CONTRIBUTION
A L’ÉTUDE DE L’UTILISATION DU LAIT PAR LES JEUNES ANIMAUX
A.
M. LEROY,
G. LERY, S. ZELTERLaboratoire de recherches de Zootechnie de l’Institut National
Agronomique
PLAN DU
MÉMOIRE
Première
Partie :
Utilisation del’énergie
du lait.Exposé
de la méthodeexpéri-
mentale utilisée. Mesure des
ingesta
et excreta.Interprétation
des résultatsobtenus.
Application pratique
de ces résultats à la détermination desquantités
de lait nécessaires à dejeunes
animaux dont on connaît lepoids
et le
gain
depoids quotidien.
Seconde
partie .
Utilisation de l’azote du lait. Variabilité du coefficient de réten- tion et de la valeurbiologique
de l’azote dulait,
en fonction del’énergie
em-pruntée
aux matières azotées pouréquilibrer
lesdépenses
del’organisme
Valeurs limites de ces coefficients.
PREMIÈRE PARTIE :
UTILISATION DE
L’ÉNERGIE
DU LAITEXPOSÉ
DE LAMÉTHODE UTILISÉE
Au cours d’une série de 18
expériences, poursuivies
sur des agneaux, desporcelets
et un veau, nous avons eu l’occasion d’étudier leséchanges
nutri-tionnels
d’énergie
de nosanimaux,
parl’emploi
combiné des deux méthodes de calorimétrieindirecte,
la méthode des bilans azote - carbone et la méthode deséchanges
gazeux.Pendant les
essais,
dont la durée était d’une semaineenviron,
les animaux étaientplacés
dans des cagesmétalliques,
munies d’un doublegrillage,
per- mettant de recueillir sanspertes
notables etséparément
les excréments solides et les urines. Pourl’analyse
des gaz de larespiration,
nous nous sommes servisd’un
appareil
àconfinement,
formé d’une clochemétallique
mobilequi pouvait
être
placée
à volonté sur les cages, en assurant une étanchéitéparfaite
au moyen d’une rainure contenant de l’eauaiguisée
d’acidesulfurique.
La durée dechaque expérience
de confinement variait avec la taille des animaux. Elle a pu atteindrejusqu’à
2heures,
pour les agneaux.L’analyse
des gaz de la cloche immédiate- ment au début et à la fin dechaque expérience permettait
de calculer les quan- titésd’oxygène
consommé et de gazcarbonique rejeté
au cours de l’essai.A la condition de
multiplier
les mesures, dejour
comme denuit,
aux différentesheures,
et de construire pourchaque
semained’expérience
les courbesexpri-
mant les variations des
échanges
gazeux en fonction dutemps
pour unepériode
témoin moyenne allant de o à 24
heures,
nous avons pu calculer les consomma- tionsjournalières d’oxygène
et les émissionscorrespondantes
de gaz carbo-nique
avec uneapproximation suffisante,
ainsi que nouspouvions
enjuger
par la concordance satisfaisante des mesures effectuées aux mêmes
heures,
à desjours
différents.On
sait,
eneffet,
que si l’on connaît la consommationd’oxygène
d’unanimal en un
temps donné, exprimée
enlitres,
à 00et sous7 6o
mm depression,
d 1 1 t... zC02
d, t t 1 d, d, , . d’une
part,
et lequotient respiratoire Q 2 , d’autre part,
la dépense d’énergie exprimée
en calories, pendant
le même temps
est égale
au volume v d’oxygène
ainsi mesuré
multiplié
par un coefficient déduit parinterpolation
du tableauci-après :
La
figure
ici-jointe,
donnée à titred’exemple, correspond
au cas d’unagneau
régulièrement
alimenté toutes les sixheures,
observépendant
troisfois 24 heures. La courbe en traits
pleins correspond
auxdépenses exprimées
en calories par
heure,
calculéesd’après
la consommationd’oxygène
mesuréeau cours de
chaque
essai. La courbe enpointillé
montre la variation du coeffi- cientrespiratoire
2!!2. Enfin, les flèches correspondent
aux heures de début
des repas, et les nombres inscrits au-dessous de chacune d’elles indiquent
la
quantité
de lait absorbée par repas, exprimée
en grammes.
