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La carte outil heuristique. L exemple du royaume de France à la fin du Moyen Âge

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Academic year: 2022

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HAL Id: hal-03481728

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Submitted on 15 Dec 2021

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France à la fin du Moyen Âge

Léonard Dauphant

To cite this version:

Léonard Dauphant. La carte outil heuristique. L’exemple du royaume de France à la fin du Moyen Âge.

Communication à la journée d’études Clio en carte 1, Nov 2013, Mulhouse, France. �hal-03481728�

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La carte outil heuristique. L'exemple du royaume de France à la fin du Moyen Âge Léonard Dauphant (Université de Lorraine)

Plan

Introduction : Du « scrupule cartographique » à la géohistoire

I : La carte descriptive existe-t-elle ? Pour une cartographie historique critique 1 : Le croquis de situation

2 : De la carte-outil à la carte acteur

3 : Limites et possibilités d'une cartographie systématique II

: Les implications intellectuelles de la méthode cartographique 1 : « S'inquiéter de l'espace »

2 : Une « dissymétrie presque catastrophique » ? La question de l'organisation des espaces français 3 : Adapter les concepts à la réalité spatiale

Conclusion : La logique de l'atlas

Introduction : Du « scrupule cartographique » à la géohistoire

En France, les rapports entre l'histoire médiévale et la géographie sont depuis longtemps paradoxaux : l'une s'est longtemps appuyée sur l'autre, mais sans cartographie satisfaisante. On a parlé d'une « incroyable et scandaleuse indifférence de l'école historique française à l'égard de la cartographie » (Bernard Guenée) ou du « scrupule cartographique » du médiéviste (Patrick Boucheron). Cette impuisance vient-elle d'un « monde flou »... ou d'un « médiéviste myope1 » ? Dès 1961 Charles Higounet formulait le programme d'une histoire spatialisée utilisant pleinement la carte : la géohistoire est d'abord une « attitude » sensible à la dimension géographique du passé à reconstruire. Il la fondait sur une « méthode cartographique », qui permet d'« éclairer les phénomènes historiques par le moyen de leur inscription sur la carte », en dégageant des rapports spatiaux invisibles autrement2. Depuis ma thèse3, j'ai tenté d'appliquer la méthode cartographique non à l'étude des structures agraires et de l'occupation des sols, comme Higounet, mais à un objet socio-politique : les 450.000 km² du royaume de France du XVe siècle et leurs habitants. Cela m'a d'abord conduit à renoncer au scrupule cartographique : j'ai voulu tout cartographier, pour visualiser,

1 B. Guenée, « La géographie administrative de la France à la fin du Moyen Âge », Moyen Âge, 1961, p. 295 ; P. Boucheron, « Représenter l'espace féodal : un défi à relever », Espaces-Temps Les Cahiers, n° 68-70, 1998, p. 61 et 65.

2 Ch. Higounet, « La Géohistoire », in L'Histoire et ses méthodes, dir. Ch. Samaran, Paris, 1961, p. 68-91.

3 L. Dauphant, Le Royaume des Quatre Rivières. L'espace politique français (1380-1515), Seyssel, 2012.

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même dans des situations documentaires difficiles, quitte à renoncer à éditer telle ou telle carte. Le premier intérêt est de construire un fonds de carte : construction criticable car somme d'approximation, mais qui permet de dégager des rapports de masse et de contiguïté, pour établir un raisonnement.

I : La carte descriptive existe-t-elle ? Pour une cartographie historique critique

1 : Le croquis de situation

Pour fonder la démarche cartographique sur une base critique, essayons de classer les cartes : existe-t-il une carte neutre, sans point de vue de l'auteur ? Le simple croquis de situation, sans couleurs ni icones, se contente de définir un territoire. C'est le cas par exemple des cartes des diocèes des Fasti Ecclesiae Gallicanae (ex. Reims : http://fasti.univ-paris1.fr/carte_reims.php). La neutralité implique cependant un choix : ici, le point de vue clérical, qui détaille les archidiaconés, pas les paroisses ; surtout, il se borne à une expression graphique volontairement appauvrie.

