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Essai sur le fondement juridique de la publicité du mariage

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Essai sur le fondement juridique de la publicité du mariage

DÉMÉTRESCO, Antoine

DÉMÉTRESCO, Antoine. Essai sur le fondement juridique de la publicité du mariage. Licence : Univ. Genève, 1868

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:91253

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:91253

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ESSAI

SUR

LE FONDEHENT JURIDIQUE

DE LA PUBLICITÉ

DU

ItiA.BIAG E

PAR

ANTOINE DÉMÉTRESCO

poul' obtenir le grade de Lic~ncié en Droit.

't

GIHiÈVE

11\IPRIIU.ERIE C.-L. SABOT, RUE DB RIVE, 3.

t868

(3)
(4)

INTRODUCTION

Sur la manière d'envisager le droit, Savigny disait:

(< Chaque siècle n'agit point arbitrairement et dans

une égoïste indépendance; il tient par des liens com- muns et indissolubles au passé tout entier. Chaque époque doit donc admettre certains éléments anté- rieurs qui sont donnés par la nature même de la nation considérée comme un tout qui subsiste et se maintient au milieu de ses développements successifs.

La nation d'aujourd'hui n'est qu'un membre de cette nation perpétuelle. >>

Ainsi, rn rega1·dant le caractère particulier de notre époque, on peut reconnaître, en effet, qu'elle retourne aux sources, aux origines; elle renoue la chaîne du passé brisée en bien des endroits.

Le sujet de notre thèse, comme le titre l'indique, nous a forcé nécessairement de recourir à ces sources;

et en remontant, en particuliCJ·, jusqu'au droit ger- manique, nous voyons que ce droit pose comme prin-

(5)

IV

cipe universel la publicité de la tr·ansmission des dr·oits réels.

D'uu autre côté, nous voyons le droit moderne français qui consacre le même pdncipe de publicité spécialement pour l'acte de mariage; et en arrivant ainsi aux for·mes que la loi civile exige pour cet acte, nous nous sommes demandé quelle est la raison juri- dique, la raison suffisante qui a dû déterminet· le lé- gislateur à consacrer ce principe de publicité~-Nous avouons franeùement que ceLte question nous a em- barrassé au pt·emier abord. Mais nous avons pensé que, en examinant la nature des droits qui constituent la famille. on pourrait reconnaiLrc qu'il y a une grande analogie entre les droits 1le famille et le droit réel; ct qu'on pourrai!. trouver ainsi la r·nison que nous cherchions tout-à-l'heur·e.

Voil~ précisément ce que nous nous proposons d'essayer.

Nous sommes t•cckvable de l'idée-mèr·e de notre travail à M. I.e professeur Hornung, qui l'a déjà émise d'une manière générale dans son cours tle droit pu- blic professé à l'Académie de Genève, en 1866-1 fl(i7.

L'idée que le droit réel s'applique aux personnes,

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n'est pas seulement théoriqut.·, e11e peut avoir, nous

'

semble-t-il, une haute impot'Lnnce 1watique.

Toutefois, nous le reconnaissons, notre expérience n'est pas à la hauteur du sujet ; N, si nous nous som- mes hasardé dans une matière anssi l!Omplexc, cc n'est qu'en nous appuyant sut· l'indulgence de nos juges.

---~

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1

1

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CHAPITRE Ier

Classification des droits.

Pour donner une classification plus juste de la na- turc des d•·oits, nous croyons qu'avant tout, il faut nous reporter au droit romain, qui a exercé une grande influence sm· le droit germanique, et qui resle à p•·ésent, sur bien des points, la base ùu droit mo- derne.

Les Romains ont nettement distingué deux. catégo- ries de droits : 1° les droits réels, fura in remi 11°

les droits personnels. fura in personam. Cela posé, il nous reste à examiner plus spécialement la nature de ces deux catégories de droits.

1

JURA IN PERSONAiU.

Les ;'u1·a in personam, qui correspondent aux obligationes, diffèrent du droit réel, quant à l'objt'l du droit et quant à la nature de l'obligation qui lui correspond.

(9)

li

Quant à l'objet du droit, ce n'est pas un être (chose ou personne); ce n'est pas non plus un ensemble de d1·oits sm· lesquels on acquiert un d1·oit indéfini: l'ob- jet du droit ici a quelque chose de beaucoup moins matériel, - i l est plus idéal. -Le d1·oit porte non sur la personne même du débiH~m·, mais seulement sur une prestation ou une série de prestations aux- quelles le débiteu1· se trouve obligé par son fait, que ce soit par son consentement exprès, ou bien par le fait d'un délit. La prestation peut être plus ou moins durable, il se peut que le débiteur ait à servir le créancier; mais ct>pendant, même alors, ce n'est pas la personne même qui est engagée, la personne est toujours libre dans son ensemble: le débiteur aliène une des utilités qu'il peut fournil' par le moyen de sa personne ou de ses biens.

L'obligation est faire pour se d<!truire; elle aspire à la solutio: c'est-à-dire à la déliv1·ance du débiteur, par le fait qu'il a fourni la prestation à laquelle il se trouve obligé.

Supposons un ouv1·i<•r qui s'engage pour un temps qurlconquc; eh bien! au fur et à mesure que le ser- vice sc fait, l'obligation diminue eL enfin, en se J'éali- sant, elle se détruit complétemcnt.

(10)

Quant à l'obligation qui correspond au jus in per · sonam, elle est positiYe et spéciale au débiteut·. En outre, elle doit avoir une valeur économiqnc; el lt•s Romains ne reconnaissent que crlles qui peuvent se résoudre dans une somme d'argent: ea enim in obli- gatione Consistere, quœ pecunid lui prœstarique possunt ( 1 ).

On peut remarquer encore que l'obligation sc cons- titue par un simple contrat entre les parties, dont la volonté fait la loi, et la société ne règle guères que la forme et l'intet·prétation du contt·at.

Les Romains sont aussi arrivés à donner un nombre infini d'actions, suivant ces différentes obligations.

