ce qu'il semble d'ailleurs faire beaucoup plus volontiers en géographie physique qu'en géographie humaine. Elle n'est plus là dans la table des matières du Centre du Canada français et de L'Ouest du Canada français. Serait-ce que Blanchard est lui aussi en proie à l'embarras qui circule chez ses collègues au sujet de cette notion, et que Sorre exprime en ces termes :

«Une sorte d'embarras subsiste, les uns pensant qu'il s'agit d'une notion insuffisamment déterminée et préférant se taire à son sujet, d'autres éprouvant quelque gêne à l'introduire dans leurs constructions, d'autres enfin estimant que, propre à l'étude des groupements plus ou moins marqués d'archaïsme, elle ne trouve guère son emploi dans la description du monde moderne» (Sorre, 1948, p. 97).

Ainsi, tout se passe comme si la notion de genre de vie s'estompe lorsque le géographe se rapproche de la ville : de la Gaspésie à Montréal chez Blanchard, et de la fin du XIXe siècle avec Vidal de La Blache au milieu du XXe avec George pour l'ensemble de la géographie française. Pourquoi ?

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Relevons certaines des raisons suggérées. Dumont (1970, p. 118) rejoint Sorre lorsqu'il note que « l'étude des villes met confusément en question la notion tradition- nelle de genre de vie en insistant davantage sur les "relations sociales" que sur les

"sites"». Ceci l'amène d'ailleurs à proposer un « nouveau projet» à la géographie dont il sera question plus loin.

Raffestin (1983, p. 38) abonde dans le même sens. Il ajoute que la notion est devenue caduque en raison du contexte intellectuel idiographique et de la perspective exceptionnaliste dans lesquels elle a été élaborée, alors que la notion de quotidienneté, telle celle d'Henri Lefèbvre (1958), s'est élaborée dans un contexte nomothétique.

Buttimer (1978), pour sa part, se préoccupe moins des raisons de la mise au rancart de la notion que de la possibilité de la redéfinir en des termes plus actuels. Elle s'embarque alors dans un échafaudage de termes susceptible d'en rebuter plus d'un.

Pour elle, un genre de vie « moderne» ou « urbain» pourrait être approché en mettant en rapport les trois niveaux suivants de l'expérience humaine: le niveau cognitif- affectif, le niveau interactionnel-intersubjectif, et le niveau organique-territorial. Elle pose la question : « Comment Vidal aurait-il orienté une étude actuelle de géographie urbaine ? (Ibid., p. 62). À en croire Raffestin, on peut penser que ni Vidal ni Blanchard ne se seraient senti à l'aise dans la manipulation des termes de Buttimer.

Ritchot aborde dans des termes, à notre avis, plus féconds la question de la mauvaise fortune de la notion de genre de vie. Il rappelle en se référant à Lacoste qu'elle «fut enterrée avec les postulats déterministes» qu'elle aurait apparemment véhiculés (Ritchot, 1985, p. 29). Or, ceci équivaut pour lui à «jeter l'enfant avec l'eau de la baignoire» (Ibid., p. 30), et il trouve plus intéressant de retravailler la définition de cette notion que de lui substituer celle de « mode de production», qui réduit le rapport entre l'homme et la nature à «des transformations matérielles par le travail» {Ibid., p. 29), ce qui viderait de son sens « l'espace géographique et les genres de vie qu'il contient», puisqu'alors « la forme urbaine équivaut à la forme marchandise et n'a plus de raison d'être dite» {Ibid., p. 29-30).

Cette remarque de Ritchot, même si elle est elle-même un peu réductrice puisqu'elle suggère des équivalences entre production, travail et forme marchandise, le conduit néanmoins à des propositions théoriques du plus haut intérêt sur les rapports entre les formes urbaines et les genres de vie. En particulier, la façon dont il prend à rebours les catégories du nomadisme et de la sédentarité, en les considérant comme «devenirs culturels» plutôt que comme «états de nature» (Ibid., p. 30), ouvre des possibilités assez fascinantes. Pour marquer la distance, en termes de Weltans- chauung, qui sépare Ritchot de Blanchard, voyons comment chacun «parle» des rapports entre l'opposition nomadisme/sédentarité et l'urbain. Pour Blanchard, les propositions de la nature sont quelquefois difficiles à refuser. Il débute son chapitre sur l'évolution de Québec en ces termes :

« Les facteurs combinés de la situation et du site étaient si puissants qu'ils ont agi dès avant l'arrivée des Blancs, dans cette société indienne si instable et si peu favorable à un développement urbain, et sur un emplacement qui était situé à la limite entre les activités des tribus nomades du Nord et celles des demi-sédentaires du Sud, donc dans une position très peu propre à une agglomération» (Blanchard, 1935, t. 2, p. 187).