2 : De la carte-outil à la carte acteur

Le langage cartographique, « non-verbal » et « non-séquentiel », ne se suffit pas à lui-même. Il présente une réalité appauvrie pour des raisons de clarté : on ne peut pas l'utiliser comme discours théorique suffisant4. La carte a donc besoin d'un protocole de production et de lecture, pour expliciter le choix de ce qui est montré : faute de quoi sa « qualité d'évidence »5 échappe à tout contrôle. Le pire exemple de mauvais usage en est les cartes linguistiques. Le linguiste stylise le continuum dialectal par les traits des lignes « isoglosses ». Ces lignes, liées en faisceaux, dessinent des limites linéaires sur la carte, qui deviennent de vraies frontières fantasmées : au problème de production s'ajoute le problème de lecture. La carte linguistique produit du sens indépendamment de la réflexion du cartographe : outil de représentation, elle devient acteur incontrôlé. On assiste alors à l'altération d'une représentation par impact visuel de conventions graphiques.

Le problème de la carte linguistique tient au modelé (on peut figurer le continuum dialectal par des dégradés), mais aussi au cadrage, qui perpétue le concept de domaine gallo-roman de Gaston Paris (http://www.lexilogos.com/france_carte_dialectes.htm). Ici, la carte associe les dialectes dans le cadre du territoire français, sauf pour les dialectes d'oïl, figurés aussi dans les pays

4 J. Levy, « De l'espace pour la raison », Espaces-Temps Les Cahiers, n°62-63, 1996, p. 21 et 33.

5 R. Pourtier, « Imagerie, Imaginaire et stratégies territoriales », in L'État et les stratégies du territoire, dir. H. Théry, Paris, 1991, p. 190.

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voisins. Cette association peu cohérente est héritée d'une représentation médiévale, identitaire et circulaire : le français (oïl) est la langue parlée par les sujets du royaume de France ; les sujets du roi sont ceux qui parlent français. C'est évidemment une stylisation d'une réalité très différente.

Mais surtout, l'oc est plus proche du catalan que de l'oïl, et le catalan plus proche de l'oc que du castillan. Le « domaine gallo-roman » est en fait une présentation scientifique d'une représentation politique médiévale (et moderne), solidement fixée par sa mise en carte.

carte 1 : Un espace dialectal non politique : le domaine occitano-roman

Il y a ici nécessité d'un recadrage critique, pour présenter graphiquement le domaine occitano- roman, seul domaine dialectal qui n'a pas abouti à une forme politique de type Etat-nation et donc à sa représentation cartographique légitimante. Dans ce cas, la carte sert d'outil scientifique et non d'acteur politique.

3 :

Limites et possiblités d'une cartographie systématique

La carte permet de poser des hypothèses et de les valider ou non. Prenons l'exemple de l'étude des itinéraires royaux : cette tradition érudite se fait souvent à l'échelle du jour et du lieu (gîte). On peut passer à une logique du mois et de la région, pour cartographier le territoire personnel du roi. La carte devient alors un outil de vérification et de prospection. Louis XI a-t-il réellement arpenté son royaume après son avènement, comme il s'en est vanté ? La cartographie de son itinéraire donne la mesure de sa maîtrise personnelle du royaume (carte 2).

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carte 2 : Voyages de Louis XI (1461-1465)

La carte offre ensuite des possiblités de synthèse, comme un outil qui se déploie :

− synthèse personnelle de l'espace d'un règne (carte 3 : Louis XII).

− synthèse synchronique : mettre en rapport l'espace personnel du roi et l'organisation administrative du territoire (carte 4 : Louis XII).

− synthèse diachronique : la carte établit quelles régions ont été parcourues par les cinq rois du XVe (1380-1515) Ce cas illustre les possibilités et les limites de la méthode cartographique.

Le dessin vectoriel permet de superposer sur une seule feuille numérique, un calque, les contours des cinq espaces personnels (carte 5 : carte de travail non publiée). Mais, pour garder une gamme de couleurs cohérente, il a fallu regrouper ces règnes en trois groupes. On a donc associé les espaces de Charles VIII et de Louis XII, qui se recoupent largement, mais aussi ceux de Charles VII et de Louis XI, qui se recoupent moins : on a gagné en lisibilité ce que l'on a perdu en finesse (carte 6).