D’après
cesrésultats,
ladépense d’énergie
del’animal,
s’est élevée à6 97
calories par 24 heures.
Tous les résultats
figurant
à la fin duprésent
travail ont été obtenus de cette manière.Mesure des Ingesta
Les agneaux ont été nourris par leurs mères. Pour la détermination aussi
précise
quepossible
de leursingesta,
nous avons utilisé ledispositif expéri-
mental
ci-après :
Les agneaux ont été
pesés
avant etaprès chaque
repas, enprenant
le soin d’éviter entre lespesées
la défécation ou l’émissiond’urine, opération
relativement facile à condition de surveiller attentivement les
sujets.
Afin d’établir pour
chaque
repas et avec le maximum d’exactitude lacomposition
du laitingéré,
nous avonsprélevé
des échantillons avant etaprès chaque traite,
surchaque quartier
demamelle,
etmélangé
ces derniers àvolumes égaux
avant de lesanalyser.
Pourjustifier
cettefaçon d’opérer,
nous avonsprocédé, plusieurs
fois desuite,
à la traite continue de trois brebis enopérant quartier
parquartier,
et nous avonsanalysé séparément
les échantillons récoltésaux différents moments de la traite. Voici les résultats de ces déterminations :
3
0
Détermination du taux d’extrait sec à 1000 :La concordance entre les taux de matière grasse, de matière azotée et d’extrait sec de l’ensemble de la traite et les taux
correspondants
d’unmélange
du début et de la fin de cette traite s’étant montrée très
satisfaisante,
nousavons
calculé,
par lasuite,
lesingesta
avec l’aide del’analyse
d’un échantillon moyenprélevé
dans les conditionsprécitées. L’erreur
relative ainsicommise,
dont l’ordre degrandeur
était au maximum de 2%, pouvait
êtrenégligée
sansinconvénient.
Le veau a été alimenté au seau, et les
porcelets
aubiberon ;
nous n’avonsdonc pas
éprouvé
dans ces casparticuliers
de difficultésspéciales
pour la me- sure exacte desquantités
de matériauxingérés.
Toutes cesexpériences
ontété effectuées dans un local à la
température
moyenne de 18o.Résultats
expérimentaux
D’après
les résultats détaillés de lapremière expérience
sur agneau, voici dequelle
manière ont été effectués les calculs pour arriver à la détermination de laperte d’énergie
par 24heures, provenant
dujeu
des métabolismes. Nousavons ainsi combiné les deux méthodes de mesure, et
pris
la valeur moyennedes données fournies par chacune d’elles.
Le lecteur trouvera à la fin de cet article les données les
plus
caractéris-tiques, correspondant
à chacune des i8expériences
que nous avons effectuées.Interprétation
des résultats obtenusEn
groupant
nos résultatsd’après
le tableau 4ci-après,
nous avons par-tagé
danschaque
cas laquantité d’énergie perdue
par lejeu
des métabolismesen deux fractions : la
première correspond
à ladépense
defond,
oudépense
dite du métabolisme
basal, qui correspond
comme nous le savons, à ladépense théorique
de l’animalsupposé
dans l’état dejeûne
et au reposcomplet ;
laseconde est une
dépense supplémentaire
entraînée par la consommation desaliments,
sous l’influence excitante des matériauxingérés
et desproduits
deleur métabolisme.
Si nous comparons dans
chaque
cas lesupplément d’énergie provenant
de cette action excitante à laquantité correspondante
de matière sècheingérée,
les résultats obtenus
paraissent
assez sensiblement constants,surtout si l’on tientcompte
des erreursexpérimentales possibles.
Ladépense supplémentaire
ainsidéfinie est en moyenne de
1 , 0 6
calories par gramme de matière sècheingérée,
pour les agneaux, de o,95 cal pour le veau et
de o, 9 8
cal pour lesporcelets.
Pour une
première approximation,
nous pouvons en fixer la valeur à une calo- rie par gramme. Cetteconclusion,
à la foissimple
etimportante,
est en par- faite harmonie avec la théorieexposée
à maintesreprises
par l’un de nous, etqui
a faitl’objet
d’une communication de DELAGE et GASNIERpubliée
dansles
comptes
rendus du VeCongrès
International deZootechnie,
tenu à Parisen novembre 1949.
