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Bayrou La République en marche arrière

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Academic year: 2022

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Bayrou – La République en marche arrière

par Alain Tranchant.

Alors que M. Macron traversait un trou d’air dans sa campagne électorale de 2017, le soutien que lui a alors apporté M.

Bayrou, à un moment décisif, lui a permis de reprendre sa marche en avant dans une conquête du pouvoir d’autant plus aisée que la droite lui avait ouvert un boulevard, en n’écartant pas son candidat devenu inéligible, sinon en droit, du moins en fait.

Mais en politique, tout se négocie, tout se paye. M. Bayrou voulait bien sacrifier son ambition présidentielle sur l’autel de l’élection de son benjamin, mais il ne pouvait être question pour lui de se satisfaire d’un plat de lentilles ! À défaut de l’Hôtel Matignon, où il se serait bien installé, il devint donc garde des sceaux, ministre de la Justice pour…

quelques brèves semaines, le temps que le donneur de leçons de probité soit rattrapé par la Justice pour des questions de financement de son parti politique, le Modem.

Le maire de Pau n’entendait pourtant pas en rester là, ni se contenter d’un simple pouvoir d’influence auprès de celui qu’il avait contribué à faire roi. Alors que, dans son cas, on ne saurait dire que les juges aient fait preuve d’une grande célérité, même s’il est mis en examen, en 2019, pour

« complicité de détournement de fonds publics », le président de la République a donc ressorti du placard, il y a quelques semaines, le commissariat au plan, pour en confier les clés à son compagnon de route de 2017. Avoir l’écoute du chef de l’État, c’est bien ! Une fonction régalienne pour éclairer l’avenir, c’est mieux ! En politique, tout revers a sa médaille …

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Le pays était donc en droit de penser que l’homme allait se mettre à l’ouvrage, qu’il allait prendre de la hauteur, occuper son temps à dessiner les contours de la France d’après, celle d’après la pandémie. Vaste, très vaste sujet s’il en est. Eh bien ! Non. Le lot de consolation n’est pas suffisant. M. Bayrou en veut toujours plus, et il vient de rappeler publiquement au Président ses engagements de campagne en faveur d’une dose de proportionnelle dans le mode d’élection de l’Assemblée nationale. Il l’a fait sans aménité, sans fioriture, dans les colonnes du Figaro du 26 janvier :

« Il y a eu engagement. Il faut tenir cet engagement ». Le haut-commissaire au plan a cette formule magnifique : « Il faut demander aux Français ce qu’ils en pensent par référendum ».

Notons, au passage, qu’il importe peu à M. Bayrou que le chef de l’État ait déjà annoncé l’organisation, d’ici la fin de son quinquennat, d’un référendum sur le climat. On a décidément connu meilleur allié en politique ! Pourtant membre du premier cercle de la macronie, le maire de Pau n’en a cure : « Le principe de l’obligation de défendre le climat est déjà dans l a C o n s t i t u t i o n , p a r l a c h a r t e d e l ’ e n v i r o n n e m e n t constitutionnalisée en 2005 ». Ce qui est vrai au demeurant, et vient – opportunément ou malencontreusement, suivant les convictions de chacun – démontrer la tentation plébiscitaire de l’hôte de l’Élysée avec son référendum vert.

L’appel au peuple pour trancher des nœuds gordiens

Certes, ayant créé le 26 avril 1985 « l’Association pour un référendum sur la loi électorale », mais dans le but de

« c o m b a t t r e l ’ i n s t a u r a t i o n d e l a r e p r é s e n t a t i o n proportionnelle » et « d’assurer la défense des institutions de la Vème République », je ne saurais faire grief au haut- commissaire de mettre à l’honneur le recours direct aux suffrages de la nation. Mais l’appel au peuple n’a certainement pas été voulu par le général de Gaulle, qui l’a introduit dans notre Droit constitutionnel en 1945, comme

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étant destiné à « demander aux Français ce qu’ils pensent » de tel ou tel sujet, mais au contraire pour trancher des nœuds gordiens, tels l’adoption de la Constitution de 1958, la fin de la guerre d’Algérie, la décision d’élire le président de la République au suffrage universel.

Avec la proportionnelle, c’est toujours la même chose. On commence par parler d’une dose de proportionnelle, et on finit par la proportionnelle intégrale. « La mer, il n’y a que la première gorgée qui coûte », disait Paul Claudel. En son temps, François Mitterrand avait évoqué la nécessité

« d’instiller » une dose de proportionnelle dans la forme majoritaire du scrutin. Puis, à la veille des élections législatives de 1986, afin d’échapper à la déroute électorale qui l’aurait contraint à la démission, il avait fait voter par la majorité socialiste de l’Assemblée nationale le retour au scrutin de la défunte IVème République : la représentation proportionnelle.

Aujourd’hui, c’est un curieux référendum que propose M.

Bayrou. Sur le fond, puisque – selon lui – il n’était possible de voter une dose de proportionnelle qu’en début de quinquennat, étant donné le redécoupage des circonscriptions que cela impliquait, désormais il « soutient donc la loi électorale simple, juste, proportionnelle, départementale », autrement dit la représentation proportionnelle intégrale.

Puisque nous n’avons pas pu amener la classe politique à décider de faire élire une minorité de députés à la proportionnelle il y a deux ou trois ans, élisons donc l’ensemble des députés avec ce mode de scrutin ! Étrange motivation …

Sur la forme, M. Bayrou fait peu de cas des dispositions constitutionnelles. Avec l’article 11 de la Constitution, voie royale du référendum-question de confiance au temps de la République gaullienne, l’initiative du référendum appartient au gouvernement qui en fait la proposition au président de la République. Ce qui montre bien, par parenthèse, que la

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cohabitation (pratiquée à deux reprises, entre 1986 et 1988, puis entre 1993 et 1995) est contraire à l’esprit, voire à la lettre, de la Constitution : un premier ministre d’un bord politique ne proposera pas de soumettre un projet de loi au référendum à un président de la République d’un bord opposé.