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Carte 3 : l'espace personnel de Louis XII (1498-1514)

Carte 4 : L'espace de Louis XII et le gouvernement du royaume

Carte 5 : carte de travail Carte 6 : Synthèse des itinéraires royaux 1380-1514

II : Les implications intellectuelles de la méthode cartographique

Pour Higounet, la géohistoire est une réflexion sur l'expression cartographique mais permet aussi de voir sur la carte des rapports entre les faits enregistrés, qui ne se verraient pas autrement.

Ajoutons un troisième élément : en amont, ces faits enregistrés, nous les enregistrons différemment,

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ou nous n'enregistrons pas les mêmes, si nous avons la carte comme horizon et comme outil. Mon travail serait-il différent si je ne pratiquais pas la méthode cartographique ; mes conclusions seraient-elles les mêmes ? Dans quelle mesure la géohistoire change-t-elle notre vision de l'histoire de France et du pays lui-même ?

1 : « S'inquiéter de l'espace »

Comme Braudel nous y invitait, il nous faut nous « inquiéter davantage l'espace et de ce qu'il supporte, de ce qu'il engendre, de ce qu'il facilite et de ce qu'il contrarie – d'un mot amener [les historiens] à tenir un compte suffisant de sa formidable permanence »6. La France ancienne,

« accablée d'espace » de Braudel, est d'abord un immense espace-temps : pour le héraut Berry de Charles VII, elle mesure 16 journées de large sur 22 de long. Mais la géohistoire ne peut pas se réduire à une mise en carte qui serait « tyrannie de la contiguïté des lieux » : les cartes sans fonds ni reliefs ni routes ne restituent pas « les espaces d'usage » faits « de lieux attractifs éloignés les uns des autres », synapses et noeuds reliés par des « tunnels de circulation »7. Au Moyen Âge, des espaces-temps différenciels apparaissent selon les moyens de communication, la route et le bateau, plus rapide. L'Aquitaine est plus procje de Londres (par mer) que de Paris (à cheval). D'où une forme étatique dominante en Europe occidentale, l'archipel, alternative de l'empire mosaïque.

Carte 7 : Des archipels politiques

6 F. Braudel, La Méditerranée, t. 2 p. 295 n. 32

7 Guy di Méo, « Un regard de géographe », in Les cartes de la connaissance, dir. Jean-Paul Bord et Pierre Robert Baduel, Paris-Tours, 2004, p. 658.

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Finalement, la France semble un cas aberrant d'Etat-masse continentale. Ici, l'espace n'est pas braudélien, « source d'explication », mais au contraire, source d'étonnement. Du point de vue géohistorique, comment la France peut-elle tenir ?

2 : Une « dissymétrie presque catastrophique » ? La question de l'organisation des espaces français Dans la tradition historiographique française, le discours s'organise autour de la marche de l'Etat : « conquête intérieure » et centralisation. Paradoxalement, l'absence de cartes est liée à ce paradigme territorial : elle appuie l'idée de la centralisation en évitant de penser dans le concret l'organisation régionale. Pour Braudel, l'immensité française se double d'une vision dramatique : la prééminence de la France du Nord « a marqué notre pays du sceau d'une distorsion, d'une dissymétrie presque catastrophique »8. Or cela ne se vérifie pas en France au XVe siècle. Pour le prouver, il faut penser dans l'espace la forme de l'Etat royal. Commençons par les représentations spatiales du temps. On peut utiliser la carte pour traduire la pensée spatiale médiévale selon nos propres conceptions. Certes, cela suppose une vision médiévale transposable sur nos supports et gomme les erreurs et les représentations implicites de l'auteur. Mais en prenant soin de distinguer carte -expression et -traduction, ainsi qu'entre les données de l'auteur et notre propre langage graphique, on peut saisir la cohérence d'une pensée spatialisée (carte 8).