On voit mal comment la dernière partie de la dernière phrase découle de ce qui la précède, sinon que la valorisation des facteurs naturels cherche à s'appuyer sur le postulat implicite d'une association improbable entre l'instabilité des nomades et des demi-sédentaires d'une part, et l'émergence d'une ville d'autre part. L'interprétation de

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Blanchard est si peu assurée qu'il se contredit dès le paragraphe suivant lorsqu'il relève que Stadacona aurait été « un centre de trafic de pelleteries entre les cultivateurs du Sud et les chasseurs nomades du Nord». Pour Blanchard, les formes absentes, les abstractions et les causes perdues : très peu.

Ritchot au contraire cherche constamment de ce côté le sens des choses. Attentif à la polysémie des mots, il formule ses interprétations en «créant du langage», et béotien celui qui dirait: «ce ne sont que des mots». Les mots ne sont pas naïfs et comme il le dit lui-même, « s'il y avait un peu plus de spéculation intellectuelle sur la ville, il y aurait peut-être moins de spéculation foncière dans la ville» (Ritchot, échange verbal, interprétation libre). Pour lui, il faut repenser dans les termes suivants le rapport entre l'opposition nomadisme/sédentarité et l'émergence urbaine:

« S'il est incontestable que l'urbain et la sédentarité soient génétiquement liés..., il est tout autant certain que la genèse de l'un et de l'autre s'est accomplie en un contexte (oriental) où le nomadisme prévalait intégralement. Autrement dit, parce que la ville est présentée comme manifestation du genre de vie sédentaire, il est permis de supposer qu'un certain nomadisme (théorique) en soit la cause (perdue)» (Ritchot, 1985, p. 31).

Il développe cette proposition dans un texte d'une richesse conceptuelle remarquable, qui rejoint par d'autres chemins les propos de Bateson (1980, p. 223) sur la forme immanente, et où surgissent à tous moments des rapprochements inattendus qui bouleversent nombre d'idées reçues. Ainsi, au sujet de ce nomadisme «théorique»

— c'est-à-dire qui devient abstraction au moment où se réalise la sédentarisation urbaine — porté par des nomades symboliques qui «suivent» le capital comme les nomades « primitifs» suivaient leur cheptel.

Cette théorisation sur la forme urbaine nous introduit à un contexte qui élargit singulièrement le sens du texte de Blanchard sur les deux derniers thèmes de son canevas monographique : la forme et la fonction. Son dernier chapitre sur « La ville actuelle» traite ces deux thèmes. Les fonctions sont appelées les « modes d'existence»

de Québec et les formes deviennent «les formes du paysage urbain». Voyons comment il les caractérise lui-même:

«Deux thèmes peuvent être évoqués dans l'étude d'une ville à son état actuel. Le premier concerne le genre de vie de la cité : de quoi vivent ses habitants, quelles sont leurs diverses ressources et comment ces ressources sont-elles distribuées. Le second porte sur les formes du groupe urbain: c'est l'aspect de la ville, la répartition et l'allure de ses divers quartiers, la densité et la nature de leur population, enfin le rayonnement exercé par la ville sur la banlieue» (Blanchard, 1935, t. 2, p. 239).