Aprrs avoir vu d'une manière succincte la doctrine dn jus in personam, passons maintenant à celle du droit réel, .fus in -rem.

II

DROIT RÉEL.

L<'S Romains n'ont pas donné la théorie générale du

droit réel; mais ils l'ont très-bien vue pat· instinct.

Ils ont bien distingué la transmi~sion du droit réel, de

(1) F1·. 9, §2, D. 40-7.

(11)

·JO

l'obligatio; et surtout ils ont indiqué nettement la différence entre l' actio in personam, et l' actio in rem.

J,e droit réel, quant à sa naLu•·e, est un, absolu, ex- clusif; il s'exe1·cc envers et contre tous. Ce qui le ca·

ractél'ise, c'est l'exclusion des tiers, et aussi le droit de suite ou de revendication adversus quem~Jis pos- sessorem.

Le droit réel coi-respond donc à une obligation gé- nérale et négative; c'est la société tout entière qui s'engage à •·especter le droit de propriété de l'individu.

-Remarquons, en outre, que le d1·oit réel est fait pour durer infiniment.

Quant à son objet, le d1·oit réel porte sur un être (chose ou personne) ou sur un ensemble de droits sur lesquels on acquiert un droit indéfini, comme c'est le cas dans la succession.

Il résulte de la nature du droit réel, qu'il doit, en . principe, être constitué par un acte public, puisqu'il faut avertir les Liers contre lesquels le droit s'exercera.

Et ceci s'appliquera à tous les droils réels, quel que soit leur objet.

Nous citerons comme exemple, la mancipatio qui

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H

est Je centre de la doctrine du droit réel chez les Ro- mains.

La mancipatio est une vente fictive, imaginaria venditio, qui a lieu devant cinq témoins et un libn·- pens ( 4 ). - Les cinq témoins représentaient les cinq classes du peuple. - La mancipatio s'applique aux personnes comme aux choses, ainsi aux fils, dans J' adoptio, aux femmes, dans la conventio in manum.

Toutes les fois qu'il s•opère une mutatio (amiliœ, nous voyons des actes solennels analogues à ceux qui opèrent la transmission d'un droiL réel.

Les Romains ont assimilé encore la mancipatio au nexum. Voici ce que nous lisons dans Festus: « Nexum est, ut ait Gallus .!Elius, quod cumque per œs et Ubram Geritur. »

La mancipatio s'appliquait enfin à la ltereditas ou patrimoine dans le testamentum per œs et libram.

Ainsi, un des caractères essentiels du droit réel, dans l'ancien jus civile, c'est la publicité, et nous voyons les mêmes formes s'appliquer, quel que soit J•objet du droit réel.

Nous remarquet·ons encore que la nature réelle des

(1) Gains) 1, 113, 119.

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12

droits sur les personnes se reconnaît dnns celle des ac- tions donnérs par les Homains pour faire valoir ces d•·oits en jus1ice. Ces actions sont, en général, appelé<'s préjudicielles ( 1 ). Elh•s sont relatives au status, à l'éHll des personnes, et toutrs sont in rem << Prœfu- diciales actiones, dit Justinien, in rem esse viden- tur,quales sont perquas quœrilur an aliquis liber, vet an libertus st't, vet de pa·rtu agnoscendo. » La Causa liberalis est au nombre de ces actions. Elle est. donnée pou•· revendique•· la liberté et peut être exe1·cée non senlemt•nt par l'individu, muis cnco•·c pa1·

ses parents.-A propos de celle action, il est question de la possessio. - Lorsque la liberalis Causa était engagée, l'individu était mis provisoirement en pos- session de sa liberté (2). L'état d'ingénu, comme l'état d'affranchi, csl susceptible d'une certaine posst's- sion (5).

Enfin, il y avait des inte•·dits destinés à faire res- pecter cette possession rcla Live a.u Status: ainsi nous voyons l'interdictum de homine libero e.xhibendo.

Le père a, pour réclame•· son fils, l'interdiclum de

(t) § 13. De actiouibus.

(2) V. Dig., de liberali Causa.

(:-1) V. Oemangeat, Cours 6lcment. de rl•·oilnm•ain. l. Il, p. 55i

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liberi e.:x:hibenclis, cl Je mal'i a J'interdictum de Ua:01·e exhibencla pour revendiquer sa femme même conlre le père de celle-ci (depuis Marc-A mèle ).

Or, on le sail, la possessio ad interdicta renferme un élément. réel, qu'il s'agisse d'une chose, d'une Ile- l'editas ou d'une personne. Jamais, la possessio ad inte1·dicta n'est mentionnée dans les fura in perso- nam, cat• elle ne vaut que vis-à- vis des Liers. Celui qui possède une chose en vertu d'un simple contrat n'a pas Il-s interdits; il doit s'adresser à celui dont son droi L ùéri ve.

D'après tout ce que nous venons de dire, nous pou- vons donc placer} dans la dernière catégorie des droits réels, les droits résuiLanl du mariage quant aux per-' sonnes, parce que Je mariage donne aux époux J'un sur l'autre un droit complet, qui est exclusif des tiers:

comme on le voit dans la notion de la bigamie et de l'adultère. Il faut observet• en outre que le mariage et la famille, considérés en eux-mêmes et non plus seu- lement vis-à-vis des tiers, fondent des obligations positives et permanentes, analogues à celles que nous trouvons dans l'Étal. Mais no, s nous plaçons plutôt maintenant au point de vue du droit réel.

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CHAPITRE II

Droit réel dans la famille.

1

NOTION GÉNÉRALE DE L'ÉTAT CIVIL.

L'homme en naissant appartient à une famille; par sa filiation légitime, il est memb•·e d'une famille.

Par le mariage il crée lui- même une nouvelle fa- mille. Le mariage occupe donc le centre des trois gran- des époques cle la vie, qui constituent l'état civil, parce que l'acte du mariage fixe la condition de l'homme, et consacre, dans l'intérêt de ce demie•·, dans celui dt la famille et de la société, les droits qu'il acquiert par sa naissance, et qu'il Lransmet pat·

sa mort.