Carte 8 : Structure du royaume de France selon le héraut Berry (Livre de la Description de Pays, v. 1453)

8 F. Braudel, L'identité de la France. Espace et histoire, t. 1, Paris, 1986, p. 278.

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Ce tableau de la structure du royaume se compose de trois éléments : une forme, les limites des Quatre Rivières ; un centre, Paris ; un contenu, les pays. A chacun correspond une ou des images sociales, politiques et spatiales fortes : les Quatre rivières et le losange ; Paris, jardin des fleurs de lys ; les pays et les peuples du royaume, « troupeau des brebis galliques ». Le tout forme une « unité royale » (Yves Renouard) en mouvement. Le centre rayonne et diffuse conjointement une culture, l'usage royal de l'oïl, et une organisation socio-politique, la société d'offices juridiques. La mosaïque de pays est reconfigurée : les pays d'élection, dominés étroitement, se distinguent des pays d'Etat qui approfondissent leur identité particulière et leur autonomie par des privilèges fiscaux et des institutions royales régionales.

La cartographie ici, force à penser dans le concret. J'y vois trois implications : elle force d'abord à varier les échelles d'analyse. Des Quatre Rivières, on passe à une étude de cas locale, le Barrois sur la limite de la Meuse, divisé entre Barrois mouvant (en royaume) et non-mouvant (en Empire).

Ensuite, en retour, elle force à un comparatisme étendu, puisque les les blancs de la carte se voient plus que les angles morts de la pensée. Le cas du Barrois se retrouve ailleurs : sa situation de frontière est en fait systématique et atteste de l'impact de la pensée politique des Quatre rivières sur les principautés de la limite.

Carte 9 : Le duché de Bar et la limite du ressort du Parlement de Paris

Carte 10 : La limite des Quatre Rivières et les principautés frontalières

Enfin, troisième point, la cartographie force à adapter les concepts à la spatialité qui s'exprime. La

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« centralisation » fait le vide autour du centre. Or la carte se remplit au lieu de se vider. À la différence du siècle de Richelieu qui rase les châteaux féodaux, le siècle de Charles VII se remplit de centres de pouvoirs royaux dans les régions.

3 : Adapter les concepts à la réalité spatiale

De quoi la carte se remplit-elle ? La synthèse finale de ma thèse établit plusieurs types de gouvernements régionaux (carte 11).

Carte 11 : Essai de typologie des espaces politique français à la fin du Moyen Âge

En fonction de situations locales variables, l'Etat se donne comme interlocuteur local un corps de ville (qualifié ici de « ville royale ») et/ou un prince et/ou une institution d'Etat. Dans ce dernier cas, il peut s'agit d'une cour souveraine (Parlement régional, chambre des comptes) ou d'un gouverneur.

J'ai été amené à décrire non le renforcement d'un centre affranchi de l'espace régional, mais un pouvoir en cours de territorialisation : la maîtrise de l'espace-temps français est un défi à relever par le quadrillage d'une société politique homogène dans sa culture mais qui se structure localement

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dans des compromis qui peuvent comporter une très large autonomie.

Accorder une place au facteur espace et produire des cartes implique donc une relecture du récit historique. Dans le cas français, il s'agit des rapports entre l'État central et les régions : la géohistoire permet une autre histoire de France, libérée du paradigme de la centralisation. Seule la carte permet de penser concrètement ce problème : il n'y a ni mot ni concept, en histoire politique ou en droit, pour dire la structuration géopolitique de la France des XIVe-XVIIIe siècles. J'ai utilisé l'expression « Etat territorial mixte, unitaire et hétérogène », mais il s'agit moins d'un concept simple que du commentaire d'une réalité spatiale, exprimée graphiquement.

Conclusion

La recherche géohistoire débouche sur la logique de l'atlas. Les cartes se répondent, contrastent ou se font écho par-delà les thèmes. Par exemple, les régions de faible identité locale des cartes de représentations spatiales correspondent aux zones dominées par une ville royale dans la carte de synthèse politique (carte 11). Cela suggère des correspondances entre la structuration politique et les représentations territoriales générales, en relation avec la présence ou l'absence du roi, mais aussi avec la force ou la faiblesse du sentiment particulariste. La cartographie critique fait de la carte non un acteur autonome mais un outil, mais cet outil possède ensuite sa propre logique : la carte heuristique permet ainsi de penser des situations politiques spécifiques, devenant ainsi une vraie science auxiliaire au service de Clio.

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