Blanchard emploie explicitement ici la notion de genre de vie. On voit quel sens il lui donne: l'industrie, le commerce et le rôle de capitale forment le genre de vie de Québec, ses trois modes d'existence. Ceux-ci sont traités séparément des formes du paysage urbain. Peut-on dire que cette façon de faire inaugure la séparation entre une géographie économique urbaine et une géographie sociale urbaine ? À notre avis, pas tout à fait puisque, continuellement, le texte sur les fonctions fait référence aux formes et vice versa. Par exemple, lorsqu'il traite de la fonction intellectuelle de la ville, après avoir dit qu'elle date d'il y a longtemps, il écrit au sujet de l'Université Laval, qu'elle est: «fièrement érigée sur la falaise au-dessus de la Ville Basse» (Ibid., p. 255). Ou encore lorsqu'il décrit les quartiers: «Limoilou est une résidence de petits employés, d'ouvriers du chemin de fer, de travailleurs de l'Anglo-Pulp toute voisine» {Ibid., p. 271). Ainsi, les propos morphologiques et fonctionnels s'entremêlent assez bien.

Est-ce parce qu'il n'y a pas de volonté explicative ferme ? Il s'agit plus d'esquisser une image de la ville que d'ériger des explications théoriques à son sujet. Par contre,

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celles-ci sont très présentes ailleurs dans son oeuvre sur le Québec lorsqu'il est question de g é o m o r p h o l o g i e .

T o u t se passe c o m m e si l'urbain est un c h a m p dont on ne fait qu'entamer l'exploration. Déjà, presque t o u s les thèmes de la g é o g r a p h i e urbaine actuelle sont là, mais en g e r m e . B l a n c h a r d fait référence à la d i s t i n c t i o n entre emplois basiques et n o n - b a s i q u e s : «la petite industrie urbaine ne travaillant pas pour l'extérieur» (Ibid., p. 256). Il saisit les effets des prix du sol sur la d é p o p u l a t i o n au c e n t r e : «le quartier [ S a i n t - R o c h ] est en d i m i n u t i o n ; le terrain et les loyers c o m m e n c e n t à y être trop chers. Il avait plus de 21 000 âmes en 1919 ; il n'en a plus que 18400 en 1931 » (Ibid., p. 280).

La ségrégation résidentielle selon l'ethnie et la classe ne lui échappe pas : « Leur répartition (des Irlandais) est assez semblable à celle des B r i t a n n i q u e s : 780 dans la vieille ville, où la c o l o n i e de la rue C h a m p l a i n n'est pas c o m p l è t e m e n t disparue ; 1 535 dans Saint-Jean-Baptiste vers les rues Saint-Patrick et O ' C o n n e l l ; 1250 dans les hauts quartiers de l'Ouest; très peu dans les f a u b o u r g s du Saint-Charles» {Ibid., p. 277-278).

Il aborde le processus de « s u b u r b a n i s a t i o n » et de navette qui en découle en des termes qui préfigurent les analyses modernes : « Plus serré encore (que le p h é n o m è n e des maisons secondaires) est le lien qui fait descendre à Québec, chaque jour ouvrable, un certain n o m b r e d'habitants de la banlieue pour exercer dans la ville un métier... Leur n o m b r e dans chaque paroisse est f o n c t i o n de plusieurs f a c t e u r s : la distance, la nature des m o y e n s de c o m m u n i c a t i o n , les possibilités d ' o c c u p a t i o n que présente la paroisse» (Ibid., p. 284).

Il d é b o u c h e à la t o u t e fin sur la n o t i o n d ' a g g l o m é r a t i o n basée sur le r a y o n n e m e n t et la capacité d'attraction de Québec (Ibid., p. 289). Nul d o u t e que s'il avait effectué cette recherche 25 ans plus tard, il aurait eu recours volontiers à des outils c o m m e le modèle de g r a v i t a t i o n , les gradients de densité, ou les indices de s é g r é g a t i o n . C o n t e m p o r a i n de Christaller, il ne connaissait p r o b a b l e m e n t pas la thèse de ce dernier publiée en 1933. Aurait-il balayé la théorie des lieux centraux c o m m e n'ayant que peu de liens au réel ? Rien n'est moins sûr.

On dirait que la géographie urbaine dite « m o d e r n e » , surtout celle qui s'inscrit dans le c o u r a n t de l'analyse spatiale, n'a fait qu'ajouter des détails et des précisions.

En fait, B l a n c h a r d est un précurseur de cette g é o g r a p h i e tout autant qu'il est encore solidement ancré dans la géographie vidalienne.