V Etat ci vil est destiné à constater les liens d urablcs qui fondent la ramille en rattachant Je père à ses en- fants par la transmission du nom et des biens.

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f 5

Dès lors, on voit que la fortune même d'une famille dépend emièrement de l'état civil, parce que c'est lui qui sert de norme pour la transmission des biens. L'on ne saurait exclure les tiers et regler les successions entre les membres d'une famille autrement qu'en vertu de l'état civil qui implique une entière publicité.

Nous ferons remarquer enfin l'analogie frappante qui existe entre le système des registres de l'Etat civil, destiné à donner publicité au mariage, à la naissance dans une certaine famille, et à la mort.- Et le système des n·gistres fonciers, destiné à assut·ct·

la publicité de tous les droits •·éels qui portenl sur les irnmc!Jbles.

C'est le même principe sous deux formes différentes.

II

DROIT RÉEL DES ÉPOUX L'UN SUR t'AUTRE, E'f DES PARENTS SUR LES ENFANTS.

On l't'présente le mariage comme un contrat; mais,

si on examine la nature des droits qui se constituent par le ,mariage, on peut reconnaitre que le mariage rst plus qu'un contrat.

PotMer appelle du nom de Contrat de mariage

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IG

!>On t•·niré sur le m:uiage lui-même; aussi avoue-t-il

que ce terme est équivoque (N" 2).

Un contrat, on le sail., ne se rapporle qu'à une pres- ration temporaire; tandis que Je mariage constitue des droits et des devoirs d'une nature tout à fait diffé- rente.

Ainsi, <'n cherchant à découvrir la raison domi- nante de l'alll·ait invincible qu'éprouvent des êtres unis en légitime mariage; cet attrait nous a pat·u lina- lement ètre celui de la propriété. Ce sentiment du

~wopl'iétaire a une douceur et une force incomparable;

il donne des satisfactions, dont rien ne saurait tenir lieu. En effet, par le seul fait du mal'iage, les époux se trouvent liés de telle manière qu'il s'opère une sorte d'aliénation réciproque entre eux; ils se donnent l'un à l'autre, ct par conséquent ils se donnent un droit absolu, un droit réel. Nous l'avons dit, dans les rapports qui composent la famille, il y a deux élé- ments:

1° Obligation générale et négative des tiers : dans le cas de bigamie eL d'adullèt·e, chacun des époux a le droit d'exclure les tiers;

no

Obligation permanente et positive dans l'inté- rieur de la famille où nous voyons une personne

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appartenir à une aulre. Rien dt· plus énergique que ces mots « mon mari, » « ma femme, » pour nous fnire comprendre la nature du J.roit.

Un aulrc r·élppor't anélloguc existe entre les par·cnts ct les enfanls : ici l'appropriation civile est exaltée encore par le frémissement de la nature. -Les en- fants, par le seul fait de leur naissance, se trouvent sous la puissance de leurs parents; ils suivent la con- di Lion de leur père; ils son L placés sous les mêmes obligations de droiL public. Les enfants commencent par être la choie de leurs parents, puisque la person- nalité ne se forme en eux que peu à peu : l'autorité commeuce par être absolue : c'est comme une pro- priété dans l'intérêt même de l'enfant. Ce da·oit est le • . plus considérable de tous, c'est t'autorité par excel- lence qui a été le type logique de Loutes lrs autres.

Vis-à-vis du dehors, les enfants sont bien véritable- ment la propriété de leurs parents, ceux-ci peuvent les revendiquer en toute main.

L'enfant, suivant les règles consacrées par les aa·ti- cles 571-574 du Code civil, ne peut se soustraire à la puissance paternelle jusqu'à la majorité, sauf l'é- mancipation qui est toujours lais!iée à la facullé des parents (art 447, Code civil).

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i 8

Un rtutt·c I'Xcmplc ft·rtppant se présente à nou!'i dans le eas de l'adoption. - l'adoption, on le sait, est une imitation de la naturr, qui lia à jamais les intéressés.

Cep1•ndant elle ne peut détruire les rapports qui exis- taient entre l'adopté et srs parents naturels. (V. Code civil, at·ticles 548 et 549).

On ne prut donc anivr•· d'aucune façon à détruire les rlroits et les devoirs qui naiss<'nt entre les parents el leurs enfants issus du maringe. Il y a là une appro- priation réei proque ri, nous le répétons, les mots

« mon enfant. >>, « mes p::!t'l'nts >>, l'indiquent.

On ne saurait refuser le dt·oit à un enfant de récla- mer l'assistance de ses prtt'l·nls; l'on ne saurait non plus l'nclure de la succession de t'un ou de l'autre.

Qu'y a-t-il de plus frappant que celle disposition de la loi qui impose à l'époux qui sc remarie une t·cstriction en fait de donation, si ce n't>sl t•n considération de son drvoir pPt1nanent vis-à-vis des t•nfants qui ont déjà acquis un droit vis-à-\ is de lui? Partout on ren- contre des dispositions tendant à a~sme1· autant que possible le t'apport rntre les m1•mb•·es d'une famille.

En un mot, la famille a nn droit inviolable de s'oppo- ser à ce qu'on porte aueintc à ses membt·es.

En accomplissant l'acte du mariage, le mari ct la

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19

femme sc donnent donc un droit réel l'un sm· l'autre vis-à-vis des tie•·s, ils fondent t•ntre eux une obliga, tion positive et permanente; - et en outre, ils fon- dent une famille nouvelle. Dès lors s'expliquent les dispositions de la loi qui exige:

Le consentement des pères et mères des futurs époux;

Une publicité aussi complète que possible, par le système des bans, les formes m~mes de l'acte de célé- bration et son inscription dans les registres de J'Etat civil.

Il résulte des conditions et des formalités inhéren- tes à l'acte du mariage qu'il n'y a pas là un simple contrat laissé à l'arbitrah·e des parties; mais un en- semble de formes destinées à averLir tous ceux qui peuvent ètre intéressés dans la question, exactement comme cela a lieu dans les actes qui constituent le droit réel pi'Oprement dit, au moins sur les immeu- bles.