Avec l’article 89 de la Constitution, c’est après le vote d’un texte de loi dans les mêmes termes par les deux assemblées du Parlement que peut intervenir un référendum dit de

« ratification ». Cette procédure suppose évidemment l’accord du Sénat. Si le chef de l’État entend contourner la Haute Assemblée, il doit recourir à l’article 11 de la Constitution.1 Une démarche insolite

En l’occurrence, c’est en quelque sorte un référendum d’un nouveau genre que propose M. Bayrou. « Je vais proposer, dit- il, à tous les responsables politiques intéressés, sans exception, de cosigner une lettre au président de la République pour défendre ce changement ». L’imagination du leader centriste est sans limites ! Ce sont les partis politiques qui vont intimer l’ordre au président de la République d’en appeler au peuple, rien moins que pour mettre à terre une règle d’or de la Vème République, depuis 1958 : le scrutin majoritaire pour l’élection des députés. Faut-il rappeler que M. Mitterrand lui-même s’était bien gardé, après sa réélection en 1988, de revenir sur le scrutin majoritaire que ses opposants avaient rétabli après leur victoire aux élections législatives de 1986 ? Trop heureux d’avoir pu disposer d’une vraie majorité à l’Assemblée nationale pour entamer son deuxième septennat.

Sous la Vème République, si le président ne doit pas être l’homme d’un parti, il ne doit pas davantage être l’homme… des chefs de partis qui lui écriraient ! Il est, il doit être l’homme de la nation, faisant valoir, et s’il le faut, prévaloir l’intérêt national sur les médiocres combinaisons politiciennes et électoralistes. Car il faut bien examiner les mobiles du haut-commissaire au retour du régime des partis.

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« On ne peut pas gouverner un pays par le passage en force. Il faut construire une adhésion (…). Le mouvement contre les retraites, les « Gilets jaunes », tout cela ce sont les symptômes d’une impasse ». On a connu meilleur avocat ! Mais la cause est difficile… Il serait intéressant que M. Bayrou explique aux Français en quoi une meilleure représentation des m i n o r i t é s à l ’ A s s e m b l é e n a t i o n a l e – c ’ e s t c e l a l a proportionnelle ! – aurait empêché les blouses blanches, les robes noires, autrement dit les médecins, les avocats, pour ne parler que d’eux, de descendre dans la rue pour défendre leurs régimes de retraite. Et en quoi davantage de députés d’extrême-gauche ou d’extrême droite auraient dissuadé Édouard Philippe d’imposer une taxe carbone, ou les 80 km/heure sur les routes. Il faut parler sérieusement des choses sérieuses.

Comme la corde soutient le pendu …

M. Bayrou dit aussi : « On passe son temps à inventer des acrobaties démocratiques avec des comités tirés au sort (…) à qui on feint d’accorder autant de crédit qu’à une Assemblée parlementaire ». Et il ajoute : « ça n’a aucun sens ! C’est une atteinte profonde à la légitimité de la démocratie représentative ». Là, les bornes sont franchies en matière de solidarité politique et gouvernementale. Et le masque tombe ! J’aurais aimé voir le visage de M. Macron lisant cette interview… Que des opposants aient cette appréciation, soit ! Mais que ces mots tombent de la bouche du maire de Pau, qui y aurait songé ? En parlant de la sorte, il est clair que M.

Bayrou soutient M. Macron comme la corde soutient le pendu. Ou alors, nous assistons à un numéro de duplicité sans nom… Et c’est très exactement ainsi que se comportaient les leaders politiques au temps, béni pour eux, de la IVème République et du régime des partis : un pied au pouvoir, avec des hommes à soi au gouvernement, l’autre dans les « jeux, poisons et délices » de la combinaison et des manœuvres politiques.

M. Bayrou révèle ainsi au pays tout ce qu’il espère de la représentation proportionnelle : le retour aux groupes

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charnières, à la souveraineté des états-majors, à la toute- puissance de partis minoritaires auxquels un gouvernement doit son existence ou sa survie. Notre pays a déjà connu cela.

C’était le régime des partis, celui qui a conduit la France au désastre de 1939, ou au bord de la guerre civile et de la faillite en 1958.

En définitive, en matière de mode de scrutin, les choses sont simples et claires. Avec le scrutin majoritaire, les coalitions politiques se forment avant les élections législatives, et les électeurs choisissent leurs députés. Avec la représentation proportionnelle, c’est au lendemain des élections que des tractations sont engagées entre les partis,

« dans le dos » de l’électeur, pour former un gouvernement et signer ce qu’ils appellent un « contrat de législature ». Et ce sont les partis politiques qui, en fin de compte, désignent les députés en arrêtant la composition des listes de candidats p a r d é p a r t e m e n t . E n f i n , a v e c l a r e p r é s e n t a t i o n proportionnelle, la dissolution de l’Assemblée nationale devient un sabre de bois aux mains du président de la République : à peu de choses près, ce sont les mêmes partis qui renvoient les mêmes élus, dans les mêmes proportions au Palais Bourbon, preuve s’il en est besoin de l’incompatibilité de ce mode de scrutin avec une République ordonnée et gouvernée.

On peut proposer le « changement » pour parler comme M.

Bayrou. Mais on peut aussi préférer, dans l’esprit des constituants de 1958, « reconstruire la République pour refaire la France ». Car tel sera bien l’enjeu de 2022. De cela, nous aurons l’occasion de reparler.

source : https://www.francesoir.fr/opinions-tribunes/

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