DU P O S S I B I L I S M E PHYSIQUE AU POSSIBILISME S O C I A L

Nous disons plus volontiers « d é t e r m i n i s m e physique» que « possibilisme phy- sique» lorsqu'il s'agit d'évoquer ces écoles de pensée g é o g r a p h i q u e s . Pourquoi ? Un premier élément de réponse apparaît dans la f a ç o n dont nous interprétons ce qui d i s t i n g u e les deux écoles. Ainsi, nous avons tendance à penser qu'elles acceptaient toutes deux le principe de la causalité, et que leur divergence portait sur l'identification des c a u s e s :

« The geographical possibilists... seemed not so much to hâve been at war with the causal principle as to hâve disagreed with the determinists over the identification of the right cause and the right effect. In retrospect it appears as if both camps were seeking to analyse in terms of one-way relationships what we now conceptualise as complex two-way interactions,

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their disagreement being over which was the cause and which was the effect» (Harvey, 1969, p. 402).

Rien n'est moins sûr q u e ce c o m m e n t a i r e de Harvey. Les géographes de la fin du XIXe siècle et du début du XXe ne possédaient pas le metalangage qui leur aurait permis d'examiner leur analyse des rapports entre les humains et la nature. Et à l'époque où Harvey écrit ce c o m m e n t a i r e , ils ne f o n t que balbutier ce metalangage.

Par exemple, Harvey emploie les notions de « relationship» et «d'interaction» de façon interchangeable. Or, depuis peu, nous a p p r e n o n s à verbaliser la d i s t i n c t i o n q u e nous sentions d e p u i s assez l o n g t e m p s entre ces deux n o t i o n s . A i n s i , Sayer (1984, p. 82) identifie des relations de f o r m e qui e x p r i m e n t la similarité, par e x e m p l e entre deux séries statistiques, et des relations de substance qui e x p r i m e n t un lien c o n c r e t , c o m m e dans l'interaction entre des lieux de résidence et des lieux d'emploi. Bateson (1984, p. 236) dirait que ces deux niveaux de relations appartiennent à des types logiques différents.

Il ne suffit pas de dire que nous pensons maintenant en termes d ' i n t e r a c t i o n s c o m p l e x e s à deux sens alors que « e u x » se limitaient à des relations de cause à effet unidirectionnelles. On peut même suggérer que, souvent, nos « interactions complexes à deux sens» ne sont que des chaînes de relations simples de cause à effet, tandis que le p a r a d i g m e évoqué par l'expression «la nature propose, l ' h o m m e dispose» nous propulse au-delà de la pensée braquée sur l'explication de cause à effet.

A u risque de faire se retourner dans leurs t o m b e s Vidal et B l a n c h a r d , o n peut avancer que leur mode de pensée s'apparente plus à l'explication de type cybernétique qu'à l'explication de type causal :

«L'explication de type causal est, en général, positive. Nous disons, par exemple, que la boule de billard B s'est déplacée dans telle ou telle direction, parce que la boule de billard A l'a heurtée sous tel ou tel angle... Par contre, l'explication de type cybernétique est toujours négative. Nous examinons d'abord les événements qui auraient eu le plus de chances de se produire, pour nous demander ensuite pourquoi un grand nombre d'entre eux ne se sont pas réalisés, montrant ainsi que l'événement particulier étudié était l'un des rares à pouvoir se produire effectivement. L'exemple classique de ce type d'explication est la théorie de l'évolution qui repose sur la sélection naturelle» (Bateson, 1980, t. 2, p. 155).

La s t r u c t u r e explicative de la théorie de Darwin peut être caractérisée c o m m e s u i t : de nouvelles formes de vie sont c o n t i n u e l l e m e n t produites par c o m b i n a i s o n s génétiques partiellement aléatoires; elles sont également c o n t i n u e l l e m e n t soumises à une sélection de la part de l'environnement et « les plus viables vivent». Rappelons d'abord que Darwin e m p l o y a i t l'expression sélection « naturelle» pour la distinguer de la sélection artificielle déjà pratiquée à son é p o q u e dans l'élevage a n i m a l . Cette d i s t i n c t i o n peut nous aider à saisir ce qui paraît être la lacune essentielle du possibilisme physique. Nous y reviendrons un peu plus loin. S o u l i g n o n s également que les mots «les plus viables vivent» paraissent inacceptables, tant ils sont t a u t o - logiques, aux yeux des esprits imbus de l o g i q u e f o r m e l l e . Bateson là-dessus s o u l i g n e que la l o g i q u e f o r m e l l e est un modèle inadéquat des processus c o n c r e t s (1984, p. 66).