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CHAPITRE ill

Publicité du mariage.

Publicité cl droit •·éel sont deux notions tout à fait connexes.

Tout droit essentiellement opposable aux tiers 11e peut acquérir ::;on efficacité que sous la condition d'un acte propre à le manifcstn aux yeux du public. De même que la loi, pour êt1·e ob~ir, a besoin d'être pro- mulguée, le droit réel qui impose un devoir à tous a besoiu d'être consti1ué publiquement: ainsi l'exige une justice rigoureuse.

Cette doctrine nous semble parfaüemcnt ration- neill·, ct n'ayant _en soi rien de contraire au spiritua- lisme h· plus exigeant. Le& sociétés modernes s'dior- cent dt• la réaliser dans le domaine du droit positif.

La distinction fondamentale des ÙI'Oits réels cL des droits personnels prop1·c·ment dits, est une idée émi- nrmm(·nt progressive quiJ par une nécessité pratique, tend à (•ntourer les droits réels d'une publicilé toujours plus complète.

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Nous dirons : Loure publicifé suppose un droit réd ; or, le mariage est un acte t>ntouré de publicité; donc le droit résultant du mariage est un droit réel.

En effet, si on se demande quel est Je but de la pu- hlication des bans, on Yoit <JUt' c'est la principale ga- rantie donnée aux tiers à l'occasion du mariage. Elle est destinée à avertir )('S fWrsonnes qui poutTaient avoir quelque raison d'empêcher le mariage de s'accomplir;

<>Ile a ainsi un double but : d'ab01·d de prévenir la cé- lébJ·ation d'un mariage qui aurait été conclu au mépris d'empêchem<>nts légaux; ensuite d'avertir les person- nes qni pourraient. être intéressées à former opposition à un mariage qui lèserait leurs droits.

Voilà, d'après nous, la raison juridique qui dt'mandc pour le mariage les mêmes formalités que pour la cons- titution de toul autre drniL r·écl.

Ce principe de publicité. nous semble-t-il, a préoc- cupé l'esprit des législatem·s ancirns; et, suivant la marche du· développement des idées juridiques de cha~

que nation, il tend à se généraliser.

Il nous reste donc à jett>r un coup d'œil sur la mm·- .chc de ce développement historique, dont nous a\'ons

déjà indiqué le poin1 d'arrivé, tel qu'il se présente à nous dans le système de l'étal civil consacré par Je Code Napoléon.

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22

CHAPITRE IV

Notions historiques.

Le mariage, comme un des actes les plus impo1·tants de la vie humaine, a natUI'ellement, chez toutes les nations, été placé sous une protection légale. Quelque- fois il a été accompagné d'invocation à la divinité;

aussi, chez les Romains, la religion lui donnait sa sanction; mais, dans tous les temps, sous Justinien encore, cette intervention n'a pas eu aucun caractère légal ; Je mariage fut toujours considéré comme un acte civil, si nous exceptons l'ancienne forme de la Conf a1·reatio.

A Rome, le mariage peut revêtir deux formes dis- tinctes, qui constituent deux périodes de l'histoire:

le mariage avec Conventio in manum et le mariage pa1· simple Consensus.

Le mariage avec Converttio in manum pouvait se

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2:i

faire de lJ·ois manières : I, pat· Confarnatio; Il, par Coemptio; Ut, par Usus ou Usucapio.

La Manus était un droit analogue à la patria po- testas; Ot·dioail'emrnL elle était lr:~nsmise par le père de la femme au mari. Le Conventio in manum opér11il une mutatio {amiliœ : la frmme sortait de sa r•·op1·e ramille pout· devenit· heres suus, comme la fille du mari, et ses biens lui étaient acquis. La Convintio in manum était donc un acte public qni donnait au mari le droit réel sm la femme.

Le mat·ingc par simple Cousensus se témoignait par la cohabitation avec un ct•rtain am·mus, c'est-à- dire, avec l'intt•nlion de vivre f'nsemble comme mari et femme. Ce mariage ne donn;Jil aQ mari aucune puissance, pa1·ce que le principe de la publicité y manquait : crpcnJant il créait l'obligation réciproque de fidélité, el par suile le d10it d'exclure les tiers.

Le consentement devait être donné à la fois par ks conjoints el par les chefs de famille sous la puissance desquels ils se trouvent. Nuptiœ consz'stere non po- sunt, dit Paul, nisz consentiant omnes: id ea, qui Coeunt, quorumque in potes tate sunt ( t ). Dans le

( 1) Li v. 2 De ri tu ntt7Jlta ram.

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consentement deces d'.:rniersnous t1·ouvons le pl'incipc du droit réel du chef de famille sur les membres <tui Jui étaient soumis.

Ce principe nons le VO) ons se conserver jusqu'à la chute du pagAnisme; et de nos jours, il fait la base du mariage.

L'arrivée du christianisme ne changea rien d'abord au caractère purement civil du mariage. C'est seule- ment vers l'an 900 que l'empereur Léon exigea la bé- nédiction reli6ieuse, outre l'acte civil (V. la nov. 37 de Léon.)

Si, des lois de l'empire d'Orient, nous passons à cel- les des nations qui vinrent s'établir en Occidt-nt, nous trouvons encore dans le Code de Wisigoths (

1 )

el les lois lombartles (2), le droit absolu des princes de ré- gler tout ce qui concerne le mariage.

Ce fut seulement Charlemagne qui, voulant pro- téger à tout prix l'Eglise,introduisitl'élémentrrligieux dans le mariage. Mais, malheureusement on le sait, Rome ayant pour principe l'universelle domination du prêtre (5), essaie d'usurper l'autorité laïque. Ainsi,

(1) Lib. Ill. De origine Conjugali.

(2) Recueil ...tes lois Lomb., Liv.ll. Tit. 1 et suiv.

(3) J. Hornung, Lettres suda sépm·atiOil de l'Eglise et de l'Etat.