Des
conséquences pratiques
utiles aux éleveurs découlent de nos observa- tions. Il estpossible,
eneffet,
à l’aide de cequi précède,
de calculerrapidement
la
quantité
de laitindispensable
à un animal d’uneespèce
donnée dont on connaît à la fois lepoids
et legain quotidien. Rappelons
d’abordquels sont,
pour les
bovins,
ovins etporcins,
les besoins d’entretien et deproduction,
évalués en calories
d’énergie
nette :D’après
leurcomposition
moyenne, les laits de brebis et de truie ont unevaleur
calorifique
de i 200 calories parkg
pour 8%
de matière grasse avec une teneur en matière sèchecorrespondante
de 190 g, cequi correspond
ài i2o calories
d’énergie
métabolisable.Quant
au lait devache,
pour une teneur moyenne de4%
de matière grasse,sa valeur
calorifique
parkg
est de 7gocalories,
avec 130 g de matièresèche,
et 700 calories
d’énergie
métabolisable.Pour un animal
donné,
dont le besoind’énergie
nette est de e +!, l’équa-
tion à résoudre faisant connaître la
quantité
de lait nécessaireprend
la formesuivante : .
1
0
Energie
métabolisableprovenant
du lait = e -f-fi +
ms x ical,
danslaquelle
mscorrespond
à la masse de matière sèche du laitingéré.
Désignons
maintenant par X laquantité
de laitcherchée,
et supposons que l’animalqu’il s’agit
de nourrir est un agneau ou unporcelet.
Dans ce cas,l’équation i)
devient :équation
danslaquelle
X estexprimé
enkg.
La résolution de
l’équation
donne :On trouverait de
même,
enappliquant
cette formule au cas du lait devache,
pour la valeurcorrespondante
de X :Voici,
parexemple,
comment il faut calculer la ration de lait nécessaire à un agneau de 2semaines, qui pèse
8kg
et gagne 250 g parjour :
Pour un veau de 80
kg âgé
de 4ojours, qui
gagne ikg
depoids
vif parjour,
le besoin de lait à 4
%
de matière grasse se calcule ainsi :L’un
desprincipaux avantages
de cette méthode est depermettre
d’éva-luer,
enquantité
de laitayant
lacomposition
moyenneconventionnelle,
laproduction journalière
d’une femellequi
allaite saprogéniture. Voici,
eneffet,
de
quelle
manière il convientd’opérer
pour connaître laproduction
laitièred’une truie dont les 8
porcelets, âgés
de troissemaines, pèsent
en moyenne chacun 5kg,
etgagnent
180g parjour :
En nous servant des données
précédentes,
nous avons établi lesgraphiques
de la
figure
2,qui
fournissent parsimple
lecture laproduction
laitière d’unebrebis,
en fonction del’âge
et dugain journalier
depoids
vif de son agneau.Ces
graphiques
montrent que, pour les bonneslaitières,
laproduction, exprimée
en lait à 8
%
de matière grasse, s’élèverégulièrement jusqu’à
la fin dupremier mois,
c’est-à-dire àl’âge
oùl’agneau
va commencer à consommer la nourri-ture mise à sa
disposition
pourcompléter
le lait maternel.DEUXIÈME PARTIE :
UTILISATIONS DE L’AZOTE DU LAIT
Au cours des 18
expériences précitées
de métabolisme effectuées sur des veaux, des agneaux et desporcelets,
nous avons mesuré avecexactitude,
pourchaque essai,
lesquantités
d’azoteingérées
par nossujets,
en mêmetemps
que lesquantités correspondantes
d’azote fécal et d’azote urinaire. Il a donc étépossible,
danschaque
cas, de calculer le coefficient de rétention de l’azote ali-mentaire,
au ! ! ! ! Ningéré
-(N
fécal + Nurinaire) mentaire,
au moyen - de la formule :N ingéré - (N N ingéré fécal + N urinaire) N ingéré
D’autre
part,
en tenantcompte
à la fois despertes
d’azoted’origine
endo-gène, provenant
du tubedigestif
et desreins,
nous avonségalement
tenté d’évaluer danschaque
cas la valeurbiologique
de l’azoteingéré,
en nousservant de la formule
classique :
Pour
l’application
de cetteformule,
nous avons admis que laperte
d’azote fécalmétabolique
était dans tous les cas deo,6 4
g parkilogramme
de matièresèche
ingérée.