En fait, la s i m u l a t i o n , c o m m e métaphore rigoureuse, se prête mieux à la c o n s t r u c t i o n d'une e x p l i c a t i o n c y b e r n é t i q u e que l'analyse e m p i r i q u e de la causalité dérivée de la logique formelle (Bateson, 1980, t. 2, p. 157). Ceci rapproche l'explication cybernétique de ce que T h o m appelle une « e x p l i c a t i o n structurale» :

« On prend la morphologie (X) en elle-même... [et]... on se donne pour but... [de l'engendrer]...

à partir d'un petit nombre de formes types susceptibles d'engendrer de nouvelles formes par agrégation spatiale... Comme [l'explication structurale] ignore en principe la notion de

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causalité, elle ne cherchera pas à expliquer la morphologie (X)... par l'introduction d'entités plus petites, ni par l'intervention d'agents externes supposés la causer» (Thom, 1974, p. 21).

Le m o d e de pensée du possibilisme physique me semble se rapprocher plus de ces types d'explication que de l'explication causale. Dans l'explication de type causal classique, il y a transfert d'énergie de la cause à l'effet, tandis que dans les explications de type c y b e r n é t i q u e et de type structural, il y a plus que ce transfert u n i d i r e c t i o n n e l . Il y a un élargissement de la pensée causale, de telle sorte qu'il devient plus juste de parler alors de « s t i m u l u s » et de « r é p o n s e » que de cause et d'effet. Ces types d'explications sont t o u t particulièrement appropriés au m o n d e du vivant c o n ç u c o m m e système « c o m m u n i c a t i o n n e l » , tandis que l'explication causale a pendant l o n g t e m p s d o m i n é nos explications des phénomènes se déroulant dans ce que nous concevons c o m m e le monde de l'interte, le d o m a i n e de la physique.

Dans un système « c o m m u n i c a t i o n n e l » , l'énergie de la réponse est f o u r n i e par le r é p o n d a n t lui-même. La réponse est soumise à au moins trois types de contraintes ou r e s t r i c t i o n s : 1) celles imposées par le n o m b r e fini des possibilités viables; 2) celles liées aux processus de rétroaction (feedback) ; et 3) celles qui concernent la « r e d o n - dance» (Bateson, 1980, t. 2, p. 159 sq). Ces considérations sont-elles présentes dans la façon dont B l a n c h a r d , par exemple, traite de la mise en valeur de la situation et du site de Q u é b e c ?

Au tout début de son c h a p i t r e sur l'évolution de Québec, il a c c o r d e à la ville la capacité d'agir, m é t a p h o r e c o u r a n t e , dans une phrase qui ne t r o m p e guère sur sa façon de v o i r :

« Pourtant, depuis 327 ans qu'elle existe, la ville a extrait de ces facteurs de situation et de site des effets variés. Sous l'influence des événements historiques et des transformations économiques, elle a tiré des partis divers de la gamme des possibilités que lui offraient les éléments géographiques» (Blanchard, 1935, t. 2, p. 188).

Pour lui, ce ne sont pas les facteurs de site et de situation qui « d é t e r m i n e n t » les

«effets variés». C'est la ville (prise pour les acteurs) qui «dispose» du potentiel légué par la nature. Celle-ci élimine elle-même un n o m b r e considérable de possibilités viables : «Ainsi la situation de Québec se trouve améliorée par le fait que la nature s'est chargée d'éliminer toute c o n c u r r e n c e vers l'aval» (Ibid., p. 161). Ici encore, un langage m é t a p h o r i q u e décrit ce premier type de restrictions, car ce n'est pas vraiment la nature qui « é l i m i n e » des endroits c o m m e Sept-îles ou Tadoussac. Ceux-ci sont éliminés d'office dans le contexte t e c h n i q u e de l'époque.