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25

en profitant du faible règne de Louis le débonrwin·, le clergé attaque le pouvoir civil par les Fausses dé- crétales qui devinrent la base de la jul'isprudence canonique ( t ). La juridiction ecclésiastique prétcndi t

attirer toutes les causes où il y avait un élément re- ligieux ou un Pcclésiastique intéressé.

Ce fut alors que l'Eglise, d'après ses nou~elks doe- trines, convertit le mariage en un acte spirituel, ct toute preuve extérieure se confondit dans Je sacrement.

Qu'on se figure dès lors les funestes conséqut•nces qu'entraîna ce prin<'ipe de la simple béni·diction nup- ' tialt>, sans autre moyen de publicité et de police. -

La qualité des époux, la légitimité des enfants, le sort des familles ne reposèrent plus que sur des témoi- gnagt•s suspt'cts ou sur des vagues présomptions. Lt!

consPnt<•ment. des parents, que Je droit civil avait con- sacr·é, n'étnnt plus requis par le clergé, on vit des ma- riages clandl'stins contractés par les fils de famille à l'insu et contr·c Je gré de leurs parents; et par· consé· quent le scanllalc d'un état habituel de lutte contre l'autorité paternelle (2 ).

L'Eglise elle-mPme fin iL par intl"ociuire une cel"taine

(1) Bellot, Annales de législation, Tom. 1, 'Page ·162.

(2) V. Bellot, Annales de législ. T. 1, pag. 184-185.

(27)

26

publicité. L'Edit de i 556, en France, contre le ma- riage clandestin, avait exigé le consentement des pa- rents. Le Concile de Trente dcmnnda deux témoins.

Mais ces règles particuliè1·cs à l'Église catholique res- tent encore impuissantes pour garantir l'état des ci- toyrns en général.

C'est par les tcntati\'('S des souverains pour r<·eou- vrrr l'exrrcice du pouvoi1· civil, et par le progrès de la jurisprudence vers les saines doctrines, que cet état de choses changea. Ainsi, en particulier, l'Édit de Henri Ill (f 579) exigea le eonsentement des parent~,

5 proclamations, 4 témoins t't l't•nregistrement. - Mais il esl probable que ces registres manquaient d'exactitude, puisqu'ils ne dispensaient point de la preuve par témoins.

Enfin Louis XIV, par ses ordonnances, s'efforce de nouveau d'assurer l'état civil des Français. Ce pl'ince, par trois Edits de 1591,1705 et i 709, rréedes Gref- fiers gardes et conservateurs de registres de l'Etat civil; ainsi que des ContTôleurs de ces mêmes grl'f- fiers. Ces Edits tombèrent en désuétude, et probable- ment par suite des circonstances malheureuses qui, à cette époque, affligèrrntla France.

De nouvelles dispositions furent l'ohjet Lie la tlécla-

(28)

27

ration de Louis XV, en date du 9 avril 175G, qui forma le complément de l'ancienne législation (t ).

Mais, malgré tons ces efforts de souvE-rains pour· rr- couvr·fr Je pouvoir civil, l'élément religieux n'avaiL pas disparu complétement dr l'Etat civil : il n'y avait d'Etat ch·il que pour les catholiques.

Ce fait est constaté dans le préambule de l'Edit de -t 787 et par lequel le roi, après avoir déclaré qu'il proscrirait, avec la plus sévère attention, toutes ces voies de violence, etc .... avait autorisé tous ses su- iets ou étrange1·s étabUs dans le Royaume depuis

un temps suffisant, qui ne seraient pas de la reli- gion catholiquP., à fair·e constater les actes de leur état civil, soit par le etu·é ou vicaire de la paroissE', soit par les juges du lieu.

Enfin arTh·ent les grands principes juridiques de la Révolution, et alors le fondl'mrnt de la famille attir·c l'atlrntion du nouveau législateur; sa loi constitutive est renouvelée. La Constitution de 1791 pose les prin- cipes dans toute lenr simplicité (2):

« La loi ne considère le mariage que comme con-

» traL civil.

(t) Huteau-d'01·igny, De l'Etat Civil intt·od. page. XI.

(2) Conslil. de 1791, Tit. If, art. 17. -La ferrière, Histoire de' principes et des lois de la Révol. {mn ça ise.

(29)

28

« Le pouvoir législatif établir:-1, pour lous les lHlbi-

» tants, sans distinction, le mode par lcquellt·s 11ais-

» sances, mal'iagcs et décès seront constatés, ct il

» désignera les officiers publics I)Ui en rcceHon l ct

» consacreront les actes. »

En effel, le mad age est la base de la société ci vi le

eL politique : C'est donc à celle-ci qu'il npparLicnt d'en déterminer les formes ct les preuves.

Ces principes ont été consacrés, dans toute leur étendue, par le Code civil, qui trace dt•s règles uni- formes et pr~cises a(jn dl' foumir à chacun des moyens faciks t'l authentiques de constater son état.

C'était donc à lu France qu'était réservée la gloire de créer l'étaL civil, et de le pori er à un tlcgré tle pn- fectionnemt·nt inconnu des autres on lions, surtout t•n cc qui conc<'me le mariage légal.

On ne saurait niet· que, indépendamment de ce ma- riage légal, les peuples chrétiens obéissanl à une im- pulsion du for intérieur, demandent encore la béné- diction religieuse; - que les cérémonies du culte impriment à cet acte important de la vie un caractère de grandeur qui laissent souvent dt's impressions pro- fondt·s. Mais une pareille cérémonie rcligit'usc peul

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29

èlt'(' ronsiMrée sc•ult•rrwnl comnu• llO acrc•ssoire, qui

vient après coup, t'l qui ne peul avoir le moindre rap- port avec la loi qui préside au mariage el lui donne sa sanction, parce qu<' le mariage esl un acte qui inlé- t't·sse la socil'lé toul enLière ct non pas telle ou telle St'Cie religit•use.

Si nous voulons maintenant jetc1· un regarJ snpC'r · ricit•l sur quelques législations des ùifférenrs États de l'Europe, qui ont aurnls le mariHgc civil, nous n•r- r·ons qu't·lles exigent Loures des garanti('s de publi- cilé.

