Bulletins et mémoires de la Société d’Anthropologie de Paris
BMSAP
33 (2) | 2021 Varia
Et l’évolution créa la femme
Pascal Picq, Éditions Odile Jacob, Paris, octobre 2020, ISBN : 978-2738152138, 462 p, 22,90 €
Gwenaëlle Goude
Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/bmsap/7749 DOI : 10.4000/bmsap.7749
ISSN : 1777-5469 Éditeur
Société d'Anthropologie de Paris Référence électronique
Gwenaëlle Goude, « Et l’évolution créa la femme », Bulletins et mémoires de la Société d’Anthropologie de Paris [En ligne], 33 (2) | 2021, mis en ligne le 02 septembre 2021, consulté le 29 octobre 2021. URL : http://journals.openedition.org/bmsap/7749 ; DOI : https://doi.org/10.4000/bmsap.7749
Les contenus des Bulletins et mémoires de la Société d’Anthropologie de Paris sont mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution-NonCommercial-NoDerivatives 4.0 International License.
BMSAP (2021) 33(2) DOI 10.4000/bmsap.7749
114 COMPTE-RENDU D’OUVRAGE / BOOK REVIEW
Le nouvel essai de Pascal Picq s’inscrit dans ces ouvrages marquants de science et société. Si le titre inspire des airs de comédies, c’est surtout le sous-titre, qui n’est pas annoncé en couverture, “Coercition et violence sexuelles chez l’Homme” qui en reflète le contenu. Sa parution fait écho à d’autres publications généralistes (e.g. Martin, 2013) et en particulier à “L’Homme préhistorique est aussi une femme”
de M. Patou-Mathis (paru également en octobre 2020) montrant l’importance du débat des “rapports femmes- hommes” aujourd’hui, autant dans la communauté scienti- fique qu’auprès du grand public. Le sujet n’est pas novateur, mais l’auteur propose de le recentrer avec pertinence en analysant les données de l’éthologie, de la primatologie et de la biologie de l’évolution, domaines très largement délaissés, pour ne pas dire ignorés, dans le discours des sciences humaines, comme le constate P. Picq lui-même dès l’introduction. L’ouvrage est organisé en cinq chapitres, répartis dans deux grandes parties, qui amènent le lecteur à avoir une vision “évolutionnaire” des rapports entre sexe, reproduction, écologie, coercition et culture. La première partie décrit et décrypte des comportements observés chez les autres animaux, mais surtout les primates, en particulier les grands singes, et s’attache à déconstruire des clichés, des idées reçues, voire des dogmes qui relèvent de l’histoire récente des rapports coercitifs chez l’Homme et non d’une pseudo-origine naturelle ou ancestrale. La diversité et la complexité des rapports sociaux et sexuels, et les niveaux de coercition associés, y sont présentés de façon assez complète et des questionnements sur la place de l’environ- nement naturel dans les comportements entre mâles et femelles alimentent le débat sur les interactions entre nature et culture (voir également sur ce sujet Blaffer Hdry, 1999 ; Cézilly, 2014 par exemple). La seconde partie est consacrée aux Hominines d’une façon générale, et à Homo sapiens à travers le temps en particulier. Différents thèmes y sont abordés, allant de considérations biologiques et évolution- naire (e.g. le dilemme obstétrique, néoténie) aux organisa- tions sociales (e.g. rôle et évolution des investissements
parentaux, répartitions sexuelles des tâches) et à la muabilité des comportements qui sonnerait presque comme un appel à changer les choses dans nos sociétés modernes. L’auteur fait également une synthèse des travaux menés à la fois en ethnographie (où l’importance des travaux d’A. Testart est soulignée, cf. notamment Testart, 2014) et en Préhistoire sur les derniers chasseurs-cueilleurs et les premières sociétés agropastorales. Ces dernières sont considérées par certains comme à l’origine de la détérioration des conditions des femmes, mais cette hypothèse mériterait toutefois d’être plus largement investiguée en anthropobiologie et le débat reste ouvert ; P. Picq soulignant d’ailleurs à plusieurs reprises la diversité comportementale de l’espèce humaine. Le texte comporte également un grand nombre de sous-chapitres qui facilitent la lecture, notamment pour les non-spécialistes, et est complété par des encarts récapitulatifs, des tableaux de synthèse et des schémas, ainsi qu’un glossaire détaillé de 18 p. et une bibliographie très fouillée (interdisciplinaire, en langue anglaise et française, ouvrages généraux et revues spécialisées) présentée par chapitre. Cet ouvrage est aussi engagé. L’auteur ne mâche pas ses mots sur l’impasse sociétale qu’engendre la domination masculine lato sensu et conclut par un appel à l’insurrection bienveillante pour celles et ceux qui voudront participer à l’évolution qui créera la Femme.
Références
Blaffer Hdry S (1999) Mother Nature: A History of Mothers, Infants, and Natural Selection. Pantheon Books, New York, 723 p Cézilly F (2014) De Mâle en père : à la recherche de l’instinct
paternel. Buchet Chastel, Paris, 272 p
Martin R (2013) How We Do It. The Evolution and Future of Human Reproduction. Basic Book, Philadelphia, 304 p Patou-Mathis M (2020) L’Homme préhistorique est aussi une
femme - Une histoire de l’invisibilité des femmes. Allary Éditions, Paris, 352 p
TestartA (2014) L’amazone et la cuisinière : anthropologie de la division sexuelle du travail. Gallimard, Paris, 188p
Et l’évolution créa la femme
Pascal Picq, Éditions Odile Jacob, Paris, octobre 2020, ISBN : 978-2738152138, 462 p, 22,90 €
Gwenaëlle Goude 1*
1 Aix Marseille Univ, CNRS, Minist Culture, LAMPEA, Aix-en-Provence, France
* gwenaelle.goude@univ-amu.fr
Reçu : 02 juillet 2021 ; accepté : 25 juillet 2021 Bulletins et Mémoires de la Société d’Anthropologie de Paris