Blanchard en est sans nul d o u t e conscient puisqu'il fait référence explicitement à des restrictions d'ordre historique et é c o n o m i q u e . Ceci c o n c e r n e la redondance, le troisième et le plus c r u c i a l , à notre avis, des types de restrictions batesonniennes. La r e d o n d a n c e , «cette s t r u c t u r a t i o n ou cette prévisibilité des événements particuliers, à l'intérieur d'un ensemble plus vaste d'événements» (Bateson, 1980, t. 2, p. 163), ne s'approche plus en termes d'énergie mais en termes d ' i n f o r m a t i o n . Nous disons d'un message qu'il a une « s i g n i f i c a t i o n » , qu'il est «à p r o p o s » d'un réfèrent. Ce message introduit de la r e d o n d a n c e dans l'univers message-plus-référent :

«L'univers: message-plus-référent reçoit ainsi une forme ou un modèle; au sens shakes- pearien du terme, l'univers est informé par le message ; et cette forme-là ne se trouve ni dans le message ni dans le réfèrent. Elle apparaît comme correspondance entre message et réfèrent». (Ibid., p. 164, en italique dans le texte).

N'avons-nous pas là l'idée centrale d'une problématique que d'autres appellent

«relationnelle» (Raffestin, 1980), «de la f o r m e » (Ritchot et Feltz, 1985), ou encore

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« d i a l e c t i q u e » (Villeneuve, 1985) : la s i g n i f i c a t i o n est dans la f o r m e et celle-ci est dans le «troisième t e r m e » , dans la relation de différence entre le message et le réfèrent (ou contexte). Il y a de forts indices qui suggèrent que les écrits de Blanchard se r a p p r o c h e n t plus de cette p r o b l é m a t i q u e q u e d'une p r o b l é m a t i q u e limitée à des causes et des effets. T o u t e f o i s , son d i s c o u r s nous apparaît souvent très positiviste et même assez déterministe en raison du fait qu'il a un peu t r o p t e n d a n c e à rationaliser a posteriori les possibilités qui se sont en fait actualisées. Il s'agit là du danger qui guette sans cesse une d é m a r c h e h i s t o r i c o - h e r m é n e u t i q u e , et qui revient à sous- estimer «la place du désordre» ( B o u d o n , 1984) dans l'histoire et le c h a n g e m e n t social.

Le d e u x i è m e t y p e de restrictions batesonniennes est pertinent ici : les boucles de rétroaction réduisent la g a m m e des possibles dans les systèmes d o n t les parties sont f o r t e m e n t reliées entre elles. Dans ce type de système, on peut généralement détecter une réponse non fortuite à un événement fortuit, en raison même de la forte s t r u c t u r a t i o n du système. Par exemple, nous s i m u l o n s à l'aide d'un modèle de type L o w r y le processus d'affectation spatiale des activités dans l'agglomération urbaine de Québec (Villeneuve et Miller, 1985). Parce que la structure des déplacements au sein de l'agglomération est f o r t e m e n t o r d o n n é e , nous pourrions assez bien prévoir à l'aide de ce modèle les conséquences d'un événement fortuit c o m m e , par exemple, la d e s t r u c t i o n des ponts au-dessus du fleuve Saint-Laurent par un cataclysme q u e l c o n q u e .

Notre modèle de s i m u l a t i o n est une métaphore, que nous aimerions la plus rigoureuse possible. Il nous permet d'étudier l'influence de la f o r m e absente et du n o n - é v é n e m e n t dans la c o n s t i t u t i o n de la g é o g r a p h i e de Q u é b e c : «... on n'observe pas assez q u ' u n événement n'arrive jamais seul, mais t o u j o u r s a c c o m p a g n é d'un non- événement.» (Barel, 1982, p. 8). On a t e n d a n c e à oublier ce mode d'existence de la réalité c o m m e potentialité et à le c o n f o n d r e avec l'inexistence {ibid., p. 7). Les projets qui ne se réalisent pas affectent quand même le cours des choses.

Parce qu'il s'interrogeait fort peu sur sa façon de faire la géographie, Blanchard a peut être donné l'impression qu'il se faisait prendre au jeu de ses propres métaphores (« la ville extrait», « la nature é l i m i n e » , etc.), qu'il justifiait ce qu'il avait sous les yeux et qu'il voyait surtout l'harmonie et l'équilibre dans ce qu'il c o m p r e n a i t , alors que ce qu'il ne c o m p r e n a i t pas était f o u i l l i s d é s o r d o n n é (cf. ce qu'il écrivait au sujet de Montréal).