Ainsi, l'art. 85 tlu Code civil hollandais ne consi- dère le owl'iage que sous ses rapports civils. - Et l'art. 1 015 porte qne lt's pt•rsonnes qui voudront coo- l racler mariagt~ en feront la déclaration à l'ortlcier civil du domicile de l'une des parties. - Lrs nutr·es art. relatifs aux formes de publicité contiennent abso- lum<'rrl les mêmes dispositions que le Code Napo- léon {1 ).

Le nouveau Code du myaume d'Italie (2) prescrit

(1) V. Ant. de Saint-Joseph, Conco1·dance des Codes civils, pages 7 et 8.

(2) V. Traduction de Gundolfi.

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les mêmes formalités pour la publicilé ct la célébra- lion du mariage (art. 70 et 05).

Le Code civil de la Roumanie (arl. i 5i) porte :

« Le mariage doit être célébré publiquement et par devant l'officier de l'état civil du lieu où l'un des futurs époux aura son domicile. >>

Les autres formalités de publication sont idenLiques à celles ùu Code Napoléon.

Dans Je Code autrichien il n'existait aucune disposi- tion pour les actes propres à constater l'état civil, parce que les formalités qui s'y rapportent étaient ex- clusivement réservées aux ecclésiastiques ( 1 ). Mais, l'influence des lois françaises y ayant pénétré, la sé- cularisation de l'état civil a été récemment proclamée, et on a introduit ainsi le mariage civil.

Dans les pays où l'élément religieux n'a pas encore complétement disparu de l'état civil, la publicité au moins est ordonnée par la loi civile. Il faut observer ici que le d1·oit protestant a remis aux pasteurs les re- gistres de l'état civil. Mais, dès le principe, il a établi une publicité réelle.

(1) Ant. de Saint-Joseph, ouvrage cilé, page 4.

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5 t

En Prusse, le Code civil conserve tout une partie de

Ct'S actes. Les curés, pasteurs, ete., sont chargés de la tenue de l'état ci\ il des citoyens, et doivent y ins<'rirc les publications des bans, naissances, baptêmes t'L rn- tenemeDis, survenus Jans leurs paroisses.

Pour les maringt>s, on doit inscrire les noms, p•·é- noms et âge des parties; s'ils ont déjà été mariés eL s'ils sont sous la puissance de leu·r pè1·e ou d'un tu-

leut·.

Pour ce dernier cas, le consentement des pères ou tuteurs doit être constaté (1).

Le Code bavarois ordonne que le mariage doit être célébré, à peine de nullité, par le curé ordinaire de la paroisse de l'une des parties, (!Il pt·ésence ùe deux té- moins.

Les maringes ou promesses de mariages faites sans le consentement des parents ou des tuteurs, pourront être déclarés nuls (2).

En Angleterre, la législation nouvelle a institué un

U) Aol. de Saint-Joseph, ouvrage cité, page 4.

(2) Id. page 8.

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bur·rnu génér·nl (general regis/er office) tlonl lt· si{•ge

t'SIn Londn•s. Un enregistreur· général (registrar ge- nerat) nommé par la Couronne, dirige ce bureau.

Le st'crétairc du comité des pauvres de chaque pa- roisse ou maison de paroisse est enregistreur surinten- dant pour la paroisse ou union. Chaque paroisse est divisée en rlistl'icls.

Les f'nregis 1re urs de dist riels doivent s' t•nquérir avec soin rles naissances et rles décès survenant dans leur ressort, ct les enregistrer après a' oir recueilli t•t requis les informalions néct.·ssaires.

L<•s pièces pour l'enregistrrment des mariages sont envoyées: 1° aux enregistreurs de mariage; 2° aux rcct('urs, vicair·es ou pasteurs de toute Eglise el cha- pelles où les maringes peuYeot être célrbrés.

Immédiatement après la célébration du mar·iagP, l'enregistreur, le ministre du culle, le secrétnire ete synagogue, suivant le cas, inscrit le mariage en double dans deux livres d'em·egislrement. L'inscription doit être signée par l'enregistreur, le ministre, par les époux et par cieux témoins.

Tous les actes d'enregistrement arrivent enfin au bureau central ( 1 ).

(1) V. Fisco et Van der Straeteu, InstitutiotM et taxes locales en Angleten·e, pages 73-78.

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35

Le droit anglais n'exige pas ln publication de bans, ni le consentement des parents. Ces défauts provien- nent de ce que les Anglais ont conservé religieuse- ment les institutions du moyen âge. Monr.esquieu rapporte que de son temps « les filles abusaient sou- vent pour se marier à leur fantaisie sans consulter leurs parents » ( i ).

Si on regarde donc les lois des différents États d'Europe on peut y reconnaître une diversité qui dérive surtout des idées religieuses. Mais toutes ces lois se rattachent plus ou moins au principe de la publi- cité.

La Suisse en particulier nous offre un exemple frappant de ce fait.

Les lois suisses offre trois systèmes : le système ca- tholique, le droit protestant et le système du mariage civil.

Le droit catholique existe encore dans les cantons catholiques de la Suisse, en ce qui concerne le ma- riage, mais il s'est modifié en grande partie par des concordats entre les gouvernements et l'autorité ec- clésiastique.

(1) Esp1·it des lois, vol. 111, page 428.

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54

Dans les cantons protestants de la Suisse allemande, l'autorité politique a rendu des lois civiles sur le ma- riage, mais elles ont été influencées par le droit ec- clésiastique protestant qui s'est constitué à la Réfor- mation. Le mariage est un acte religieux entouré de formes de publicité.

Enfin ces cantons protestants français, qui sont Genève, Neuc.hâtet et raud, se sont beaucoup plus écartés du droit protestant. Genève a conservé le Code français; Neuchâtel s'est donné un Code civil identique au Code français; le canton de Vaud, dont le Code civil date de i 820, s'est moins écarté du droit matl'i- monial protestant. En· dernier lieu, cependant, il a admis comme facultatif le mariage des officie1·s ci- vils.