En cequi
concerne l’évaluation de l’azote urinaired’origine endogène,
nous avons admis que cettedépense
étaitproportionnelle
à la dé-pense
calorifique quotidienne
des animauxsupposés placés
dans les conditions de la mesure du métabolisme basal. Les coefficients utilisés pour ces calculsfigurent
au tableauci-après :
La connaissance du
poids
desanimaux, complétée
dansquelques
caspar
la mesure directe du métabolisme basal sur des
sujets
àjeun
et au repos nousa
permis
d’effectuer les calculsindiqués
ci-dessus. Nous avons ainsi obtenu les résultatsexpérimentaux
du tableau VII.A
première
vue, la variabilité et la faible valeur moyenne des indices ainsi calculés estsurprenante,
si l’on se souvient que la valeurbiologique
desprotéines
dulait,
mesurée sur des animaux de laboratoire parvenus àl’âge
adulte,
est de8 5 .
Mais l’étude attentive deséchanges énergétiques
de nossujets
nous montre que
les jeunes
animaux exclusivement nourris de lait utilisent pour leurrégulation thermique,
ainsi que pour le fonctionnement de leursorganisme,
c’est à dire et pour les réactionsqui
sont la condition de la vie cellu-laire,
une fractionimportante
del’énergie
métabolisableprovenant
des ma-tières azotées
ingérées.
Les données recueillies par nos soins nous ontpermis
dans
chaque
cas de mesurer la valeur de cette fraction. Pour ne pascompliquer
notre
exposé,
nous nous sommes bornés àreproduire
en détail les résultats de deuxexpériences (expérience
no i, sur agneau, etexpérience
n° iq., surveau).
Le tableau IX
ci-joint
montrequelle
aété,
pour chacune des 18expé- riences,
larépartition
del’énergie
métabolisableprovenant
des matières azotées entrel’énergie
mise en réserve sous forme de tissus decroissance,
d’unepart,
et
l’énergie dissipée
à l’extérieur à la suite dujeu
desmétabolismes,
d’autrepart.
En nous servant des données des tableaux
précédents,
nous avons construitles
graphiques
de lafig.
3, enportant
en abscisses lesrapports
de la dernièrecolonne du tableau
IX,
d’unepart,
et d’autrepart,
les valeurscorrespondantes
des coefficients de rétention
(représentées
par descroix)
et des valeurs biolo-giques (représentées
par despoints).
Il suffit d’un
simple
examen de cesgraphiques
pour se rendrecompte
queles deux séries de
points
et de croix sontalignées
sur des droites dont il est aisé de calculer lesparamètres
par la méthode des moindres carrés. Nous trou-vons ainsi pour la
première
de cesdroites, qui
serapporte
aux valeurs biolo-giques, l’équation :
et pour la
seconde, qui correspond
aux coefficients de rétention .Nous en concluons que dans
l’hypothèse
où les besoinsénergétiques
del’animal
pourraient
être satisfaits en totalité par desglucides
et deslipides,
la transformation de la matière azotée du lait en matière azotée des tissus de croissance
pourrait
se faire avec un coefficient deperte insignifiant,
cequi
revientà dire que la valeur
biologique
mesurée dans ces conditions devrait être très voisine de 100. De soncôté,
le coefficient derétention, qui
serapproche
de lavaleur
biologique
à mesure quel’énergie empruntée
aux matières azotées pour lejeu
des métabolismesdiminue, prend
une valeur limite de9 6,
dansl’hypo-
thèse de la
suppression
de cetemprunt.
CONCLUSIONS S
De l’ensemble de ces
travaux,
il estpossible
de déduire les conclusionssuivantes : ’
1
° La connaissance du mécanisme de l’utilisation de
l’énergie
contenuedans les matériaux
ingérés
avec le laitpermet
de calculer avec uneapproxi-
mation suffisante les
quantités
de lait nécessaires à dejeunes
animaux d’unpoids
donné dont on veut obtenir ungain quotidien
déterminé.L’emploi
dela méthode ainsi définie
permet également
de connaître laproduction
laitièred’une femelle allaitant ses
petits,
en fonction de la vitesse de croissance deces derniers.
2
° L’utilisation de l’azote du lait est limitée par la nécessité dans
laquelle
se trouve