Il faut aussi dire que la n o t i o n de genre de vie, «ce c o m p l e x e d'activités habituelles caractéristique d'un g r o u p e humain et lié à l'entretien de sa vie» (Sorre, 1948, p. 97), mettait carrément l'accent sur les activités répétitives et la permanence, et non sur les pratiques innovatrices et marginales : « L'homme est un être d'habitudes e n c o r e plus que d'initiative» (Vidal de La Blache, 1911, p. 304).

En s o m m e , ne peut-on pas dire t o u t simplement que les rapports sociaux recevaient un traitement t r o p sommaire dans la géographie b l a n c h a r d i e n n e ? Si à la p h r a s e : «la nature propose, l'homme d i s p o s e » , nous s u b s t i t u o n s : «la nature et la société proposent, les individus d i s p o s e n t » , n'obtenons-nous pas une sorte de possibilisme physique et social qui, t o u j o u r s sur le mode cybernétique et structural, rend mieux c o m p t e du réel? Pourtant, dans les cas les plus évidents des milieux ruraux, B l a n c h a r d pouvait distinguer «l'ordre inégal» et son influence sur la marge de choix des individus. A i n s i , au sujet du c o n t r ô l e total qu'exerçaient les Robin sur les pêcheurs de Gaspésie :

« Tel était le système des Robin, qui a fixé pour un siècle le type ancien de pêcheur, et ne s'est que très lentement détendu sous l'effet de la concurrence. Il produisait de merveilleux résultats financiers, mais il était plus semblable à l'esclavage qu'à un libre trafic; il rappelle les débuts de la colonisation sur les côtes d'Afrique» (Blanchard, 1935, t. 1, p. 69).

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290 CAHIERS DE GÉOGRAPHIE DU QUÉBEC, Vol. 30, no 80, septembre 1986

On sent sourdre ici l'indignation de celui qui a milité naguère aux côtés des d r e y f u s a r d s ( H é r i n , 1984, p. 16). Il ne s'agit toutefois que d'un c o m m e n t a i r e au passage, c o m m e il en fait q u e l q u e s - u n s dans «l'Esquisse» : « Manifestement l'altitude est en raison directe de la richesse» (Blanchard, 1935, t. 2, p. 267).

C O N C L U S I O N

Les structures sociales c o m m e contraintes et les individus c o m m e acteurs ne constituent pas des c o n c e p t s centraux dans le possibilisme de Blanchard. Il tient c o m p t e des influences de l'histoire et des p r i n c i p a u x décideurs dans ses interpré- tations, mais celles-ci ont quelquefois une allure positiviste tant il a tendance à se c o n f i n e r aux modes de mise en valeur de la nature qui ont réussi et à négliger ceux qui ont échoué ou qui apparaissent marginaux.

P o u r t a n t , il met en oeuvre une f o r m e de pensée p o t e n t i e l l e m e n t c a p a b l e d ' « e n g r a m m e r » d é t e l l e s considérations. En effet, des indices sérieux incitent à suggé- rer que le possibilisme de l'école vidalienne s'apparente plus à ce que Bateson n o m m e l'explication c y b e r n é t i q u e , qu'à l'explication causale classique. Or, ce type d'expli- cation se prête particulièrement bien à l'étude des relations sociales. Pourquoi alors l'espace social et les acteurs sociaux restent-ils si indifférenciés chez B l a n c h a r d ? Faut-il évoquer, c o m m e le fait Hérin (1984, p. 38), l'éclipsé de la géographie sociale en France entre 1920 et 1945 sous la d o u b l e poussée du débat avec la m o r p h o l o g i e sociale d u r k h e i m i e n n e et d'une institutionnalisation t r o p «réussie» de la discipline g é o g r a p h i q u e ? Faut-il évoquer plutôt l'absence d'un véritable questionnement épisté- m o l o g i q u e pendant ces années?

Étudier Québec cinquante ans après Raoul Blanchard, cela voudrait dire s'inspirer de l'esprit de son oeuvre tout en replaçant son possibilisme physique dans un possibilisme social plus large.

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( a c c e p t a t i o n définitive en mars 1986)

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