Le canton du Tessin, catholique romain dans son entier, s'est soustrait, en i855, à l'influence du droit canonique en rendant une loi sur le mariage civil ( 1 ).

Il serait donc facile à entrevoir pa1'tout une tendance marquée à réformer les lois relatives au mariage, dans

{1) Voir, sur ces différents systèmes, l'intéressante dissertation manuscrite préseL,tée à l'Académie de Lausanne, ~ous le titre : Etude comparative des lois canton.ales suisses sut· le mat·iage, par M. P.-L. Chappuis.

1

~ 1

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le sens des pl'incipes que la révolulion française a fait t•·iompher.

Enfin, nous parlerons avec quelques détails du sys- tème en vigueur aux Etats-Unis, parce qu'il constitue une déviation très-grave des principes que nous avons posés et qui tendent à triompher en Europe.

Aux Elats-Unis,d'aprèsla loi communed'Angletcrre, qui est le droit général et qui a, du reste, été modifiée dans quelques Etats, le minimum d'âge pour le mariage est quatorze ans pour les hommes et douze ans pour les femmes. Les jeunes gens peuvent se dispenser du con- sentement de leur père, mère, ou tuteur.

De même que le consentement des parents n'est point obligatoire, la loi commune n'exige pas de publications de bans, pas de témoins, pas même la signature des parties, et le mariage peut être célébré par un ministre du culte, quelque soit sa résidence, à toute heure et dans quelque lieu que ce soit ( 1).

Quelques personnes prétendent en effet que la publi- cité du mariage n'est d'aucun intérêt; que l'union des individus est leur affaire exclusive et ne concerne per-

(1) A. Cartier, Le ma1·iage aux Etats-Unis, page 69.

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56

sonne autre. Ce raisonnt'mc•nt ne prut pas nous surpren- dre, parce qu<>, nous semble-t-il, il est la conséqurnce des idées prédominantes en Amérique, d'après lesquelles J'individu doit passer avant la société. Mais ce qui nous surprend e'est de voir des jurisconsulrrs émi- nents ( 1 ), qui trouvent excellente l'union conjugale en dehors de toute fo1·malité et de tout consentement des parents.

Malgré tout le respect que nous devons au mérite de ces hommt>s supérieurs qui ont jeté tant d'éclat sur la science politique, nous avouons qu'il nous serait dif- ficile de nous mettre d'accol'd avec eux sur ce point.

Car, nous semble-t-il, ils oublient trop que le mariage, fondant la famille, crée des rapports nouveaux entre des personnes qui auparavant étaient étrangers l'une à l'autre, et qu'il résulle de là des droits et des devoirs de toute n~ture, de famille, civils, politiques; et qu'on ne saurait trop protéger une institution pareille.

Supprime1·la publicité, l'emegistrement et les autres formalités nécessaires à l'accomplissement de l'acte du mariage, ce serait supprimer l'Etat civil en général, car il serait matériellement impossible de le constater:

(1) Laboulaye, Pat'is en Amerique.- Tocqueville, l..a démocratie en Amé1·ique.

'

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37

ct pat· conséquent on anivcrait facilement à détruire la famille, la légitimation des enfants, les successions et tout ce qui concerne la vie civile de l'homme.

Rien de plus monstrueux que d'admettt·e l'applica*

tion possible des pareilles théorirs qui heurtent nos idées de droit les plus élémentaires.

En Amérique même, on est anivé à reconnaitre l'impt·évoyance de la loi, et l'inconvénient qu'il y a à laisser le pas à l'individu sur la société au lieu de com- biner ces deux intérêts pour l'avantage commun.

On est arrivé à reconnaître que non-seulement la loi est impré\'oyaote, mais que, de plus, elle complice de grands forraits.

Qu'il nous soit pf.>rmis de citer, à l'appui de cette vérité, l'assassinat du médecin Brudrll. La femme Cuningham avait fait célébrer son mariage avec un in- dividu déguisé sous le nom ùe Brudell, afin de pou- voir s'emparer de la fortune de celui-ci, en lui donnant un faux héritier qu'elle avait déjà simulé. - Le crime dont il :;'agit a été consommé à New-York f.>n 1357 ( -1 ).

En outre, ces rormes excentriques de célébration amè- n<'nt toujours des mésalliances, des mariages simple-

(1) Aug. Carlier, le mul'ictgeatu Etals-Uilis, pages 94-95.

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38

ment présumés, des mariages pour rire (mock ma- riage) ou faits par plaisanterie, et des mariages par en- lèvement ( 1 ).

Un correspondant du Jvunzal de Genève cite trois exemples assez curieux d'unions, qui ont eu lieu en Amérique, et qui, pour employer ses propres expres- sions, sont trois illustrations à ajouter à l'album déjà riche des « mariages à t'Américaine >> (2 ).

Qu'on exige des publications de bans dans un local officiel de la paroisse; qu'on s'assure de l'indentité des parties; qu'on donne l'authenticité à la célébration par le concow·s des parents et des témoins, et qu'on garde minute de l'acte dans les archives. Que tout cela soit observé, et la pensée même du crime ne naîtra dans l'esprit de qui que ce soit!

Il faut ajouter que, par une contradiction étrange, le mariage place la femme dans l'absolue dépendance du mari : son existence légale est suspendue pendant le mariage. De là des pl'otestations réitérées, qui éma- nent soit des laïques, soit du clergé.

On peut voir en parliculiea· une lettre écrite par

(1) Bishop, Onmaliage and diV01'Ce, § 83.

('l) V. Journal de Genève du 18 août 1868 (correspondance pa•·ti- culièrc de New-Yorlq.

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39

un minisu·e et publiée dans le journal Worcester-spy, dont voici le texte:

cc Je ne célèbre jamais la cérémonie du mariage

>J sans ressentir, chaque fois, l'iniquité de notre système

» de législation en cette matière, système d'après lequel

» le mari eL la femme ne font qu'un, et cette unité est

» lemari. Aussi c'est avec mon cordial concours que

» la protestation ci-dessus a été rédigée, lue et signée,

» comme partie intég1·anle de la cérémonie du ma-

>J ria ge; je vous l'envoie pour que d'autres soient

>J engagés à agir de même ( i ). »,

A côté de cela, on a encore publié dans la New- Y 01·k Tribune du 4 mai 1355, une protestation de deux époux, donr voici un passage très-frappant: <' Nous croyons,» disent-ils,« que J'égalité des droits de tous ne peut être sacrifiée, excepté en cas de crime; -que le mariage doil être une association sur un pied d'é- galité permanente, et, comme tel, reconnu pa1· la loi; - et que jusqu'à cc que ces principes soient con- sacrés, les époux doivent, par Lous les moyens en leur pouvoir, échapper à l'injustice des lois actuelles. >J

Qu'on jette maintenant un regard su1· les lois fran- çaises cL l'on \'erra que les formes rclat;ves à la célé-

(1) Aug. Carlier, ouvl'age cite, page 107.

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40

bration du mariage se rattachent de près à l'égalité de Ja femme, parce que le législateur donne à chacun des époux un d!·oit réel sur l'autre : de cette manière, chaque époux étant tenu directement vis-à·vis de l'au- lJ'e, et son existence légale reconnue, on n'a pas besoin de confondre la personne de l'un dans la personne de l'autre.

Il y a là, d'après nous, un moyen efficace pour que la femme mariée, anglaise et américaine, puisse obte- tenil· l'existence légale dont jouit depuis longtemps la femme française, qui appartient pourtant à un pays monarchique.

Il ne faut rien de plus que la comparaison entJ·e ces deux modes de :gouvernement, pour qu'on puisse juger que le vice d'ume loi peut nuiJ·e aux institutions les plus démocratiques.

M. de Tocqueville dit: (< que les Américains consi- dèrent le mariage comme un contrat souvent onéreux.

mais dont ils sont tenus, à la I'Îgueur, d'exécuter toutes les clauses, parce qu'on a joui de la liberté entière de ne s'obliger à rien » ( 1 ).

Mais cette édifiante théorie est renversée par un juge

(1) La démoct·atieenAmét·ique1'. page 87.

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éminent des Etats-Unis, qui dit a que dans l'ètat qu'il habite, les citoyens considèrent que de tous les contrats, le mariage esl celui qui oblige le moins, et qu'il ne faut rien de plus pour le dissoudre qu'une sim- ple demande adressée à cel effet aux tribunaux compé- tents » (t ).

On a calculé, d'après des statistiques, le nombre des divorces aux Etats-Unis, et on est arrivé à évaluer le chiffre annuel de 5000 environ, sans compter ceux.

qui se passent Je cette formalité.

En France, où la population est beaucoup plus cou- sidérable, le uombre des séparations ne fait que la moilié du chiffre ùes divorces en Amérique.

Il faut ajouter qu'aux Etats-Unis, comme en Anglc- h:rre, les cas de bigamie sont naturellement très-fré- quents.

La loi américaine sur le mariage est donc vicieuse ùans toute ses parties. D'où provient ces vices, si ce n'est de l'absence de toute idée juridique quant à la nature des droits et des devoirs qui résultent du ma- riage, pour les époux en particulier, eL pour la société en général?

(1) fiisltop. On 1nat·iage and divorce, § 290.

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Tanùis qu'<•n Europe la société environne le ma- riagc degaranties, propr<'s à en assua·cr la durée, l'in- ùépcndancc pl'rsonnellr, comme on la comprend I'O

Amérique, a influé sur celle institution de la manière la plus fâche us l'.

4 0 c o - = - - -

\

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CONCLUSION

Après avoir posé en principe que le droit réel est un droit nbsolu, nous dirons donc d'une manière générale que ce qui caractél'ise le droit réel c'est l'exclusion des tiers; et qu'il implique ainsi la nécessité du consente- ment de la société, consentement qui entraîne la ga- rantie sociale.

Nous disons de même que la société doit connaître le lien qui se forme par le mariag(', parce qu'elle doit le respl'cter; qu'ainsi. les droits de famille et le droit réel r1'posent sur le même principe. En effet, les époux ont un vrai droit réel l'un sur l'autre; ils pruvent se forcrr réciproquement à habiter ensemble: l'exclusion des tiers sc voit dans la doctrine de la bigamie et de l'a- uultèt·c. Le droit des parents sur leur enfant mineur est aussi un véritable droit réel qui s'exerce envers ct contre tous.

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En outre, le patrimoine de la famille est intimement 1ïé à l'Etat des personnes. On a vu des procès scanda-

leux qui ont entraîné la ruine des familles, à cause de l'absence d'un acle propre à constater la qualité d'un de ses mcmhres, qui •·éclamait le patrimoine, à l'ex- clusion d'un tiers qui voulait s'en emparer; les tribu- naux se sont trou\'és dans l'impossibilité de décider.

Donc la publicité est la condition sine quœ non de l'exisl(•nce et de la transmission du droit réel; c'est elle qui crée le droit t•éel. La pratique vient conlirmer ici les principes et réclame à grands cl'is la publicité.

C'est ce systè~mc que nous avons essayé de dévelop- per ici en montrant, autant que nos forces nous J'ont permis, les vices et les dangers, qui peuvent résulter d'une doctrine conlraire.

Nous espérons, du reste, que le développPment des idées juridiques aboutira tôt ou tard à compléter le système de la publicité basé sut· la notion du dt·oit réel.

Ce principe se généralise en c~ qui concerne la pu- blicité des droits réels immobiliers. Il se généralise également sous la rorme de l'état civil, et plus spécia- lement t•n ce qui coucerne le mariage comme base de la famille et de la succession.

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La Faculté de Droit après avoir pris connaissance de la présente dissertation en permet l'impression sans entendre par là exprimer d'opinion sur les propositions qui y sont énoncées.

Genève, le 3 Octobre, i868.

Cu.

LE FoRT, doyen.

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